About us / Contact

The Classical Music Network

Toulouse

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

L'Or du rien

Toulouse
Théâtre du Capitole
02/16/2001 -  16, 20 et 23 février 2000 à 20h30 ; 18 et 25 février à 15h00
Richard Wagner : Das Rheingold
Robert Hale (Wotan); Robert Bork (Donner) ; Christer Bladin (Froh) ; Chris Merritt (Loge) ; Matthias Hoelle (Fasolt) ; Gudjon Oskarsson (Fafner) ; Peter Sidhom (Alberich) ; Ricardo Cassinelli (Mime) ; Kathanne Goeldner (Fricka) ; Jia Lin Zhang (Freia) ; Qiu Lin Zhang (Erda) ; Livia Agh ; Elsa Maurus ; Inna Gelakhova (les Filles du Rhin)
Orchestre National du Capitole, Pinchas Steinberg (direction) ; Nicolas Joel (mise en scène) ; Ezio Frigerio (décors) ; Franca Squarciapino (costumes) ; Vinicio Cheli (lumières)

La très belle réalisation de La Walkyrie par Nicolas Joël, l'une de ses mises en scène les plus réussies, avait fait attendre avec une vive impatience cet Or du Rhin, qui inaugure la représentation intégrale sur plusieurs années du Ring à Toulouse. Hélas! trois fois hélas! rien, dans la mise en scène ou la distribution vocale, ne rappelle ce succès précèdent, et la déception n'en est que plus amère.

Que le discours philosophico-politico-mythologique développé dans l'Or du Rhin ne paraisse plus, à l'heure actuelle, qu'un salmigondis un peu indigeste et daté, on peut à la rigueur (!) le comprendre ; que la mise en scène d'un opéra qui oppose des concepts plus que des personnages pose d'insondables problèmes, on le sait depuis longtemps. Mais Wagner, c'est aussi cela, et il est impossible d'évacuer la dialectique de cette œuvre sans la dénaturer totalement.

C'est pourtant ce que fait Nicolas Joël en plaçant l'action du drame dans l'atmosphère du cirque, avec Filles du Rhin acrobates en tenue french can-can, Donner en Turc de foire gonflant pectoraux et biceps à tous propos jusqu'au ridicule, et Froh en tapette évanescente façon Cage aux folles pour tournée théâtrale de série Z. Cela nous vaut une invocation aux nuées et une scène de la transformation d'Alberich grotesques -volontairement bien sûr, mais est-ce le propos de ces passages?- et une première scène assez ratée avec des trapézistes fort approximatives.

Le résultat paraît, à dire vrai, bien provincial, mélange naïf et parfois bâclé de bonnes idées -les décors et l'éclairage- et d'un vague modernisme pour école maternelle. On sent, certes, la volonté de proposer une version "différente" de L'or du Rhin, mais que signifie "différent" dans une œuvre où à peu près tout a été tenté, et quel en est l'intérêt dans un théâtre sans aucune tradition wagnérienne? En réduisant l'opéra à son anecdote par un mise en scène qui en évacue toute la symbolique, Nicolas Joël court le risque de le rendre incompréhensible pour les spectateurs, certainement majoritaires, qui le voyaient en scène pour la première fois. Or n'est-il pas de la responsabilité du metteur en scène de présenter les œuvres d'une façon qui permette au public d'en saisir la problématique? Ceux qui n'auront rien compris pourront toujours se consoler en lisant le superbe et très éclairant programme, où ils trouveront abordés tous les thèmes que la mise en scène a gommés.
De plus, comment relier, dans le cadre d'un Ring intégral, cet Or du Rhin à la Walkyrie déjà donnée, tant leurs esthétiques sont divergentes et même incompatibles?

Plus grave, le plateau vocal proposé n'est absolument pas à la hauteur des espérances, peu de personnalités remarquables se détachant d'un ensemble sans grand intérêt. On savait, par ses enregistrements, le Wotan de Robert Hale guère impérissable. On le découvre acteur sans présence et chanteur sans autorité, gris de timbre, parfois approximatif, remplaçant la projection du son par l'aboiement, au détriment de la ligne.
Chris Merrit offre une facette intéressante de Loge, moins ironique et remuant qu'à l'ordinaire, plus réfléchi et manipulateur. Si le rôle n'offre guère l'occasion de briller vocalement, il est dominé avec justesse, mais peut-être sans flamme excessive (un comble!).
Seul Peter Sidhom sait donner à sa partie un relief marquant et une véritable existence dramatique. Son Alberich en remontre même largement à Wotan quant à l'autorité vocale et à la présence scénique, malgré une tendance, répandue dans toute la distribution, à un Sprechgesang que l'on croyait banni depuis longtemps du chant wagnérien.
Le théâtre du Capitole aime à nous rappeler de loin en loin que Ricardo Cassinelli est toujours vivant. C'est gentil, mais une carte postale suffisait amplement.

Il serait bien sûr facile de reprendre le couplet habituel sur la décadence actuelle du chant wagnérien, rengaine qui doit dater au moins de la mort de Schnorr von Carolsfeld. Mais comment ne pas être atterré par une telle somme de médiocrités, et comment ne pas s'interroger sur la pertinence d'une Tétralogie donnée dans ces conditions? Si James Morris et Kim Begley avaient donné dans La Walkyrie une éclatante leçon de chant wagnérien, comment ne pas rire- jaune- en voyant acclamé le Wotan de Robert Hale alors qu'il y a quelques années celui de Theo Adam paraissait largement insuffisant à la majorité de la critique?

Cette léthargie semble même gagner Pinchas Steinberg et l'orchestre du Capitole, que l'on a connus plus vivants et engagés dans Tannhäuser. En effet, malgré des tempos assez vifs, la direction de Steinberg manque parfois d'énergie et de finesse, tandis que quelques approximations des cuivres viennent déparer le travail d'orchestre.

Peut-être la réussite de La Walkyrie avait-elle créé des attentes trop fortes, peut-être ne faudra-t-il juger de la pertinence et de la cohérence des intentions de Nicolas Joël qu'une fois cette Tétralogie achevée, mais, en l'état, cet Or du Rhin paraît largement inabouti voire même décevant, et l'on attendra désormais avec un peu d'inquiétude les Siegfried (sans Cassinelli, par pitié!) et Götterdammerung à venir.


Laurent Marty

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com