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Six heures et demi de Handel

Bruxelles
La Monnaie
01/27/2015 -  et 29, 31 janvier, 4, 6, 8* février 2015 (Tamerlano), 28, 30 janvier, 1er, 3, 5*, 7 février 2015 (Alcina)
George Frideric Handel: Alcina, HWV 34
Sandrine Piau (Alcina), Maité Beaumont (Ruggiero), Angélique Noldus (Bradamante), Sabina Puértolas (Morgana), Chloé Briot (Oberto), Daniel Behle (Oronte), Giovanni Furlanetto (Melisso), Edouard Higuet (Astolfo)
George Frideric Handel: Tamerlano, HWV 18
Christophe Dumaux (Tamerlano), Jeremy Ovenden (Bajazete), Sophie Karthäuser (Asteria), Delphine Galou (Andronico), Ann Hallenberg (Irene), Nathan Berg (Leone), Caroline D’Haese (Zaide)
Chœur de chambre de l’IMEP, Benoit Giaux (chef du chœur), Les Talens Lyriques, Christophe Rousset (direction musicale)
Pierre Audi (mise en scène), Patrick Kinmonth (décors, costumes), Matthew Richardson (éclairages)





Le même metteur en scène, le même décor, le même orchestre, le même chef mais deux distributions pour deux opéras de Handel alternés durant treize jours : la Monnaie continue à faire preuve d’audace en programmant la mise en scène d’Alcina (1735) et de Tamerlano (1724) que Pierre Audi a conçue à l’origine pour le petit théâtre de Drottningholm. D’une grande sobriété, au point de ne retenir que le minimum, le dispositif s’inspire de la machinerie baroque sans souci de reconstitution historique puisque la scène montre l’envers non travaillé du décor. La preuve : les panneaux à la fin se retirent pour révéler un entrepôt aux murs recouverts de lattes de bois, le même à chaque fois, sauf qu’il contient des caisses dans Alcina alors que dans Tamerlano, le plateau ne comporte plus, comme accessoires, qu’une chaise – du même modèle, à première vue, que celle utilisée dans l’autre opéra – et la coupelle qui contient le poison avec lequel Bajazet se suicide.


Pas de bougies pour éclairer la scène mais les costumes, somptueux, s’inspirent de l’époque du Caro Sassone. Heureusement toutefois que le spectacle s’appuie sur un jeu scénique étudié et convaincant car les décors changent peu, immuables et éclairés de la même manière parfois pendant une heure et demi. Il se dégage cependant beaucoup de beauté, de sobriété et de cohérence dans ce double spectacle, Pierre Audi traduisant à juste titre le ton et l’impulsion propres à chaque ouvrage, le dramatisme de Tamerlano, la légèreté teintée de gravité d’Alcina. Voici un antidote efficace pour ceux qui ne se remettent toujours pas du Don Giovanni de Warlikowski.



Alcina (© Bernd Uhlig)


Les Talens Lyriques et Christophe Rousset occupent de nouveau la fosse de la Monnaie quatre ans après la reprise de Médée de Chérubini montée pour la première fois en 2008. Les restrictions budgétaires qu’impose le gouvernement fédéral devraient d’ailleurs raréfier l’apparition, dans cette salle, d’orchestres jouant sur instruments anciens. Le chef dispense un accompagnement vif, contrasté et décanté, la rigueur de la mise en place compensant les approximations inhérentes à l’emploi d’instruments de nature plus rétive – la sonorité demeure toutefois admirable. Rousset se montre particulièrement inspiré dans Tamerlano dont il restitue toute l’intensité et l’urgence mais il obtient aussi dans Alcina beaucoup de douceur et de poésie de la part de l’ensemble qu’il a fondé en 1991.



Tamerlano (© Bernd Uhlig)


Rompues aux exigences de ce répertoire, les deux distributions atteignent l’excellence. Annoncée souffrante, Sandrine Piau n’en laisse pourtant rien paraître : épanouie, malgré quelques passages plus difficilement négociés, la voix possède suffisamment de volume et de puissance, l’émission, plutôt nette, ne pose pas de difficulté majeure. Le Ruggiero de Maité Beaumont constitue une grande révélation. Dotée d’une voix somptueuse, la mezzo signe une incarnation d’une justesse impeccable et d’une maîtrise parfaite, le phrasé, l’émission et l’intonation ne souffrant d’aucun reproche. Autre beau mezzo, celui d’Angélique Noldus, s’appropriant sans difficulté le rôle de Bradamante qu’elle aborde pour la première fois, avec style et tempérament.


En Morgana, un rôle qu’elle n’a non plus encore jamais chanté, Sabina Puértolas exploite toute la palette de couleurs de sa voix très agile. Distribuée en Oberto, Chloé Briot met en valeur un timbre engageant et une voix de soprano au beau potentiel dramatique. Daniel Behle apporte de la sobriété et de l’intensité au personnage d’Oronte, qu’il chante avec rigueur et raffinement mais de manière peut-être trop intériorisée. Giovanni Furlanetto a peu à accomplir mais il compose un Melisso d’une forte présence grâce à une voix de basse solide et une attitude convaincante. Intervenant peu, le Chœur de chambre de l’IMEP livre néanmoins une prestation tout à fait convenable sous la conduite de Benoît Giaux.


La distribution de Tamerlano évolue au même niveau. Le rôle-titre revient à Christophe Dumaux, contre-ténor à la voix souple et raffinée, mais l’incarnation ne présente pas autant de force et de contrastes que celle, extraordinaire, de Jeremy Ovenden. Très crédible physiquement (dos voûté, cheveux gris et longs), ce dernier révèle la richesse psychologique du personnage de Bajazet tout en développant un chant de haute tenue – voix dense, timbre admirable, intonation et phrasé irréprochables. Le ténor signe de fabuleux débuts dans ce rôle très valorisant qui lui convient parfaitement. Autre merveille de cette distribution de haut vol, l’Asteria de Sophie Karthäuser, soprano désormais incontournable et dans la plénitude de ses moyens : impossible de résister à cette voix souple, à ce chant orné, à cette présence souveraine.


L’Andronico de Delphine Galou se positionne plus en retrait à cause d’un tempérament moins flamboyant – le contralto, qui aborde le personnage pour la première fois, assimile adroitement le style de cette musique dans laquelle elle évolue naturellement. Inutile de présenter Ann Hallenberg, monumentale mezzo à la voix saisissante et puissamment projetée, qui se produit pour la première fois sur cette scène – il est à peine croyable que le public de la Monnaie l’entende seulement maintenant. Nathan Berg, enfin, met sa voix de baryton séduisante au service du rôle de Leone auquel il confère du caractère. La production, à l’affiche du Nationale Opera d’Amsterdam à partir du 24 février, recourt dans chaque opéra à deux comédiens que la mise en scène délaisse quelque peu : Caroline D’Haese (Zaida dans Tamerlano) et Edouard Higuet (Astolfo dans Alcina).



Sébastien Foucart

 

 

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