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Mstislav Rostropovitch
04/28/2007


Le monde de la musique, le monde tout court pleurent aujourd’hui la disparition de Mstislav Rostropovitch. Comment rendre un hommage qui fasse justice au violoncelliste, au chef d’orchestre et à l’autorité morale ?


Né en 1927, Rostropovitch commence à jouer dés son plus jeune âge. Au conservatoire, il y rencontrera Dimitri Chostakovitch, dont il deviendra un des plus grands interprètes. Il connaît un succès exceptionnel dans son pays et à l’étranger mais à l’opposé d’autres musiciens, il prend des positions d’un courage extraordinaire dans la Russie de l’époque, en particulier, en soutenant Alexandre Soljenitsyne. Il est déchu en 1970 de la citoyenneté soviétique et s’installe à Paris puis aux Etats-Unis. Son activité de chef et d’instrumentiste est incessante. Fait unique dans les annales de la musique, il passe une quantité de commandes pour développer le répertoire de son instrument. Après avoir été le dédicataire de Prokofiev, Chostakovitch ou Britten, ce sont Henri Dutilleux, Witold Lutoslawski, Luciano Berio, Krzysztof Penderecki, Alfred Schnittke et tant d’autres qui vont écrire des œuvres pour lui. A nouveau, être à l’origine d’un tel renouveau du répertoire d’un instrument est unique.


Lorsque Rostropovitch jouait, il y avait un moment où, happé par la musique, il se mettait à regarder légèrement de côté et se déversait tout d’un coup une émotion considérable. De ma mémoire de mélomane, je n’ai jamais entendu de musicien plus profond et plus émouvant. En 1981, j’avais pu assister à la répétition du Quintette pour deux violoncelles de Franz Schubert avec Yehudi Menuhin et plusieurs de ses élèves. Je me souviens encore de le voir sortir de la voiture qui l’amenait, embrasser ses amis et se lancer dans la première lecture de l’œuvre. Dans le mouvement lent, sommet de la musique de chambre de Schubert, le violon lance des appels angoissés au violoncelle. Son rubato et sa retenu étaient à couper le souffle. Toute l’assistance était bouleversée par une telle humanité et une telle profondeur. Plusieurs années après, je l’avais rencontré et il m’avait dit qu’il se souvenait de cette exécution.


En 1987, autre souvenir inoubliable, Rostropovitch jouait trois Suites de Jean-Sébastien Bach à l’Eglise St-Eustache. Une organisation défaillante avait fait qu’une foule qui attendait à l’extérieur était tout simplement entrée en force dans l’église au moment où Rostropovitch arrivait, pour être sûr de l’entendre. Je me souviens de son regard surpris de voir une telle masse arriver puis le silence s’est établi et il a joué aussi naturellement que cela soit. En quelques instants, l’autorité et l’intériorité du violoncelliste avaient fait oublier toute la nervosité et l’incongruité de la situation.


Tout Rostropovitch était là : un musicien capable par son seul art de résister à la tyrannie et d’inspirer des foules.


Antoine Leboyer

 

 

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