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Illusions numériques

Strasbourg
Opéra national du Rhin
04/04/2014 -  et 6 avril (Colmar), 6, 10 mai (Mulhouse), 11, 13, 14, 15 juin (Paris), 1er, 3* juillet (Strasbourg) 2014
Charles Gounod : La Colombe
Darius Milhaud : Le Pauvre Matelot, opus 92

Gaëlle Alix (Sylvie), Jean-Christophe Born (Horace), Sévag Tachdjian (Maître Jean), Lamia Beuque (Mazet), Sunggoo Lee (Le matelot), Kristina Bitenc (La femme du matelot), David Oller (L’ami du matelot), Fernand Bernardi (Le beau-père du matelot)
Membres de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg, Claude Schnitzler (direction)
Stéphane Vérité (mise en scène, décor, lumières, conception des images numériques), Hervé Poeydomenge (costumes), Romain Sosso (images numériques)


J.-C. Born (© Alain Kaiser)


Ce spectacle constitue un probant exemple de ce que les nouvelles technologies de projection et de synthèse d’images sont en train de modifier progressivement sur nos scènes lyriques. On ne parle pas de ces petits saupoudrages vidéo utilisés depuis longtemps pour souligner tel ou tel aspect dramatique, mais bien de décors virtuels complets projetés en fond de plateau grâce à des techniques particulières de focalisation lumineuse. La forêt changeant au rythme des saisons de La Flûte enchantée de Robert Carsen à Baden-Baden puis Paris, les paysages animés de Geschichten aus dem Wiener Wald de HK Gruber à Bregenz récemment... sont d’autres précédents de ce type d’utilisation de fonds de scène perpétuellement mouvants. Une résurgence inattendue des toiles peintes d’antan, révolutionnées par une technologie d’illusion visuelle devenant en elle-même source d’émerveillement, à l’image du lointain théâtre à machines de l’époque baroque. En pratique on peut aussi entrevoir de multiples avantages à ces installations lumineuses, par rapport à nos actuels décors «en dur» dont la complexité tourne souvent au casse-tête pour les bureaux d’études.


Pour cette mise en scène de la rare Colombe de Charles Gounod, bref opéra créé à Baden-Baden en 1860, le dispositif se limite à quelques meubles placés devant un écran qui barre tout le fond de scène. Au départ l’image de synthèse visible sur cette surface plane - les murs d’une villa italienne baignés de soleil - paraît une diapositive statique. Mais insensiblement les ombres bougent, des fissures se propagent dans les murs, et il faut quelques instants pour être certain que ce n’est pas simplement du fait d’une modification des éclairages mais bien par le déroulement d’un film en images de synthèse, d’une durée équivalente à l’opéra entier. Tout un scénario architectural se déroule ainsi : on passe d’un pièce à l’autre, des murs apparaissent ou se diluent, et ceci bien sûr en contrepoint psychologique avec l’action...


De quoi occuper continuellement l’œil, ce qui dans un opéra au scénario aussi inconsistant s’avère utile. La Colombe est un badinage galant, dans un milieu aristocratique futile où certaines vraies valeurs ont été perdues de vue depuis trop longtemps, histoire de deux oiseaux dont l’un finira cuisiné en rôti... voilà un livret poids plume, que la musique de Gounod, bien que toute en légèreté de touche et en charme mélodique, sauve à peine de l’insignifiance. L’ouvrage a été créé par de grands chanteurs, dont la célèbre Miolan-Carvalho, ce qui devait peut-être renforcer son intérêt. Ici les jeunes interprètes de l’Opéra Studio de l’Opéra national du Rhin rencontrent quelques problèmes avec une écriture qui paraît parfois à la limite de leurs moyens techniques du moment. Gaëlle Alix négocie avec un certain brio les escarpements du rôle de Sylvie, mais Jean-Christophe Born chante Horace avec une voix de ténor léger si ténue qu’à part dans l’opérette voire certains opéras-comiques français on ne lui voit gère d’emplois possibles dans l’immédiat. Et pourtant l’orchestre dirigé par Claude Schnitzler est tout petit, avec un instrument par partie (ce qui d’ailleurs ne correspond vraisemblablement pas à l’effectif d’origine).


Le Pauvre Matelot de Darius Milhaud est en revanche un véritable opéra de chambre, de courte durée et accompagné par un orchestre de petit format. Une anecdote vériste, où l’on reconnaît immédiatement la patte de Jean Cocteau dans l’art de la formule lapidaire, une musique franche dont l’objectivité apparente ne fait que rendre plus choquante la fatalité du dénouement... L’œuvre est belle, et ici elle est très bien défendue, musicalement et scéniquement. Dispositif à nouveau virtuel en fond de scène mais plus statique (la lumière d’un phare qui balaye une installation portuaire, à intervalles réguliers), jeu d’acteurs d’une banalité crue bien en phase avec le sujet, et cette fois des voix plus conséquentes. Kristina Bitenc est une intéressante soprano lyrique en devenir et Sunggoo Lee doit encore affiner ses moyens de ténor, pour l’instant trop bruyants, mais l’interprétation convainc mieux, surtout sous la baguette toujours rigoureuse de Claude Schnitzler.


Une intéressante soirée d’œuvres rares, même si la pépinière actuelle de jeunes voix de l’Opéra Studio nous y déçoit quelque peu.



Laurent Barthel

 

 

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