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08/15/2014
«Herbert von Karajan and the New York Philharmonic»
Ludwig van Beethoven : Symphonies n° 1 en ut majeur, opus 21, n° 5 en ut mineur, opus 67 (*), et n° 9 en ré mineur, opus 125

Leontyne Price (soprano), Maureen Forrester (mezzo-soprano), Léopold Simoneau (ténor), Norman Scott (basse), Westminster Choir, New York Philharmonic, Wiener Philharmoniker (*), Herbert von Karajan (direction)
Enregistré en concert au Festspielhaus de Salzbourg (18 août 1948 [*]) et au Carnegie Hall, New York (22 novembre 1958) – 116’39
Album de deux disques Archipel ARPCD 0556





Ces deux disques ne sont pas vraiment une nouveauté pour qui connaît les nombreux enregistrements pirates de Herbert von Karajan (1908-1989) puisque, pour ce qui concerne ce concert américain à la tête du Philharmonique de New York, il a déjà été édité chez Pristine Classical et chez Urania.


Retournons néanmoins quelques décennies en arrière pour en comprendre toute la valeur historique. Karajan, dont la vie musicale était bien entendue centrée en Europe et plus particulièrement en Allemagne, n’a guère dirigé les grands orchestres américains. Outre celui de Cleveland qu’il conduisit le 16 août 1967 au festival de Salzbourg (dans un programme réunissant le Concerto pour trois pianos de Mozart et la Cinquième Symphonie de Prokofiev, les deux autres concerts donnés par l’orchestre au cours du festival étant alors dirigés par George Szell) puis, dans le même programme, le 31 août au festival de Lucerne, Karajan avait également conduit le Philharmonique de Los Angeles à une seule occasion. Ce concert, également disponible au disque, a été donné le 2 juillet 1959 au Hollywood Bowl et rassemblait des œuvres fort diverses puisqu’on pouvait y entendre l’Ouverture des Maîtres chanteurs de Wagner, une pièce de Charles Ives, The Unanswered Question, la Trente-cinquième Symphonie «Haffner» de Mozart et Une vie de héros de Strauss, la partie de violon solo étant alors tenue par David Frisina.


Puis, hormis quinze concerts donnés de 1967 à 1969 avec l’Orchestre du Metropolitan Opera, Karajan dirigea donc le Philharmonique de New York à seulement huit reprises lors de deux séries de concerts tous donnés à Carnegie Hall. La première (concerts des 13, 14, 15 et 16 novembre 1958) comportait les Cinq Pièces de Webern, la Quarante-et-unième Symphonie «Jupiter» de Mozart et Une vie de héros de Strauss, le violon solo étant assuré par John Corigliano, qu’on ne doit pas confondre avec son homonyme de fils, célèbre compositeur de musiques de film; précisons en outre que le concert du 15 a été édité en un coffret de deux disques (Monaural Recording MR 2103 et 2104) avant d’être réédité à son tour chez Pristine Classical. La seconde série de quatre concerts (donnés les 20, 21, 22 et 23 novembre 1958) était entièrement consacrée à Beethoven avec les Première et Neuvième Symphonies: les présents disques nous permettent d’entendre le concert du 22 novembre puisque, comme c’était l’usage, les concerts de ce type étaient toujours donnés quatre fois et la radio enregistrait et diffusait le troisième, qui avait en principe lieu le samedi soir.


L’interprétation de la Neuvième Symphonie qu’il nous est ici donné d’entendre est impressionnante en dépit d’une prise de son parfois un peu ouatée. Dès les premières mesures de l’Allegro ma non troppo - Un poco vivace, on sent toute la connaissance que Karajan a de l’œuvre: le climat instauré par les sextolets est mystérieux à souhait, le discours véhément et l’orchestre est d’emblée galvanisé par une direction extrêmement volontaire. La fin du premier mouvement est également très belle, servie en outre par des vents dont le son pourrait être typiquement viennois, à commencer par le hautbois! Le deuxième mouvement avance également de la première à la dernière note, les bois faisant preuve d’une précision métronomique et d’une dextérité dans les détachés que l’on entend de façon extrêmement distincte. Mais c’est peut-être l’Adagio molto e cantabile - Andante moderato qui est le mouvement le plus réussi, Karajan se servant de son sens inné du legato pour faire progresser le Philharmonique de New York sur des sommets de lyrisme: quelle clarinette solo notamment! On remarquera que les tempi adoptés par le chef autrichien sont, à quelques secondes près, les mêmes pour chaque mouvement que ceux de l’enregistrement réalisé en octobre et novembre 1962 dans le cadre de sa première intégrale berlinoise des Symphonies de Beethoven. Débutant par un forte fracassant, le dernier mouvement bénéficie d’un très bon quatuor de solistes dominés par l’excellent Léopold Simoneau; les applaudissements concluant le concert témoignent là aussi de l’enthousiasme du public. Comme avait pu l’écrire Howard Taubman dans le New York Times du 22 novembre alors qu’il rendait compte du concert de la veille, si «Herbert von Karajan a montré hier qu’il savait diriger Beethoven avec tension et volontarisme [...] le Philharmonique de New York a, de son côté, prouvé qu’il était un interprète de caractère dans Beethoven». La Première symphonie qui ouvrait cette même série des quatre concerts new yorkais est légèrement moins convaincante en raison de tempi globalement un peu trop retenus (principalement dans le Menuetto), même si le quatrième mouvement Adagio - Allegro molto e vivace est, pour sa part, assez explosif.


Quant au bonus de ce concert américain, il est également fondamental du point de vue historique puisqu’il témoigne du retour de Karajan au premier plan dans le paysage musical européen. Après son procès en dénazification, et bien qu’ayant continué à effectuer des enregistrements dans l’immédiat après-guerre, Karajan retrouvait l’autorisation de diriger à compter du 1er octobre 1947. Le mois d’août 1948 marque donc son arrivée au festival de Salzbourg, où il dirige pour la première fois à deux reprises, outre plusieurs représentations d’Orfeo ed Euridice. Le deuxième concert, donné le 22 août à la tête des Wiener Philharmoniker, était consacré au Requiem allemand de Brahms avec Elisabeth Schwarzkopf et Paul Schöffler en solistes. Par ailleurs, le 18 août, le premier concert symphonique, donné avec de nouveau le Philharmonique de Vienne, comportait cette fois-ci la Cent-quatrième Symphonie «Londres» de Haydn, les Métamorphoses de Strauss et donc la Cinquième de Beethoven que nous pouvons écouter ici. Que dire sinon que le résultat est époustouflant? Le premier mouvement est emmené avec une maîtrise incroyable: on voit mal comment rester insensible à la fin de cet Allegro con brio qui donne la chair de poule à chaque note, l’orchestre avançant de façon inexorable, témoignant tout autant de la dextérité de celui-ci que de la baguette qui les dirige. Le deuxième mouvement mêle pour sa part à la fois majesté des ensembles et finesse orchestrale, les cordes étant particulièrement mises en valeur. Quant aux deux derniers mouvements, notamment l’Allegro conclusif, ils sont emplis d’une folle énergie où le Philharmonique fait office de rouleau compresseur que rien ne semble pouvoir arrêter. A la fin de cette écoute, il faut se rendre à l’évidence: c’est une fantastique version de la Cinquième par Karajan, qui se hisse au plus haut niveau d’une discographie pourtant riche en références où lui-même figure déjà en très bonne place.


Sébastien Gauthier

 

 

 

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