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Le Chant du cygne

Paris
Palais Garnier
02/24/2015 -  et 25, 26, 27, 28 février, 2, 3, 4, 5, 6, 9, 10, 11, 12 mars 2015
Le Chant de la terre
John Neumeier (chorégraphie, décors, costumes et lumières), Gustav Mahler (musique)
Les Etoiles, les Premiers Danseurs et le Corps de Ballet de l’Opéra national de Paris
Burkhard Fritz*/Nikolai Schukoff (ténor), Paul Armin Edelmann*/Oddur Jönsson (baryton), Orchestre de l’Opéra national de Paris Patrick Lange (direction musicale)


L. Pujol, M. Ganio (© Ann Ray/Opéra national de Paris)


John Neumeier, 72 ans, a fait danser sur presque toute la musique de Gustav Mahler. Sauf sur Le Chant de la terre. Il dit dans le programme de cette dernière création pour le Ballet de l’Opéra de Paris: «je pense que ce sera le dernier Mahler que je chorégraphierai.» Et justifie cette longue attente par le fait qu’il a longtemps été inhibé par celui réglé par Kenneth MacMillan pour le Ballet de Stuttgart à la création duquel, jeune danseur, il a participé. Il n’est pas interdit de penser que le nature même de l’œuvre, cette riche «symphonie de Lieder» selon l’expression d’Henry-Louis de La Grange, avec son symbolisme oriental et la très lourde douleur de son dernier poème («Der Abschied», «L’Adieu»), dont Mahler a écrit en partie le texte, a dû aussi lui paraître une tâche considérable, même colossale.


De fait, en sortant de la création mondiale de cette très considérable chorégraphie, en étant tout à fait conscient qu’il faudrait la revoir à plusieurs reprises pour en saisir toutes les facettes et tout ce que John Neumeier avec sa sensibilité musicale exceptionnelle et son immense expérience de l’œuvre du compositeur viennois, on se prend à penser que la très grande force de cette musique jouée et chantée par d’excellents interprètes peut distraire l’œil de ce qui se passe sur scène. Et pourtant Neumeier donne à voir dans ce Chant de la terre! Peut-être le plus étonnant, une admirable scénographie dont il est entièrement l’auteur. Une scène quasi vide meublée d’un petit tremplin amovible et surmontée d’un plateau en miroir opaque. Au fond un grand cercle qui fait tour à tour office de soleil, de lune, d’instrument astronomique. Des costumes simples, quasi identiques pour chaque danseur (jeans et juste au corps) et danseuse (robe longue comme les affectionnait Pina Bausch), mais de couleur changeante pour chaque tableau et les éclairages les plus virtuoses et inventifs, les inévitables vapeurs de brume n’apportant pas un grand appoint.


La chorégraphie suit chaque chant avec un Prologue ajouté par Neumeier et composé d’extraits enregistrés du sixième chant de la version pour piano seul du Chant de la terre. On ne peut pas dire que le chorégraphe ait cherché l’illustration mais on ne peut pas dire le contraire non plus. Chaque chant évolue dans une atmosphère singulière, lumière solaire pour le «Chant à boire de la douleur de la terre» qui ouvre le cycle, plus nocturne pour «Le Solitaire en automne», soleil rougeoyant pour «De la jeunesse» et, pour le long et dernier chant, une succession d’ambiances allant du crépuscule à la nuit profonde. Quasiment chaque chant offre son pas de deux, tous absolument admirables, se distinguant par des portés d’une originalité et d’une élégance qui sont la signature de Neumeier. Les quatrième et cinquième chants, respectivement «De la beauté» et «L’Homme ivre au printemps», sont les plus illustratifs et évoquent pour le premier des danseurs de fresques grecques en sarabandes et pour le second donne au soliste (l’admirable Vincent Chaillet) le moment le plus illustratif de toute la pièce, le seul où l’humour affleure. Beaucoup de références à l’Orient aussi, inspirées par la substance littéraire de ces poèmes chinois du VIIe siècle et à l’éternité du monde que suggère le douloureux adieu final.


Les interprètes de la première se sont montrés à la hauteur du propos avec dans les trois «rôles» principaux Mathieu Ganio, Laëtitia Pujol et Karl Paquette, étoiles à qui Neumeier a fait la part belle principalement dans «L’Adieu», message d’adieu au monde et à la vie allant de la douleur à l’extase et promesse de vie éternelle, avec un pas de deux très sensuel entre les deux danseurs, suivi, après le long pont orchestral, d’un pas de deux final compassionnel finissant en ombre chinoise dans lequel Pujol et Ganio ont montré, autant que la trentaine de danseurs impliquée dans la chorégraphie, que le Ballet de l’Opéra de Paris se montre plus que digne de ce dernier hommage de Neumeier à Mahler.


Malgré la configuration un peu étrange mais inévitable dans laquelle la pièce a été jouée (orchestre dans la fosse, chanteurs le surplombant mais sur les côtés de la scène), l’interprétation de l’ultime chef d’œuvre mahlérien par l’Orchestre de l’Opéra de Paris dirigé par Patrick Lange était tout à fait satisfaisante et, la version avec baryton ayant été choisie, on a apprécié la première distribution avec Burkhard Fritz, un ténor de caractère idéal, et Paul Armin Edelmann, baryton très à l’aise dans les aigus.



Olivier Brunel

 

 

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