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10/07/2012
Georges Bizet : Carmen (version de 1875, reconstituée par Fritz Oeser)

Magdalena Kozená (Carmen), Jonas Kaufmann (Don José), Genia Kühmeier (Micaëla), Kostas Smoriginas (Escamillo), Christian van Horn (Zuniga), Andrè Schuen (Moralès), Christina Landshamer (Frasquita), Rachel Frenkel (Mercédès), Simone Del Savio (Le Dancaïre), Jean-Paul Fouchécourt (Le Remendado), Chor der Deutschen Staatsoper Berlin, Kinderchor der Deutschen Staatsoper Berlin, Berliner Philharmoniker, Simon Rattle (direction)
Enregistré à la Philharmonie de Berlin (16-21 avril 2012) – 149’47
Double album EMI 4 40285 2 – Notice en français, anglais et allemand





«Love and Longing»
Antonín Dvorák : Biblické písně, opus 99, B. 189
Maurice Ravel : Shéhérazade
Gustav Mahler : Rückert-Lieder
Magdalena Kozená (mezzo-soprano), Berliner Philharmoniker, Simon Rattle (direction)
Enregistré en public à la Philharmonie de Berlin (janvier 2012) – 64’10
Double album DG 479 0065 (distribué par Universal) – Notice en français, anglais et allemand





Kozená – Rattle – Berlin... ticket gagnant? Pas dans Bizet en tout cas! On se réjouit pourtant qu’une équipe aussi prestigieuse offre un enregistrement aussi soigné de Carmen (1875), édité par EMI dans un petit livre au format CD, sans livret imprimé mais joliment illustré (voir la vidéo de présentation). L’interprétation, qui reprend un spectacle déjà rodé sur scène, suscite toutefois la même déception qu’à Salzbourg l’été dernier.


Le disque souffre de trois défauts majeurs. Le rôle-titre d’abord, confié à Magdalena Kozená qui glace ce qu’on aimerait voir s’enflammer. Comme l’écrivait Claudio Poloni, «cette Carmen ressemble à une chatte, alors qu’elle devrait être une tigresse, à aucun moment elle ne dégage la complexité ni la sensualité et la volupté du personnage». La cantatrice en convient d’ailleurs avec une désarmante franchise: «Je n’ai rien de Carmen, ni physiquement, ni vocalement (...) Je savais depuis le début que ma prise de rôle ne serait pas appréciée par tout le monde». C’est le moins qu’on puisse dire, tant la prosodie comme la sentimentalité paraissent hors de propos – au bord du ridicule par moments.


La Tchèque fait preuve d’une belle clairvoyance en soulignant que «dans les cinquante dernières années, Carmen est devenue une sorte de grand opéra à l’italienne (...) Mais il a été écrit pour l’Opéra Comique, si bien qu’il est inutile de déployer une orchestration trop puissante». C’est précisément le deuxième problème de cet album: malgré la perfection sonore et l’engagement infaillible du Philharmonique de Berlin, Simon Rattle confond Bizet et Wagner... et violente cette musique à laquelle il ôte son caractère propre – au profit d’un son léché et trop puissant, et même pesant voire agressif.


La troisième faille réside dans une distribution inégalement engagée, où le soin porté à la langue française est globalement insuffisant – tant dans le chant (à commencer par Kozená, qui maîtrise pourtant admirablement la langue de Molière) que dans les dialogues parlés, d’une platitude consternante. Il serait cependant injuste de ne pas rendre hommage à la Micaëla touchante (quoique scolaire) de Genia Kühmeier – qui évoque la jeune Barbara Hendricks – et, surtout, à l’admirable Don José de Jonas Kaufmann – intensément mâle, aux explosions conquérantes et qui n’en fait jamais trop dans le larmoyant.


L’album édité par Deutsche Grammophon (voir la vidéo de présentation) présente lui aussi le trio Kozená – Rattle – Berlin, le chef anglais apparaissant dans Bizet «by kind permission of Deutsche Grammophon», la mezzo-soprano tchèque se produisant ici «by kind permission of EMI Classics». Cet accord de bons procédés entre les deux éditeurs tourne clairement à l’avantage de l’étiquette jaune.


Recueil baigné de nostalgie et d’émotion, les Chants bibliques (1894) de Dvorák permettent au grave de Kozená – bien soutenue par un Philharmonique de Berlin en majesté (quoique peu idiomatique) – de faire des merveilles. «Entre crainte et espérance, entre prière et joie, entre détresse et détermination, ces chants déploient tout l’éventail des émotions humaines avec une sincérité profondément émouvante», ainsi que l’écrit Torsten Blaich dans la notice.


Assez proche du souvenir laissé en concert, l’interprétation de Shéhérazade (1903) de Ravel bénéficie d’une voix suffisamment homogène pour cette partition, particulièrement à l’aise dans les graves de «La Flûte enchantée» et dans la solennité de «L’Indifférent». Dommage que la prononciation manque encore de finition, surtout dans les fins de phrases – parfois escamotées par une diction pâteuse («Je voudrais voir la Perse, et l’Indchhhh, et puis la Chhhnn......»).


Enfin, les timbres de Magdalena Kozená se lovent idéalement dans les Rückert-Lieder (1902) de Mahler. Si «Blicke mir nicht in die Lieder» et «Liebst du um Schönheit» manquent respectivement d’un peu de longueur et de gravité, «Ich bin der Welt abhanden gekommen» rayonne d’une beauté froide. Les registres sollicités par Mahler conviennent tout autant au mezzo de la native de Brno dans «Um Mitternacht» – d’un impressionnant éclat vocal mais que d’aucuns jugeront trop extraverti dans l’expression des sentiments. Le disque permet en tout cas d’entendre une chanteuse en pleine possession de ses moyens faire la démonstration de la variété de ses talents – en live qui plus est!


Le site de Magdalena Kozená
Le site de l’album Carmen
Le site de l’album «Love and Longing»


Gilles d’Heyres

 

 

 

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