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01/15/2022
Penser (à) l’Opéra
Sous la direction de Guillaume Plaisance
EME éditions, 202 pages, 20 euros





Dans cet ouvrage de dix chapitres réunis sous la direction de Guillaume Plaisance, doctorant contractuel à l’Université de Bordeaux, il est question, de près ou de loin, d’opéra. De très près, quand il s’agit de troubles lors des concerts à l’Opéra de Bordeaux entre 1780 et 1850, d’airs à boire, des opéras de Wagner encensés puis rejetés par Nietzsche. D’assez loin, quand il s’agit des effets bénéfiques de la pratique musicale sur le cerveau, des hypothèses de la mort de Beethoven ivrogne, des lithographies de femmes artistes publiées par une revue littéraire bordelaise.


De cet ensemble qui ne manque pas de saveur locale, on apprend bien des choses : que la pratique musicale répare la mémoire des patients atteints d’Alzheimer ; qu’une musique fraîche donne une perception de vin frais, une musique puissante, de vin puissant ; une musique lente, de vin long (le vin blanc « s’apparie » d’ailleurs mieux avec Debussy, le rouge avec Rachmaninov). Des principes : les coûts variables d’un opéra sont inférieurs aux coûts fixes ; en vertu d’un règlement de 1827, il est interdit de siffler dans le théâtre de Bordeaux et d’amener des animaux dans les loges. Des traditions : Rossini, Verdi, Offenbach aiment insérer des chansons à boire dans leur opera buffa. Des interprétations hardies : Beethoven serait mort d’une consommation excessive de vin de Mayence fortifié au monoxyde de plomb. Des analyses sociologiques : la dégradation du théâtre serait la pulsion d’une « jeunesse ardente frustrée d’héroïsme » ; le prix d’une place à l’opéra en tant que produit de luxe est régi par le snob-effect (la consommation augmente quand le prix augmente), etc.


Dans ce brillant fourre-tout, le lecteur peut avoir le tournis, comme après avoir piétiné un après-midi entier dans une foire gastronomique où sont réunis mille stands. Il manque décidément un fil rouge à ce livre, son arioso continu, sa dramaturgie. Reste à flâner entre les lignes de sa polyphonie plurithématique, à se perdre avec allégresse dans la somme des informations mêlant l’essentiel à l’anecdotique, l’infiniment micro à l’infiniment macro, les détails insignifiants aux œuvres des grands compositeurs.


Certainement conscients de cet écueil, les auteurs fournissent tous les deux chapitres des résumés rassemblant les objets d’étude, comme s’ils redoutaient d’en perdre le fil. Malheureusement, c’est un peu tard. On est déjà blême et saturé, on a envie de s’asseoir quelque part, sur une banquette de l’amphithéâtre de Bordeaux par exemple, mais on apprend encore qu’elle a été éventrée à cause de spectateurs vandales en 1825... Vertige devant le ravin séparant petite et grande histoire. Besoin d’une pensée plus englobante.


On se dit qu’il manque une destination précise à ce « voyage aux péripéties multiples » tel qu’annoncé par ses auteurs. Embarquer reste divertissant si l’on prend garde à ne pas mélanger les ivresses, à s’accorder des pauses entre les grandes étoffes et les bibelots, la sociologie et l’œnologie, la psychanalyse et l’économie, disciplines reconnues dont l’usage ici s’écarte parfois de l’art lyrique. Mais apprécier la diversité des articles comme autant d’intermezzi intercalés dans le vaste sujet Opéra, n’est-ce pas l’esprit de l’opera buffa ? N’est-ce pas la diversion nécessaire qui nous ramène d’autant mieux au sujet principal ? Tout compte fait, on y retourne, à l’opéra.


Armand Alter

 

 

 

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