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Dopo la musica...

Paris
Opéra Bastille
01/15/2015 -  et 20, 23, 25, 28 janvier, 2, 5, 8, 11, 14 février 2015
Wolfgang Amadeus Mozart : Don Giovanni, K. 527
Erwin Schrott (Don Giovanni), Liang Li (Il Commendatore), Tatiana Lisnic (Donna Anna), Stefan Pop (Don Ottavio), Marie-Adeline Henry (Donna Elvira), Adrian Sâmpetrean (Leporello), Alexandre Duhamel (Masetto), Serena Malfi (Zerlina)
Chœurs et Orchestre de l’Opéra national de Paris, Alain Altinoglu (direction)
«Selon une mise en scène de Michael Haneke»


(© Vincent Pontet/Opéra national de Paris)


Cela commence par un vibrant hommage de Stéphane Lissner aux victimes des attentats terroristes, occasion pour lui de rappeler que l’art ne relève pas du «divertissement consumériste» et peut répondre, à sa façon, au tragique du moment. Le chœur chante ensuite le «Va, pensiero» de Nabucco: beauté du phrasé, subtilité des nuances, homogénéité des voix, c’est aussi superbe qu’émouvant.


Neuf ans après, le Don Giovanni revu par Michael Haneke, qui, à l’occasion de l’année Mozart, signait pour Gerard Mortier sa première mise en scène d’opéra, tient remarquablement le coup, du moins si l’on adhère aux libertés qu’il s’autorise. A La Défense ou à la City, un financier, flanqué d’un assistant à la fois pote, souffre-douleur et double, prend son plaisir dans l’humiliation et l’avilissement de ceux – celles, surtout – qu’il domine par le sexe et l’argent. Le cinéaste autrichien nous montre un des plus cyniques, un des plus détestables Don Giovanni qui soit – même pas sacrilège, car le sacré disparaît, avec ce Commandeur, PDG dont il séduit la fille consentante, réduit à l’état de cadavre en chaise roulante. Le châtiment ne vient pas d’en haut, mais d’en bas, Haneke préférant au tragique la dimension sociale: le personnel de nettoyage, dont font partie Zerline et Masetto, défenestre le méchant homme, qui n’a plus rien du grand seigneur. La production repose sur une direction d’acteurs magnifique de concentration, de pertinence, de force – là où Krzysztof Warlikowski, à Bruxelles, vient de pécher par une certaine dispersion. Vision très sombre, confinée dans la pénombre des soirées glauques ou des petits matins blêmes, surtout pour les rapports entre les sexes, pleins de tension et de violence.


Alain Altinoglu, qu’on a aimé ailleurs, déçoit beaucoup ici, comme s’il n’avait pas pris la mesure de l’œuvre: lourde et décousue, sans relief ni couleurs, la direction laisse de surcroît les cordes s’embourber dans des sonorités pâteuses. Elle n’assume pas non plus ses tempos – et l’étirement des récitatifs – une manie du moment – séparés par d’interminables pauses, s’avère vite insupportable, cassant le rythme de ce qui est aussi une «folle journée». Pas de quoi porter une distribution très mal composée. Erwin Schrott a beau brûler les planches et s’identifier parfaitement à la lecture de Haneke, son chant reste toujours aussi mal dégrossi – quel dommage, quand on a une si belle voix... A entendre le Leporello d’Adrian Sâmpetrean, engorgé au point de mal passer la rampe au second acte, on se dit qu’Alexandre Duhamel, Masetto caractérisé et stylé, aurait mieux fait l’affaire. Passons sur Ottavio: Stefan Pop est piteux. Côté dames, on retient surtout l’Elvire brisée de Marie-Adeline Henry, voix riche et bien conduite, même si «Mi tradi» la pousse dans ses retranchements et trahit quelques rugosités. Tatiana Lisnic camperait une meilleure Anna si sa quinte aiguë se soudait mieux au reste de la tessiture – on croirait qu’elle a deux voix. Si Zerline appelle une voix au médium charnu, l’opulent mezzo de Serena Malfi semble surdimensionné pour la paysanne, qu’on aimerait plus sensuelle et plus rouée.


Applaudissements nourris au baisser du rideau. Sans doute parce que le public, comme souvent aujourd’hui, a d’abord été sensible à la mise en scène... qu’on avait huée en 2006. Dopo la musica...



Didier van Moere

 

 

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