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08/23/2013
Hector Berlioz : A travers chants. Etudes musicales, adorations, boutades et critiques

Symétrie et Palazzetto Bru Zane, 2013 – Publié avec le soutien du Festival Berlioz et du Musée Hector-Berlioz – 388 pages, 13 €





«Etudes musicales, adorations, boutades et critiques»: le sous-titre d’A travers chants (1862) résume très bien le contenu de l’ouvrage principalement consacré aux œuvres avec voix mais s’ouvrant à bien d’autres considérations musicales, philosophiques et humaines. Le monde musical dans lequel Hector Berlioz évoluait en Europe, et ici tout particulièrement en France et en Allemagne, revit sous sa plume, avec les attitudes à la mode, les tendances, les bienfaits, les travers, les conditions de travail et les affres que devait subir un compositeur à la sensibilité exacerbée qui luttait au nom d’une vision idéale de la musique et de la pratique musicale. Avec les jeux de mots, les traits d’esprits acérés, la passion, la poésie, la clarté, l’élégance et la précision musicale auxquels tout lecteur de Berlioz s’attend à chaque page, Berlioz livre le troisième volet d’une trilogie de recueils de textes, celui-ci le contrepoids plus positif des deux premiers volumes plus universellement caustiques, critiques ou espièglement satiriques (Les Grotesques de la musique, Les Soirées de l’orchestre ). Comme dans les Mémoires, la présence saisissante du compositeur dans toute sa complexité irradie ses écrits encore illuminés par sa foi absolue en la force expressive de la musique.


Chacun des quatre points du sous-titre peut être arbitrairement attribué à l’un ou l’autre des trente chapitres, mais ils restent en fait étroitement mêlés. L’adoration ne sera pas sans critique ou sans études musicales. Rien ne sera sans boutade. L’«adoration» va en premier lieu à la musique, «à la fois un sentiment et une science», une «réunion du savoir et de l’inspiration» qu’il porte au sommet des arts et pour laquelle il appelle à un respect absolu de la lettre des partitions, souvent malmenées à l’époque pour convenir, par exemple, à la voix de tel chanteur, au goût d’un public qui ne serait que peu mélomane ou aux préoccupations financières d’un directeur de salle. Ensuite l’adoration va aux compositeurs – qui traversent tous ses écrits, dominés ici par Beethoven, Gluck et Weber – et à Shakespeare, qui a tant inspiré son propre œuvre. A travers une théorisation de haut niveau à l’ouverture philosophique qui est aussi un traité de l’écoute, les «études musicales» vont de sa vision de la musique dans l’absolu à une analyse des œuvres qu’il «adore», les traits techniques se mêlant à une description poétique de ce qu’il entend et de qu’il vit. «A travers chants», il examine entre autres le Fidelio/Léonore de Bouilly à la lumière de Beethoven, puis les différentes façons d’aborder l’histoire d’Orphée et celle d’Alceste de Lully à Gluck, ce de la valeur de l’adaptation littéraire du livret, au traitement des voix et de l’orchestre. Hors «chants», il présente en détail les neuf Symphonies et certains trios et sonates de Beethoven. Les «critiques» prennent plusieurs formes de l’éreintage en quelques mots ou du rejet plus nuancé de la «musique de l’avenir», à une critique constructive de l’exhaussement du diapason, ou des problèmes posés par la grandeur des salles modernes, ou de la musique ancienne et de la musique d’ailleurs, plus ou moins de son goût. Les «boutades» sont partout, la boutade suprême qui clôt d’ouvrage étant un pastiche savoureux d’une scène entière de Hamlet, qui débute par la célèbre tirade «Etre ou ne pas être», adaptée aux conditions de la pratique musicale en France qu’il trouve désastreuses.


Berlioz était un homme de lettres érudit et il émaille sa prose de citations de poèmes et autres textes littéraires. Avec un grand souci de détail, Guy Sacre les situe et les commente, en assurant la traduction et la correction selon les besoins. Plus impressionnant, peut-être, il décèle les nombreuses citations indirectes ou paraphrasées, jeu auquel Berlioz s’adonne souvent, et en précise l’auteur et les termes exacts toujours renseignés. Emmanuel Reibel, spécialiste de l’étude des relations entre musique et littérature et du romantisme français, propose une préface qui analyse l’ouvrage en tant que révélateur de la pensée profonde du compositeur, de ses exigences, de ses espoirs et de ses attentes, le situant dans l’esprit d’une époque où il fut à la fois moderne, novateur, curieusement antimoderne et surtout détenteur de son propre idéal musical.


«Une pareille musique ne se décrit pas; il faut l’entendre et la sentir» écrivait Berlioz d’une musique qui l’émut. Ainsi s’en va-t-il des écrits du compositeur qui ne se décrivent pas mais qui se lisent et se relisent. Cette nouvelle édition peaufinée ne peut donc être que bienvenue. Prenant appui sur la première édition du texte publiée en 1862 chez Michel Lévy frères, les éditions Symétrie apportent le soin habituel à la présentation, à la graphie et à la ponctuation (celle de Berlioz mise a minima essentiel aux normes actuelles de la typographie), offrant au lecteur les indispensables index des personnes et des œuvres, cela dans un format de poche broché, léger et maniable. Alliées aux travaux de Guy Sacre et d’Emmanuel Reibel, ces qualités doivent en faire l’édition qui s’impose pour les mélomanes qui désirent relire ou lire cet ouvrage à la sève protéiforme.


Christine Labroche

 

 

 

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