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07/09/2017
Harvey Sachs: Toscanini: Musician of Conscience
Liveright Publishing Corporation – 944 pages





Le musicologue américano-suisse Harvey Sachs (né en 1946) peut se vanter d’avoir écrit à peu près à quarante ans d’intervalle non pas une mais deux biographies d’Arturo Toscanini en complément d’un troisième ouvrage sur les lettres du maestrissimo italien. Ce livre passionnant, riche en détails, a été rendu possible suite à la découverte d’une quantité de documents et en particulier de ceux issus du gouvernement italien, qui avait mis sous écoute cette personnalité si forte qui refusait de faire précéder ses concerts de l’hymne fasciste et qui avait été agressé en 1931 par des chemises noires à Bologne.


L’image de cet immense chef qu’est Toscanini peut probablement se résumer à quelques images d’Epinal du jeune violoncelliste qui avait dirigé magistralement au pied levé Aïda lors d’une tournée en Amérique du Sud, lancement d’une des plus grandes carrières musicales de ce siècle dernier, connu probablement pour ses colères homériques lors des répétitions captées par bon nombre de micros de l’époque.


La réalité que dépeint Harvey Sachs est bien plus riche et complexe. Toscanini était un musicien surdoué, d’une oreille et d’une mémoire hors du commun et d’une exigence musicale et politique absolue. Même si l’on peut être surpris de lire que Toscanini collectionnait les aventures amoureuses et ce jusqu’à plus de 70 ans, son intransigeance dans ces domaines était juste d’un absolu total. Il faut lire les détails de la vie de ce chef, qui, pendant la Première Guerre, était allé soutenir les troupes italiennes sur le front et qui donnait de son temps et de ses biens sans compter pour soutenir les causes auxquelles il croyait. C’est lui, à la demande de Huberman, qui, en 1936, a a été le premier à diriger l’Orchestre symphonique de Palestine, aujourd’hui Orchestre philharmonique d’Israël.


Sachs décrit également ce qu’étaient l’opéra et la musique de l’époque de Toscanini et comment il a imposé une rigueur et des conditions de travail qui tranchaient avec les approximations et les compromis de son époque. Les musiciens que Toscanini défendait – Verdi, Debussy, Puccini... – il les a connus et croisés (Sachs raconte une anecdote pétillante à un moment où Toscanini et Puccini étaient brouillés, Puccini lui aurait envoyé par erreur à Noël un panettone. S’étant rendu compte de son erreur, il lui aurait envoyé un télégramme: «Panettone envoyé par erreur, Puccini» auquel Toscanini aurait répondu par: «Panettone mangé par erreur, Toscanini»). Il était également là à Bayreuth, Salzbourg, New York..., aux moments les plus forts de l’histoire de ces théâtres.


L’héritage de Toscanini est difficile à évaluer aujourd’hui avec exactitude. Sachs explique avec justesse que l’opéra était à son époque l’art populaire par excellence et que le cinéma l’a bousculé par la suite. Il mentionne également que les enregistrements réalisés dans le fameux studio 8H ainsi que quelques documents filmés ne reflètent peut-être pas complétement l’art du grand chef. (Les mélomanes qui ne sont pas rebutés par les craquements de vielles cires apprécieront par exemple le Falstaff de Salzbourg en 1937, d’une jeunesse et d’une énergie communicatives). Mais si nous écoutons aujourd’hui du Beethoven par des musiciens baroques dans les tempi «rapides» que pratiquait Toscanini, si nous demandons un niveau d’intégration fort entre scène et fosse à l’opéra, si nous voulons un Debussy précis, il faut y voir une continuité dans le travail et les conceptions du chef italien.


L’héritage d’un Toscanini, c’est aussi de nos jours le fait que des musiciens, des artistes, considèrent que leur renommée ne les met pas au-dessus des réalités politiques de leur temps. L’autorité morale qu’il avait est celle d’un Rostropovitch défendant Soljenitsyne dans l’ancienne URSS. Les temps ont changés depuis la Seconde Guerre mondiale mais dans les tweets anti-Trump d’un Igor Levit ou les prises de position d’une Gabriela Montero devant la dictature vénézuélienne, il y a encore du Toscanini.


Antoine Lévy-Leboyer

 

 

 

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