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Entretien avec Michel Lethiec
08/11/2003


Fidèle à l’esprit de son illustre fondateur, le Festival Pablo Casals poursuit avec bonheur son expansion: vingt-neuf concerts et cinq conférences entre le 26 juillet et le 13 août, quinze mille spectateurs, dix-neuf communes accueillant des manifestations, des dizaines d’artistes prestigieux qui restent plusieurs jours pour se retrouver ensemble, jouer et enseigner, une Académie rassemblant cent trente étudiants venus de seize pays, un mini-festival hors les murs (Prades aux Champs-Elysées)... on craint d’en oublier.


On comprend donc aisément, en cette matinée radieuse sur la petite sous-préfecture des Pyrénées-Orientales au pied du massif du Canigou, que Michel Lethiec, directeur musical du Festival depuis une vingtaine d’années déjà, soit un musicien comblé et un homme occupé, à moins que ce ne soit le contraire. Après un concert au cours duquel il a interprété deux œuvres de grande dimension (voir ici), la soirée du samedi s’est achevée à deux heures du matin, pour enchaîner, dès neuf heures ce dimanche, sur une répétition pour le concert du lundi soir. Et c’est avant de présenter une rencontre publique avec Krzystof Penderecki, et dans l’attente d’un autre concert le soir même (voir ici), qu’il se prête, affable et volubile, au jeu des questions et des réponses pour ConcertoNet.


Difficile de ne pas revenir d’abord sur les conditions dans lesquelles le concert du 29 juillet (des trios de Beethoven, Schubert et Brahms par Jean-Philippe Collard, Hagai Shaham et Arto Noras) fut annulé, suite à une intervention d’un groupe d’intermittents du spectacle. Dans un festival qui recourt exclusivement... à des bénévoles, Lethiec ne met pas d’huile sur le feu: «En somme, ils ont fait un coup de force. Ils se sont assis devant la porte, mais le public est entré par d’autres portes. Les intermittents ont voté dans l’enceinte de l’abbaye. On pensait presque que le concert allait avoir lieu, car il y avait beaucoup de gens qui se rendaient compte que ce n’était peut-être pas la meilleure manière d’agir, mais ils ont voté.» Dans ce lieu marqué plus que tout autre par la non-violence – que l’on songe aux exécutions de résistants qui y prirent place ou à la figure de Pablo Casals – Lethiec est parvenu à éviter tout débordement, car il n’était évidemment pas question de faire appel aux forces de l’ordre pour évacuer les manifestants. «Finalement, il y a eu une dizaine de personnes qui ont un petit peu sifflé, mais on les comprend tout à fait, car il en y a qui viennent de très loin pour assister aux concerts.»


Mais le Festival, qui constitue sans doute un modèle pour la place qu’il réserve aux musiciens, ne pouvait en rester là: «Nous avons proposé aux intermittents de venir rencontrer les étudiants de l’Académie et de discuter avec eux, ce qui a permis de comparer avec la situation dans les autres pays. Enfin, une réunion publique se tiendra mardi matin à Prades, non pas une rencontre sur la seule question des intermittents, mais sur la culture en général. Car pour ce qui est de l’art, les problèmes sont terribles: maintenant, conseiller à un étudiant de faire carrière dans la musique, c’est une responsabilité, car partout, les moyens font défaut et c’est une logique purement financière qui s’impose. Tout cela n’a plus rien à voir avec le XVIIIe ou le XIXe siècle.»


Michel Lethiec évoque ensuite ses premiers souvenirs de Prades: «On voyageait beaucoup moins, il y avait moins de disques, mais il y avait la radio quand même et j’écoutais les retransmissions des concerts. Pour moi, c’était comme Bayreuth ou Salzbourg.» Ensuite, ce fut le contact avec le Festival proprement dit: «Mon premier concert ici, c’était avec l’Académie, il y avait donc mon professeur, qui était aussi celui de ma femme.» Juste retour des choses, Lethiec entend développer cette Académie estivale, notamment sous la houlette de Hatto Beyerle, de telle sorte qu’elle puisse prolonger son activité à d’autres périodes de l’année.


De cette édition 2003, marquant le trentième anniversaire de la disparition de Casals, qui rend donc hommage aux grands classiques de Prades (Bach, Mozart, Beethoven, Schubert, Brahms) mais qui fait aussi la part belle aux correspondances européennes, avec Vienne, Cracovie, Saint-Pétersbourg, Florence ou Venise («le musicien est un voyageur, même Casals, pourtant à l’époque des paquebots...»), il retient l’arrivée de deux nouveaux «pensionnaires», le flûtiste Jacques Zoon (qui fut soliste à Amsterdam, à l’Orchestre de chambre d’Europe et à Boston) et la jeune violoniste canadienne Erika Raum, qui a pris in extremis la place de Chee-Yun. Dans une position résolument œcuménique et, pour tout dire, réjouissante à l’égard des chapelles de la création contemporaine, il souligne également «le fait qu’on peut ouvrir sur la musique d’aujourd’hui, toutes tendances confondues: Kazuko Narita, compositeur en résidence, avec à la fois l’aspect occidental et oriental, ou bien le côté post-boulezien de Suzanne Giraud (*), mais aussi Penderecki (**), qui a été très bien accueilli par le public. L’année dernière, on avait choisi l’extraordinaire Messagesquisse de Boulez, dont le succès a été tel qu’il a fallu le reprendre.»


Mais il est déjà temps de penser au millésime 2004, qui s’intitulera «Bienvenue en Europe» et proposera un tour d’horizon destiné à saluer l’arrivée de nouveaux pays dans l’Union européenne, notamment les Etats baltes, dont la musique, au-delà de la figure omniprésente et quelque peu réductrice d’Arvo Pärt, recèle effectivement d’immenses trésors.


Le site du Festival Pablo Casals:
http://www.prades-festival-casals.com/index.php


(*) Michel Lethiec a créé, en compagnie d’Arto Noras, ses Duos pour Prades (voir ici).
(**) Dont le Sextuor a été donné samedi 9 août (voir ici).


Simon Corley

 

 

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