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05/15/2013
«Visions of Liszt»
Franz Liszt : Sonate en si mineur – Erster Mephisto-Walzer – Valse-Impromptu – Six Grandes Etudes d’après Paganini

Rufus Choi (piano)
Enregistré à Los Angeles (mai 2011) – 75’30
Cambria CD-1206 – Notice de présentation en anglais





Franz Liszt : Sonate en si mineur – Liebestraum n° 3 «O lieb, so lang du lieben kannst» – Harmonies poétiques et religieuses: «Funérailles» – Valse oubliée n° 1 – La lugubre gondola I
Vardan Mamikonian (piano)
Enregistré au Hessischer Rundfunk, hr-Sendesaal, Frankfurt am Main (20-22 février 2012) – 58’28
Dynamic CDS 730 – Notice de présentation en français et en anglais





Franz Liszt : Sonate en si mineur – Deuxième Année de pèlerinage: «Au lac de Wallenstadt» et «Il penseroso» – Valse oubliée n° 1 – Six Grandes études d’après Paganini – Rhapsodie hongroise n° 13
André Watts (piano)
Enregistré en concert au château de Schwetzingen (25 mai 1986) – 77’08
Hänssler Classic 93.718 – Notice de présentation en anglais et en allemand





Franz Liszt : Sonate en si mineur – La lugubre gondola I et II – Bagatelle ohne Tonart – Trübe Wolken – Am Grabe Richard Wagner – En rêve (Nocturne) – Ave Maria IV – Czárdás obstiné
Modeste Moussorgski : Tableaux d’une exposition – Gopak – Rêverie

Mikhaïl Rudy (piano)
Lieu d’enregistrement non précisé (1980 et 1981) – 103’12
Double album Phaia Music PHU015.16 – Notice de présentation en français et en anglais





Chef-d’œuvre de la littérature pianistique, la Sonate en si mineur de Liszt – publiée en 1854 – est une tarte à la crème de l’enregistrement discographique. Si on ne compte plus les versions disponibles en CD, la parution de ces quatre albums (deux nouveautés, un concert d’archives et une réédition) vient illustrer la diversité des approches dont la partition dédiée à Schumann peut faire l’objet. Matière à des déchaînements diaboliques comme à la poésie la plus intimiste, la pièce est un sujet de prédilection pour nombre de pianistes – pour le meilleur (Argerich, Arrau, Economou, Horowitz, Zimerman…) et pour le pire.


Le pianiste américain Rufus Choi (né en 1976) joue sur les contrastes et la noirceur méphistophélique de l’œuvre, mais échoue à ouvrir les portes de l’enfer. Sa Sonate bénéficie d’une exécution convenable... comme il en existe des dizaines sur le marché du disque. Elle souffre en revanche d’une vision monocolore des paysages lisztiens. Une tension permanente aboutit à un excès de nervosité, des raideurs et une difficulté à sublimer les trilles. Certains traits sont tellement heurtés qu’ils en deviennent caricaturaux de maniaquerie. Pour quelques moments d’éloquence, on a surtout beaucoup de vide (dans les passages les plus tranquilles de l’œuvre notamment) et le sentiment d’une relative vacuité de l’interprétation. Le reste de l’album est de bonne tenue mais ne retient pas spécialement l’attention – avec une Valse-Impromptu sans saveur particulière, une Méphisto-Valse enlevée avec maestria mais sans l’évidence et la richesse digitale d’un Cziffra ou, s’agissant des Etudes d’après Paganini, d’un Watts.


C’est précisément un récital d’André Watts (né en 1946) que Hänssler met sur le marché: celui donné le 25 mai 1986 au château de Schwetzingen (au même endroit et dans la même collection que le remarquable Chopin d’Alexis Weissenberg). La comparaison avec son jeune compatriote fait d’emblée apparaître toute l’éloquence et la maturité du pianiste américain dans la Sonate en si mineur. Sachant prendre son temps, osant l’immobilité – quitte à relâcher la pédale et laisser les notes se taire dans le silence environnant (il faut dire que le public allemand est attentif et qu’on n’entend guère que le parquet qui craque...) –, Watts regarde par instants vers le Liszt ultime. Une interprétation toute en délicatesse, d’une virtuosité sans esbroufe – plus proche des Rêves d’amour que des Rhapsodies hongroises. On apprécie notamment une fugue légère comme du Mendelssohn, qui se densifie intelligemment en restant toujours lisible et claire. Si la maîtrise du texte est indéniable (...n’étaient de petites erreurs), le point faible de l’approche d’André Watts réside peut-être dans l’impression d’hédonisme de certains phrasés qui s’étirent en longueur. Les amateurs de décibels ou d’une conception plus compacte continueront à aller s’enivrer du côté d’Horowitz ou d’Argerich. Mais il s’agit d’un témoignage précieux de l’art d’André Watts – grand interprète de Liszt.


Quelques mois après les prises new-yorkaises de studio (EMI), Watts met également au programme de ce récital au château de Schwetzingen des œuvres qu’il joue dans des tempos légèrement plus rapides et qu’il maîtrise d’autant mieux qu’elles figurent toutes dans son disque enregistré en novembre 1985. Ouvrant le concert, les extraits des Années de pèlerinage déçoivent quelque peu, alors que la Valse oubliée et la Treizième Rhapsodie hongroise ensorcellent moins que dans le disque de studio. En revanche, loin de l’anonymat dans lequel Rufus Choi les plongeait, les Etudes d’après Paganini trouvent André Watts au sommet de son art. Un art parfaitement décrit par Peter Cossé dans la notice (malheureusement non traduite en français): «sparkling, athletic brilliance, apparently uncomplicated access to the obvious characteristics of a piece, and enviable talent; generously offering an audience this and quite a bit more in the circle of the unavoidable, or more precisely, gifting in a fascinating act of self-ignition. [...] Watts proves to be a philosopher of minor and major insights, albeit one who is athletically trained through and through. His hallmark is to explore what is known and discover the unheard in the familiar».


Plus contestable est le Liszt – fort personnel – du pianiste d’origine arménienne Vardan Mamikonian (né en 1970). Sans démériter, sa Sonate pâtit d’un toucher métallique, de chutes de tension et surtout d’une conception décousue à force de mettre en avant certaines notes et certaines portées. Assurément, la vision est volontariste et l’interprète fouille le texte là il pourrait se contenter de le restituer plus sobrement. Mais il ne convainc pas, en particulier dans la fugue – amorphe à vouloir être trop nuancée. Ce disque bref (moins d’une heure) est complété par des pièces où s’expriment une gestion très subjective des tempos (Valse oubliée), dont l’absence de régularité est affaire de goût – parfois affectée de sentimentalité (Rêve d’amour), parfois plus sobrement nuancée (La lugubre gondole, «Funérailles»).


Dans une version réputée (il s’agit de la réédition des bandes Calliope de 1980 et 1981, enregistrées par Georges Kisselhoff), Mikhaïl Rudy (né en 1953) fait défiler la gamme des couleurs et des sentiments. Maîtrisant de bout en bout la Sonate en si mineur, il en fournit une vision aussi juste qu’équilibrée – conciliant, dans une synthèse stylistique incontestable, les différentes approches possibles. L’interprétation n’est, du coup, pas forcément celle qui frappe le plus l’oreille – manquant d’abysses et d’abîmes, de sang et de larmes. Mais c’est bien là le seul défaut qu’on puisse lui trouver. Et le reste de l’album confirme les affinités lisztiennes du pianiste d’origine russe. Enchaînant presque sans pause des partitions souvent tardives, Mikhaïl Rudy dessine des paysages d’une grande richesse – plus marquants dans le tournoiement des rythmes et l’enivrement de la danse (Bagatelle sans tonalité, Czárdás obstiné) que dans le mystère des dernières pièces qui paraissent comme manquer de poids (La lugubre gondole, Nuages gris). Le second disque de l’album est consacré à Moussorgski. Rudy y exalte la puissance des Tableaux d’une exposition, peignant des touches aux couleurs un peu opaques mais très nettement dessinées.


Le site de Rufus Choi
Le site de Vardan Mamikonian


Gilles d’Heyres

 

 

 

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