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02/15/2014
«Between Worlds»
Sulkan Tsintsadze : Sachidao – Danse du berger – Chant – Air de danse (arrangements Avital) [1]
Béla Bartók : Danses populaires roumaines, sz. 56 (arrangement Arthur Willner) [2]
Traditionnel : Bucimis [3] – Hen Ferchetan (arrangement Avital et Finch) [4]
Heitor Villa-Lobos : Bachianas brasileiras n° 5: Aria (Cantilena) (arrangement Avital et Galliano) [5]
Astor Piazzolla : Maria de Buenos Aires: Fuga y misterio (arrangement Juan Esteban Cuacci) [6]
Manuel de Falla : Siete canciones populares espanolas (arrangement Oscher) [7]
Vittorio Monti : Csárdás (arrangement Avital et Galliano) [8]
Ernest Bloch : Baal Shem: «Nigun» (arrangement Andreas Nicolai Tarkmann) [9]
Ora Bat Chaim : Freilach Ron [10]
Antonín Dvorák : Quatuor n° 12 «Americký», opus 96, B. 179: Vivace ma non troppo (arrangement Ohad Ben-Ari) [11]

Avi Avital (mandoline, mandole), Richard Galliano [5, 6, 8, 10] (accordéon), Giora Feidman [6, 10] (clarinette), Catrin Finch [4] (harpe), Itamar Doari [1, 3, 6, 7, 10] (percussion), Efrain Oscher [7] (flûte), Sacha Rattle [7, 9] (clarinette), Ralf Benesch [7] (guitare), Sarah Verrue [7, 9] (harpe), Ivano Battiston [11] (accordéon), Simone Bernardini [1, 9, 11] (violon), Amihai Grosz [1, 9, 11] (alto), Zvi Plesser [1, 7, 9, 11] (violoncelle), Klaus Stoll [1, 5, 6, 7, 9, 10, 11] (contrebasse), Académie de chambre de Potsdam [2]
Enregistré à Berlin (avril et août 2013) et Cardiff (mai 2013) – 66’17
Deutsche Grammophon 479 1069





Après un beau disque consacré à Bach, Avi Avital (né en 1978) reste fidèle à Deutsche Grammophon mais propose cette fois-ci, dans un album intitulé «Between Worlds», un voyage «entre les mondes». Ainsi qu’il s’en explique dans l’ entretien qu’il a accordé à notre site et dans la note d’intention du livret (hélas complétée par un texte – en anglais, allemand et français – bavard et dépourvu de tout caractère informatif), le musicien israélien a souhaité mettre en valeur des compositeurs qui se sont attachés à «l’intégration de la musique populaire traditionnelle dans la musique "classique" ou "savante"».


Même si l’on se réjouissait, grâce à Avital, de retrouver une nouvelle fois la mandoline bien loin du répertoire auquel elle paraît généralement cantonnée – sérénades italiennes ou même, aspect important quoique moins connu, «orchestres» regroupant les divers représentants de cette famille instrumentale – il y avait lieu de craindre quelque melting pot indigeste, voire les complaisances du crossover. Craintes infondées, car le résultat, souvent inattendu, se révèle en tout point savoureux.


Pour mener à bien ce projet, Avital s’est entouré de remarquables musiciens de toutes origines, générations et cultures musicales, à l’image des quatre principaux d’entre eux: le clarinettiste argentin Giora Feidman (né en 1936), l’accordéoniste niçois Richard Galliano (né en 1950), qui a lui-même publié voici quatre ans chez le même éditeur un album consacré à Bach, la harpiste galloise Catrin Finch (née en 1980) et le percussionniste israélien Itamar Doari (né en 1985). La qualité n’est pas en reste avec ceux qui complètent l’affiche, comme Sacha Rattle (né en 1983), fils aîné du chef anglais et de sa première épouse, la soprano Elise Ross, mais aussi un quatuor de cordes pour la plupart membres ou anciens membres du Philharmonique de Berlin, une harpiste venant d’intégrer la Tonhalle de Zurich et, pour une brève apparition, l’Académie de chambre de Potsdam, qui accompagnait déjà l’album Bach.


L’itinéraire débute en Géorgie, avec une des Miniatures de Sulkhan Tsintsadze (1925-1991) – trois autres suivront dans le cours du programme, autant de pièces délicieuses dont la transcription rehausse les couleurs à la Khatchatourian. Ensuite, en Roumanie, les incontournables Danses populaires de Bartók précèdent un bucimis à la rythmique subtilement décalée. A-t-on traversé l’Atlantique et gagné le Brésil, avec l’Aria des Bachianas brasileiras n° 5 de Villa-Lobos, partagée entre Avital et Galliano (qui en cosignent une adaptation accompagnée de la seule contrebasse)? Rien n’est moins sûr, tant la combinaison instrumentale rejette, presque à dessein, toute référence idiomatique, mais dans l’Argentine de Piazzolla («Fuga y misterio»), la clarinette klezmer et la mandoline n’honorent pas moins le tango que l’accordéon.


Retour en Europe, d’abord en Espagne, avec les Sept chansons populaires de Falla, dans un arrangement aussi improbable que stimulant où la mandoline est entourée d’un septuor sui generis (flûte, clarinette, guitare, harpe, violoncelle, contrebasse et percussion). C’est ensuite la Hongrie, pour la célèbre Csardas de Monti, qui fonctionne parfaitement sous les doigts du duo Avital-Galliano. Avec Giora Feidman, la tradition juive s’imposait, mais la mandoline ne dépare pas du tout dans le «Nigun» de Bloch, suivi d’une improvisation (dans le style klezmer) d’Ora Bat Chaim (née en 1935), l’épouse de Feidman. Après une ultime allusion au Nouveau Monde, au travers du Finale du Douzième Quatuor «Américain» de Dvorák, une irrésistible réussite, le voyage se termine au Pays de Galles, avec la chanson populaire La Vieille fille, où Avital se livre à une joute avec la harpe de Catrin Finch.


Qu’elle prenne la place des cordes (Tsintsadze, Bartók, Monti, Bloch, Dvorák...), de la voix (Villa-Lobos, Falla...) ou du bandonéon (Piazzolla), la mandoline – ou, au besoin, la mandole, ténor de la famille des mandolines, dans trois morceaux – ne semble jamais hors de propos, se faisant tour à tour vive, avec ses cordes pincées, ou lyrique, avec ses denses trémolos. Malgré de grands écarts géographiques et musicaux d’une brève plage à l’autre, le voyage ne donne pas mal au cœur, car les arrangements tendent à unifier le propos en aplanissant les différences nationales et en brouillant les pistes stylistiques. Pour autant, l’impression d’ensemble est tout sauf lisse, ne serait-ce que grâce au plaisir et à l’enthousiasme évidents des interprètes.


Avi Avital en entretien sur notre site
Le site d’Avi Avital
Le site de Richard Galliano
Le site de Giora Feidman
Le site de Catrin Finch
Le site de l’Académie de chambre de Potsdam


Simon Corley

 

 

 

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