About us / Contact

The Classical Music Network

Books

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

09/22/2009
Aspects de l’opéra français de Meyerbeer à Honegger

Ouvrage coordonné par Jean-Christophe Branger et Vincent Giroud
Symétrie – 272 pages, 32 €






Cet ouvrage, issu d’un colloque tenu à l’université Yale en avril 2004, nous présente des « aspects de l’opéra français de Meyerbeer à Honegger ». Ce titre est pour le moins intrigant : il est question de l’opéra français, mais les deux compositeurs présentés comme les balises chronologiques de cette étude ne le sont pas : si Honegger est originaire de Suisse, pays où l’on parle français, du moins en Suisse romande, et a vécu en France (il est né au Havre et est mort à Paris), Meyerbeer est allemand. D’emblée Jean-Christophe Branger et Vincent Giroud expliquent dans l’avant-propos que « le titre retenu […] reflète à dessein une constante de l’opéra français qui n’est pas toujours suffisamment mise en relief : le rôle des compositeurs étrangers […] dans le théâtre lyrique français ». Ainsi l’ouvrage se veut-il propre à explorer l’opéra français dans tout ce qu’il a de plus diversifié, d’où les influences étrangères et d’où ce terme « aspects » qui peut aussi susciter des interrogations par le flou qui en découle : quels peuvent être ces aspects ? Recourir à cette terminologie n’est-ce pas ouvrir grand la porte à la juxtaposition d’analyses fragmentaires, sans liens entre elles, qui risqueraient non seulement d’ennuyer le lecteur mais aussi de l’embrouiller ? C’est ce que l’on peut penser en examinant les titres des chapitres : il est d’abord question du néoclassicisme, de « la dernière pensée musicale de Meyerbeer », de l’air d’entrée de Carmen, de la genèse d’Hérodiade de Massenet, de la relation entre le compositeur Alfred Bruneau et la cantatrice Marie Delna, des études de La Carmélite de Reynaldo Hahn, de La Chute de la maison Usher de Debussy et de L’Heure espagnole de Ravel, et enfin d’une lecture socio-historique d’Antigone d’Honegger. Tout cela semble fort intéressant, notamment parce que nous sont présentés des œuvres et des compositeurs peu connus voire oubliés, du moins du grand public, comme La Carmélite et Bruneau, mais ressemble a priori à de petites touches de peinture inaptes à créer une quelconque unité.


Pourtant, le tableau est uni : à la lecture de l’ensemble, on remarque peu à peu les liens qui se tissent naturellement entre les chapitres. En effet, plusieurs d’entre eux sont consacrés à une étude génétique : ceux sur Carmen, Hérodiade et La Chute de la Maison Usher. En outre, on se rend compte que dans l’étude de Carmen, la relation entre Bizet et Célestine Galli-Marié est d’une importance fondamentale, ce qui noue un autre lien avec le chapitre sur Bruneau et Delna. De plus, d’autres connexions, peut-être plus sous-jacentes se dégagent : au chapitre 5, concernant justement Marie Delna, on apprend que lors de la création de L’Attaque du moulin de Bruneau, la « distribution brillante » incluait notamment « Vergnet, naguère le premier Jean d’Hérodiade » dont il est question au chapitre 3. De même, le chapitre 6 expose, exemples à l’appui, « la succession de pastiches du style de Lully et de ses contemporains », qui ne peut pas ne pas évoquer le premier chapitre sur le néoclassicisme.


Il y a bien d’autres liens subtils de la sorte glissés dans l’ouvrage que le lecteur se plaira à découvrir, non seulement pour l’aspect quelque peu ludique que ces liens sous-tendent, mais aussi parce qu’en réalité, ils tissent une trame historique de l’opéra français de Meyerbeer à Honegger. L’ouvrage évite ainsi un panorama historique qui pourrait être un peu rébarbatif, au profit d’aspects subtilement entrelacés pour proposer un aperçu des faits, certes non exhaustif, mais suffisamment documenté pour fournir des points de repère au lecteur. Cette documentation est en effet très riche : outre la science des différents auteurs, l’ouvrage est paré de divers exemples musicaux, d’un index des personnes citées et d’un cahier d’illustrations qui présente notamment des manuscrits autographes. Grâce à toutes ces pièces, le lecteur peut percevoir de façon peut-être plus concrète qu’avec un texte seul le façonnage des œuvres présentées, leur réalisation et le véritable travail de recherche que ces articles ont demandé. Robert Orledge par exemple, présentant l’étude sur La Chute de la Maison Usher, œuvre qu’il a d’ailleurs complétée puisqu’elle était demeurée inachevée, expose les lieux où étaient conservés les divers manuscrits de l’œuvre. Au fil des pages, le lecteur est alors plongé dans l’univers de la recherche que les auteurs font ainsi partager, l’emploi du pronom je en témoignant, occultant alors quelque peu la complexité de certains éléments exposés.


Par conséquent, les différentes touches successives de cet ouvrage finissent par composer une œuvre unitaire, tel un tableau pointilliste. La diversité générique de l’opéra français justifie qu’il soit étudié sous différents aspects, par petites touches. Le titre trouve ainsi tout son sens : les aspects façonnent bien la trame de l’opéra français et en créent l’unité. Enfin, quant à l’unité de l’ouvrage lui-même, on pourra peut-être regretter l’absence de postface qui pose un terme un peu abrupt au volume alors qu’une conclusion aurait pu permettre de mettre en relief l’unité de ces différents aspects, certes déjà quelque peu développée dans l’avant-propos. Peut-être une préface présentant les enjeux d’une étude de l’opéra français de l’époque choisie, et une postface exposant l’unité découlant des aspects étudiés auraient-elles été plus judicieuses. C’est là la seule touche de couleur qui manque peut-être au tableau.


Fanny Fossier

 

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com