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Création versaillaise

Versailles
Opéra royal
10/05/2014 -  et 3 (Grenoble), 9 (Cracow) octobre 2014
Jean-Philippe Rameau : Les Boréades
Julie Fuchs (Alphise), Chloé Briot (Sémire, une nymphe, l’Amour, Polymnie), Samuel Boden (Abaris), Manuel Nunez-Camelino (Calisis), Jean-Gabriel Saint-Martin (Borilée), Damien Pass (Borée), Mathieu Gardon (Apollon), André Morsch (Adamas)
Ensemble Aedes, Mathieu Romano (chef de chœur), Les Musiciens du Louvre Grenoble, Marc Minkowski (direction)


(© Sébastien Gauthier)


Ce n’est pas tous les jours que l’on a la chance d’assister à la création d’un opéra de Rameau à Versailles! Et pourtant, comme l’a souligné Marc Minkowski au moment des saluts, c’est bien la première fois que Les Boréades (1764) furent données dans ce cadre royal où tant d’opéras virent le jour. En vérité, l’œuvre ne fut jamais représentée sous l’Ancien Régime, la mort de Jean-Philippe Rameau, survenue le 13 septembre 1764, ayant interrompu pour longtemps les répétitions. Ce ne fut qu’en 1975 que la tragédie lyrique fut donnée dans son intégralité à Londres sous la direction de John Eliot Gardiner, qui la reprit avec un succès mémorable au cours du festival d’Aix-en-Provence, en juillet 1982, et de nouveau lors de ce même festival en juillet dernier. Il fallait donc sauter sur l’occasion de cet unique concert versaillais pour entendre en version de concert et non en version scénique une œuvre complexe, ambitieuse (cinq actes), recélant de vraies merveilles tant pour le chant que pour l’orchestre.


Au centre de l’intrigue, une fois encore, l’amour... Reine de Bactriane, Alphise cherche un époux mais la loi veut qu’elle ne puisse mettre sur le trône qu’un descendant de Borée, divinité représentant un vent du Nord. Deux prétendants se pressent, Calisis et Borilée, mais aucun ne plaît à Alphise qui tombe amoureuse d’un étranger, parfait inconnu, le jeune Abaris, qui a été élevé chez les prêtres d’Apollon. Seul le grand prêtre Adamas connaît les secrets de la naissance d’Abaris mais a fait le serment de ne rien révéler, ce qui plonge le jeune homme dans un vrai désarroi puisque, bien qu’également amoureux d’Alphise, il sait qu’il ne pourra se marier avec elle faute d’ascendance divine. L’amour étant plus fort que le pouvoir, la reine choisit de renoncer à sa couronne pour filer le parfait amour avec son prétendant mais elle provoque ainsi la colère de Borée qui ravage son royaume et l’enlève, promettant mille nouveaux maux à son royaume si elle persiste à refuser de s’unir à l’un de ses fils. Grâce à une flèche magique apportée par l’Amour, Abaris reprend courage et délivre Alphise. C’est alors qu’Apollon apparaît et annonce à tous qu’Abaris est le fruit de ses amours avec une nymphe du sang de Borée, permettant ainsi l’union de celui-ci avec Alphise: l’amour triomphe.


Ce qui frappe en premier lieu dans Les Boréades, comme dans beaucoup d’opéras de Rameau d’ailleurs, c’est la richesse mélodique, servie par un orchestre conséquent qui compte notamment des contrebasses, des bassons et des flûtes par quatre, des cors, des clarinettes et des hautbois par deux... Dès l’Ouverture d’ailleurs, les clarinettes brillent par leur virtuosité (Rameau ayant été l’un des premiers compositeurs à faire usage de cet instrument); on en dira tout autant des Gavottes de la scène 4 (acte I), de la Contredanse en rondeau qui conclut le premier acte ou de l’Air andante et gracieux à la scène 6 de l’acte II, les cordes faisant ici preuve d’une très grande générosité dans le son et d’une ampleur tout aussi séduisante que soudaine. Comme dans de nombreux opéras de cette époque, Rameau fait intervenir une tempête, à la fin de l’acte III, où l’agilité des quatre flûtes et la dextérité de l’ensemble de l’orchestre sont mises à rude épreuve, splendide rugissement avant que l’orchestre ne retrouve tout son calme dans la magnifique entrée à l’acte IV (scène 4). Marc Minkowski dirige l’ensemble avec une implication sans faille, soutenu au premier chef par une excellente basse continue où brille le violoncelle de Frédéric Baldassaré.


Côté voix, on se permettra de faire part de notre légère déception à l’égard de la performance de Julie Fuchs qui gagnera néanmoins en assurance au fil de la représentation. Ainsi, son air «Un horizon serein» (acte I, scène 4) trahit une diction perfectible, notamment dans les aigus, difficulté qui disparaîtra néanmoins à partir du deuxième acte. En revanche, Julie Fuchs forme un merveilleux duo avec Abaris dans le très beau «J’ai tremblé pour vos jours, et je n’ai pu me taire», soutenu par un superbe accompagnement de cordes. Et justement, celui qui nous aura fait la plus forte impression aura certainement été Samuel Boden, qui tenait là le rôle d’Abaris. Psychologiquement, c’est sans doute le personnage le plus intéressant puisque, pâle et falot, il finit (certes épaulé par l’Amour et le prêtre Adamas) par se ressaisir et affronter ceux qui font obstacle à son amour avec Alphise, se muant presque d’adolescent en homme au fil de l’opéra. Servi par une très belle projection, faisant preuve d’une véritable caractérisation selon les passages qui lui sont dévolus, Samuel Boden incarne un très convaincant Abaris dont on retiendra en priorité l’air «Charme trop dangereux, malheureuse tendresse, faut-il vous combattre sans cesse?» au début du deuxième acte.


Plus timide dans son approche de l’œuvre, Chloé Briot aura néanmoins été également une excellente protagoniste, endossant à elle seule quatre rôles dont celui de la Nymphe qui bénéficie notamment du très beau passage, à la scène 6 de l’acte II, «Comme un Zéphir qui vole et jamais ne s’engage». On sera quelque peu critique sur les performances de Manuel Nunez-Camelino (dans le rôle de Calisis), qui manque de justesse en plus d’une occasion (notamment lors de son premier air «Mon cœur m’assure la victoire») et qui ne s’est jamais véritablement imposé. Bien au contraire, c’est presque l’inverse qu’il faudrait reprocher à Jean-Gabriel Saint-Martin, dont la très belle voix, certes, était parfois trop forte (en tout cas entendue depuis les premiers rangs de l’orchestre) et ne se prêtait pas toujours à la finesse requise par la partition. André Morsch fut un excellent Adamas, prêtre à la fois bienveillant («Lorsque la lumière féconde se répand sur la terre») et sans concession à l’égard d’Abaris (tout spécialement au début de l’acte IV). Quant à Damien Pass et Mathieu Gardon (qui tenait également le rôle d’Adamas lors des représentations aixoises des Boréades en juillet dernier), ils furent tous deux excellents.


On ne saurait enfin passer sous silence la participation de l’Ensemble Aedes, préparé avec soin par Mathieu Romano, qui aura été un chœur irréprochable de bout en bout. Lorsque les saluts finals eurent lieu, Marc Minkowski, qui n’aura cessé de chanter avec ses chanteurs, de respirer avec eux, de vivre l’intrigue avec eux, anticipant sans cesse leurs inflexions et les émotions de l’œuvre, brandit la partition pour rappeler à tout un chacun que le maître d’œuvre de cet opéra était bien Rameau, un compositeur qui avait alors 81 ans lorsqu’il en acheva la composition! On ne pourra donc qu’encourager les mélomanes à revenir à Versailles pour écouter notamment Le Temple de la Gloire le 14 octobre, Zaïs le 18 novembre et le prometteur «Gala Rameau» dirigé par Hervé Niquet le 22 novembre: autant de splendides moments à attendre pour fêter dignement le deux cent cinquantième anniversaire de la mort de ce très grand compositeur.


Le site de Julie Fuchs
Le site de Samuel Boden
Le site de Jean-Gabriel Saint-Martin
Le site de Damien Pass
Le site de Mathieu Gardon
Le site d’André Morsch
Le site des Musiciens du Louvre Grenoble
Le site de l’Ensemble Aedes



Sébastien Gauthier

 

 

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