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Beau retour de dame

Paris
Opéra National de Paris Bastille
02/06/2001 -  10, 14*, 19, 22, 26 février 2001
Piotr Ilyitch Tchaikovski : La Dame de Pique
Alexandrina Miltcheva (Comtesse), Karita Mattila (Lisa), Marina Domaschenko (Pauline, Elena Batoukova (Macha), Sergei Larin (Hermann), Nikolai Putilin (Tomski), Dalibor Jenis (Eletski), Leonid Bomstein (Tchekalinski), Maxime Mikhailov (Sourine), Grzegorz Staskiewicz (Tchaplitski)
Lev Dodin (mise en scène), David Borovsky (décors), Cloe Obolensky (costumes), Jean Kalman (lumières), Youri Vassilkov (chorégraphie)
Orchestre et Choeurs de l'Opéra National de Paris, Vladimir Jurovski (direction)

Controversée à l’origine, la production de Lev Dodin fait à la Bastille un retour sinon triomphal, du moins plus serein. La rigueur de la démarche théâtrale s’impose à nouveau, apportant sur quelques scènes habituellement sacrifiées (les pastiches classiques) un éclairage psychologique révélateur, et faisant de la confrontation avec la comtesse comme du tableau des funérailles des moments dramatiques très forts. Reste la difficulté de lecture, pour un public non averti, d’une trame déjà complexe, et ce parti pris, à notre sens erroné, de vouloir absolument retrouver Pouchkine au travers d’un livret qui en prend souvent le contre-pied radical, et de nier par là même la valeur d’une œuvre ouverte à d’autres ambiguïtés, d’autres désespoirs et d’autres névroses.
Déjà remarquable il y a deux ans par la qualité de son engagement théâtral, paradoxalement trop rare chez les chefs qui défilent dans la fosse de l’Opéra de Paris, la direction de Vladimir Jurovski a gagné en profondeur musicale. Quelques incertitudes d’intonation et d’émission pour l’harmonie, une articulation des cordes manquant un peu de netteté (le motif obstiné des altos qui accompagne Hermann dans la chambre de la comtesse angoisse davantage lorsqu’il revêt un caractère plus tranchant) sont plutôt à mettre au compte de l’orchestre dans une partition si subtilement orchestrée et dont les tutti sont des pièges et non des refuges. Jurovski parvient en revanche à obtenir une balance entre les pupitres, une mise en exergue des soli instrumentaux ou au contraire une étrangeté des appariements toujours en situation par rapport à la finalité expressive, témoignage d’une authentique et précieuse personnalité de chef lyrique.
Fortement remaniée, la distribution a surtout perdu le prodigieux Hermann de Galouzine, que Sergei Larin ne saurait égaler ni en projection, ni en impact du timbre, ni surtout en puissance fiévreuse d’incarnation. Il y démontre néanmoins ses qualités bien connues de sensibilité musicale, avec un haut médium moelleux et séduisant même si la voix peine un peu dans une tessiture si tendue. Putilin renoue avec ses Tomski ronds et généreux des spectacles du Mariinski, Dalibor Jenis phrase avec goût et un timbre séduisant si la projection manque un peu d’impact, Marina Domaschenko s’affirme dans le rôle, bien plus que Zaremba, comme la digne relève de Borodina, avec une délicatesse des couleurs, une souplesse de la ligne admirables. On attendait Felicity Palmer en Comtesse, c’est Alexandrina Miltcheva, avec ses moyens toujours impressionnants qui nous offre une incarnation véhémente et autoritaire, mais moins sulfureuse et pue-la-mort sans doute. Les retrouvailles avec Mattila sont dignes du premier souvenir : au delà de la splendeur vocale, du souffle intarissable, du phrasé marmoréen et frémissant pourtant et de l’engagement scénique passionné, on reste confondu de voir à quel point le son lui même se met au service de l’instinct dramatique (à moins qu’il ne l’émule), avec ces accents intenses et déchirants qui font de son ultime scène la plus extraordinaire peut-être jamais chantée, au dessus même des traces laissées au disque par la jeune Vichnievskaïa. C’est l’essence même, trop parcimonieusement répandue sur nos planches, de l’opéra. C’est le signe qui distingue ces rarissimes élues qu’on a le droit d’appeler divas.



Vincent Agrech

 

 

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