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Sauvé par la distribution Lille Opéra 01/27/2015 - et 29 janvier, 1er, 3, 6* février 2015 Wolfgang Amadeus Mozart: Idomeneo, K. 366 Kresimir Spicer (Idomeneo), Rosa Feola (Ilia), Patrizia Ciofi (Elettra), Rachel Frenkel (Idamante), Edgaras Montvidas (Arbace), Emiliano Gonzalez Toro (Gran Sacerdote), Bogdan Talos (La Voce)
Le Concert d’Astrée, Xavier Ribes (chef de chœur), Emmanuelle Haïm (direction)
Jean-Yves Ruf (mise en scène), Laure Pichat (décors), Claudia Jenatsch (costumes), Christian Dubet (lumières), Gaëtan Besnard (vidéo)
(© Frédéric Iovino)
La direction d’Emmanuelle Haïm ne réserve plus de surprises : intense, franche, parfois trop tranchée, mais aussi enveloppante et capable de douceur, elle respecte l’intégrité des chanteurs. Le chef du Concert d’Astrée témoigne de beaucoup d’affinité avec Mozart comme le rappellent Les Noces de Figaro en 2008 et La finta giardiniera en mars dernier. L’orchestre affiche de la bonne volonté mais les bois se montrent de temps à autre approximatifs tandis que la sonorité, à l’acidité typique de ces ensembles, paraît parfois grossière. Le Concert d’Astrée, ce sont aussi des choristes: bien préparés par Xavier Ribes, ils livrent une prestation harmonieuse et expressive malgré une attitude souvent figée.
La mise en scène de Jean-Yves Ruf trouve difficilement l’impulsion nécessaire pour conférer du souffle à Idoménée (1781) à cause d’un jeu d’acteur peu persuasif et d’une approche peu aventureuse. Les personnages se détachent mais ils ne marquent pas les esprits: Idoménée en impose mais Arbace, par exemple, suscite peu d’intérêt. Cette relecture moderne mais pertinente de cet épisode de la mythologie grecque s’appuie sur une scénographie cohérente et évocatrice qui finit par séduire: l’idée du plateau circulaire qui tourne sur lui-même n’est pas très originale mais les toiles lors de la tempête et l’arbre au feuillage rougeoyant à la fin de l’opéra apportent de la légèreté et de la poésie.
La distribution sauve le spectacle de l’ennui. Le timbre de granit de Kresimir Spicer ne compte pas parmi les plus séduisants, bien qu’il produise des aigus lumineux, mais le ténor impressionne en Idoménée, et pas seulement à cause de sa carrure: chant habité, émission impeccable, intonation parfaite, phrasés profilés, les qualités s’accumulent. Le ténor croate se couvre de gloire mais ses partenaires se montrent aussi dignes que lui de la réputation de l’Opéra de Lille. En Idamante, Rachel Frenkel, dotée d’un timbre remarquable, affiche du tempérament et dispense un chant de grande plénitude. Distribuée en Ilia, Rosa Feola met en valeur une voix rayonnante dans l’aigu et somptueuse dans le médium mais l’intonation accuse quelques limites. Patrizia Ciofi incarne Elettra en se profilant en tragédienne, la soprano forgeant des graves corsés grâce à l’ampleur et à la puissance de sa voix. Edgaras Montvidas livre, quant à lui, une interprétation d’Arbace d’une grande intégrité vocale mais théâtralement plus quelconque tandis qu’il revient à Emiliano Gonzalez Toro d’interpréter un Grand-Prêtre cocasse et convenablement chanté.
Idoménée a bien de la chance en ce moment puisque cette production rejoint celles montées tout récemment à Montpellier et à Lyon.
Sébastien Foucart
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