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09/27/2014
Ludwig van Beethoven : Sonates pour piano n° 29, opus 106 «Hammerklavier» [*], n° 30, opus 109, n° 31, opus 110, et n° 32, opus 111
Paul Badura-Skoda (piano)
Enregistré en public à la Filharmonia Narodowa, Varsovie (26 juin 1976) [*] et en studio au Joseph Haydn Konservatorium, Eisenstadt (27-30 décembre 2013) – 100’22
Double album Genuin GEN14331 – Notice de présentation en français, allemand et anglais





Ludwig van Beethoven : Sonates pour piano n° 28, opus 101, et n° 29, opus 106 «Hammerklavier»
Olivier Chauzu (piano)
Enregistré en studio à Passavant (8-11 février 2010) – 70’33
Calliope CAL 9416 – Notice de présentation en français, espagnol et anglais



Consacrés aux dernières sonates de Beethoven, ces deux albums mettent en scène des interprètes qui ont pour point commun d’avoir beaucoup pensé – sinon, intellectualisé – leur art du piano. Celui de Paul Badura-Skoda (né en 1927) réunit des enregistrements studio de 2013 (les trois dernières sonates) et un live polonais de 1976 (la Hammerklavier). Un assemblage hétéroclite qui révèle pourtant la permanence de la conception: celle d’un Beethoven clair, concis, chantant. Etre capable, à l’âge de 86 ans, de jouer Beethoven de cette manière-là a quelque chose de profondément émouvant.


On ne peut, pourtant, passer sous silence les limites de l’exercice. Ainsi de l’architecture un peu liquide – à force d’être fluide – de l’Opus 109, qui repose sur une conception limpide de la partition mais souffre vite de la rythmique irrégulière du doigté. L’emmêlement des doigts est plus perceptible encore dans l’Opus 110, que le pianiste autrichien domine avec calme et intelligence mais où il échoue à donner une image de l’Allegro molto autre que mollassonne (et parfois au bord du naufrage). L’Opus 111 est moins étale, même si certaines variations acculent l’octogénaire dans ses retranchements techniques et ses limites physiques.


Trente-sept ans plus tôt (sur une scène polonaise), la Hammerklavier donne une image tout autre de la maîtrise du pianiste autrichien, qui fait chanter son Bösendorfer tout le long d’un premier mouvement baigné de lumière. On est touché par l’Adagio sostenuto, qui – en seulement 16 minutes – privilégie la clarté des plans et l’immédiateté du chant sur la profondeur du toucher et du message. Une approche très «musicale» de la partition qui bute cependant sur un Scherzo rhapsodié de manière fort curieuse – presque ironique. Le dernier mouvement n’est que tourbillon du chant et furie métronomique! A cette vitesse-là, il est inévitable que quelques accrocs viennent ternir le geste... Mais ce piano tout entier tourné vers la joie est indéniablement grisant («la fugue gigantesque [...] a longtemps été considérée comme injouable, elle est de même durée que le premier mouvement, mais le dépasse néanmoins en vitalité et en énergie. Quand on l’écoute, il n’est pas nécessaire d’essayer de suivre toutes ses métamorphoses et tous ses enchevêtrements. Il est bien plus important de se laisser emporter et enthousiasmer par son flux ininterrompu, car rien qu’en l’écoutant, sa structure apparaît dans toute sa clarté »).


Cet album, enrichi d’un long commentaire de l’interprète – rempli de souvenirs touchants (Paul Badura-Skoda allant jusqu’à inventer des textes pour accompagner les partitions, à l’image de celui stimulé par le climat mystique de l’Aria de l’Opus 109: «Tu es ma joie, tu es ma félicité. Toi mon refuge dans la vie, dans la mort! Es-tu loin de moi, je ne suis que souffrance. Dès ton retour, le monde entier n’est plus que joie») – a presque déjà valeur testamentaire.


Le disque d’Olivier Chauzu (né en 1963) bénéfice, lui aussi, d’un soin éditorial particulier – avec un très long entretien dans la notice, l’interprète y analysant notamment la question de la rythmique beethovénienne dans les manuscrits d’origine («ces indications contradictoires pourraient inhiber l’interprète en lui faisant croire qu’il dispose de peu de marge. L’expérience des interprétations du disque et du concert nous a démontré qu’il n’en est rien. [...] Les différences de tempi entre une version et une autre sont parfois énormes. D’une certaine manière, nous pourrions interpréter ces réserves mises par le compositeur comme un désir d’affranchir l’interprète de tout excès intempestif. Car curieusement le message beethovénien, excessif, ne s’accommode pas de l’excès, mais d’une certaine mesure»).


Si la maîtrise technique d’Olivier Chauzu y est plus souveraine, la Hammerklavier présente les mêmes défauts qu’en concert – vite rédhibitoires dans une œuvre aussi bien servie au disque. Les incessantes fluctuations – de phrasés, de tempos comme de nuances – bousculent la partition au point, parfois, de la rendre méconnaissable. Surtout, elles font tomber à plat le flux mélodique, à l’image d’une fugue laborieuse ou d’un Adagio sostenuto faisant – 20 minutes durant – du surplace dans l’ennui.


S’expliquant par la volonté de préserver l’ambiguïté tonale du premier mouvement («l’auditeur est plongé, au tout début de l’Opus 101, dans une zone d’incertitude qui dure tout le premier mouvement [...]. En réalité, tout l’Opus 101 peut se résumer, de manière schématique, à une recherche de la tonalité»), la timidité de l’approche dans le premier mouvement de la Vingt-huitième Sonate déroute plus qu’elle n’émeut. La délicatesse du toucher crée un climat de mystère que brise, avec trop de prosaïsme, le geste raide du Vivace alla marcia. Quant au reste, le grand écart des contrastes n’évite pas, là encore, une certaine monotonie du jeu. Au total, un Beethoven dont on décroche vite.


Le site de Paul Badura-Skoda
Le site d’Olivier Chauzu


Gilles d’Heyres

 

 

 

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