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CD, DVD et livres: l’actualité de mars
03/15/2021


Au sommaire :

Les chroniques du mois
En bref
Face-à-face
ConcertoNet a également reçu





Les chroniques du mois





Must de ConcertoNet


    Autour de Nuit transfigurée


    Ecrits de Maria Youdina


    Le Trio Zeliha


    Les Surprises interprètent Purcell




 Sélectionnés par la rédaction


    Frieder Bernius dirige Cherubini


    Croquer Saint-Saëns de Stéphane Leteuré


    Née sous un piano de Mūza Rubackytė


    Frieder Bernius dirige Cannabich


    La mezzo Kate Lindsey


    La soprano Sandrine Piau


    Le Trio Sōra interprète Beethoven




 Oui !

John Neschling dirige Respighi
Győrgy Vashegyi dirige Boismortier
Le pianiste Wilhelm Backhaus
Leo McFall dirige Mayer
L’ensemble Faenza interprète Dassoucy
Le Quatuor Modigliani
Thomas Adès dirige Beethoven et Barry
François-Xavier Roth dirige Beethoven
Le Trio Melnikov-Faust-Queyras interprète Beethoven
Teodor Currentzis dirige Beethoven
Le Trio Arnold interprète Beethoven
Orsolya Korcsolán interprète Goldmark et Korngold
La pianiste Hephzibah Menuhin
Emil Tabakov dirige Chostakovitch
Riccardo Muti dirige Chostakovitch
Laura Holm et le Quatuor Béla interprètent Ducol
Paavo Järvi dirige Tchaïkovski
Sandra Lied Haga interprète Dvorák et Tchaïkovski
Victor Julien-Laferrière interprète Dvorák et Martinů
Miguel da Silva interprète Brahms
Antoine Tamestit interprète Brahms
Le chef d’orchestre Armin Jordan
Alexandre Bloch dirige Chausson
Johannes Fleischmann interprète Korngold et Zeisl




Pourquoi pas ?

Gottfried von der Goltz dirige Beethoven
Andrew Manze dirige Beethoven
Pierre-Dominique Ponnelle dirige Chostakovitch
Mariss Jansons dirige Chostakovitch
Giulio Prandi dirige Jommelli
Jonathan Bloxham dirige Franck et Strauss
Lawrence Foster dirige La Fille du Far West
Dan Ettinger dirige Tchaïkovski et Rachmaninov
Simone Rubino interprète Bach et Piazzolla
Sabine Weyer interprète Miaskovski et Bacri




Pas la peine

Kristiina Poska dirige Beethoven
Bernhard Forck dirige Beethoven
Manfred Honeck dirige Beethoven
Eliahu Inbal dirige Chostakovitch
Ester Pineda interprète Mompou et Bonet
La violoncelliste Ophélie Gaillard




Hélas!

Le Quatuor Voyager





En bref


Jeux de famille chez les Menuhin
Clara, Fanny et... Emilie
Backhaus, années 1940
Dassoucy sans souci pour Marco Horvat
Far West roumain pour Puccini
Beethoven: quelques symphonies
Chostakovitch: quelques symphonies
Franck et Strauss dans les pas de Liszt
Sommets du quatuor avec les Modigliani
L’Antiquité de Bruno Ducol
Giulio Prandi emporté par son élan
L’Opus 1 du Trio Arnold
Résonances catalanes
De Goldmark à Korngold



Jeux de famille chez les Menuhin





Warner Classics édite en ce début d’année le plus passionnant et documenté coffret d’archives possible qui regroupe les enregistrements audio et vidéo des membres de la famille Menuhin. Attention, trésor! Dans la famille Menuhin, je demande...? Yehudi, bien sûr, l’un des trois plus immenses violonistes du XXe siècle, mais aussi Jeremy le fils, Hephzibah la sœur cadette, et Yaltah la sœur puînée, tous trois pianistes. Et si ce coffret est un hommage au centenaire de Hephzibah (1920-1981), c’est aussi la célébration de toute une famille de musiciens et de leurs pièces rapportées, si l’on peut écrire ainsi pour désigner une pléiade de partenaires allant de Georges Enesco (qui fut leur mentor) à Maurice Gendron, de Martin Lovett et Peter Schidlof (membres du Quatuor Amadeus) à Louis Kentner. Curieux parcours que celui de la sœur de celui qui fut probablement le plus renommé des violonistes de son temps par son art, une sonorité d’une pureté exceptionnelle, mais aussi charismatique sur les terrains les plus variés, politique, humanitaire, promoteur du yoga et de la musique indienne en Occident. Née quatre ans après lui et demandée comme un cadeau à ses parents vivant alors en Californie, Hephzibah («désirée», en hébreu) apprit la musique en même temps que la marche, entre les pieds de son frère, lui déjà au violon, puis tout naturellement se forma ce duo «siamois» qui aurait pu aller professionnellement plus de soi, n’était la résistance d’une mère trop traditionaliste et autoritaire. Beaucoup plus tard, à peine sur les rails, leur duo dut subir les séparations dues à la guerre, puis à des mariages les éloignant (ils épousèrent pourtant un frère et une sœur), Yehudi devenu citoyen du monde, Hephzibah épouse d’un riche propriétaire australien de troupeaux de moutons et héritier de la firme pharmaceutique Aspro. Quelques tournées et studios cependant les réunirent en Australie puis à Londres après la guerre mais la pianiste consacra beaucoup de son temps à des missions humanitaires notamment auprès des réfugiés juifs et des enfants orphelins. Parmi tant de perles, le coffret, réalisé sous la direction de Bruno Monsaingeon, regroupe le peu de documents filmés existant, en tête desquels on placera le concert donné à Londres en 1966 pour les 50 ans du violoniste dirigeant ses deux sœurs et son fils dans le Concerto pour trois pianos de Mozart, suivi d’une savoureuse interview par la BBC de la fratrie Menuhin. Rescapé d’un concert à l’ONU à Paris en 1966, la Sonate de Franck est un inédit absolu tout comme leur dernier concert ensemble de1979, où, un peu plus d’un an avant sa mort, la pianiste joue avec son frère le Concert de Chausson, le visage défiguré par le cancer qui devait l’emporter. Parmi les neuf disques, des œuvres aussi variées que le répertoire soliste (lumineuses Sonates de Beethoven), concertant (abondance de concertos de Mozart, Mendelssohn, Brahms et Juan José Castro), chambriste avec des sonates avec violon de Beethoven, Bach, Debussy, Bartók, Schumann, Enescu et Mozart mais aussi le Quintette «La Truite» de Schubert avec les Amadeus et les Sonates pour clarinette et piano de Brahms avec George Pieterson. Et aussi des œuvres plus inattendues dans lesquelles Hephzibah tient la partie de piano comme Le Carnaval des animaux de Saint-Saëns ou les Liebeslieder-Walzer de Brahms avec un quatuor vocal de haut vol. La formidable iconographie réunie achève de faire de ce coffret un trésor (neuf disques et deux DVD 019029520315)! OB




Clara, Fanny et... Emilie





Auteur de pas moins de huit symphonies (dont deux perdues), Emilie Mayer (1812-1883) s’est affirmée comme l’une des personnalités les plus originales de sa génération, refusant le mariage sa vie durant et osant affronter ses collègues masculins sur le terrain de la grande forme. Indépendante financièrement suite au décès prématuré de son père, elle termine ses études musicales à Berlin dès 1847, où elle s’établit ensuite. On découvre ici ses deux premières symphonies, composées à Stettin (aujourd’hui Szczecin, en Pologne), sous la houlette de son mentor Carl Loewe. S’il est impossible de dater précisément les deux ouvrages, on situe leur composition entre 1842 et 1847, ce qui en fait de parfaites contemporaines des trois symphonies de Louise Farrenc (1804-1875). La Première surprend d’emblée par son équilibre classique d’une maîtrise formelle digne des plus grands, même si elle évoque davantage Beethoven et Schubert que Mendelssohn. Si l’instrumentation reste trop prévisible, on admire la fluidité des transitions et une inspiration mélodique sereine. La direction parfois un peu raide de Leo McFall , à la tête de la Philharmonie de la Radio de la NDR (Hanovre), assure l’essentiel, même si on aurait aimé un peu plus de vigueur et de parti pris. Son geste léger et aérien convient mieux à la Deuxième, plus dramatique dès son ouverture lente au ton narratif du plus bel effet. Le Scherzo, placé en deuxième position, évoque Schubert, tandis que le mouvement lent élégant donne la primauté à l’expression de la mélodie. Ces ouvrages bien troussés donnent envie de découvrir plus avant l’œuvre d’Emilie Mayer, au-delà de la Quatrième Symphonie déjà gravée par Capriccio en 2018 ou des deux premiers quatuors chez CPO en 2017 (CPO 555 293-2). FC




Backhaus, années 1940





Sous le titre «The complete 1940s Studio Recordings», APR réédite un troisième album consacré aux enregistrements d’avant Decca de Wilhelm Backhaus (1884-1969). Ces reports très soignés et parfaitement documentés apportent un éclairage complémentaire sur un artiste à la réputation d’austérité. Né à la fin du XIXe siècle, le pianiste allemand a eu une des plus longues carrières qui soient et a côtoyé Johannes Brahms, Eugen D’Albert, Richard Strauss et Béla Bartók. Son style pianistique est synonyme de rigueur et son répertoire est demeuré relativement classique. Ses grands enregistrements de studio gravés à partir de 1950 pour Decca restent ceux de Bach, Beethoven et Brahms. Mais avant il avait enregistré pour His Master’s Voice, qu’il a abandonné après un différend avec Walter Legge sur fond sordide de réputation sulfureuse pendant l’époque nazie et de litiges avec le fisc britannique (la notice explique en détail les raisons de ce changement d’éditeur...). Cet album reprend quelques enregistrements de ce catalogue, dont certaines sessions tardives réalisées à Zurich en 1948 sont rééditées pour la première fois. Le Vingt-sixième Concerto «Couronnement», pas un des plus joués à l’époque, a été enregistré par Electrola en 1941 en Allemagne, pour le cent cinquantième anniversaire de la mort de Mozart. Backhaus y joue ses propres cadences échevelées, ajoutant même une mini-cadence avant le retour ultime du thème dans le finale. Dirigé par Fritz Zaun, un chef tout à fait en cote avec le pouvoir nazi, l’Orchestre de l’Opéra d’État de Berlin sonne un peu compact alors que le son du piano est clair et aéré. C’est probablement de ce que l’on connaît de Backhaus l’enregistrement où il se laisse aller à une joie de jouer qu’on ne trouve pas toujours au studio. Le reste du programme, pomme de discorde avec Legge, a été enregistré au studio Wolfbach de Zurich (Backhaus résidait en Suisse) du 15 au 17 mars 1948 et comporte des prises qui n’avaient jamais été rééditées, comme l’impeccable Concerto italien de Bach suivi du Prélude et Fugue en si bémol du Second Livre de Bach, qui n’est pas exempt de rubato… tout comme le Deuxième des Impromptus D. 899 de Schubert. Sans surprise, les Sonates K. 331 de Mozart (avec la «Marche turque») et Opus 31 n° 3 («La Chasse») de Beethoven sont très proches des enregistrements Decca plus tardifs, de style et de sonorité. Classique mais jamais rigide, franc mais jamais sec comme ses détracteurs le lui ont souvent reproché, Backhaus incarne bien la tradition allemande issue du XIXe siècle, chemin dans lequel il a été suivi par des pianistes comme Wilhelm Kempff, Rudolf Serkin ou Peter Rösel (5637). OB




Dassoucy sans souci pour Marco Horvat





Avouons que jusqu’à il y a seulement quelques années, nous ne connaissions pas Marco Horvat... Ce n’est qu’à l’occasion d’un concert intimiste donné par Hugo Reyne en l’église luthérienne de la Trinité, à Paris (voir ici), que nous avons ainsi découvert non seulement le musicien mais également le chanteur, incroyable charmeur aussi bien comme joueur de théorbe que comme baryton-basse. Fondateur en 1996 de l’ensemble Faenza, qui participe pleinement au présent disque, Marco Horvat nous invite ici à découvrir le bien méconnu Charles Dassoucy (1605-1677), nommé maître de musique du futur Louis XIV à la demande de Louis XIII lui-même mais qui, après avoir quitté la France pour l’Italie, où il travailla notamment à la cour de Mantoue, est revenu dans notre beau pays pour se rendre compte qu’on l’avait totalement oublié… Ce disque nous invite à découvrir des Airs à quatre parties (1653) dont l’enregistrement (en première mondiale) n’est possible que grâce à la récente découverte de la partie de dessus, qui faisait défaut jusqu’alors. Parmi l’équipe de Faenza, les chanteurs se distinguent tout particulièrement: Francisco Manalich (que l’on avait admiré lors du concert susmentionné) est un ténor à la voix immédiatement séduisante (son duo avec Horvat dans l’air «Il est bien temps, adorable princesse»), y compris lorsque de soliste il devient simple membre d’un ensemble un rien plus conséquent comme dans ce très beau «Ne tenez plus mon cœur», où il chante aux côtés d’une voix féminine et de la basse, les chanteurs étant en particulier accompagnés d’une mélodieuse guitare baroque. Sarah Lefeuvre (soprano) et Saskia Salembier (mezzo-soprano) nous convainquent également dans ces airs d’une durée souvent brève (tous font moins de 4 minutes, le plus bref dépassant la minute de seulement quelques secondes), prenant pour l’une son temps dans l’air «Doux objet de mes sens» ou, pour l’autre, se faisant presque mutine dans l’air «Si vous doutez de mon amour extrême». Aux côtés des quatre chanteurs, les instruments interviennent souvent avec parcimonie mais n’en assurent pas moins un soutien sans faille, jouant sur les diverses sonorités des flûtes (tenues par Sarah Lefeuvre), du théorbe ou de la guitare. Si l’on ajoute à l’originalité de ce programme et à l’élégance de son interprétation les notices très instructives de Marco Horvat et Nathalie Berton-Blivet, voici un disque de la plus haute qualité qui illustre à la fois l’esprit de redécouverte de ses auteurs et l’excellence de leurs qualités musicales (Hortus 169). SGa




Far West roumain pour Puccini





Parmi les opéras de Puccini, La Fille du Far West, créé au Metropolitan Opera de New York en 1910 avec Enrico Caruso, Emmy Destinn et Pasquale Amato sous la direction d’Arturo Toscanini, fait à la scène, moins que La Rondine cependant, toujours figure de rareté. Sa disco-vidéographie aujourd’hui assez riche voit arriver sans la bousculer une nouvelle version de studio enregistrée en juin 2019 dans les studios de Radio Cluj en Roumanie. Les enregistrements d’œuvres lyriques au studio sont devenus si rares aujourd’hui que l’on est surpris de voir surgir sur le marché du disque une nouvelle version de ce western lyrique, opéra le moins populaire de Puccini. Le chef américain Lawrence Foster a déjà à son acquis chez l’éditeur néerlandais Pentatone Otello de Verdi. Cette publication propose une distribution malheureusement trop inégale pour les rôles principaux (toutes les silhouettes dont l’opéra abonde sont au contraire très soignées) pour que l’on trouve justifiée sa parution. L’héroïne féminine Minnie se tire plutôt bien des difficultés techniques du rôle mais il manque un supplément de charme et d’humanité à la prestation de Melody Moore dans ce rôle à l’évolution complexe. Le shérif Jack Rance de Lester Lynch est beaucoup trop monolithique dans son rôle de méchant. Le ténor Marius Vlad, qui incarne Dick Johnson/Ramerrez, a les moyens considérables du rôle mais la voix semble prématurément usée, avec un timbre nasillard, uniformément gris et déplaisant. Son italien étant plus qu’approximatif, cela le disqualifie davantage. Tout cela est d’autant plus dommage que la direction de Lawrence Foster est très efficace, faisant bien avancer le drame à la tête d’un Orchestre philharmonique d’Etat de Transylvanie qui montre de belles qualités et surtout d’un Chœur d’Etat de Transylvanie superlatif. On restera donc inconditionnel des versions historiques de Dimitri Mitropoulos à Florence avec Steber, del Monaco et Guelfi (1954), de Franco Capuana à Rome avec Tebaldi, del Monaco et MacNeil (1958) et, plus récente, de Zubin Mehta à Londres avec Neblett, Domingo et Milnes (1976) (album de deux disques PTC 5186 778)). OB




Beethoven: quelques symphonies


          
          
          
          
          


Sa (bien triste) «année» est désormais derrière nous mais Beethoven est évidemment toujours présent, sans que la production discographique paraisse devoir se ralentir, par exemple dans le domaine symphonique.
Thomas Adès (né en 1971) entreprend avec le Britten Sinfonia une intégrale dont les deux premiers volumes, enregistrés en mai 2017 et mai 2018, ont déjà été publiés. L’orchestre est un peu fruste, mais le compositeur anglais n’est pas du genre à se contenter de tics interprétatifs: il a quelque chose à dire dans cette musique, fait valoir des options originales et défendre un Beethoven toujours en mouvement, ce qui ne veut pas dire agité ou précipité, avec de vraies réussites (Deuxième, Sixième «Pastorale») qui compensent largement des moments un peu moins inspirés (Première, Cinquième). En regard, les œuvres de son ami Gerald Barry (né en 1952), sorte de Kagel irlandais, contrastent fortement. D’un côté, deux sortes de cantates, La Conquête de l’Irlande (1996), sur un texte de son quasi homonyme, le Gallois Giraud de Barri (v. 1146-v. 1223), avec la basse Joshua Bloom, et Beethoven (2008), qui met en musique des lettres à l’«immortelle bien-aimée», avec le baryton Mark Stone, où le texte est soigneusement maltraité et accompagné de la façon la plus décalée. De l’autre, deux concertos qui n’en ont guère que le nom, pour piano (2012), avec Nicolas Hodges, et pour alto (2019) avec Lawrence Power, succession de gammes et d’arpèges partagés entre le soliste et l’orchestre, laissant place dans les dernières mesures à une mélodie que l’altiste finit par siffloter (albums de deux disques Signum Classics SIGCD616 et SIGCD639).
Autre intégrale qui débute, celle de l’Estonienne Kristiina Poska (née en 1978), qui a succédé en 2019 à Jan Latham-Koenig dans les fonctions de chef-dirigent de l’Orchestre symphonique des Flandres (Gand). Enregistrées au second semestre 2020, les Première et Septième témoignent d’une qualité instrumentale moyenne, tandis qu’une prise de son sèche surligne sans doute une tendance à vouloir jouer «historiquement informé» (Fuga Libera FUG 781).
L’édition «Beethoven 2020-2027» d’Harmonia mundi suit son cours. La Cinquième est confiée à François-Xavier Roth (né en 1971) et à son orchestre Les Siècles. Dans une prise de son très réverbérée (à la Philharmonie de Paris) qui ne rend sans doute pas toujours à ses intentions, le chef français ne manque ni d’énergie – comme dans un fantastique Trio du Scherzo – ni d’agressivité – comme dans cette manière qu’ont les cordes d’arracher leurs accords en les arpégeant – et parvient, sans excentricité ni précipitation, à soutenir l’intérêt dans une œuvre dont la célébrité pose souvent problème à ses interprètes. Achevée l’année suivante mais d’inspiration encore très haydnienne, sans la moindre facilité, comme dans un sévère Menuet où se succèdent unissons et passages fugués, la Symphonie à dix-sept parties (1809) de Gossec, enregistrée trois ans plus tard, bénéficie d’une meilleure prise de son qui permet d’en apprécier la grande qualité (HMM902423). L’Académie de musique ancienne de Berlin et son Konzertmeister Bernhard Forck donnent de la Sixième «Pastorale» une lecture étonnamment neutre, comme si ce que les orchestres sur «instruments d’époque» avaient perdu en audace ce qu’ils ont gagné en fiabilité. L’intérêt de ce disque n’est pas rehaussé par Le Portrait musical de la Nature ou Grande Symphonie (1785) de Justin Heinrich Knecht (1752-1817), dont le programme est étonnamment proche de celui de la Pastorale mais qui permet de confirmer à quel point Beethoven s’élève au-dessus son époque (HMM902425). La Septième de l’Orchestre baroque de Fribourg et son Konzertmeister Gottfried von der Goltz est du même ordre: instrumentalement aboutie, esthétiquement respectable mais sans grand engagement. Bref, à la différence de la Cinquième de Roth, il manque à ces Sixième et Septième une personnalité à part entière. On n’en tient pas moins, en complément de cette «apothéose de la danse» peu inspirante, une excellente version du ballet Les Créatures de Prométhée (album de deux disques HMM902446.47). C’est également dans le cadre de cette série que Alexander Melnikov, Isabelle Faust et Jean-Guihen Queyras proposent un arrangement pour trio avec piano de la Deuxième Symphonie sans doute réalisé par Ries et revu par Beethoven: une formidable recréation – avec ou sans accent sur le premier «e» – pour ces trois musiciens d’une inventivité exceptionnelle, qui ont déjà signé une intégrale des trios chez le même éditeur. Ils font également feu de tout bois dans le Triple Concerto, également enregistré au premier semestre 2020, avec un Finale passablement déjanté, mais il est dommage qu’ils soient accompagnés par Pablo Heras-Casado (né en 1977), qui dirige l’Orchestre baroque de Fribourg avec sa raideur coutumière (Harmonia mundi HMM902419).
Dans la Cinquième, enregistrée durant l’été 2018, Teodor Currentzis (né en 1972) et son orchestre (sur «instruments anciens») musicAeterna privilégient les contrastes: quand ce ne sont pas gadgets et effets de manche, comme ces grands coups d’accordéon dans le développement de l’Allegro con brio, il est difficile de résister à l’élan conquérant du Scherzo et du Finale (Sony 19075884972).
Andrew Manze (né en 1965), Chefdirigent de la Philharmonie de la Radio de la NDR (Hanovre) depuis 2014, donne des Cinquième et Septième, enregistrées en janvier et mars 2019, solides et de bonne facture mais un peu trop prudentes. Dommage qu’on ne ressente pas partout la même motivation que dans le Finale de la Septième qui conclut remarquablement cet album (SACD Pentatone PTC5186814).
En concert en juin 2019, Manfred Honeck (né en 1958) et l’Orchestre symphonique de Pittsburgh, dont il est le music director depuis 2008, semble animé par une volonté assez extérieure de montrer ses muscles: la brutalité des attaques semble vouloir concurrencer sur leur propre terrain certaines versions sur «instruments anciens». Théâtral, spectaculaire et virtuose, le Finale n’est pas moins raide et militaire, avec qui plus est une marche précipitée et un phrasé aberrant dans «Seid umschlungen». Côté solistes, ce n’est guère mieux, entre le vibrato du baryton-basse Shenyang et le manque de puissance du ténor Werner Güra, rapidement englouti par l’orchestre et le Chœur Mendelssohn de Pittsburgh (SACD Reference Recordings FR-741). SC




Chostakovitch: quelques symphonies


                    
          
          


Parmi les parutions récentes de symphonies de Chostakovitch, la Dixième de Gianandrea Noseda avec l’Orchestre symphonique de Londres a fait forte impression (voir ici), mais quelques autres méritent également l’attention.
Pour le neuvième (et avant-dernier) volume de leur intégrale, enregistré en 2013 et 2015, Emil Tabakov (né en 1947) et l’Orchestre symphonique de la Radio nationale bulgare, dont il a été le chef principal de 2008 à 2015, réunissent deux des symphonies les moins célébrées, la Deuxième «Octobre» et la Douzième «L’Année 1917». Le défi est de taille, mais avec un orchestre dont la rugosité n’est pas hors sujet, le chef bulgare confère autant de souffle qu’il se peut à ces œuvres de commande où l’inspiration n’est pas toujours au rendez-vous (Gega New GD 388).
Tout le contraire de la Cinquième, bien sûr, même si la Philharmonie d’Etat de Minsk, enregistrée en juin 1994, n’est pas moins rudimentaire, sous la direction de son premier chef invité d’alors, Pierre-Dominique Ponnelle (né en 1957): une version où l’intensité de la couleur l’emporte sur la séduction, avec des initiatives intéressantes en termes de phrasé et de tempo, et à laquelle on sait notamment gré de faire du finale une réjouissance forcée et non une apothéose. L’Adagio de la Dixième de Mahler constitue un couplage assez inattendu où les faiblesses instrumentales paraissent plus gênantes (album de deux disques Musicaphon M 56953).
Dans cette même Cinquième créée par Mravinski, Mariss Jansons (1943-2019), qui fut son assistant, est évidemment dans son élément. Au cours de concerts donnés en avril et mai 2014 avec l’Orchestre symphonique de la Radio bavaroise, dont il a fut le Chefdirigent de 2003 à sa mort, le chef letton livre une version d’un standard symphonique très élevé mais à laquelle manquent ambiguïté, noirceur, ironie... et un minutage plus généreux (BR-Klassik 900191).
Enregistré en public en novembre 2018 avec l’Orchestre symphonique de la SWR, Eliahu Inbal (né en 1936) manque de mordant dans la Onzième «L’Année 1905», où il reste trop lisse et distant, n’exploitant pas suffisamment le potentiel dramatique de cette évocation de la première révolution russe écrite quelques mois après l’insurrection de Budapest (SWR Classic SWR19106CD).
En public en septembre 2018, Riccardo Muti (né en 1941) déploie dans la Treizième «Babi Yar» les fastes des Chœur et Orchestre symphonique de Chicago, dont il est music director depuis 2010. Si le nom du chef italien n’est guère associé à ce répertoire fermeté, il fait alterner avec maestria formidables orages, recueillement tragique et kermesses burlesques, avec la basse Alexey Tikhomirov d’une sobriété méritoire, sans surenchère dans le tragique ou le grotesque (CSO Resound CSOR 901 1901). SC




Franck et Strauss dans les pas de Liszt





Rapprochement original et intéressant que celui de Franck et Strauss en ces années 1880, l’un à l’apogée de son génie, l’autre à ses éclatants débuts, mais tous deux ici dans la lignée de Liszt au travers de leurs poèmes symphoniques ou de leurs innovations dans la forme concertante. La baguette de l’Anglais Jonathan Bloxham (né en 1988) reste toutefois un peu trop sage dans Le Chasseur maudit et Mort et transfiguration, avec une Philharmonie allemande du nord-ouest assez quelconque. Dans les deux pages concertantes, la pianiste russe Ekaterina Litvintseva (née en 1986) ne manque pas d’aplomb mais convainc davantage dans les Variations symphoniques que dans Burlesque (Profil Edition Günter Hänssler PH20060). SC




Sommets du quatuor avec les Modigliani





Enfin un album dépourvu de titre! C’est sans doute la confirmation que la notoriété du Quatuor Modigliani rend inutile cette accroche de marketing. On a peut-être ainsi échappé à «Brelan d’as», tant les trois compositeurs au programme ont illustré au plus haut niveau le genre du quatuor. La formation française peut donc se contenter, sans rechercher nécessairement à tout prix un fil rouge tiré par les cheveux, de ce qui serait un triptyque de concert: un quatuor de Haydn (l’Opus 76 n° 2 «Les Quintes»), un de Bartók (le Troisième) et l’un de ceux que Mozart dédia à Haydn (Dix-neuvième «Les Dissonances»). Servis par une magnifique prise de son, les Modigliani sont à la hauteur de ces partitions exceptionnelles: associant éloquence et expression, âpreté et rondeur, l’interprétation est toujours parfaitement tenue, peut-être même un peu trop dans l’Andante o più tosto allegretto du Haydn ou dans le premier Allegro du Mozart (Mirare MIR506). LPL




L’Antiquité de Bruno Ducol





On se réjouit toujours de recevoir des nouvelles de Bruno Ducol (né en 1949), qui continue de tracer son chemin à travers les riches paysages de la voix, de la littérature, de la Grèce et de l’Antiquité. Adonaïs ou L’Air et les Songes (2016) donne son titre à ce nouvel album monographique: ample partition (plus d’une demi-heure) en cinq parties (dont un intermezzo purement instrumental) associant soprano et quatuor, elle se fonde sur des extraits d’un long poème de Shelley qui s’apparente à une épitaphe à Keats et qui renvoie aussi pour le compositeur à un écho plus personnel, le souvenir d’un «enfant disparu prématurément». Rien de triste ou funèbre, pour autant: dédicataires et créateurs de l’œuvre, Laura Holm et le Quatuor Béla investissent avec bonheur ce monologue où les musiciens sont parfois amenés à ponctuer de leur voix les interventions de la soliste. Egalement créé par le Quatuor Béla, A Corinna n° II (2014), du nom d’une poétesse grecque du VIe siècle avant Jésus-Christ, offre un dizaine de minutes d’une intense poésie. Empruntant son titre à un compositeur grec du IIe siècle, l’Hymne au soleil (2015) constitue un hommage à Cabu: rien de compassé cependant, mais bien au contraire une inspiration jaillie de «l’infinie variété des lumières et couleurs qui émanent du Soleil mais d’autres divinités», quart d’heure de musique qui met superbement en valeur la flûte de Julie Brunet-Jailly, soliste de L’Itinéraire et du Balcon, face à un trio à cordes. Enfin, Tout le jaune se meurt (2014) pour soprano solo sur un extrait de Calligrammes d’Apollinaire vise à une «mise en scène» des images du poème dans «une sorte de théâtre du geste»: sans filet, pour l’auteur comme pour l’interprète, l’exercice est aussi périlleux que réussi (Klarthe K092). SC




Giulio Prandi emporté par son élan





Après nous avoir régalé de plusieurs réussites successives, notamment les disques consacrés à la musique religieuse de Niccolò Jommelli (DHM, 2013) et de son contemporain Davide Perez (DHM, 2014), Giulio Prandi en revient à son répertoire de prédilection en mettant à nouveau Jommelli à l’honneur: place cette fois à l’une des œuvres les plus renommées de son vivant, son unique Requiem (1756). Composé peu de temps après son arrivée à la Cour de Stuttgart en tant qu’Oberkapellmeister (où son prestige justifie un salaire très élevé pour l’époque), ce Requiem en mi majeur a été écrit à l’occasion du décès de la mère du duc de Wurtemberg, son employeur. On y découvre un Jommelli au fait de ses moyens, émouvant de tendresse dans les premières mesures de l’ouvrage, plus lumineux par la suite. Malgré une réalisation technique exemplaire – solistes (Sandrine Piau, Carlo Vistoli, Raffaele Giordani, Salvo Vitale) et chœur (Ghislieri) en tête –, le disque ne satisfait pas toutes les attentes en raison de la direction démonstrative de Giulio Prandi, qui multiplie les contrastes de tempo, tout autant que les détails inattendus dans le soutien orchestral. On pourra se réjouir d’une telle imagination, mais celle-ci accentue par trop la virtuosité de l’ouvrage, au détriment du sens. Dommage (Arcana A477). FC




L’Opus 1 du Trio Arnold





On supposera que le Trio Arnold, par son nom, a choisi de rendre hommage à l’un de ceux, Schönberg, qui a apporté une contribution importante au genre du trio à cordes. Mais son premier disque est consacré à Beethoven qui, à l’âge de ses membres, n’explorera pas davantage cette formation, laissant en tout et pour tout cinq œuvres, dont une sérénade et un recueil de trois trios. C’est cet Opus 9 (1798) que le violoniste Shuichi Okada (né en 1995), l’altiste Manuel Vioque-Judde (né en 1991) et le violoncelliste Bumjun Kim (né en 1994) ont choisi. Dans ces pages qui soutiennent sans peine la comparaison avec les sonates pour piano, trios avec piano et quatuors à cordes contemporains, le Trio Arnold fait montre de qualités fort variées: engagement, verve, sonorité, brio, sens dramatique. Des débuts discographiques remarquablement impressionnants (Mirare MIR550). SC




Résonances catalanes





Natifs de Barcelone, Frederic Mompou (1893-1987) et Narcís Bonet (1933-2019) ont tous deux longtemps vécu à Paris, le premier, admiratif de Fauré, pour y chercher sa voie, le second, qui consacra un ouvrage à son aîné, pour étudier avec Nadia Boulanger, à laquelle il succéda à la tête du Conservatoire américain de Fontainebleau. Mais le lien avec la Catalogne n’en est pas moins demeuré extrêmement important pour l’un comme pour l’autre. Catalane elle-même, la pianiste Ester Pineda (née en 1961) associe donc logiquement, sous le titre «Résonances», Mompou – quatre des douze Préludes, deux des douze Chants et danses et un extrait des Scènes d’enfants, parfois dans des arrangements pour violon (Ariane Granjon) et piano, Altitude et Elégie (transcription d’une mélodie) pour violon et piano – et Bonet – les cinq brefs Nocturnes et, pour violon et piano, la Sonatine de Fontainebleau ainsi que les cinq Danses lointaines. L’aura de Mompou est considérable et la comparaison avec son cadet ne tourne pas à l’avantage de ce dernier, peut-être aussi parce qu’il s’agit de pages de prime jeunesse (1949-1953), d’un néoclassicisme agréable mais convenu qui pourrait évoquer le style de Rodrigo (Gallo CD-1639). LPL




De Goldmark à Korngold





On ne sait pourquoi cet enregistrement (re)fait maintenant surface, mais son intérêt suffit à justifier d’y consacrer quelques lignes. Orsolya Korcsolán (née en 1976) s’attache à raviver le souvenir des musiciens juifs de Mitteleuropa occultés par la cancel culture du IIIe Reich, quand ils n’ont pas péri assassinés dans les camps. En voici deux rassemblés sous le plaisant titre «Korngoldmark». Erich Wolfgang Korngold (1897-1957), enfant prodige puis vedette des scènes germaniques dans les années 1920, avait heureusement pris les devants en émigrant aux Etats-Unis, où il fit les grandes heures de Hollywood: pas d’œuvres originales ici mais des arrangements de sa main de quatre extraits de la musique de scène pour Beaucoup de bruit de rien, d’un extrait du ballet Le Bonhomme de neige, de deux airs de La Ville morte et d’un air du Miracle d’Héliane. Károly Goldmark (1830-1915) ne connut évidemment pas l’ère nazie, mais sa musique a souffert de l’éclipse qui lui a été imposée dans les années 1930. Si l’on se souvient encore parfois de sa Symphonie «Le Mariage paysan» ou de son Premier Concerto pour violon (que Perlman coupla, au disque, avec celui de... Korngold), c’est un bonheur que de découvrir ici sa Suite en mi majeur (1864), créée par Hellmesberger puis défendue par Hubay et même Liszt, partition ample (une demi-heure) et d’une belle générosité mélodique, ainsi qu’une Romance en la (1904) plus tardive. Fort bien soutenue par sa compatriote Emese Mali (née en 1980), la violoniste hongroise possède juste ce qu’il faut de caractère et de schmaltz et propose en complément deux raretés: un Air plaintif (1916), dédié à Elman et écrit par un neveu américain de Goldmark, Rubin Goldmark (1872-1936), qui eut notamment pour élèves Copland et Gershwin, et une Sérénade (1942), seule œuvre conservée du Viennois Robert Dauber (1922-1945), composée à Terezin trois ans avant son assassinat à Dachau (Solo Musica SM 202). SC




Face-à-face



Tchaïkovski: Quatrième Symphonie


          
Ouvrant la trilogie des dernières symphonies du compositeur russe, la Quatrième (1878) fait figure, comme la Cinquième de Beethoven, de «symphonie du destin», avec sa fanfare fatidique qui retentit dès les premières mesures et revient jeter une ombre peu avant la coda du finale.
Paavo Järvi (né en 1962) et l’Orchestre de la Tonhalle de Zurich, dont il est le Chefdirigent depuis 2019, poursuivent leur intégrale. Le premier volume, consacré à la Cinquième, laissait un sentiment très mitigé, entre l’admiration pour une réalisation instrumentale, détaillée et virtuose, voire spectaculaire, et l’agacement suscité par quelques petites coquetteries, en particulier dans les dynamiques. Ce maniérisme est beaucoup moins présent ici et on apprécie donc une direction toujours en mouvement et en tension, servie par un orchestre de grande qualité. Ces qualités se retrouvent dans la Deuxième Symphonie «Petite Russie», où le chef exacerbe encore plus les contrastes de tempo: les mouvements centraux sont très enlevés mais le Moderato assai ouvrant le finale paraît excessivement pompeux (Alpha 735).
Avec l’Orchestre philharmonique de Stuttgart, où il est Generalmusikdirektor depuis 2015, Dan Ettinger (né en 1971) ne bénéficie sans doute pas d’une formation aussi affûtée, notamment du côté des bois, ni d’une prise de son aussi réussie mais sa direction n’oublie jamais de valoriser le chant. En complément, comme avec la Cinquième parue en 2019, c’est un concerto de Rachmaninov: après Fabio Martino dans le Premier, le Géorgien Alexander Korsantia (né en 1965) donne ici une lecture très équilibrée du Deuxième, sans en faire des tonnes, avec une sensibilité très fine, soutenue par le lyrisme toujours aussi affirmé du chef israélien (Hänssler Classic HC20046). SC




Dvorák: Second Concerto pour violoncelle


          
Si l’on compte un premier essai de jeunesse, qui ne fut orchestré et publié qu’à titre posthume par Burghauser, «le» Concerto pour violoncelle (1895) peut être considéré comme le second du compositeur tchèque, qui l’écrivit durant son séjour américain. Deux jeunes artistes se mesurent aujourd’hui à cette œuvre de grande ampleur dans sa durée comme dans son expression, dans laquelle Dvorák inclut un adieu aussi tendre que bouleversant à sa belle-sœur Josefina, qu’il aima avant d’épouser – à l’image de Haydn et Mozart – sa sœur (cadette), Anna.
Elève de Truls Mørk, Frans Helmerson et Torleif Thedéen, Sandra Lied Haga (née en 1994), engagée et chaleureuse, est portée par la direction pleine de caractère Terje Mikkelsen à la tête de l’Orchestre symphonique académique d’Etat de Russie «Evgeny Svetlanov». La Norvégienne montre en outre que sa technique s’accommode sans peine de la version originale des Variations rococo de Tchaïkovski (Simax PSC1363).
Victor Julien-Laferrière (né en 1990), premier prix au concours Reine Elisabeth en 2017, n’a pas eu des maîtres moins prestigieux: Roland Pidoux, Heinrich Schiff et Clemens Hagen. Moins démonstratif mais pas moins virtuose, travaille davantage le texte et le son, ce qui convient davantage au Premier Concerto de Martinů. L’Orchestre philharmonique royal de Liège et Gergely Madaras, directeur musical depuis 2019, soutiennent avec élan et précision le violoncelliste français (Alpha 731). SC


Brahms: Œuvres pour alto et piano


          
A l’instigation du clarinettiste Richard Mühlfeld, Brahms écrivit sur le tard deux Sonates (1894), précédées trois ans plus tôt d’un Trio, mais en réalisa conjointement des versions destinées à l’alto, pages ultimes auxquelles deux des plus grands altistes français viennent de se confronter.
La sonorité chaleureuse de Miguel Da Silva (né en 1961), l’altiste de feu le Quatuor Ysaÿe, s’associe parfaitement au piano somptueux François-Frédéric Guy. Xavier Phillips se joint à eux dans le rare Trio pour alto, violoncelle et piano, ne venant pas troubler les demi-teintes qu’on associe traditionnellement à ce Brahms automnal (Alpha 648).
Moins univoque dans son approche, Antoine Tamestit (né en 1979) se montre toujours aussi souverain et subtil, irréprochable de justesse à tous les sens du terme. Le Bechstein de 1899 possède son charme, mais n’avantage pas toujours Cédric Tiberghien, pourtant très à l’écoute. Les compléments investissent le champ du lied, avec deux transcriptions pour alto et piano – la célèbre «Berceuse» et «Rossignol» – mais surtout les Deux Chants opus 91, où les deux partenaires sont rejoints par le baryton Matthias Goerne, qui ne fait pas regretter l’habituelle voix de contralto (Harmonia mundi HMC 902652). SC


Chausson: Poème de l’amour et de la mer


          
Page essentielle (1892) du compositeur, cette longue mélodie avec orchestre en deux parties («La Fleur des eaux», «La Mort de l’amour») séparées par un bref interlude dispense une mélancolie infinie, élégiaque, qui magnifie le texte de Maurice Bouchor.
Lors de l’édition 1994 du Festival de Lucerne, Felicity Lott (née en 1947), pas spécialement à l’aise aux extrêmes de la tessiture et pas à la hauteur de sa réputation en termes de diction, s’impose en revanche par son élégance et sa musicalité, dans un bel équilibre entre pudeur et expression. Armin Jordan, à la tête de l’Orchestre de la Suisse romande, dont il était alors le directeur musical, porte la partition à incandescence. Au cours de ce même concert, il donnait la remarquable orchestration par Ernest Ansermet des Six Epigraphes antiques de Debussy, avec une belle fluidité, évitant de verser dans une sensualité trop alanguie. Sept ans plus tôt, toujours à Lucerne, c’était, dans le même esprit, le Prélude à l’après-midi d’un faune et la Seconde Suite de Bacchus et Ariane de Roussel, où l’on goûte un orchestre puissant et élégant, qui ne passe jamais en force (Audite 95.648).
On accordera sans peine à Véronique Gens (née en 1966) un plus grand souci de clarté du texte. Surtout, la tragédienne altière est à son aise dans cette musique dont elle n’exagère pas le caractère passionné et romantique. Dans la Symphonie en si bémol, l’Orchestre national de Lille et Alexandre Bloch, son directeur musical depuis 2016, évitent les écueils franckistes et wagnériens, insufflant fraîcheur et vie à cette très belle partition (Alpha 441). SC


ConcertoNet a également reçu




Simone Rubino: «Fuga y Misterio»
Quand le percussionniste italien (né en 1993), au vibraphone et au marimba, s’associe à l’ensemble baroque La Chimera du théorbiste et guitariste argentin Eduardo Egüez (né en 1959), ils font dialoguer Toccata et Fugue en ré mineur, la Chaconne de la Deuxième Partita pour violon et le Concerto pour violon en mi de Bach avec Verano porteno, Oblivion et Fuga y Misterio de Piazzolla, en y ajoutant Marimbando, une pièce écrite par le contrebassiste de l’ensemble, Leonard Teruggi (né en 1982). La fusion n’est peut-être pas totale mais le résultat est assurément plaisant (La Música LMU 023). SC


Johannes Fleischmann: «Exodus»
Dans un entretien publié dans nos colonnes, le violoniste viennois (né en 1983) explique pourquoi Eric Zeisl, associé dans un récent album à Milhaud, l’est à un Korngold dans son album intitulé «Exode. Les Hommes qui ont façonné Hollywood» avec la pianiste Magda Amara. On retrouve la Sonate Brandeis (1947) du premier en regard de la Première Sonate (1913) de l’adolescent prodige, avec une des Quatre petites valses joyeuses (1912) pour piano et l’un six Lieder simples (1911) chanté par le baryton Günter Haumer. Autant de pages interprétées avec chaleur et brio (Odradek ODRCD410). SC


Quatuor Voyager: «Liebesboten»
Après Le Voyage d’hiver, Andreas Höricht, l’altiste du quatuor allemand, dans cet album intitulé «Messagères de l’amour» et dédié «à Alma [Mahler], Mathilde [Wesendonck] et Isolde», arrange de manière tout à fait correcte le Prélude de Tristan et les Wesendonck-Lieder de Wagner. Le «Quatuor 1.0» de Mahler, en revanche, est une chose absurde et inqualifiable, dont les quatre mouvements sont successivement des arrangements du Quatuor avec piano (inachevé) de jeunesse, de l’Adagietto de la Cinquième ainsi que d’un tiers de l’Adagio de la Dixième et un Allegro de Höricht lui-même (Solo Musica SM 358). LPL


Sabine Weyer: «Mysteries»
La confrontation de deux Nicolas, Miaskovski (1881-1950) et Bacri (né en 1961), établit un parallèle sans doute inattendu entre deux compositeurs qui partagent bien plus qu’un prénom: un langage hérité de Scriabine, un romantisme pessimiste et une écriture très dense, d’un chromatisme torturé. Le programme est construit de façon rigoureusement symétrique: les Deuxième et Troisième Sonates (en un seul mouvement) de l’un et de l’autre, les six Excentricités du premier (comme un écho aux aphorismes de Prokofiev à la même époque) et la Fantaisie du second. Et la Troisième «Sonata impetuosa» de Bacri est dédiée à la mémoire de Miaskovski. La pianiste luxembourgeoise (née en 1988) défend de façon très convaincante ce projet original (SACD Ars Produktion ARS 38 313). SC


Ophélie Gaillard: «Cellopera»
Prendre la place de la soprano ou du ténor, de Pamina ou de Cavaradossi: la violoncelliste française (née en 1974) rend hommage à l’opéra, de Mozart à Puccini, mais essentiellement au XIXe (Rossini, Bellini, Donizetti, Verdi, Wagner, Offenbach, Tchaïkovski), accompagnée par l’Orchestre Morphing de Vienne sous la baguette de Frédéric Chaslin, qui signe certains des arrangements. Ophélie Gaillard «chante» certes fort bien, mais le problème de ces pages célébrissimes est qu’il est vraiment difficile de ne pas y conserver le souvenir des voix (Aparté AP248). SC


La rédaction de ConcertoNet

 

 

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