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Une Petite Renarde adorable

Brno
Théatre Janácek
11/26/2014 -  et 24 janvier, 1er, 12 mars 2015 (Praha)
Leos Janácek: Príhody lisky Bystrousky
Svatopluk Sem (Revírník), Alzběta Polácková (Bystrouska), Michaela Kapustová (Lisák Zlatohrbítek), Jaroslav Brezina (Rechtor, Komár), Luděk Vele (Farár, Jezevec), Jirí Brückler (Harasta), Jitka Svobodová (Paní revírníková, Sova), Jan Markvart (Hostinský Pásek), Yvona Skvárová (Paní Pásková, Datel), Jana Sýkorová (Pes Lapák), Sylva Cmugrová (Kohout), Michaela Srůmová (Chocholka), Daniel Matoušek/Jakub Turek (Pepík), Jakub Hliněnský/Martin Kalivoda (Frantík), Natalie Grossová/Tereza Slosáková/Martina Vyhnanovská (Malinká Bystrouska), Matěj Kirov/Filip Koll/Matyás Urbánek (Skokánek), Václav Preisler (Cvrček), Ema Dolezalová/Katerina Zikmundová (Kobylka), Nikol Kouklová/Malvína Pachlová (Terynka), Balet Opery Národního divadla et invités
Sbor Národního divadla, Martin Buchta (chef de chœur), Kühnův dětský sbor, Jirí Chvála (chef de chœur), Orchestr Národního divadla, Robert Jindra (direction musicale)
Ondrej Havelka (mise en scène), Martin Cerný (décors), Katerina Stefková (costumes), Jana Hanusová (chorégraphie)


(© Hana Smejkalova)


Janácek est le compositeur de quelques opéras à nul autre pareils par leur thème et le traitement qu’il en donne. Une histoire comme celle de L’Affaire Makropoulos est unique à l’opéra, aujourd’hui, presque 90 ans après sa création; quant à De la maison des morts, c’est le premier opéra où l’on voit un camp de concentration et ses souffrances – un thème assez inhabituel, traité de façon plus brutale dans La Passagère de Weinberg. La Petite Renarde rusée montre un monde d’animaux, de la forêt, d’êtres humains en rapport avec les animaux... sans être un opéra pour enfants, un comte, une féerie... et surgi de bandes dessinées publiées dans des journaux!


Bystrouska est un des personnages les plus charmants et le sien est un des opéras les plus accomplis de toute l’histoire... que le bon Dieu des répertoires nous le pardonne! Et cela – la naissance, la vie, la mort, l’amour, la procréation, le renouvellement des choses, la nature en fleur perpétuelle... – ne dure que 95 à 100 minutes. Et ce n’est pas par pauvreté ou par escamotage des développements, mais la sagesse des petites et grandes vérités de la parole et les silences, ses sons, ses durées, ses nuances. Janácek, économe de ses moyens? Peut-être, mais Janácek est surtout le maître du mot juste en musique. Parce qu’il a étudié et très bien connu les rapports étroits et intimes entre les paroles et leur correspondance en musique: il entendait chanter quand il entendait parler.


En outre, Bystrouska est un des opéras de Janácek offrant de très riches pages orchestrales: d’autres compositeurs en ont extrait des suites symphoniques juste après la mort de l’auteur – comme d’habitude, ils ont «amélioré» l’original, jusqu’au retour aux sources du prophète Mackerras. Il y a des moments symphoniques d’une beauté extrême, et simple en même temps, comme le chant du chœur sans paroles comme un instrument de l’orchestre, entonnant tous la danse nuptiale, la fête de noces du couple des renards; ou, auparavant, la nuit pendant laquelle Bystrouska n’est plus une enfant, et elle devient adulte, «femme».


Le festival Janácek de 2014 a présenté une très belle production, très efficace d’un point de vue théâtral et visuel, de cet opéra privilégié dont la première fut donnée, précisément, il y a 90 ans. La production d’Ondrej Havelka vient du Théâtre national (Národní divadlo) de Prague, et ses décors simples sont d’une efficacité théâtrale qu’on ne pouvait pas soupçonner à première vue. Si l’on avait vu la veille une production des Excursions de M. Broucek – un des opéras de Janácek qu’on ne voit que rarement – où les décors étaient pauvres et ajoutaient le désordre à la confusion, dans la production de La Petite Renarde rusée le décor pauvre et mobile-stabile montrait du début jusqu’à la fin qu’il y avait un rôle pour le set dans le développement de l’action: la forêt, toujours, certainement, mais d’une façon plus concrète, la basse-cour de la famille du garde forestier, avec un chien poète qui s’évade de la réalité, des enfants méchants, des poules conformistes (de la formidable collection de costumes, celui des poules est un chef-d’œuvre mais aussi le costume du coq), la tanière de Bystrouska, la «forêt animée» des buveurs nocturnes quand cela bouge comme dans la conscience de l’ivrogne... Havelka fait apparaitre le personnage absent et idéal de cet opéra: Terynka, ici un rôle pour actrice ou danseuse, toute la beauté et la suggestion des âmes perdues dans les nuits des fantômes comiques de la forêt, le cabaret rural, les rêves de l’illusion ou de l’alcool et les jeux de cartes. Les détails sont nombreux, la mise en scène très riche; cela mériterait une captation audiovisuelle à ajouter aux quatre ou cinq productions (y compris l’ancienne de Felsenstein) qu’on peut déjà voir en DVD.


Avec son orchestre, Robert Jindra a très bien défini l’ambiance, les petites vérités sonores de la forêt, des animaux, de la nature entourée (ou du village entouré de nature – impossible d’être plus précis). Brillant dans les «moments symphoniques» très joliment chorégraphiés para Jana Hanusová, bon accompagnateur dans les dialogues et l’action, Jindra montre ses qualités de chef de fosse qui se produit souvent aussi avec aisance dans des programmes symphoniques ou de chambre.


On sait que la distribution est considérable. Il faut signaler les deux protagonistes –deux, seulement, dans une forêt si grande, si ensorcelante?) –, Alzbeta Polácková, une très belle, agile, inquiète petite renarde, belle voix et grand sens de la comédie et de la farce, et Svatoplus Sem, le garde, le couple en conflit dramatique, théâtral, mais aussi dans un drôle d’amour un peu dilué dans les amours de la forêt, du temps et des éléments. Un amour que Havelka leur fait partager avec les rencontres furtives du garde anti-furtifs avec la belle et danseuse et silencieuse Terynka de Kouklová. Il faudrait aussi saluer les prestations réussies de Michaela Kapustová (le Renard), Jirí Brückler (le Chien poète), Jaroslav Brezina, Luděk Vele et toute une distribution, longue et riche, très bien soudée avec un orchestre de grand niveau, un chœur formidable parfois complété par le Chœur d’enfants de Kühn, mais aussi avec un ballet auquel est parfois dévolu le rôle principal.


Précisons enfin qu’on a raté ce qu’on nous a assuré était un des meilleurs spectacles du Festival, la Jenůfa de l’Opéra de Graz (production de Peter Konwitschny). En revanche, on a vu une Jenůfa pleine de bonne volonté, mais d’un niveau plutôt bas (Opéra de Zagreb).



Santiago Martín Bermúdez

 

 

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