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Berlin baroque pour Bach

Lucerne
Centre de la Culture et des Congrès
09/03/2014 -  et 6 septembre 2014 (London)
Johann Sebastian Bach : Matthäus-Passion, BWV 244
Camilla Tilling (soprano), Magdalena Kozená (mezzo-soprano), Topi Lehtipuu (ténor, airs), Mark Padmore (ténor, L’Evangéliste), Eric Owens (baryton, airs), Christian Gerhaher (baryton, Le Christ)
Rundfunkchor Berlin, Simon Halsey (préparation), Luzerner Kantorei, Eberhard Rex (préparation), Berliner Philharmoniker, Simon Rattle (direction musicale)
Peter Sellars (ritualisation)


(© Georg Anderhub/Lucerne Festival)


Chaque année, l’Orchestre philharmonique de Berlin donne deux concerts à Lucerne. La Passion selon saint Matthieu de Bach était à l’affiche du second programme de l’été 2014, dans une version déjà présentée à Salzbourg et à Berlin et immortalisée en DVD. On le sait, Simon Rattle a demandé à Peter Sellars de mettre en scène le chef-d’œuvre de Bach. Comme il l’explique lui-même dans le programme de salle, l’artiste américain a cherché à « ritualiser » la Passion, considérant que Bach avait écrit sa partition « non pas comme un concert ni comme une œuvre théâtrale, mais comme un rituel incluant le temps et l’espace et unissant des communautés diverses ». Plutôt que des lieux d’action concrets, des décors opulents et des costumes chatoyants, Peter Sellars a opté pour la stylisation et l’abstraction, avec des personnages portant des vêtements de tous les jours. Dans son spectacle, il pose des questions existentielles sur les relations entre les êtres humains, sur la compassion et sur l’empathie ainsi que sur la souffrance, indépendamment de toute appartenance religieuse. Il traduit en mouvements corporels les paroles du livret, comme par exemple lorsque Magdalena Kozená frappe le dos de l’Evangéliste tout en chantant « le repentir et le remords brisent ton cœur en deux », et on s’attend effectivement à ce que ce dernier tombe sous les coups. Les solistes comme les choristes se touchent beaucoup et s’enlacent souvent.


Les musiciens passent beaucoup de temps à se regarder et à s’écouter les uns les autres, l’orchestre étant divisé en deux groupes distincts sur le plateau, tout comme le chœur. Au centre de la scène sont posés quelques cubes de bois sur lesquels viennent s’asseoir les choristes ou les chanteurs, tous habillés de noir. Au bout d’un très long câble, une ampoule projette un halo lumineux. Choristes, chanteurs mais aussi musiciens quittent parfois la scène pour intervenir dans la salle, au milieu du public. Une des idées les plus fortes de Peter Sellars est de faire se produire face à face les chanteurs et les instrumentistes qui portent leurs airs, notamment les flûtes (on reconnaît Emmanuel Pahud) et les hautbois (Albrecht Mayer). Le public étant intégré dans la production, on a l’impression d’assister à un spectacle total.


L’Orchestre philharmonique de Berlin se présente en formation baroque, avec une trentaine de musiciens. On ne sait qu’admirer le plus, la précision des traits, les couleurs des instruments, les nuances, la beauté et la plénitude du son. Simon Rattle offre une lecture très contrastée et dramatique. Le chef passe d’une formation à l’autre comme si de rien n’était, se faisant parfois très discret pour apprécier le travail des musiciens et des solistes. Le chœur livre une magnifique prestation, d’une grande précision et d’une superbe cohérence entre les différents registres. Les choristes n’ont pas de partition en main, ce qui suppose un immense travail de mémorisation. La distribution vocale est dominée par l’Evangéliste charismatique et souverain de Mark Padmore. Magdalena Kozená est très investie scéniquement en Marie-Madeleine, alors que Camilla Tilling séduit par sa belle voix claire. Paradoxalement, ce concert de très haut niveau, d’une maîtrise technique absolue ne suscite en fin de compte que peu d’émotion. Peut-être est-ce un lien de cause à effet. Il n’empêche, les soirées qui atteignent de tels sommets sont rares.



Claudio Poloni

 

 

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