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02/12/2013
Antonio Vivaldi : L’oracolo in Messenia, RV 726
Magnus Staveland (Polifonte), Ann Hallenberg (Merope), Vivica Genaux (Epitide), Romina Basso (Elmira), Julia Lezhneva (Trasimede), Franziska Gottwald (Licisco), Xavier Sabata (Anassandro), Europa Galante, Fabio Biondi (direction)
Enregistré en public au Konzerthaus, Vienne (13-15 janvier 2012) – 157’35
Coffret de deux disques Virgin Classics 50999 6025472 6 – Notice de Frédéric Delaméa, Fabio Biondi et Bernhard Drobig et traduction des textes chantés en trois langues (anglais, français et allemand)





Must de ConcertoNet


Comme si l’œuvre authentique d’Antonio Vivaldi (1678-1741) ne suffisait pas, voici cet opéra en trois actes, L’oracolo in Messenia, qui n’est autre qu’un pasticcio comme il y en avait beaucoup à l’ère baroque. La version qui nous est présentée ici mêle ainsi des airs tirés de L’oracolo in Messenia, opéra authentique de Vivaldi présenté à Vienne en 1738 sur la base d’une pièce précédente, l’opéra Merope de Geminiano Giacomelli, mais aussi des airs tirés directement de ce Merope et qui associe enfin passages tirés de la version de 1738 et de celle de 1742, partition remaniée par Vivaldi alors qu’il était à Vienne et qu’il allait y mourir. Frédéric Delaméa et Fabio Biondi ont donc reconstitué un ouvrage qui, pour les récitatifs en tout cas, utilise abondamment l’opéra de Giacomelli sans que cela ne nuise ni à la cohérence de l’action, ni à l’unité de la musique. Les deux disques qui nous sont ici présentés reflètent une série de concerts donnés voilà un peu plus d’un an au Konzerthaus de Vienne.


Fondé sur un livret du célèbre écrivain vénitien Apostolo Zeno (1668-1750), L’oracolo in Messenia associe, comme souvent à cette époque, épopées guerrières, intrigues amoureuses et trahisons humaines... On n’entrera pas dans les détails de l’histoire d’une particulière complexité qui nous est ici narrée. Il suffit de savoir que le roi Cresfonte et deux de ses fils sont assassinés par Anaxandre sur les ordres du tyran Polifonte; plusieurs années après, Epitide, le seul fils rescapé du massacre, revient sur ses terres sous le nom de Cléon et cherche à reprendre le trône jadis perdu par son père, tout en aidant sa mère, la reine Mérope, qui est aux prises sentimentales de Polifonte. A la suite de nombreuses péripéties, Polifonte sera finalement condamné à mort, Anaxandre étant envoyé en exil et Epitide pourra ainsi filer le parfait amour avec Elmira dont il était épris depuis son plus jeune âge.


Peut-il y avoir meilleure équipe que celle réunie ici autour de Fabio Biondi? A la lecture des noms, on n’en doute guère; à l’écoute, on en est pleinement convaincu!


Dans le rôle de Polifonte, Magnus Staveland est excellent: dès l’air «Non ascolto, che furore» (acte I, scène 5), sa voix, sur une pulsation rapide à trois temps, nous transporte même si la colère demeure un tant soit peu maîtrisée et non dévastatrice. Sa plus belle intervention reste peut-être néanmoins le magnifique air «Se el cader del mostro orrendo» (acte II, scène 2), pourtant handicapé par un son curieusement faux et métallique du clavecin lors de ses gammes ascendantes. Servie par un accompagnement tout en dentelles musicales, Vivica Genaux nous séduit elle aussi dès sa première intervention, «Dono d’amica sorte» (acte I, scène 3), qui privilégie très nettement la mélodie sur la seule technique. Le moment le plus attendu était évidemment l’air tiré de l’opéra de Giacomelli, inséré dans l’œuvre de Vivaldi, lorsqu’elle chante «Sposa... non mi conosci?» (acte III, scène 7). Chaque mot transpire le drame, chaque syllabe pointe le désespoir, chaque respiration appelle la compassion : Vivica Genaux est souveraine, Fabio Biondi l’accompagnant encore une fois idéalement. La légère tension qui accompagne ses fins de phrase finit ensuite par lentement s’épancher dans des tutti de cordes: la musique est ici grande, très grande et le frisson demeure à chaque nouvelle écoute.


Franziska Gottwald, qui incarne le personnage de Licisco, est également excellente, bénéficiant d’une voix chaude et sans vibrato, qu’elle soit accompagnée par des cors rutilants dans l’air «Sinché il tiranno scendere» (acte I, scène 6) ou par de simples cordes dans un air on ne peut plus classique chez Vivaldi, «So, ch’è vezzosa» (acte II, scène 3). Là encore, on éprouvera une légère contrariété en entendant l’accompagnement faux du clavecin à partir de 2’05 dans l’air «Nell’orror di notte obscura» (acte III, scène 4) mais ce n’est que broutille. Grande habituée du répertoire baroque, plutôt Händel que Vivaldi néanmoins, Ann Hallenberg campe une Mérope fière et pleine de noblesse: l’air qui la résume le mieux est certainement ce «Barbaro traditor» (acte I, scène 11), où elle repousse avec fougue les avances du traître Polifonte! L’orchestre est génial, incarnant superbement cette frénésie vivaldienne: les cordes s’embrasent, la voix s’élance, le clavecin virevolte...


Quel plaisir également de retrouver Romina Basso (qui incarne Elmira), impeccable elle aussi: la souplesse des lignes instrumentale et vocale fait de l’air «Se mi vedi nel» (acte I, scène 10) un véritable sans faute. Quant à l’air du deuxième acte «La mia cara speranza», il emprunte cette fois-ci d’autres chemins de traverse, privilégiant la gravité, que renvoient d’ailleurs parfaitement les cordes pincées du théorbe. La jeune Julia Lezhneva réalise pour sa part une prouesse technique inouïe dans le passage «Son qual nave, che agitata» (acte II, scène 7): n’oublions pas que cet enregistrement a été réalisé sur le vif! La technique est évidemment présente mais la pureté de la voix, les couleurs du chant la font immédiatement oublier. Enfin, même s’il n’a que peu d’airs à son actif, Xavier Sabata tient parfaitement le rôle d’Anassandro, notamment dans la conclusion du deuxième acte.


Plus que jamais maître d’œuvre, Fabio Biondi conduit l’Europa Galante avec un brio qu’on ne cesse d’admirer. Dès l’Ouverture, en trois brefs mouvements, les couleurs propres au Prêtre roux sont présentes, les cors s’intercalant avec justesse entre les cordes, qu’elles soient pincées, grattées ou frottées. L’accompagnement des airs met chaque instrumentiste en valeur sans pour autant qu’il oublie que c’est la voix qui prime: quelle discrétion et quelle délicatesse chez les hautbois ou chez les cordes!


Alors, pasticcio ou non, véritable authenticité ou non, œuvre partielle ou totale, on se précipite sur ce nouvel opus vivaldien réalisé sous la houlette de Fabio Biondi qui, une fois encore, nous transporte totalement.


Le site de Vivica Genaux
Le site de Franziska Gottwald
Le site de Xavier Sabata
Le site d’Europa Galante


Sébastien Gauthier

 

 

 

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