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Caprices des dieux

Geneva
Grand Théâtre
01/25/2015 -  et 27, 29, 31 janvier, 2*, 4 février 2015
Christoph Willibald Gluck : Iphigénie en Tauride
Anna Caterina Antonacci*/ Mireille Delunsch (Iphigénie), Bruno Taddia (Oreste), Steve Davislim (Pylade), Alexey Tikhomirov (Thoas), Julienne Walker (Diane), Michel de Souza (Un Scythe), Mi-Young Kim (Première Prêtresse), Marianne Dellacasagrande (Seconde Prêtresse), Cristiana Presutti (Une Femme grecque), Wolfgang Barta (Le Ministre du sanctuaire)
Chœur du Grand Théâtre de Genève, Alan Woodbridge (préparation), Orchestre de la Suisse Romande, Hartmut Haenchen (direction musicale)
Lukas Hemleb (mise en scène), Alexander Polzin (décors), Andrea Schmidt-Futterer (costumes), Marion Hewlett (lumières), Joanna O’Keeffe (collaboration chorégraphique)


(© GTG/Carole Parodi)


Le rôle arrive peut-être un peu tard pour elle, mais malgré quelques problèmes d’intonation dans l’extrême aigu et des aspérités dans la voix, Anna Caterina Antonacci vient d’incarner une sublime Iphigénie au Grand Théâtre de Genève. Une Iphigénie certes plus lyrique que tragique, rendue justement fragile et bouleversante par une ligne vocale parfois malmenée, comme si elle traduisait les doutes du personnage. Endossant les habits de l’héroïne grecque, la cantatrice italienne a su émouvoir et éblouir tout à la fois. Habitée par son personnage, lançant des regards hallucinés, elle semblait comme seule sur scène, captant toute l’attention du public. Dans un français impeccable, elle a parfaitement rendu toute la palette des sentiments et des émotions qui animent la fille d’Agamemnon, de l’imploration à l’exaltation, de la tristesse à la joie. Bien plus qu’une leçon de chant, Anna Caterina Antonacci a livré une magistrale leçon d’engagement scénique et d’adéquation au rôle.


Face à une telle interprète, véritable tragédienne, les autres solistes ont eu un peu de mal à exister, à l’exception de Steve Davislim en Pylade, qui a su tirer son épingle du jeu grâce à un chant sobre, stylé et nuancé. Un chant à l’exact l’opposé de celui de Bruno Taddia en Oreste, lequel, s’il a séduit par sa vaillance et sa véhémence, a manqué néanmoins de nuances et de couleurs. Et que dire du roi Thoas brut de décoffrage d’Alexey Tikhomirov, sinon que sa voix était rugueuse et fruste. En revanche, les seconds rôles méritent tous d’être relevés pour leur très bon niveau d’ensemble. Malgré quelques décalages gênants avec la fosse, le Chœur du Grand Théâtre a une nouvelle fois fourni une magnifique prestation, apportant la preuve que le travail avec son nouveau maître de chant se déroule pour le mieux.


Le second triomphateur de la soirée aura été sans conteste le chef Hartmut Haenchen, qui a ciselé la partition en orfèvre, tout en finesse et en nuances, avec des colorations subtiles, l’Orchestre de la Suisse Romande répondant parfaitement à ses intentions. La mise en scène a laissé, quant à elle, des impressions plus mitigées. Dans un théâtre antique en ruines, tous les protagonistes ainsi que les choristes étaient doublés d’une marionnette grandeur nature, agissant comme un miroir des personnages et révélant d’autres pans de leur personnalité. Passionné par le Japon, l’Allemand Lukas Hemleb a voulu associer la tragédie antique au théâtre bunraku (marionnettes), avec de surcroît des costumes et des maquillages rappelant le théâtre kabuki. Les marionnettes évoquent évidemment les fils du destin, soumis aux caprices des dieux, des caprices qui ont lourdement pesé sur la lignée des Atrides. Esthétiquement, la production est une incontestable réussite, mais les marionnettes tendent à alourdir le propos, au lieu de le simplifier et de l’épurer, comme le veut le théâtre japonais.


Quoi qu’il en soit, cette Iphigénie en Tauride était très attendue à Genève, où le chef-d’œuvre de Gluck n’avait plus été représenté depuis près de quarante ans. Pour marquer le coup, le Grand Théâtre a eu l’heureuse initiative, en marge de la série de représentations, de réunir sur scène, pour une soirée, Bernard-Henri Lévy et Marc Bonnant, l’un des avocats genevois les plus réputés et par ailleurs orateur brillant. Tous deux ont débattu de l’Iphigénie de Goethe, dont deux extraits ont été interprétés par les comédiens Isabelle Caillat et Alain Carré. Cette « joute » a fasciné le nombreux public présent, ravi de l’érudition, de l’éloquence et des bons mots des deux orateurs. L’expérience sera renouvelée en avril à l’occasion de la Medea de Cherubini.



Claudio Poloni

 

 

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