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05/26/2016
Dominique Jameux : Chopin ou la fureur de soi
Buchet - Chastel – 357 pages – 20 €





Prudent, Dominique Jameux (1939-2015) commence le prologue de son ouvrage par cette phrase destinée à le mettre à l’abri de la critique: «Ecrire après tant d’autres sur Chopin exige pas mal de forfanterie et beaucoup d’humilité.» Il a raison. L’auteur se grise en effet de son style et de ses mots qui faisaient de lui un chroniqueur nouvelle vague dans Le Matin des Musiciens sur France Musique dès la fin des seventies et que l’on écoutait pieusement. Mais pourquoi prendre le prétexte de Chopin? L’écrivain Jameux avait assez de talent pour écrire des nouvelles ou des romans sans ajouter «sa» vision de Chopin sur lequel on a tant romancé, glosé, interprété, supputé, alors que quelques musicologues français et sérieux, tels Jean-Jacques Eigeldinger, Marie-Paule Rambeau ou Danièle Pistone, nous ont tant appris, définitivement.


Exemple: «L’œuvre est encore propédeutique. N’était son caractère bouleversant (de nos conceptions de Chopin jusqu’alors), elle n’aurait pas été retenue, car elle possède encore des limites rédhibitoires chez le Chopin ultérieur: le caractère répétitif de l’œuvre, la reprise inchangée de la première partie du scherzo après le trio central, le final fruste.»... à propos du Premier Scherzo.


«Ce n’est cependant pas parce que de prétendues “preuves“ sont des faux que la liaison n’est pas vraie. On pariera que liaison il y eut, et que Delphine Potocka aura même été sinon une initiatrice, du moins une “révélatrice“ sexuelle pour Chopin – non pas qu’on ait le moindre document pour enfin l’établir, mais parce qu’il faut bien que le rôle soit tenu par quelqu’un. C’est notre système (dogmatique/heuristique) qui nous amène à cette conclusion.» C’est du Eve Ruggieri amélioré en quelque sorte...


Le livre ne nous épargne ni l’aspect psychanalytique de bazar avec le chapitre «Le ventre de ma mère», ni l’homosexualité supposée de Chopin avec son si cher ami de jeunesse Titus Wojciechowski, passage d’anthologie ou l’auteur y mêle également Brahms..., ni le rapport du compositeur avec les femmes dans le chapitre «Elles, elle, elle» et l’un de ses paragraphes, franchement trivial, «A nous les p’tites élèves!». Au moment où ce livre sortait, nous n’étions pas, il est vrai, en pleine polémique sur la suppression des cours particuliers dans les conservatoires...


Reste une analyse historique et sociopolitique très intéressante. On apprécie, dans le Préambule le paragraphe sur les cinq phases de la Monarchie de Juillet ainsi que la frise chronologique, bien qu’elle soit très succincte, mettant en perspective les compositions de Chopin avec les événements historiques entre 1831 et 1849, les dix-huit ans de la vie parisienne du compositeur.


Vers la fin du volume, un tableau aux entrées très subjectives de l’auteur: «fureur de soi, désarroi joué, solécisme, introït», dans lequel il classe différentes œuvres du compositeur avec l’ambition de «constituer un tableau quasi pictural de l’évolution du musicien». Il nous engage à compléter ce tableau à notre convenance. Soit!


Critique, journaliste, homme de radio, donc en principe informateur musical, Dominique Jameux a, dans sa discographie sélective de sept pianistes, omis le nom de Georges Cziffra, qui bâtit sa carrière autant par de bouleversants Chopin qu’avec des Liszt visionnaires et qui confiait que Chopin était son musicien de prédilection. Vingt-quatre Etudes, dix-neuf Valses, Premier Concerto, Fantaisie-Impromptu, Fantaisie en fa mineur, Troisième et Quatrième Ballades, six Polonaises, Krakowiak, Polonaise-Fantaisie, Deuxième Scherzo, Impromptus, Andante spianato et Grande Polonaise, Tarentelle, Variations brillantes opus 12, Deuxième et Troisième Sonates, une poignée de Nocturnes, Berceuse. L’essentiel de Chopin pour tout dire, enregistré dès 1956 et jusqu’en 1984, pour certaines œuvres à plusieurs reprises, en studio et en live, jouées, évidemment avec le sens du drame et de la narration, la tendresse et l’irrépressible nostalgie, qui en font un Eden discographique est ainsi ignoré, occulté. Heureusement, Samson François et Horowitz font partie de la liste, de même Jean Dennery, dont la magnifique Troisième Ballade figurait au catalogue Parlophone 1937/38.


Christian Lorandin

 

 

 

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