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CD et livres: l’actualité de mai
05/15/2023


Au sommaire :

Les chroniques du mois
En bref
Face-à-face
ConcertoNet a également reçu





Les chroniques du mois




Must de ConcertoNet


    Vingt et une compositrices françaises


    Le ténor Michael Spyres




Sélectionnés par la rédaction


    La soprano Jodie Devos


    Thierry Escaich et le Quatuor Ellipsos


    Daniel Reuss dirige Schnittke


    Il Pomo d’Oro interprète Gesualdo


    Le Quatuor Lontano


    Le Duo (piano à quatre mains) Geister





 Oui !

Le pianiste Jean-Marc Luisada
Le Quatuor Byron
Le Quatuor David Oïstrakh
Julien Masmondet dirige Schmitt et Touchard
Béla Bartók de Laetitia Le Guay
Ben Glassberg dirige La Clémence de Titus
Ben Glassberg dirige Le Tour d’écrou
Fabio Biondi dirige Mendelssohn
L’ensemble Musica Nigella interprète Caplet
Les pianistes Zala et Val Kravos
Le Duo (piano à quatre mains) Geister
Liya Petrova interprète Walton et Respighi
Mathieu Romano dirige Stravinski et Ravel
Quand Mozart traversait la Suisse de René Spalinger
András Keller dirige Schubert
Thomas Dausgaard dirige Schumann




Pourquoi pas ?

Le Chœur de chambre de la RIAS chante Brahms
Leif Segerstam dirige Verdi
Œuvres de Polignac
La pianiste Irina Lankova
La soprano Marie-Eve Munger
Mélodies avec orchestre de Massenet
Johannes Klumpp dirige Mozart
Marek Janowski dirige Schubert
L’ensemble vocal Fiat Cantus




Pas la peine

Maxim Emelyanychev dirige Mozart
Marin Alsop dirige Schumann
Le contre‑ténor Théophile Alexandre
Victor Julien-Laferrière dirige Brahms




Hélas!

La pianiste Chantal Andranian





En bref


Aux origines de la Salomé de Schmitt
Du piano à quatre mains
Mélodies françaises à découvrir
Une parfaite introduction à Bartók
Une Hausmusik trop épaisse
Mendelssohn un peu autrement
La langueur monotone des mélodies de Massenet
Heureux qui comme les Mozart ont fait un beau voyage
Moment(um)s musicaux
Ben Glassberg à l’opéra Les contes de Caplet
Un quatuor au nom prestigieux
Noces originales
Marie-Eve Munger et le maestrino Mozart
Júlia Várady illumine le Requiem de Verdi
Irina Lankova se confie



Aux origines de la Salomé de Schmitt





Pour un spectacle chorégraphié et interprété par Léonore Zurflüh, notamment à l’Athénée en décembre 2021, Julien Masmondet (né en 1977) et son ensemble Les Apaches !, fondé en 2018, ont eu l’excellente idée de remettre à l’honneur la musique de scène originale de La Tragédie de Salomé (1907) de Schmitt – rien de moins surprenant, puisqu’il fut, avec Ravel et tant d’autres, membre de la « société » des Apaches au début du siècle et que le chef français a pour ambition de « favoriser les collaborations entre les arts » (en l’occurrence, la musique, la danse, la poésie et la vidéo). Le mimodrame en deux actes et sept tableaux d’après un poème de Robert d’Humières (1868‑1915) est aujourd’hui connu – quoiqu’hélas bien moins que par le passé – dans sa version pour orchestre de 1910 raccourcie en durée mais à l’effectif instrumental considérablement élargi, alors que la partition dure en réalité près d’une heure. Les représentations scéniques étant devenues très rares, il est passionnant, trente ans après un disque sous la direction de Patrick Davin (Naxos), de pouvoir entendre l’œuvre dans son intégralité, par exemple les splendides deuxième et cinquième tableaux, qu’on ne retrouve pas dans la suite symphonique. D’autant que le compositeur n’a pas son pareil pour faire magnifiquement sonner un ensemble de taille réduite (ici, vingt et un musiciens), auquel, dans le « Chant d’Aïça », s’adjoint non pas un chœur de femmes mais une soprano solo, Sandrine Buendia, dont Florent Coudeyrat, lors des soirées à l’Athénée durant lesquelles cet enregistrement a été réalisé, saluait le « beau caractère ». A la création, Loïe Fuller (1862‑1928) dansait le rôle‑titre : en prélude au spectacle, Fabien Touchard (né en 1985) a composé Loïe, inspiré par un court‑métrage muet de la danseuse américaine, où, après un court prologue (très abrégé pour les besoins du disque) avec l’électroacoustique pour seul accompagnement, la flûte (Marie Laforge), agile et légère, forcément, dialogue avec un ensemble dont les couleurs et harmonies annoncent déjà la musique de Schmitt (b·records LBM049). SC




Du piano à quatre mains


          


Le répertoire pour piano à quatre mains comporte des œuvres intéressantes, mais les duos spécialisés demeurent relativement rares. Zala et Val Kravos livrent une lecture captivante, aux intentions claires et justes, de la Fantaisie en fa mineur de Schubert. Le duo, frère et sœur d’origine slovène, fait preuve, malgré son jeune âge (ils sont nés respectivement en 2002 et 2004), d’une grande maturité, en particulier dans cette œuvre dont ils traduisent admirablement le pouvoir d’évocation. Fraîcheur et spontanéité, probité et maîtrise, caractérisent ensuite leur lecture de la Sonate K. 381 de Mozart. Cet album généreux est complété par des Jeux d’enfants de Bizet vifs et colorés, un cahier dans lequel les musiciens arborent un jeu fin et précis. Françoise Choveaux (née en 1953) a dédié à ce jeune et épatant duo une composition intéressante, intitulée tout simplement Poème, qui lui permet d’illustrer son art de la sonorité, des alliages de timbres et des jeux sur les contrastes (SACD Ars Produktion ARS38756).
Nous signalons également la parution d’un autre beau disque, cette fois chez Mirare, celui du Duo Geister, qui a imaginé un programme cohérent, avec Images d’Orient de Schumann, les Variations sur un thème de Robert Schumann de Brahms – dans lesquelles le compositeur emprunte un thème des Geistervariationen de Schumann, à l’origine justement du nom du duo – et Des forêts de Bohème de Dvorák. Les interprétations, humbles et soignées, reposent sur une conception pertinente et solide de ces œuvres, mais ce duo ne possède pas tout à fait la flamme et le charisme des Kravos, à moins que cela ne s’explique par une prise de son plus mate. Un récital de qualité, toutefois, dont nous retenons surtout l’œuvre du compositeur tchèque, interprétée avec juste ce qu’il faut d’éclat, de finesse et de couleur par David Salmon et Manuel Vieillard (MIR 610). SF




Une autre Polignac





Si l’on connaît aujourd’hui mieux sa tante, la princesse Edmond de Polignac, qui commanda opportunément des œuvres à tout ce que le Paris musical de l’entre-deux-guerres pouvait compter de plus important (Satie, Ravel, Falla, Stravinski, Milhaud, Poulenc...), Armande de Polignac (1876‑1962) mérite assurément sa place dans le mouvement actuel de découverte des compositrices oubliées. Le catalogue de cette élève de Gigout, Fauré et d’Indy compte cent soixante‑dix œuvres dans tous les genres. Avant d’entendre les pages orchestrales qui firent écrire à Vuillermoz qu’elle était « une sorte de Stravinski au féminin », cet album montre que si elle ne révolutionne pas la mélodie française, elle y apporte néanmoins une belle contribution. Le programme comprend trois cycles – L’Amour fardé (1919), La Flûte de jade (1922), Chants dans la brume – et onze mélodies isolées, interprétés avec des fortunes diverses par la soprano Sabine Revault d’Allonnes, le ténor Sébastien Romignon Ercolini et le baryton Jacques François Loiseleur des Longchamps, accompagnés par Stéphanie Humeau. Antérieurs (vers 1900), les six Préludes pour piano, déjà enregistrés il y a quelques années par Laurent Martin, sont d’obédience harmonique et expressive fauréenne, hormis l’étrange Prélude II, presque satiste (Maguelone MAG 358.441). SC




Une parfaite introduction à Bartók





Après un ouvrage sur Prokofiev, Laetitia Le Guay, dix ans plus tard, en présente un autre, toujours pour Actes Sud, cette fois sur Bartók. Il rejoint ainsi cette excellente et vaste collection de livres au format allongé, consacrée aux biographies de compositeurs et d’interprètes. L’approche de cette remarquable vulgarisatrice ne présente pas d’originalité particulière. La vie du compositeur est retracée chronologiquement et les œuvres sont présentées au fur et à mesure, au sein de la biographie, dans l’ordre de la composition. Mais ce livre, rédigé avec clarté et précision, n’omet rien d’essentiel. Malgré une écriture sobre, l’auteur parvient à dresser un portrait précis, vivant, voire touchant, du compositeur, et à mettre en évidence sa singularité, ses influences, l’importance, aussi, de ses activités connexes à la composition, en particulier son travail d’ethnomusicologie effectué conjointement avec celui de Kodály. La présentation des œuvres privilégie un jargon accessible, sans tomber dans la facilité, ce qui rend la lecture de cette introduction intéressante, aussi bien pour celui qui connaît déjà bien Bartók, et qui souhaite rafraîchir ses connaissances, ce qui ne fait jamais de tort, que pour celui qui le découvre. Il manque, comme toujours dans les livres de cette collection, des exemples musicaux et des illustrations, mais la qualité de ce texte, complété par d’utiles annexes, en particulier une chronologie détaillée, compense largement cette frustration. Beaucoup de mélomanes, dont nous sommes, ont appris leur Bartók avec le petit ouvrage de Pierre Citron (Seuil), mais si vous ne le trouvez plus, celui‑ci fera parfaitement l’affaire. Et si Laetitia Le Guay rédigeait maintenant une autre monographie, cette fois‑ci sur Szymanowski, pour remplacer, dans le catalogue d’Actes Sud, celle, ancienne, de Christopher Palmer (272 pages, 21,50 euros) ? SF




Une Hausmusik trop épaisse





Les Liebeslieder-Walzer pour quatuor vocal et piano à quatre mains de Brahms, sur des textes de Georg Friedrich Daumer, sont des œuvres composées pour la musique de salon, Hausmusik, que les Allemands pratiquaient en famille ou entre amis. Leur exécution bien menée, comme c’est le cas dans beaucoup d’enregistrements de référence, dont celui réalisé en 1955 par Flore Wend, Nancy Waugh, Hugues Cuénod et Doda Conrad avec Nadia Boulanger et Jean Françaix au piano (Decca), peut avoir un chic fou. Des quatuors composés de solistes prestigieux ont pu aussi séduire (le plus célèbre étant chez DG celui formé par Mathis, Fassbaender, Schreier et Fischer‑Dieskau, accompagnés par Sawallisch et Engel), tout comme certains quatuors de chanteurs moins célèbres. Leur adaptation pour un ensemble aussi important que le Chœur de chambre de la RIAS de Berlin (trente‑trois choristes pour cet enregistrement), dirigé par Justin Doyle, stérilise complétement leur charme, leur donne une épaisseur inutile d’autant que la prise de son très compacte ne permet pas un relief des différents types vocaux. Le cahier de Nouvelles Valses (opus 65), avec quelques parties chantées par des solistes du chœur, a plus de crédibilité. Le meilleur de cet enregistrement réside dans les quatre Danses hongroises intercalées dans le programme, choisies par les deux pianistes qui accompagnent le chœur, Angela Gassenhuber et Philip Mayers, et jouées avec un style nostalgique admirable, un charme slave et tout à fait dans l’esprit dans lequel devraient être chantés ces deux cahiers de quatuors vocaux (Harmonia mundi HMM 9026616). OB




Mendelssohn un peu autrement





Comme d’autres formations du même type, Europa Galante étend son répertoire au XIXe siècle. Cet enregistrement se concentre sur des œuvres de jeunesse de Mendelssohn, composées entre 1820 et 1827. Cette musique sonne, grâce à cet ensemble, avec beaucoup de vitalité et de légèreté, ce qui s’explique par la modestie de l’effectif : seuls douze musiciens sont crédités dans la notice, dont son fondateur, Fabio Biondi, à la direction et au violon, et un pianofortiste. Le programme consiste en une alternance de pièces variées, dont les principales sont les Deuxième et Cinquième Symphonies pour cordes et le Concerto pour violon en ré mineur, dans des exécutions cohérentes et maîtrisées, alertes mais précises, énergiques mais élégantes, et le plus souvent subtiles. Le reste du programme permet d’entendre des pages moins connues, mais vraiment pas essentielles, comme un Salve Regina très bien chanté par Monica Piccinini, une soprano spécialisée dans la musique ancienne et baroque, un Largo et Allegro pour piano et cordes et des Fugues dans lesquelles le jeune Mendelssohn montre qu’il a su assimiler l’écriture rigoureuse de Bach. La prise de son met bien en valeur les sonorités généreuses et légèrement acidulées de ces musiciens convaincants. Un disque intéressant et abouti d’un ensemble de haut niveau (Naïve V7262). SF




La langueur monotone des mélodies de Massenet





Sur trois cents mélodies recensées, ce (premier ?) volume des mélodies avec orchestre de Massenet en compte vingt‑deux, toutes enregistrées en première mondiale. Six interprètes se relayent ou se complètent pour rendre justice à cette collection : les sopranos Nicole Car, Jodie Devos, Véronique Gens et Chantal Santon Jeffery, le ténor Cyrille Dubois et le baryton Etienne Dupuis. Et ce n’est pas toujours facile car – toute admiration pour l’œuvre lyrique de Massenet mise à part – elles ne sont pas toutes d’un intérêt musical ni littéraire primordial. Malgré l’excellence de la diction, une certaine monotonie s’installe vite si on les écoute à la suite. Trois pièces purement instrumentales de très belle facture, extraites de la pantomime Le Roman d’Arlequin, de la musique de scène pour Les Erinnyes et du « drame musical » Thérèse, parsèment très heureusement ce florilège. Hervé Niquet dirige avec beaucoup de subtilité l’Orchestre de chambre de Paris. Comme pour toutes les publications de la Fondation Palazzetto Bru Zane - Centre de musique romantique française, la présentation, la documentation et l’iconographie sont exceptionnelles (Bru Zane BZ 2004). OB




Heureux qui comme les Mozart ont fait un beau voyage





Président-fondateur de la Société Mozart Lausanne 1766, René Spalinger a rédigé, pour les éditions Slatkine, un copieux ouvrage sur le passage des Mozart en terres helvétiques, Quand Mozart traversait la Suisse. En 1766, à la fin d’une tournée de trois ans, les Mozart, Wolfgang, sa sœur, Maria Anna, et leurs parents, Leopold et Anna Maria, décident, au lieu de l’Italie, de passer par la Suisse, entre Genève, une république indépendante à l’époque, et Schaffhouse, en passant notamment par Lausanne, Berne, Zurich et Winterthur, avant le retour à Salzbourg. L’auteur n’a sans doute pas eu la tâche facile : de cette traversée, il ne reste que peu de témoignages écrits du père, une lettre d’une importance réellement cruciale, en vérité, et la Suisse a cette époque ne constitue pas non plus une grande nation musicale, au contraire de la France et de l’Angleterre. Comment est‑il dès lors parvenu à atteindre un peu plus de 700 pages ? Grâce à une recherche documentaire réellement impressionnante, à des suppositions – car il s’agit souvent, hélas, d’imaginer – sur les localités traversées, les établissements fréquentés et les personnalités rencontrées, et à l’approche choisie, laquelle consiste, dans le cadre du recensement de ce voyage, à établir un panorama historique, culturel et musical de cette partie de la Suisse dans laquelle les jeunes prodiges se sont produits. Et les détails ne manquent pas, car l’auteur, qui écrit dans un style simple, consacre la plus grande partie de l’ouvrage à relater, en suivant minutieusement l’itinéraire des Mozart, la Suisse de cette époque, ses paysages, ses villes, ses monuments, ses curiosités locales, que les Mozart ont supposément vus, mais aussi à évoquer un nombre considérable de personnalités locales, de la politique, de la médecine, de la littérature, qui ont sûrement rencontré cette illustre famille, ou au moins ont eu vent de son passage. Il va sans dire aussi que toutes ces pages comportent un nombre impressionnant d’extraits de correspondances. L’auteur, qui ne cache pas sa frustration de ne pas disposer de sources précises et incontestables sur les concerts publics et privés des Mozart et sur les lieux effectivement visités, prend la peine de bien exposer le contexte politique, religieux et social de ces contrées, ce qui est essentiel pour imaginer précisément ce que représentait un tel voyage à l’époque, dans des conditions évidemment très éloignées des standards actuels. Cet ouvrage, préfacé par Geneviève Geffray, ne révèle rien de décisif, voire d’absolument crucial, sur Mozart, malgré les derniers chapitres et les quelques annexes, et celles‑ci sont nombreuses, qui relatent, une fois ce périple accompli, l’essentiel du reste de la vie des voyageurs, mais aussi la destinée des fils de Mozart (Franz Xaver ayant effectué, plus tard, un séjour en Suisse), de la belle‑sœur de Wolfgang ou encore de l’épouse de ce dernier. Cet ouvrage, malgré sa longueur et ses digressions, se lit avec intérêt, et sans doute les Suisses habitant actuellement toutes ses localités traversées vivront‑ils plus intimement, voire passionnément, cette lecture, d’autant plus que l’éditeur a particulièrement soigné sa publication, qui fait bel et bien son poids – nombreuses illustrations, pages douces au toucher, grammage élevé du papier. Autant dire que le bibliophile n’entendra certainement pas s’en séparer (712 pages, 59 CHF). SF





Moment(um)s musicaux





Et voilà comment l’envie d’enregistrer le trop rare Concerto pour violon (1938) de William Walton suscite finalement deux disques, sous le titre « Momentum » : Liya Petrova (née en 1990) songeait à le compléter avec le Concerto de Korngold, également destiné à Heifetz, mais ce sera pour un second album, qui sortira l’an prochain, et il sera associé à Strauss, non pas son Concerto mais sa Sonate pour violon et piano (avec Alexandre Kantorow). Quant à Walton, habitué des séjours en Italie, il est couplé, dans ce « Momentum 1 , avec Respighi, non pas son Concerto gregoriano mais sa Sonate pour violon et piano (1917). La générosité et la puissance de la violoniste bulgare se déploient avec bonheur dans le lyrisme et la séduction de ces deux œuvres, où elle est remarquablement soutenue tant par Duncan Ward (né en 1989) à la tête de l’Orchestre philharmonique royal que par Adam Laloum (né en 1987). Voilà qui nous change pertinemment du Concerto de Beethoven et de la Sonate de Franck (Mirare MIR 670). SC




Ben Glassberg à l’opéra


          


L’année passée, Alpha a publié deux enregistrements d’opéra, dirigés par Ben Glassberg (né en 1994) : l’un, Le Tour d’écrou, à la Monnaie (capté en 2021), l’autre, La Clémence de Titus, à l’Opéra de Rouen (2020) où le jeune Britannique occupe actuellement le poste de directeur musical. Ces deux belles intégrales incitent à suivre de près le parcours de ce chef prometteur. Tant dans l’opéra de Britten que dans celui de Mozart, il dirige, avec un impeccable sens du théâtre, des orchestres remarquables de précision, celui de Normandie affichant même un inattendu et excellent niveau de jeu. Grâce à d’admirables musiciens, Glassberg met en évidence la modernité et l’inventivité de l’écriture éminemment évocatrice et expressive de Britten, tandis que dans l’opéra de Mozart, il obtient de l’orchestre un jeu vif et acéré, ainsi que de belle sonorités, plutôt acidulées, l’exécution ne trahissant aucune baisse de tension, même dans les récitatifs, particulièrement soignés. Les distributions, très cohérentes, présentent aussi beaucoup d’intérêt, en raison de l’adéquation vocale et stylistique des chanteurs avec leur rôle, mais aussi de leur investissement, les ensembles fonctionnant avec un naturel admirable. Les chanteurs distribués dans les rôles principaux ne déçoivent pas et cette version de La Clémence de Titus rassure même quant à l’existence, encore aujourd’hui, de remarquables mozartiens (Titus de Nicky Spence, Vitellia de Simona Saturová, Sesto d’Anna Stéphany). La distribution dans Le Tour d’écrou ne parvient pas tout à fait à faire oublier celle de l’inoubliable version de 1954 dirigée par le compositeur, un disque d’île déserte pour l’éternité. La Gouvernante de Sally Matthews, malgré ses mérites, nous touche modérément, de même que les interprètes de Miles et de Flora. Mais quel Quint de Julian Hubbard, quelle Miss Jessel de Giselle Allen et quel impeccable Prologue signé Ed Lyon ! Soulignons enfin la qualité des prises de son, qui donnent l’impression d’assister à une représentation dans la salle (albums de deux disques Alpha 828 et Alpha 793). SF




Les contes de Caplet





Après « Offenbach. Le Diabolique », « Poulenc. L’Espiègle », « Chausson. Le Littéraire », « Ravel. L’Exotique » et « Fauré. Le Dramaturge », l’ensemble Musica Nigella de Takénori Némoto poursuit son exploration de la musique française des XIXe et XXe siècles. Voici donc maintenant « Caplet. Le Conteur; ». Ce n’est que justice pour le compositeur, resté dans l’ombre de ceux qu’il a servis soit comme chef d’orchestre, soit comme orchestrateur (en l’occurrence, Debussy) – sa « fresque musicale » Epiphanie devrait pourtant être au répertoire de tous les violoncellistes. Il faut donc saluer cet album dont le programme, hormis le Conte fantastique (1908/1923) pour harpe (Iris Torossian) et quatuor, est une succession de raretés, qui plus est d’une grande variété. Ainsi des trois mouvements de cette Suite persane (1900) pour dixtuor à vent, à mi‑chemin entre exotisme et ethnomusicologie, ou de la faunesque Légende (1905) pour saxophone (Emilie Heurtevent) et ensemble. La soprano Cécile Achille chante Les Prières (1917) avec harpe et quatuor, qui ne surprendront pas de la part de l’auteur du Miroir de Jésus ou de la Messe à trois voix, tandis que le baryton Laurent Deleuil donne des pages pour voix et ensemble, La Chanson la plus charmante (1900) et Trois Fables de La Fontaine (1919), ces dernières dans des instrumentations (inédites) partagées entre Caplet et Takénori Némoto (Klarthe KLA166). SC




Un quatuor au nom prestigieux





Encore un excellent disque de Praga Digitals. Le Quatuor David Oïstrakh a enregistré deux des plus importants sextuors du répertoire, avec le renfort de l’altiste Daniel Austrich et du violoncelliste Alexander Buzlov, prématurément décédé, à l’âge de 37 ans, en 2020. Dans Souvenir de Florence de Tchaïkovski et La Nuit transfigurée de Schönberg, les musiciens affichent un engagement palpable et une virtuosité impressionnante, et développent un jeu constamment intense et précis, d’une cohésion parfaite. Leur lecture remarquablement pertinente et contrastée possède un grand pouvoir d’expression et d’évocation, maintenu dans une juste mesure, et un indéniable sens du discours et du récit. La prise de son réaliste et détaillée, qui fait honneur à la réputation en la matière de cet éditeur, révèle dans ces deux œuvres essentielles un splendide travail sur les sonorités, ainsi qu’un réel souci du détail et des nuances (Praga Digitals PRD 250 424). SF




Noces originales





Conçu pour le spectacle Nijinska/Voilà la femme (2021) de Dominique Brun, le programme de ce disque ne pourra pas se voir reprocher un manque d’originalité bien qu’il associe deux œuvres très célèbres créées sur des chorégraphies de Bronislava Nijinska. Avant de trouver en 1923 sa forme définitive (quatre pianos et percussion), l’instrumentarium des Noces de Stravinski a connu dès 1917 plusieurs états successifs : ainsi de cette version de 1919 pour deux cymbalums, harmonium, pianola et percussion (deux exécutants), dont le compositeur n’avait achevé que deux tableaux, les deux derniers ayant été réalisés en 2007 par le Néerlandais Theo Verbey (1959‑2019). Précédées d’une courte chanson populaire (Quelle triste compagnie) abondamment citée dans la partition, Les Noces villageoises (tel était alors son titre) s’accommodent fort bien de cet ensemble hétéroclite et truculent. Accompagnés de quelques musiciens des Siècles, Mathieu Romano (né en 1984) et son Ensemble Aedes, avec des solistes (Amélie Raison, Pauline Leroy, Martial Pauliat et Renaud Delaigue) très investis, donnent une vision vivante et captivante de ces pages qui, même au regard de la production de Stravinski, explorent une voie très particulière. Pour une formation identique, seize voix comprises, Robin Melchior (né en 1988) a écrit un bien étrange arrangement de Boléro (1928) de Ravel, qui évoque parfois The Desert Music de Reich. Seul regret : même si, bien évidemment, il n’y a pas d’autre répertoire pour cette formation, cela fait un disque bien court (40 minutes), alors que dans un format et un esprit proches, Renard de Stravinski aurait parfaitement fait l’affaire (Aparté AP300). SC




Marie-Eve Munger et le maestrino Mozart





Sous le titre « Maestrino. Airs d’opéra d’un jeune génie », Marie‑Eve Munger consacre tout un récital à des extraits d’ouvrages de grande jeunesse de Mozart, avec la contribution d’un excellent ensemble de Montréal, Les Boréades, placé sous la direction de Philippe Bourque. La soprano canadienne, qui signe elle‑même un très bon texte de présentation, possède sans aucun doute une voix idéale pour ce répertoire (Il sogno di Scipione, La finta semplice, Die Schuldigkeit des ersten Gebots, Bastien et Bastienne, Mithridate, Ascanio in Alba, Lucio Silla). L’exécution des airs témoigne d’une excellente maîtrise – vocalisation soignée, coloration variée du timbre, précision des aigus, netteté de l’articulation – mais aussi d’une aptitude certaine à la caractérisation. Un bien bel album, mais dont l’écoute peut susciter un peu de lassitude, à cause des limites de ce genre de récitals centrés sur une seule chanteuse mais aussi sur des œuvres, certes intéressantes mais ne possédant pas encore la puissance créatrice de la maturité, et ce malgré la contribution de ce remarquable orchestre d’une vingtaine de musiciens qui jouent, sur instruments anciens, avec verve et précision (Atma Classics ACD2 2815). SF




Júlia Várady illumine le Requiem de Verdi





Orfeo propose la réédition d’un enregistrement réalisé en public le 3 octobre 1980 en l’église collégiale de Herzogenburg (Basse‑Autriche) de la Messa da Requiem (1874) de Verdi et célèbre ainsi les 80 ans de la soprano Júlia Várady (née en 1941), dont la brillante prestation nuancée et émouvante est en soi une raison suffisante pour qu’une nouvelle écoute d’une œuvre si connue ne puisse décevoir. L’interprétation regorge pourtant de bien d’autres qualités et attraits, en particulier la présence vive et la belle voix de basse à la puissance mesurée de Nicola Ghiuselev. C’est avec plaisir que l’on revient à cette version remastérisée des Chœur et Orchestre symphonique de la Radio autrichienne (ORF) de Vienne dirigés par Leif Segerstam, assisté du chef de chœur Gottfried Preinfalk. La mezzo Alexandrina Milcheva et le ténor Alberto Cupido complètent efficacement le quatuor vocal, malgré certains solos peut‑être un peu pâles du ténor italien (album de deux disques ORF‑C210232). CL




Irina Lankova se confie





Pianiste russe établie en Belgique, Irina Lankova a produit elle-même cet album qui emprunte son titre, « Elégie » à la première des pièces l’Opus 3 de Rachmaninov. Comme elle l’explique dans la notice, elle semble entretenir une relation particulière avec chacune des pièces de ce programme consacré à ce compositeur russe (quelques Etudes‑Tableaux, le Douzième des Préludes de l’Opus 32, la Vocalise opus 34 n° 14 transcrite par Kocsis, entre autres), mais aussi à Schubert (deux transcriptions de lieder par Liszt, Auf dem Wasser zu singen et Ständchen) et à Bach (retenons surtout le prélude de choral Ich ruf zu Dir, Herr Jesu Christ arrangé par Busoni). La sobriété d’un jeu à l’articulation tout de même assez appuyée n’exclut pas l’expression des sentiments. La pianiste livre avec cette publication, qui risque fort de rester confidentielle, une sorte de journal intime, excluant tout maniérisme et toute mièvrerie. L’approche de chacune de ces pièces, toutes bien caractérisées, demeure ainsi cohérente, à défaut d’être audacieuse. La prise de son, aérée et détaillée, rend justice au jeu maîtrisé et sensible de cette pianiste discrète (IL 3107). SF





Face-à-face


Mozart : l’alpha et l’oméga des Symphonies


          
De la Première (1765) à la Quarante‑et‑unième « Jupiter » (1788), moins d’un quart de siècle mais, contrairement à ce que laisse supposer la numérotation, plus de quarante symphonies. Deux intégrales à leur tout début (ou presque) prennent le parti d’associer l’alpha et l’oméga de cette série dont le répertoire n’a consacré, en fin de compte, qu’une dizaine.
Ouvrant le deuxième volume de l’intégrale de Johannes Klumpp (né en 1980) et de l’Orchestre de chambre Folkwang d’Essen, dont il est le Chefdirigent et directeur artistique depuis 2013, la Première, très vive, séduit d’emblée, avec d’intéressants éclairages sur les voix secondaires. Bien menée et sans apprêt, la Jupiter, sans prétendre concurrencer les innombrables références, est d’excellent aloi, avec des bois vifs et agiles et un Menuet on ne peut plus viennois. Entre les deux, la trop rare Vingt‑huitième, au cœur de la « première » trilogie de 1773‑1774, bénéficie de ce même alliage de naturel et de saveur instrumentale. Une entreprise à suivre, assurément (Genuin GEN 22783).
Maxim Emelyanychev (né en 1988), pour sa part, inaugure une intégrale avec ce volume logiquement intitulé « the beginning and the end ». La Première est parfaitement « dans les cordes » d’une formation baroque telle qu’Il Pomo d’Oro, dont le Russe est le chef principal depuis 2013. En revanche, le parti pris théâtral qui préside à la Jupiter convainc moins, avec un propos manquant de fluidité, des ornementations aussi pittoresques qu’anecdotiques et des effets volontiers spectaculaires, telles ces pétarades de cuivres et timbales, tandis que le feu d’artifice contrapuntique final manque de clarté. Le parcours symphonique sera agrémenté de pauses concertantes : en attendant des solistes invités dans les prochains volumes, c’est Emelyanychev lui‑même, sur une copie d’un Conrad Graf de 1823, qui propose ici le Vingt‑troisième Concerto, hélas trop souvent entre tiédeur et affectation (Aparté AP307). SC




Schubert : Neuvième Symphonie


          
On aura tour à tour découvert que non seulement cette symphonie, dont la création posthume, à l’instigation de Schumann, n’eut lieu qu’en 1839 à Leipzig sous la direction de Mendelssohn, n’est pas exactement la dernière – une Dixième fut assez largement esquissée – mais qu’elle fut écrite bien plus tôt qu’on ne le pensait, dès 1825‑1826, et non en 1828, l’année de la mort du compositeur. Mais elle n’en demeure pas moins « La Grande », à la fois par rapport à la « petite » ut majeur de 1817 et, surtout, par ses dimensions et sa portée.
András Keller (né en 1960), à la tête du Concerto Budapest, dont il est le directeur artistique et musical depuis 2007, après une introduction lente du premier mouvement aussi soporifique qu’inquiétante, donne une interprétation dynamique, originale tant par son phrasé que par ses équilibres instrumentaux, avec des cuivres très en avant, ce qui confère à l’immense Finale une énergie très à‑propos (SACD Tacet S 249).
On ne sera pas surpris de trouver avec Marek Janowski (né en 1939), qui respecte lui aussi toutes les reprises (sauf, bizarrement, celle du Finale), une approche qui s’inscrit bien davantage dans la grande tradition. Offrant de beaux soli des bois, la Philharmonie de Dresde (à ne pas confondre avec la Staatskapelle de Christian Thielemann), dont il est le Chefdirigent et directeur artistique depuis 2019, sert cette conception fermement tenue et très soigneusement ouvragée, manquant parfois un peu d’élan et de tonus. Débutant l’album, l’Inachevée n’est pas différente, très équilibrée, la flamme romantique n’affleurant que discrètement (Pentatone PTC 5187 065). SC




Schumann : les quatre Symphonies


          
Composées en dix ans seulement (1841‑1851), elles n’ont pas tout à fait acquis la réputation de celles de Beethoven ou de Brahms mais n’en sont pas moins solidement installées au concert comme au disque (Paray, Szell, Sawallisch, Bernstein, Gardiner... on en oublie évidemment !). Voici une réédition et une nouveauté qui s’efforcent chacune de trouver une réponse au reproche qui leur est souvent adressé d’une orchestration lourde et maladroite.
La réédition de l’intégrale Schubert dirigée par Thomas Dausgaard (né en 1963) avait été saluée dans nos colonnes virtuelles voici quelques mois. Il en ira de même pour cette intégrale Schumann, réalisée entre mars 2006 et août 2007, toujours avec l’excellent Orchestre de chambre de Suède (basé à Orebro, sixième ville du pays, à 150 kilomètres à l’ouest de Stockholm), dont il est devenu chef honoraire après en avoir été le chefdirigent de 1997 à 2019. Ici, foin de lourdeur ou d’opacité : des lignes claires mais pas émaciées, une direction mordante et un orchestre transparent au service d’un discours qui avance constamment, sans se précipiter ni renoncer à l’expression. La flamme y est, même si l’on peut éventuellement regretter ces jeux d’ombres et de lumières typiques de Schumann. Un enregistrement d’autant plus recommandable que son minutage est très généreux grâce à l’adjonction de la version originale de la Quatrième Symphonie, du triptyque Ouverture, Scherzo et Finale, du premier mouvement de la Symphonie « Zwickau » de jeunesse et de six ouvertures : Genoveva, La Fiancée de Messine, Manfred, Hermann et Dorothée, Jules César et Scène de Faust (coffret de trois SACD Bis BIS‑2660).
Marin Alsop (née en 1956) choisit pour sa part de donner les œuvres dans la réorchestration que Mahler en réalisa aux alentours de 1900. On sursaute dès la première mesure de la Symphonie « Le Printemps ». Comme l’explique Rodney Smith dans la notice, « Mendelssohn avait demandé aux cuivres du Gewandhaus de transposer à la tierce supérieure la fanfare inaugurale [...] car Schumann avait écrit pour eux des notes trop graves pour pouvoir alors être jouées », fanfare que rétablit donc Mahler dans sa forme originale. Soit. Au‑delà, on nous explique que « beaucoup considèrent de nos jours que l’orchestration soi‑disant "idiosyncratique" de Schumann est en fait parfaitement appropriée pour une performance historiquement informée par un orchestre de quarante‑cinq musiciens jouant sur instruments anciens », tandis que « les révisions de Mahler se sont révélées comme des modèles de modifications de bon goût pour les grands orchestres modernes ». Certes, Dausgaard et ses Suédois correspondent bien à ce petit effectif, quoique sur instruments « modernes », mais qu’on ne vienne pas prétendre que c’était le cas des Paray et Szell susnommés, dont il y a fort à parier que les orchestres étaient plus proches de quatre‑vingt‑dix musiciens que de quarante‑cinq. Et pourtant, ce qu’ils obtenaient était proche de Dausgaard. Ce que n’est pas, particulièrement dans les deux premières symphonies, éteintes et pesantes, l’enregistrement de la cheffe américaine avec l’Orchestre symphonique de la Radio autrichienne (ORF) de Vienne, dont elle est la Chef‑dirigentin depuis 2019. Les Troisième « Rhénane » et Quatrième témoignent heureusement de plus d’énergie et de passion, mais certaines des interventions mahlériennes, sans être condamnables, ne paraissent pas convaincantes, voire opportunes (deux disques Naxos 8.574429 et 8.574430). SC





ConcertoNet a également reçu




Fiat Cantus : « Printemps »
Avec son directeur musical (et pianiste) Thomas Tacquet, l’ensemble vocal montrougien s’aventure, après La Nuit (1900), qui n’est déjà pas la page la plus connue de Saint‑Saëns, dans des chœurs de Cécile Chaminade (1857‑1944), Jacques de La Presle (1888‑1969) et Robert Caby (1905‑1992). Tantôt a cappella, tantôt accompagnés au piano (Erard fin XIXe et Steingraeber dans le même esprit), avec le renfort de la pianiste Domitille Bès dans les quatre pièces (de jeunesse) de La Presle, et parfois agrémentés de solistes vocaux (les sopranos Caroline Jestaedt et Lisa Chaïb‑Auriol, la mezzo Brenda Poupard et le ténor Kaëlig Boché) ou instrumental (le flûtiste Hyowon Pedro Chi), ces œuvres ont tendance à s’abandonner à une indolence un peu compassée, dont s’extraient toutefois celles de Chaminade (Hortus 199). SC


Lydia Jardon : Miaskovski
Avec ce troisième volume, la pianiste française (née en 1960) clôt son intégrale des neuf Sonates du compositeur russe (1881‑1950) commencée en 2009. Neuf sonates, comme son cadet et ami Prokofiev, mais qui est loin d’être concurrencé par les trois présentées ici : Sixième (1944/1948), reprenant en partie (à la manière d’un... Prokofiev) de « vieilles esquisses » de 1907‑1908, Septième (1948) et Huitième (1949), augmentées du diptyque Chant et Rhapsodie (ou Prélude et Rondo‑Sonate, 1942). On appréciera néanmoins la clarté presque française et la décantation lumineuse des sonates, un peu dans l’esprit – mais pas dans le style, bien sûr – des dernières œuvres de Saint‑Saëns, Strauss ou Martinů, tandis que le diptyque regarde davantage vers Scriabine et Rachmaninov, cette musique intimiste et peu aventureuse ayant en outre permis à Miaskovski de satisfaire aux canons esthétiques de plus en plus exigeants et obtus du régime soviétique (Ar re‑se AR 2022‑1). SC


Théophile Alexandre : « No(s) Dames »
Depuis que Catherine Clément l’a proclamé, nul ne peut l’ignorer : l’opéra – malgré Léonore, et tant pis pour le comte Almaviva et Wozzeck – est « la défaite des femmes ». Alors, dans cette époque où l’on n’hésite pas à réécrire la conclusion de Carmen pour régler le problème, le contre‑ténor rend hommage au destin tragique de vingt‑trois de ces héroïnes, de Médée (Cavalli) à María de Buenos Aires (Piazzolla), tour à tour « délaissée », « possédée », « poignardée », « abandonnée », « trahie »... S’étendant un peu au‑delà de l’opéra (Peer Gynt de Grieg, Marie‑Galante de Weill), le programme, pas toujours chanté en langue originale (La Pucelle d’Orléans de Tchaïkovski), inclut six pages purement instrumentales (adaptation du second air de la Reine de la nuit, des introductions orchestrales des Brigands et de La Force du destin de Verdi et de Samson et Dalila, de la « Barcarolle » des Contes d’Hoffmann et de la « Danse des sept voiles » de Salomé). Si la partie vocale n’est pas la plus convaincante de cet album, davantage pour des questions de timbre que de technique et d’expression, les arrangements d’Eric Mouret, ménageant parfois d’habiles enchaînements entre les morceaux, sont en revanche remarquablement interprétés par les musiciennes du Quatuor Zaïde. La victoire des femmes, en somme (NoMadMusic NMM095). LPL


Victor Julien-Laferrière : Brahms
Les deux Sérénades (1858‑1859) restent dans l’ombre des autres œuvres symphoniques du compositeur allemand : dommage, car il trouve dans un XVIIIe sans doute assez fantasmé une belle source d’inspiration. Il y a donc quelque audace, pour le violoncelliste et chef français (né en 1990) et le tout jeune Orchestre Consuelo qu’il a fondé en 2019, à les mettre au programme de leur premier disque. Malheureusement, alors que l’ensemble associe des musiciens appartenant ou ayant appartenu pour la plupart à d’excellentes formations de chambre (trios Karénine, Medici et Metral, quatuors Hermès et Psophos) ou aux meilleures phalanges de la capitale et des régions, la mayonnaise ne prend pas, en raison d’une prise de son trop sèche et d’une direction qui, trop souvent, n’insuffle pas suffisamment d’élan et de souplesse. Les deux derniers mouvements de la Première Sérénade permettent toutefois d’attendre avec espoir leur prochain album (Mirare MIR660). LPL


Chantal Andranian : Préludes
Un album de préludes, exclusivement, associant ceux de Chopin (les vingt‑quatre de l’Opus 28 et l’Opus 45) et les vingt‑quatre (1993) de Guy Sacre (né en 1948) : le projet était intéressant, sa réalisation déçoit d’autant plus, avec un Yamaha sec et mal enregistré, et un phrasé haché, comme hésitant. Et l’écoute s’achève sur un regret : parmi les quarante préludes composés par Serge Bortkiewicz (1877‑1952), on imagine que c’est la durée du disque qui n’a pas permis d’en proposer davantage que trois des dix formant l’Opus 33 (1926). Dommage (Polymnie POL 137 161). LPL



La rédaction de ConcertoNet

 

 

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