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Paul Agnew, passeur d’émotions

Thiré
Eglise
08/25/2014 -  
«Concert aux chandelles»
Henry Purcell : Rejoice in the Lord alway, Z. 49 – Remember not, Lord, our offenses, Z. 50 – Sonata V, Z. 794 (extrait) – Miserere mei, Z. 109 – Hear my prayer, Z. 15 – Sonata VI, Z. 795 (extrait) – Let mine eyes run down with tears, Z. 24 – Sonata I, Z. 790 (extrait) – Thou knowest Lord the secrets of our hearts, Z. 58c – Man that is born of a woman, Z. 27 – My Heart is inditing, Z. 30

Les Arts Florissants, Paul Agnew (direction)


P. Agnew, T. Dunford (© Sébastien Gauthier)


Nouvelle preuve qu’un petit effectif peut donner lieu à de très grandes réussites, le concert donné lundi soir en l’église de Thiré par les Arts Florissants dirigés pour l’occasion par Paul Agnew fut un moment privilégié pour ceux qui y assistèrent. Dans le même cadre que Les Méditations données la veille à la lumière des bougies et dans un silence absolu, le public du Festival de Thiré put découvrir plusieurs œuvres vocales de Henry Purcell (1659-1695) défendues avec passion par le ténor écossais qui, alors qu’il présentait oralement le programme avant le début du concert, avoua en souriant que l’existence même de Purcell était bien la seule raison pour laquelle il regrettait parfois de ne pas être anglais...


Comme Paul Agnew nous l’avait expliqué la veille (voir ici), l’Angleterre de l’époque de Purcell vit quotidiennement avec la mort, qu’il s’agisse des conséquences de la peste ou d’autres épidémies, du grand incendie de Londres, des guerres, du brigandage... Les prières sont donc elles aussi un refuge journalier pour tout un chacun, ce qui a logiquement inspiré nombre de compositeurs. A ce jeu-là, Henry Purcell fut particulièrement prolixe et l’on ne cesse d’ailleurs de redécouvrir son œuvre.


Les onze chanteurs et six instrumentistes emmenés par Paul Agnew nous invitèrent donc à un voyage hors du temps qui commença par un très beau Rejoice in the Lord away. Cette pièce, qui se subdivise en trois parties (une introduction orchestrale assez vive, une partie chantée sur les huit premiers vers à la tonalité joyeuse et quatre vers aux accents plus recueillis, le morceau se terminant de nouveau de manière optimiste sur une reprise des deux premiers vers), mit d’emblée en exergue les qualités de l’ensemble des artistes. Justesse parfaite des voix et accompagnement instrumental d’une incroyable finesse: le climat souhaité tant par Purcell que par Agnew était idéal. Cette osmose entre chanteurs et musiciens se retrouvera d’ailleurs tout au long du concert, notamment dans un très beau Let mine eyes run down with tears où les tutti des voix alternèrent savamment avec les interventions solistes des voix masculines, conférant à ce mélange de superbes couleurs dont la variété fut encore accrue par le soin apporté tant à l’accentuation (le mot «wickedness» qui permit ainsi de légèrement relancer l’ensemble du phrasé) qu’à la rythmique. Quant à l’anthem My heart is inditing, on est immédiatement surpris par l’assez longue introduction orchestrale que l’on pourrait croire toute droite sortie de la plume de Corelli voire de Telemann. Le chant, fréquemment accompagné par la suite par l’orgue seul, brille de nouveau par sa sobriété, sa justesse de ton, la délicatesse des couleurs, la pièce concluant de façon quelque peu majestueuse sur un inévitable «Amen».


Les autres œuvres présentées ce soir ne recouraient guère aux instrumentistes. En effet, plusieurs étaient simplement chantées a capella à l’instar de ce Remember not Lord our offenses où les chanteurs conclurent sur un diminuendo tout en finesse écouté dans un silence véritablement religieux. Il en allait de même pour Man that is born of a woman, de tonalité assez optimiste, où seul l’orgue était requis aux côtés des voix. Le public aura ainsi apprécié à leur juste valeur les petits détails de la partition comme ce son filé de l’orgue qui précède le vers «In the midst of life we are in death» chanté tout d’abord par les seules voix féminines avant d’être repris par les voix masculines. Et que dire de ce Miserere mei dont Paul Agnew nous avait déjà vanté les mérites la veille? Effectivement, sur le papier, ça n’a l’air de rien mais, une fois que les chanteurs seuls s’en sont emparés, quel résultat! Leurs voix, seules dans un premier temps, se chevauchent les unes les autres, se lovent les unes dans les autres avant que l’orgue puis le reste des instrumentistes ne jouent à leur tour pour conférer à cette petite pièce une ampleur et une générosité musicale qu’on aurait du mal à soupçonner de prime abord.


Outre ces différentes œuvres vocales, l’orchestre des Arts Florissants (en vérité seulement les deux violons, le violoncelle et la basse continue, l’alto n’y participant pas) interpréta trois extraits des Sonates à 3 (1683) de Henry Purcell, le choix des extraits ayant été effectué par Paul Agnew lui-même. Très beaux intermèdes orchestraux, au diapason de l’ensemble du programme vocal.


Une fois l’ensemble des morceaux interprétés d’une seule traite (sans applaudissements entre les pièces, à la demande expresse du chef), le public put enfin manifester son enthousiasme après cette heure de musique qui se conclut par la reprise du Miserere mei, donné en bis. Avec ce programme exigeant mais plein de subtilité et prometteur en nouvelles découvertes musicologiques, Paul Agnew aura sans nul doute démontré qu’il était un parfait intercesseur entre ce répertoire et le public.


«Méditations à l’aube de la nuit»
Claudio Monteverdi : Nigra sum sed Formosa filia Jerusalem – Salve regina mater misericordia, SV 327
Alessandro Grandi : O quam tu pulchra es amica mea
Giovanni Rovetta : O Maria quam pulchra es

Paul Agnew (ténor et direction), Thomas Dunford (archiluth), Jonathan Cohen (orgue)


Contrairement au concert de la veille, nul besoin de se déplacer ce soir pour assister à cette nouvelle représentation des «Méditations à l’aube de la nuit», consacrées cette fois-ci à la musique religieuse du début du XVIIe siècle italien.


Le format reste le même: une petite demi-heure de musique avec quatre pièces vocales entrecoupées d’improvisations du splendide archiluth de Thomas Dunford. Comme le signala en exergue Paul Agnew, on est frappé par la sensualité (d’aucuns diront l’érotisme) de ces pièces où, hormis pour le Salve regina de Claudio Monteverdi (1567-1643), il n’est question que de désir et de volonté d’avoir une relation charnelle avec l’être aimé... Là encore, Paul Agnew fait montre d’une justesse de ton dans la déclamation, dans le sentiment à conférer à ces œuvres tout à fait admirable qui furent composées par des auteurs bien oubliés aujourd’hui puisque, hormis Monteverdi, qui connaît aujourd’hui Alessandro Grandi (1577? - 1630?) ou Giovanni Rovetta (1596-1668)? L’emportement de la voix succède ainsi à l’imploration, la séduction faisant tout d’un coup place à une sorte de contrition comme si le narrateur jouait au chat et à la souris avec la femme désirée. Enfin, et même si on l’a déjà évoqué, on salue une nouvelle fois le jeu de Thomas Dunford: écouter les cordes pincées de son instrument, presque dans la pénombre, fut un moment féérique nous faisant totalement oublier les trombes d’eau qui s’abattaient bruyamment au même moment sur le village...


Le site de Paul Agnew



Sébastien Gauthier

 

 

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