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La saison 2025-2026 des Berliner Philharmoniker
09/03/2025


Audace et originalité : une saison 2025‑2026 sous le signe de la continuité




Au début du mois de mai dernier, la saison à venir 2025‑2026 des Berliner Philharmoniker a été dévoilée (pour notre plus grand plaisir). Comme nous avons déjà eu l’occasion de le faire en 2019, 2020, 2023 et 2024), nous souhaiterions appeler l’attention de nos lecteurs sur ce que peut offrir le meilleur orchestre du monde non seulement aux Berlinois, mais plus largement aux mélomanes du monde entier grâce au désormais bien connu Digital Concert Hall, qui, outre des documentaires et des entretiens, permet d’entendre et de visionner pas moins de 855 concerts à ce jour.


Si l’on commence par la saison musicale proprement dite, on ne peut que reconnaître la chance qu’ont les mélomanes berlinois de pouvoir profiter d’une telle profusion de chefs et de solistes de renom, mais aussi d’un programme ô combien éclectique qui va devoir une fois encore pousser l’orchestre dans ses derniers retranchements.



K. Petrenko (© Monika Rittershaus)


Le concert d’ouverture de la saison (donné le 29 août) avec le directeur musical Kirill Petrenko a associé aux pages romantiques (l’Ouverture de Manfred de Schumann) et postromantique (la Première Symphonie de Brahms) le rare Concerto pour hautbois de Bernd Alois Zimmermann, compositeur pour lequel Petrenko a un réel tropisme. Albrecht Mayer, hautboïste solo de l’Orchestre philharmonique de Berlin depuis 1992, en a assuré la partie soliste. D’ailleurs, soulignons ici combien les chefs de pupitres de l’orchestre seront particulièrement mis en valeur cette saison : qu’il s’agisse du Konzertmeister Daishin Kashimoto dans le Premier Concerto de Chostakovitch (dirigé par Lahav Shani lors d’un concert où l’on entendra également des œuvres d’Ives et Dvorák), de son collègue également Konzertmeister Noah Bendix-Balgley associé au violoncelliste solo Arnaud Delepelaire (dans le Double Concerto de Brahms, encadré par l’ouverture Les Hébrides et la Symphonie fantastique sous la baguette de Tugan Sokhiev, concert ô combien prometteur lorsqu’on voit le plaisir qu’éprouvent les Berlinois à jouer sous la direction de l’ancien directeur musical de l’Orchestre du Capitole de Toulouse) ou de l’alto solo récemment titularisé Diyang Mei et de l’autre violoncelliste solo Ludwig Quandt (pour le Don Quichotte de Richard Strauss sous la houlette de Daniel Harding, programme complété par des pièces de Henze et de Wagner), les « grandes » figures de l’orchestre répondront bel et bien présentes.


Après le premier concert de la saison (dont le programme sera en partie repris le 17 septembre à Berlin ainsi qu’à Dresde le 20 et à Francfort début novembre), Kirill Petrenko dirigera plusieurs concerts à Berlin et à l’étranger. Après une petite tournée européenne (Salzbourg, Lucerne, Paris le 5 septembre et Luxembourg, où sera donnée à quatre reprises la Neuvième Symphonie de Mahler), il emmènera l’orchestre dans une longue tournée asiatique du 7 au 23 novembre (Corée du Sud, Shanghai, Taïwan et Japon). A Berlin, les programmes dirigés par Petrenko seront notamment marqués par une Huitième Symphonie de Mahler (donnée seulement deux fois, les 16 et 17 janvier 2026) et une représentation de L’Or du Rhin en version de concert, premier étage d’une Tétralogie appelée à se poursuivre les années suivantes. Notons également un beau programme associant des pièces de Janácek (Danses de Lachie), Bartók (la Suite du Mandarin merveilleux) et de Stravinsky (Pétrouchka, version 1947). Kirill Petrenko dirigera également l’Europakonzert 2026 qui se tiendra sous les ors du château Esterházy d’Eisenstadt, en Autriche, pour un programme quelque peu éclectique (une ouverture de Haydn, la suite de Pulcinella de Stravinsky, les Variations sur un thème rococo avec Gautier Capuçon en violoncelliste soliste) et la Deuxième Symphonie de Beethoven), programme en partie repris lors d’une tournée européenne au mois de mai. Profitons‑en pour rappeler que le Philharmonique de Berlin reprend ses habitudes au Festival de Pâques de Salzbourg entre fin mars et mi‑avril 2026, la Staatskapelle de Dresde ayant laissé la place vacante depuis cette année ; de fait, plusieurs œuvres (la Symphonie des Mille de Mahler ou L’Or du Rhin) y seront données avant qu’elles ne soient jouées à Berlin, Daniel Harding y dirigeant en outre La Création de Haydn tandis que Tugan Sokhiev conduira les Berliner dans un concert associant la Fantastique et le Premier Concerto de Bruch joué par Janine Jansen. Signalons enfin que Petrenko dirigera le concert de fin de saison du Philharmonique de Berlin le 27 juin avec, après des extraits d’opéras véristes (Jonas Kaufmann en guest star), Les Fontaines et Les Pins de Rome.


Les chefs habitués de l’orchestre seront presque tous présents (à l’exception notable de Christian Thielemann, qui entame cette année sa première saison comme directeur musical de l’Orchestre de la Staatskapelle de Berlin, et de Zubin Mehta, peut‑être absent pour des raisons de santé) : citons par exemple Paavo Järvi (le Concerto en sol de Ravel avec Lang Lang et la Première Symphonie de Hans Rott qu’il avait donnéevoilà bien des années salle Pleyel et qu’il a par ailleurs enregistrée assez récemment pour Deutsche Grammophon), Andris Nelsons (alléchant programme associant la version pour orgue et orchestre de Cortège et Litanie de Marcel Dupré avant le Concerto pour violon de Dvorák joué par Hilary Hahn et la Dixième Symphonie de Chostakovitch), Herbert Blomstedt qui, à quatre‑vingt‑dix‑huit ans passés, dirigera la Septième Symphonie de Bruckner, Daniele Gatti (programme Webern, Stravinsky, Brahms), Sir Simon Rattle (Percy Grainger, Prokofiev et Adams), Yannick Nézet‑Séguin (pour une prometteuse Troisième Symphonie de Mahler avec Joyce DiDonato en soliste), Daniel Barenboim (programme sans surprise et sans risque associant l’Inachevée de Schubert et la Septième Symphonie de Beethoven), François‑Xavier Roth (audacieux programme en revanche où seront donnés le Rituel in memoriam Bruno Maderna de Boulez, une création d’Ondrej Adámek intitulée Between Five Columns et Le Sacre du printemps de Stravinsky), Semyon Bychkov (pour un concert où le pianiste Víkingur Olafsson interprétera notamment le Concerto « Pleyel Empereur » de Beethoven) ou, dernier exemple mais non des moindres vu l’originalité du programme, Jakub Hrůsa, qui dirigera un programme tchèque avec la Suita rustica de Vítězslava Kaprálová, la Fantaisie pour violon et orchestre de Josef Suk (avec Julia Fischer) et la Première Symphonie de Martinů. Signalons également les débuts à la tête des Berliner de Petr Popelka pour un concert associant Dvorák, Berg (le Concerto à la mémoire d’un ange avec Gil Shaham) et Schumann et de l’actuel directeur musical de l’Opéra de Francfort, Thomas Guggeis, dans un concert donné en septembre (Tout un monde lointain de Dutilleux, Ainsi parlait Zarathoustra de Strauss et la Seconde Suite de Daphnis et Chloé de Ravel). Peu de femmes invitées cette année hormis Emmanuelle Haïm (programme Lully-Rameau) et une nouvelle venue en la personne de Mirga Grazinytė‑Tyla qui dirigera, mi‑avril 2026, la Quatrième Suite pour orchestre de son cher Mieczysław Weinberg, le Concerto pour piano de John Williams avec Emanuel Ax en soliste et des extraits de Roméo et Juliette de Prokofiev. Mais, côté nouveaux chefs, les regards se porteront sans doute sur deux « baroqueux » dont l’alchimie avec le Philharmonique de Berlin devrait susciter de fortes attentes : Raphaël Pichon pour la Messe en si de Bach et Jordi Savall (des extraits de Naïs de Rameau, le ballet Don Juan de Gluck et la Jupiter de Mozart!). Enfin, et sans que ce ne soient là ses débuts, on pourra jeter une oreille au concert dirigé par Franz Welser‑Möst en juin 2026 (très rarement présent à Berlin, son tropisme étant évidemment viennois) qui, à Schubert et Bernd Richard Deutsch, ajoutera une suite du Chevalier à la Rose concoctée par ses soins.



J. Jansen (© Kaupo Kikkas)


Loin de s’en tenir à leur participation au Philharmonique, les Berliner pourront également être entendus dans divers cadres, notamment de musique de chambre. Le Brahms Ensemble Berlin donnera ainsi diverses œuvres de Mendelssohn, Bruckner et Brahms au mois de janvier tandis que le Pangaea Trio Berlin (piano, violon et violoncelle, rejoints en l’espèce par un autre violon et un alto) jouera également Brahms mais aussi Chostakovitch et Ravel début février. Enfin, sans qu’on sache qui sera présent, la violoniste néerlandaise Janine Jansen jouera avec le pianiste Sunwook Kim et donc des membres de l’orchestre des pièces signées Brahms et Enescu (notamment son Octuor à cordes). Saisissons la balle au bond pour insister sur le fait que Janine Jansen sera l’artiste en résidence du Philharmonique cette saison. De fait, on l’entendra dans le Premier Concerto de Prokofiev (sous la baguette de Sir Simon Rattle), dans le Concerto de Brahms (dirigé par Kirill Petrenko, qui dirigera également la Troisième Symphonie de Scriabine) et dans le Premier Concerto de Bruch (au Festival de Pâques de Salzbourg, sous la direction de Tugan Sokhiev). En outre, elle dirigera de l’archet des membres de l’Académie Karajan de l’Orchestre philharmonique de Berlin lors d’un concert où seront notamment donnés le Septuor de Beethoven et le Divertimento pour cordes de Bartók. Parmi les formations chambristes issues de l’Orchestre, citons également le Sextuor à cordes du Philharmonique dans Rimski‑Korsakov et Tchaïkovski (Souvenir de Florence) ainsi que les Berliner Barock Solisten qui fêtent cette année leur trente ans. Aussi, le 7 décembre, un concert ô combien prometteur, sous la houlette du violoniste Gottfried von der Goltz, permettra de les entendre dans Telemann et Bach, les musiciens du Philharmonique étant rejoints notamment par la flûtiste Dorothee Oberlinger et le trompettiste Reinhold Friedrich. Pour ceux enfin qui souhaitent profiter des grandes orgues de la Philharmonie, qui fêtent cette année leur soixante ans, la seconde partie de soirée du samedi 13 décembre 2025 offrira l’opportunité de les entendre sous les doigts experts de Jan Liebermann (Bach et Widor au programme), certaines pièces du Cantor requérant en outre la flûte d’Emmanuel Pahud.



S. Jacot (© Rob Davidson)


Si l’Orchestre philharmonique de Berlin s’avère constant dans ses désirs de découverte, soulignons tout de même une certaine « faiblesse » de l’illustre phalange, à savoir son important turn‑over. Nous avions, à l’époque, salué la nomination de la Lettone Vineta Sareika-Völkner au prestigieux poste de Konzertmeisterin, occupant donc le troisième poste de l’orchestre aux côtés de Daishin Kashimoto et de Noah Bendix-Balgley. Las ! La violoniste jeta l’éponge et démissionna de son poste en septembre 2024, précisant seulement sur Facebook qu’elle ne souhaitait pas poursuivre cette expérience d’à peine trois ans, ayant fait sa dernière apparition comme première violon solo dans un concert donné en février dernier sous la baguette de David Robertson. Autre départ également souhaité, celui d’Andreas Ottensamer, un des deux clarinettistes solos de l’orchestre. Alors que sa nomination ne s’était pas faite sans heurt en 2011 (sa période probatoire avait été prolongée, peut‑être une façon pour l’orchestre de rappeler au « beau gosse » de la clarinette qui était vraiment le patron dans l’affaire...), celui‑ci a développé depuis quelques années une activité de chef d’orchestre (comme avant lui le clarinettiste Karl‑Heinz Steffens, qui a également été clarinette solo du Philharmonique de Berlin, ou l’ancien tromboniste du Philharmonique Hermann Bäumer, actuel directeur musical du Théâtre national tchèque) ; à voir si celle-ci perdurera et avec quel succès ! Signalons également le départ, non voulu cette fois-ci, de Sebastian Jacot, qui, après avoir été flutiste solo de l’Orchestre symphonique de San Francisco, a été nommé flûte solo du Philharmonique de Berlin pour succéder au français Mathieu Dufour, qui avait volontairement quitté son poste après y avoir été nommé en octobre 2014 ; malheureusement pour Sebastian Jacot, celui‑ci n’a pas été titularisé à l’issue de son stage probatoire, ce qui l’a logiquement conduit à quitter l’orchestre en novembre 2024. Il n’est pas rare que des musiciens quittent un orchestre, et ce pour diverses raisons : David Radzynski a quitté le poste de Concertmaster de l’Orchestre de Cleveland en septembre 2024 après y avoir été nommé seulement en janvier 2023 pour prendre la succession de William Preucil (suspendu à la suite d’accusations de harcèlement sexuel), occupant désormais le poste de Konzertmeister de l’Orchestre de la NDR de Hambourg. Mais ce qui étonne pour Berlin, c’est sans nul doute l’instabilité qui l’affecte depuis quelques années (on se souvient du départ précipité du corniste solo David Cooper, qui n’avait semble‑t‑il pu résister à la pression au sein du meilleur orchestre du monde). La force d’un orchestre tient à sa cohésion, à son histoire, à ses traditions mais également à ses individualités ; s’il ne peut conserver des musiciens aussi talentueux, ne doit‑il pas se remettre en question ? C’est en tout cas un sujet visiblement assez sensible, à tel point que les démissionnaires (de gré ou de force) ne se sont guère étendus sur les raisons profondes de leur choix. De fait, parmi les cinq postes actuellement vacants parmi les Berliner Philharmoniker et appelés à être prochainement pourvus figurent notamment les postes de premier violon solo et de clarinette solo : attendons respectivement les mois de juin et de janvier 2026 pour connaître l’issue de tout cela.



Y. Zeng (© Monika Rittershaus)


Pour autant, le Philharmonique continue de se renouveler : le voir aujourd’hui en concert est impressionnant tant les musiciens se sont à la fois rajeunis et féminisés. Soulignons à cette occasion deux recrues de choix en la personne tout d’abord de Yun Zeng, qui vient d’être titularisé corniste solo aux côtés du « vétéran » Stefan Dohr. Successivement élève au Conservatoire de Pékin puis à la Haute Ecole de musique de Genève dans la classe de Bruno Schneider, il gagna plusieurs prix internationaux avant d’occuper le poste de cor solo de l’Orchestre de la Staatskapelle de Berlin et de prendre celui du Philharmonique de Berlin depuis le mois de septembre 2024. Autre musicien chinois, également le premier à occuper ce poste, Diyang Mei est devenu un des deux altos solos de l’orchestre (aux côtés du très talentueux Amihai Grosz). Ayant débuté au violon, il s’est ensuite dirigé vers l’alto qu’il a étudié lui aussi au Conservatoire de Pékin avant de parfaire sa formation à la Hochschule für Musik und Theater de Munich puis auprès de Nobuko Imai à la Kronberg Academy. Ayant été alto solo de l’Orchestre philharmonique de Munich, il entre au Philharmonique de Berlin en 2022 où il est désormais altiste solo. Comme quoi, mais qui en doutait, l’attractivité du Philharmonique de Berlin demeure évidemment intacte !


Le site de l’Orchestre philharmonique de Berlin


Sébastien Gauthier

 

 

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