About us / Contact

The Classical Music Network

Thiré

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

La dernière... pour cette année !

Thiré
Jardins, Miroir d’eau et Eglise
08/30/2014 -  


W. Christie (© Sébastien Gauthier)


Pour la dernière journée passée à Thiré, le temps fut capricieux. Nuageux une grande partie de la journée, mais le soleil commença heureusement à apparaître en fin d’après-midi pour resplendir au moment de son coucher (sic), permettant, en dépit de sa tardiveté, le bon déroulement du concert sur le Miroir d’eau qui précédait la toute dernière Méditation.


Promenades musicales


Cette dernière journée donc fut l’occasion pour le mélomane de vivre ce festival pleinement, les différentes séquences offertes lui offrant l’occasion de butiner d’un répertoire à l’autre telle une abeille nonchalante qui souhaiterait profiter de toutes les fleurs colorées agrémentant les Jardins de William Christie. Ainsi, comment ne pas être charmé par les récits de Pierre Deschamps, magnifique conteur, qui nous offrit un voyage «En compagnie des nymphes», ceux-ci étant ornés par les motifs et improvisations du flûtiste Sébastien Marq et de Thomas Dunford au théorbe. Sollicitant aussi bien ses deux compères que le public, Pierre Deschamps nous décrivit ainsi le triste destin d’Echo, qui à la suite d’une punition infligée par Héra (souhaitant en vérité se venger de son époux, Zeus...) et de l’amour que lui a porté Narcisse, fut condamnée à se transformer en une simple voix qui ne répétait que les derniers mots d’une phrase. Puis ce fut ensuite au tour du combat qu’Apollon et Cupidon se livrèrent pour la belle Daphné.


Direction ensuite le Jardin rouge, ainsi dénommé en raison de la couleur des fleurs remplissant les vasques qui s’y trouvent, pour écouter une très belle cantate de Louis-Nicolas Clérambault (1676-1749) intitulée La Mort d’Hercule. A peine troublée par le bruit des ailes des pigeons (ce jardin étant au pied du pigeonnier de la propriété), la jeune basse Cyril Costanzo, parfaitement accompagné par Catherine Girard au violon et Paolo Zanzu au clavecin, nous charma par son récit grâce à un vrai sens de la déclamation et une technique vocale affirmée – quelle respiration! –, rappelant ainsi à qui voulait bien l’entendre que «les enchantements les plus forts ne fixent point un cœur volage».



P. Zanzu, C. Girard et C. Costanzo (© Sébastien Gauthier)


Le temps de prendre une allée et nous voici maintenant au Cloître pour entendre trois airs de Georg Friedrich Händel (Künftiger Zeiten, Meine Seele hört et Das zitternde Glänzen) chantés par Rachel Redmond (soliste du Jardin des Voix 2011). Peut-être en raison de la notoriété du compositeur, le public se pressa à ce concert mais, faute de place, ne put, pour nombre de spectateurs, pénétrer à l’intérieur du cloître, chacun s’asseyant donc sur des marches ou sur la pelouse avoisinante pour profiter de la chanteuse et de ses accompagnateurs, le silence étant seulement troublé par le bruit de l’eau de la fontaine qui s’y trouve.



Le public, trop nombreux pour le petit cloître...
(© Sébastien Gauthier)



Il faut ensuite se dépêcher pour aller au Pont chinois pour approfondir notre découverte de Clérambault: cette fois-ci, c’est la cantate L’Isle de Délos qui est interprétée par la soprano Juliette Perret. Publiée en 1716, la même année que trois autres cantates (Apollon (Cantate pour le Roy), Zéphire et Flore et La Mort d’Hercule) pour constituer ainsi le troisième des Cinq livres de Cantates françoises, cette pièce, requérant également une flûte, un violon, un violoncelle et un théorbe, loue les bienfaits de la Nature: nul autre cadre que cette verdure (des saules pleureurs, la Smagne s’écoulant doucement à quelques mètres des musiciens, l’herbe grasse et les arbres autour des spectateurs) ne pouvait donc mieux convenir!


Sitôt la dernière note tombée, on retourne au Jardin rouge pour écouter Paolo Zanzu jouer au clavecin trois pièces de Jean-Philippe Rameau, La Pantomime, Les Tendres Plaintes et La Rameau. S’il s’agit d’une sorte d’autoportrait musical, comment interpréter ces accents péremptoires précédant ces accents dans l’aigu, la main gauche passant avec grâce du grave à l’aigu tandis que la droite se préoccupe essentiellement du registre medium? Un nouveau très beau moment en compagnie d’un vrai musicien, comme il y en a tant eus cette semaine il est vrai. Mais il ne faut pas s’arrêter car le moment le plus convoité arrive: ainsi, chacun se presse pour rejoindre les Terrasses afin d’y entendre le concert concluant l’après-midi sous la direction du maître des lieux. A la tête de ses musiciens et chanteurs, William Christie commença par remercier ses équipes et le public dans un propos liminaire, signalant à cette occasion qu’il s’agissait là du cent-vingtième concert de la semaine! Avec entrain et sous les yeux tant du public que des pigeons, arrivés en masse au fil du concert pour s’installer tranquillement sur le toit de la bâtisse, Bill dirigea ensuite plusieurs extraits des deux œuvres de Michel-Richard De Lalande et Jean-Baptiste Lully qui devaient en partie être également interprétées le soir même au Miroir d’eau.


29 et 30* août, 20 heures 30 (Miroir d’eau)
Michel-Richard De Lalande : Les Fontaines de Versailles (extraits)
Jean-Baptiste Lully : La Grotte de Versailles (extraits)
Marc-Antoine Charpentier : Actéon

Elodie Fonnard, Juliette Perret, Rachel Redmond, Virginie Thomas (dessus), Emilie Renard (bas-dessus), Reinoud Van Mechelen (haute-contre), Jean-Yves Ravoux, Zachary Wilder (tailles), Pierre Bessière, Cyril Costanzo, Julien Neyer (basses)
Chœur des Arts Florissants, Etudiants de la Juilliard School, Orchestre des Arts Florissants, William Christie (direction)
Sophie Daneman (mise en espace)



R. Van Mechelen, W. Christie (© Sébastien Gauthier)


Dans une relative douceur, les quelques cinq cents sièges installés face au Miroir d’eau furent rapidement occupés en vue du dernier concert qui, pour l’édition 2014 du festival de Thiré, devait se tenir en ces lieux. Au programme, un menu typiquement «Arts Florissants» et idéal au regard du cadre puisque la première partie du concert était consacrée à deux œuvres jadis données dans les jardins de Versailles où jets d’eau, nymphes sculptées et rochers artificiels étaient tout aussi présents qu’à Thiré. Première collaboration entre Lully et Quinault, La Grotte de Versailles (1668) fut notamment jouée devant Louis XIV à l’occasion des mémorables festivités qui, à la suite de la conquête de la Franche-Comté, avaient ébloui Versailles au mois de juillet 1774. «On ouït une belle Eglogue, Où des bergers, par dialogue, Mille tendre choses chantaient, Dessus les fleurs qu’ils sentaient, Secondés d’une symphonie Exempte de cacophonie» écrivait à cette occasion Robinet. Et le fait est qu’on entendit de la très belle musique où le chant (Rachel Redmond campant notamment une très convaincante Iris, Elodie Fonnard lui servant au sens propre du terme d’Echo tandis que Reinoud Van Mechelen chantait le rôle de Ménalque) fut délicieusement accompagné par les flûtes et la basse continue.


Or, il aurait été trop simple d’entendre successivement des pièces de Michel-Richard De Lalande et Jean-Baptiste Lully, Paolo Zanzu (au clavecin au sein du continuo mais également à l’origine du programme de cette première partie) ayant choisi d’alterner les scènes issues des ouvrages des deux compositeurs en une seule histoire qui, tant par sa cohérence que par la proximité de certaines mélodies, nous trompa en plus d’une occasion pour savoir qui avait composé quoi! Car Les Fontaines de Versailles de De Lalande, bien que musique de circonstance pour les soirées de Versailles (elles furent d’ailleurs créées dans les Grands Appartements en présence du souverain), optent pour le même goût prononcé à l’égard des pastorales, des fêtes de l’Amour et de la glorification des plaisirs. Cette fois-ci, le public put entendre Emilie Renard (dans le rôle de Latone) et, de nouveau, Rachel Redmond (dans celui de Flore) sans oublier, notamment, Pierre Bessière (Ancelade) se jeter dans quelques joutes vocales. L’atmosphère est ludique et propre à l’amusement: d’ailleurs, même s’il n’y a pas de mise en scène proprement dite, les chanteurs ne s’estiment guère contraints par la scène flottante et évoluent quelque peu devant l’orchestre. Orchestre qui, d’emblée, adopte toute la solennité requise par cette musique – lorsqu’elle est exigée – sans jamais tomber ni dans la lourdeur, ni dans la grandiloquence. William Christie dose à merveille les différents pupitres qui, là encore selon les exigences de la partition, passent en un rien de temps de la plus incroyable technicité à la pure douceur d’une basse continue jouant seule pour accompagner tel ou tel chanteur.


En seconde partie, Actéon (1684) de Marc-Antoine Charpentier (1643-1704), ouvrage que William Christie avait enregistré en 1982 à la tête des Arts Florissants avec, entre autres, Dominique Visse, Agnès Mellon et Guillemette Laurens. Même si le disque conserve son attrait – il a récemment fait l’objet d’une réédition chez Harmonia Mundi dans la collection «Musique d’abord» –, les voix d’alors étaient assez diaphanes et manquaient à notre sens de caractérisation, y compris dans les récitatifs, qui requièrent pourtant encore davantage des talents de comédien. En l’espèce, William Christie a fait appel à des jeunes chanteurs qui, au contraire, font preuve d’une vraie théâtralité. Reinoud Van Mechelen (Actéon) est excellent; on avait déjà remarqué les capacités de ce jeune haute-contre, soliste du Jardins des Voix 2011, aussi bien lors du spectacle «Rameau, maître à danser» que lors de telle ou telle promenade musicale où il chanta deux duos extraits d’Atys et de Médée avec Elodie Fonnard. De nouveau, il fit montre d’une excellente technique vocale doublée d’une sensibilité à fleur de peau qui éclata lors de la mort d’Actéon, tout en murmures, dans le silence absolu de l’espace autour du Miroir d’eau. Dans le rôle de Diane, Elodie Fonnard est également idéale, cruelle et fourbe à la fois, jouant avec un mortel dont elle sait qu’elle ne pourra de toute façon que le vaincre. Parmi les autres solistes, Rachel Redmond, qui incarnait Aréthuse (à ce titre, signalons que dans l’enregistrement de 1982, on parle d’Arthébuze...), et Emilie Renard (Junon) sont également au diapason du climat à la fois pastoral et tragique de l’histoire qui nous est contée. Les autres chanteuses et chanteurs donnent le meilleur d’eux-mêmes dans les chœurs, notamment dans celui des chasseurs («Allons, marchons, courons»). Comme précédemment, William Christie dirige l’orchestre avec un grand soin des coloris et des contrastes – là encore, quelle théâtralité chez les solistes, comme ce fut le cas pour l’excellente intervention du bassoniste Allen Hamrick –, certaines scènes ayant bénéficié de nuances d’une formidable délicatesse écoutées dans un silence absolu que seul le lointain bruit d’un avion à 8000 mètres d’altitude venait troubler un tant soit peu.


Saluée avec enthousiasme par le public, l’équipe au grand complet put savourer le résultat d’un magnifique spectacle dont le charme fut évidemment accru par le cadre idéal dans lequel il fut donné.


29 et 30* août, 22 heures 45 (Eglise)
«Méditations à l’aube de la nuit»
Claudio Monteverdi: Sancta Maria SV 328 – Salve, o Regina, o Mater SV 326 – Pianto della Madonna SV 288 – O quam pulchra es SV 317 – O bone Jesu SV 313

Juliette Perret (soprano), Brian Feehan, Thomas Dunford (luth), Paolo Zanzu (orgue)
Paul Agnew (ténor et direction)


Même si la fin d’Actéon aurait pu suffire à conclure cette troisième édition du Festival de Thiré, c’est un public toujours aussi fervent (William Christie en tête) qui se rendit en l’église de Thiré pour assister à ce qui devait être la dernière représentation des «Méditations musicales à l’aube de la nuit» pour 2014. Après Campra et plusieurs maîtres du XVIe siècle italien, Paul Agnew nous emmena ce soir dans l’univers de Claudio Monteverdi.


Le concert alterna duos pour voix féminine et masculine (Sancta Maria et O bone Jesu) et pièces pour voix masculine seule (Salve, o Regina, o Mater) et voix féminine seule (Pianto della Madonna): un tableau des plus complets et des plus séduisants pour qui ne connaîtrait pas l’œuvre vocale de Monteverdi. Même si la voix de Juliette Perret est plus étale que celle de Paul Agnew, elle est tout aussi passionnée dans ce duo inaugural, accompagné avec tact par les trois instrumentistes. Mais c’est certainement le morceau destiné au seul ténor, Salve, o Regina, o Mater qui nous aura le plus marqué. La conclusion est évidente: quel chanteur! On ne sait ce qu’il faut admirer le plus: le sens de la déclamation? Ces légères accélérations qui précèdent de tout aussi soudains ralentis? L’importance de la respiration qui permet au public de profiter d’une seconde de silence total avant que les mots ne reprennent le dessus? C’est magnifique, tout simplement... Difficile ensuite pour Juliette Perret de lui succéder même si elle chante, elle aussi admirablement, le Pianto della Madonna, reprise en quelque sorte du fameux Lamento d’Arianna (1614). Comme les soirs précédents, le public se quitta en silence après que les deux chanteurs et les trois instrumentistes eurent regagné les coulisses. La félicité dont chacun venait de profiter n’était pas prête de disparaître...


Le site de Reinoud van Mechelen



Sébastien Gauthier

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com