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03/18/2023
Lionel Esparza : En avant la musique ! Stravinsky
Editions des Equateurs/France Musique – 222 pages – 14 euros





Lionel Esparza, agrégé de musicologie et animateur bien connu des auditeurs de France Musique, a publié l’an dernier une petite biographie d’Igor Stravinsky (1882‑1971). L’ouvrage suit chronologiquement les principales étapes de la vie du compositeur. On le suit donc de sa Russie natale à sa mort aux Etats‑Unis, en passant par sa formation auprès de Rimski‑Korsakov, sa fréquentation de Diaghilev, ses créations et scandales parisiens, ses exils successifs, en France, en Suisse et aux Etats‑Unis, ses infidélités comme ses brouilles et ses amitiés, ses périodes néoclassiques comme sérielles, ses enregistrements pour fixer ses conceptions en matière d’interprétation de ses œuvres, comme son goût pour le whisky, l’emprise de Robert Craft et sa déchéance physique et morale finale.


Le livre se lit facilement ; il n’y a aucune marque de musicologie absconse. C’est l’intérêt. Mais il est assez irritant et non exempt de défauts rédhibitoires. Le ton même de l’ouvrage, en apparence badin, où l’on parle d’Igor et non de Stravinsky comme si Lionel était un proche, finit par lasser. On y insiste lourdement sur l’intérêt supposé du compositeur pour l’argent, lui qui avait perdu tous ses avoirs lors de la Révolution russe et n’était pas payé au mois, au point de laisser songeur. Le compositeur est même comparé à Charles Forster Kane imaginé par Orson Welles dans Citizen Kane et dont l’inculture notamment musicale était pourtant crasse et la solitude terrifiante, et dont on ne saisit pas l’équivalent du traumatisme d’enfance qui aurait marqué l’auteur du Sacre du printemps. N’importe quoi. Il y a plus : l’ouvrage ne comprend aucune bibliographie, aucune note, aucune indication des références des citations, aucun crédit, aucun index, aucune analyse des œuvres, aucune discographie sélective. Il ne révèle finalement rien qui ne soit connu. Il y est affirmé que la musique de Stravinsky se reconnaît en une mesure (p. 217) ce qui peut quand même surprendre le néophyte auquel l’ouvrage semble s’adresser prioritairement et ce qui n’est en rien expliqué.


Dans ces conditions, on ne saisit pas en quoi l’ouvrage s’imposait. Au‑delà des Chroniques de ma vie de Stravinsky lui-même, naturellement surexploitées ici sans vergogne, les biographies ne manquent en effet pas, tant en français qu’en anglais, certaines ne traitant que certains aspects comme les relations du compositeur avec Nadia Boulanger, George Balanchine ou Arnold Schönberg. Les synthèses de Marcel Marnat et d’André Boucourechliev ont fait date. Mais, plus récemment, des ouvrages ont encore creusé le sillon de façon autrement plus intéressante que Lionel Esparza. On peut ainsi recommander l’Igor Stravinski de Jean Gallois (Bleu nuit éditeur) – le compositeur ayant manifesté sa préférence pour écrire son nom sans « y » afin d’éviter sa mauvaise prononciation par les Américains. Stravinsky y est comparé de façon bien plus opportune et fine que dans l’ouvrage de Lionel Esparza à Picasso. Et on ne saurait manquer le remarquable Stravinsky et ses interprètes de Philippe Lalitte (Editions universitaires de Dijon). L’ouvrage comporte des pages musicologiques certes pointues mais va bien plus loin que son sous‑titre – Quatre‑vingt‑dix ans d’enregistrements du Sacre du printemps – pourrait faire croire. Il est aussi lumineux que d’une précision confondante.


Stéphane Guy

 

 

 

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