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Junior

Toulouse
Halle aux Grains
02/03/2001 -  
Joseph Haydn : Symphonie N° 96 “Le Miracle”
Igor Stravinski : Concerto pour violon et orchestre
Edgar Varèse : Amériques
Sergei Prokofiev : Roméo et Juliette (extraits)

Orchestre National du Capitole de Toulouse, Emmanuel Plasson (direction), Hilary Hahn (violon)

Difficile, pour un jeune artiste, d’imposer un prénom lorsque l’on porte un nom déjà célèbre. Pour un Carlos Kleiber éclipsant presque la renommée d’Erich, ou un Paavo Järvi bientôt plus acclamé que Neeme, combien de Jeremy Menuhin ou même d’Igor Oistrakh -pourtant excellent violoniste-, vivants dans l’ombre d’un père fameux. Cependant, cette situation ne présente pas que des inconvénients. Ainsi, Emmanuel Plasson a-t-il eu l’honneur, accordé à bien peu de jeunes chefs français, de diriger l’orchestre du Capitole dans la série “Privilège” où il côtoie cette année, outre un certain Michel P., Georges Prêtre, Emmanuel Krivine et Gerd Albrecht.

Mais, foin des références à un géniteur encombrant, Emmanuel Plasson a su développer un style personnel et toute comparaison père/fils serait vaine.

Ce concert a permis de découvrir un chef plein d’énergie et visiblement très impliqué, mais avec comme revers de la médaille un manque certain d’élégance et une direction parfois brouillonne. La symphonie de Haydn, carrée et sans grâce, illustrait tout à fait ces limites, d’autant que la finition orchestrale en était bien approximative, accumulant les fausses attaques des cordes, chose tout de même assez rare avec l’orchestre du Capitole, dans une impression de fuite en avant pas toujours maîtrisé malgré un choix de tempos judicieux.

La suite du programme, consacrée à la musique du XX° siècle, montrait Emmanuel Plasson en territoire visiblement plus familier.
Le Concerto de Stravinski bénéficiait une finition orchestrale d’un tout autre niveau, même si le chef, très attentif à sa soliste, y a paru un peu neutre.

Mais l’événement dans cette œuvre était, bien sûr, la venue à Toulouse de la jeune violoniste Hilary Hahn, nouvelle égérie de la critique outre-atlantique. Semblant s’amuser des difficultés du Concerto avec une aisance technique sidérante, elle en a pourtant livré une version bien froide, à tel point qu’on pouvait avoir l’impression d’écouter non pas une jeune interprète de dix-neuf ans en paraissant tout juste quatorze, avec sa sage robe en velours bleu et sa coiffure de petite fille rangée, mais quelque vieux professionnel blasé. Tout y était pourtant, la pointe d’acidité de la Toccata, le léger vibrato presque ému dans les Arias, et, bien sûr toutes les notes avec une précision surhumaine. Mais, sans vouloir ressortir le couplet sur tous ces petits génies préfabriqués à la chaîne par les écoles américaines, rien dans tout cela n’évoluait au-delà de la leçon trop bien apprise pour ne pas paraître creuse, passé le choc de la technique. Un extrait de la Première sonate de Bach donné en bis était d’ailleurs éclairant à ce propos. Aucune faute de goût ou de technique -comment serait-ce d’ailleurs possible?- mais un jeu conventionnel, sans souci du style, aux phrasés et au vibrato inadaptés, une version professorale transcendée par une maîtrise parfaite. Mais aucune expression ni sentiment , aucune personnalité ou singularité, ne se dégageaient de ce produit sous cellophane qui a un peu oublié l’ingrédient “émotion”.
Il reste à Hilary Hahn, pour ce détacher du lot de ces confrères un jour encensés et oubliés dés le lendemain, à s’approprier véritablement la musique qu’elle joue pour l’interpréter, en clair à mûrir.

Les extraits de Roméo et Juliette, un peu brefs à vrai dire, étaient la meilleur part du concert, celle où Emmanuel Plasson a montré le plus de rigueur. Malgré l’énergie qui s’en dégageait, il est cependant dommage qu’une certaine propension à niveler la dynamique entre mezzo-forte et fortissimo ait enlevé à l’œuvre beaucoup de légèreté, peut-être pas qualité dominante de ce chef.

Les quelques débordements sonores de Roméo faisaient un peu craindre pour le déferlement tellurique d’Amériques. Sur ce point, le chef ne nous a pas déçus, sollicitant à saturation la puissance sonore permise par les énormes effectifs de l’œuvre, au détriment des passages plus élégiaques.

Un concert tout à fait honorable, qui a montré en Emmanuel Plasson une personnalité musicale certainement estimable, à ce titre ni le père ni le fils n’auront à rougir. Mais lui faire l’honneur, peut-être un peu prématuré, de jouer dans la cour des grands est à double tranchant, car dans un domaine, la direction d’orchestre, où la concurrence est forte, un nom célèbre et un talent honnête ne sont pas suffisants pour s’imposer.






Laurent Marty

 

 

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