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CD, DVD et livres: l’actualité de juillet
07/15/2020


Au sommaire :

Les chroniques du mois
En bref
ConcertoNet a également reçu





Les chroniques du mois





Must de ConcertoNet


    Javier Perianes interprète Ravel




 Sélectionnés par la rédaction


    L’altiste Peijun Xu


    Thomas Dausgaard dirige Nielsen


    L’ensemble Comet Musicke


    Lieder de Korngold





 Oui !

Le pianiste Julien Gernay
Le Duo (flûte et harpe) Queens
Le Quatuor Modigliani interprète Schubert
Nicolas Bucher interprète Grigny
L’Ensemble Musica Nigella interprète Ravel
Stefania Argentieri interprète Prokofiev
Œuvres de Pesson
La pianiste Alissa Zoubritski




Pourquoi pas ?

Henry Raudales dirige Reinecke
Œuvres de Menut
Florian Noack interprète Prokofiev
Vadym Kholodenko interprète Prokofiev
Le Quatuor Ardeo
Le violoniste Ambroise Aubrun et le pianiste Steven Vanhauwaert
Le Quatuor Voyager interprète Schubert
Sergey Malov interprète Bach
La piccoliste Pamela Stahel
La pianiste Uta Weyand



Pas la peine

Un ensemble de musiciens français interprète Schubert
Anima Eterna interprète Schubert
Le pianiste Dmytro Choni
Sophie Koch et Nelson Goerner interprètent Schumann
La violoniste Maïté Louis



Hélas!

Christophe Vautier interprète Debussy





En bref


La numérologie du Quatuor Ardeo
Le temps de Lebègue et Grigny
Dans le monde de Gérard Pesson
Le piccolo sort de sa réserve
Quatre pianistes pour la Sixième Sonate de Prokofiev
Bach à l’épaule
Zeisl et Milhaud, une amitié de Paris à la Californie
L’Octuor de Schubert entre satisfaction et déception
Lieder et mélodies... sans voix
Les Myrthen opératiques de Sophie Koch
Exotisme ravélien
Benoît Menut, l’insulaire



La numérologie du Quatuor Ardeo





Dans «XIII», ce n’est pas la bande dessinée du même nom qui inspire le Quatuor Ardeo mais Black Angels (1970), éloquente dénonciation de la guerre (du Vietnam) et puissante réflexion sur la mort, sous-titrée «Treize images du monde noir pour quatuor à cordes électrique» (et fondée, à l’instar des techniques développées par Berg et Bartók, sur des considérations numérologiques). L’album est lui-même savamment construit autour du nombre 13 et de l’œuvre de Crumb: La Jeune Fille et la Mort de Schubert, qu’elle cite, mais plutôt que le Quatorzième Quatuor fondé sur ce lied, c’est le Treizième «Rosamonde» qui a été préféré, avec également le lied Les Dieux de la Grèce dont on retrouve le thème dans son troisième mouvement. Introduit par le début du Treizième (forcément) des Madrigaux guerriers et amoureux du Livre VIII de Monteverdi, le programme, avec la Pavane en sol mineur et la Chaconne en sol mineur de Purcell, n’oublie pas non plus de faire référence à l’inspiration baroque de Crumb. Dans l’esprit très sombre du propos, les musiciennes françaises soumettent Schubert à un jeu glacial, mat et tranchant, pas toujours exempt de difficultés de justesse, mais on ne peut que s’incliner devant leur engagement et leur performance dans Black Angels. A signaler une notice de luxe, signée Bernard Fournier (Klarthe K104). SC




Le temps de Grigny





Pour Nicolas Bucher (né en 1975), Grigny «se joue du temps, comme nul autre, à son époque, voire au-delà». D’où le titre, «Ecrire le temps», qu’il donne à son enregistrement du Livre d’orgue (1699), maillon essentiel du répertoire français que Bach prit la peine de recopier intégralement. Conformément à la règle alors en vigueur, les vingt-trois morceaux de la Messe «Cunctipotens genitor Deus» alternent avec du plain-chant, sélectionné par Dominique Vellard et interprété avec quatre membres de son Ensemble Gilles Binchois. Les cinq hymnes qui complètent le recueil dialoguent avec quatre motets de Lebègue, maître et ami de Grigny, pour voix soliste (Marion Tassou et Vincent Lièvre-Picard) et orgue (Veni Sancte Spiritus, Pange lingua, Ave verum corpus, Salve Regina). Sur un splendide instrument conçu pour la musique française du Grand Siècle, l’orgue reconstruit par Michel Garnier (1995) en l’abbatiale Saint-Robert de La Chaise-Dieu, Bucher sert avec simplicité et rectitude cette musique d’une beauté harmonique et architecturale qui... défie le temps (album de deux disques Hortus 184). SC




Dans le monde de Gérard Pesson





Gérard Pesson (né en 1958) est seul maître en son monde, celui d’une musique à la fois économe et active, parsemée de références et d’un humour que lui autorisent sa vaste culture et son esprit pince-sans-rire. Excellente façon de s’y familiariser que cette parution monographique, dont le premier volet est essentiellement instrumental. Sur un titre emprunté à Pierre-Albert Jourdan, La lumière n’a pas de bras pour nous porter (1994) pour piano fait partie d’un hommage rendu avec onze compositeurs à leur pair Dominique Troncin (1961-1994) et, au travers de ces ongles et doigts simplement glissés sur les touches, montre d’emblée un goût prononcé pour le détournement de l’usage ordinaire des instruments tout en faisant tourner une valse guère moins macabre que celle de Ravel (est également offerte une version pour neuf instruments, tour de force réalisé en 2006 par Frédéric Pattar). Cette tendance se confirme résolument, et de façon beaucoup plus développée (près de 20 minutes), dans Cassation (2003) pour clarinette, trio à cordes et piano, ce qui n’a pas lieu de surprendre, puisqu’il s’agit, non sans mal, de «s’adapter à la pénombre» requise pour la sérénade suggérée par le titre.
Le nom de Ravel apparaît souvent au détour d’un article sur Pesson: rapprochement dont la pertinence est attestée par Rébus sur le cantus firmus «In nomine» (1999), pour flûte, clarinette et trio à cordes (on trouvera par ailleurs une plaisante instrumentation pour ensemble, datant de 2001, d’In nomine de Taverner), et plus encore par les Cinq Chansons (1999) sur des textes de Marie Redonnet (né en 1948), où la voix de mezzo (formidable Marion Tassou) est accompagnée par flûte, clarinette, alto, violoncelle et piano, comme une réminiscence des Chansons madécasses. Bruissant divisé (1998) pour violon et violoncelle répond, comme l’avaient fait trois autres compositeurs, à une commande pour un documentaire intitulé A la recherche de la sonate de Vinteuil et s’inspire des caractéristiques de la musique du compositeur de la Recherche telles que décrites par Proust, «Hommage à Vinteuil» plutôt que très hypothétique «reconstitution» de la fameuse sonate. Datant du séjour à la villa Médicis, La vita è come l’albero natale (1992/1995), très brève pièce pour violon et piano, évoque très furtivement les sonates de Franck et Debussy.
Encore un effectif bien ravélien (flûte, clarinette, harpe, violon et violoncelle) mais une conception plus abstraite (et une durée d’un quart d’heure) pour Etant l’arrière-son (2011), partant du principe qu’«une musique [est lovée] derrière toute musique» et que «la composition, incessante archéologie, serait donc le dispositif d’une écoute de l’écoute». L’Instant tonné (2006), sous-titré «licenza sur les touches blanches», est évidemment destiné à L’Instant Donné, l’ensemble vedette du présent double album, dont le second volet est intégralement consacré aux trois parties de Cantate égale pays qu’il a créé en 2010 avec l’ensemble vocal EXAUDI: «Jachère aidant», «God’s Grandeur» et «Gd Mmré» (grand murmuré), respectivement sur des textes (volontiers hermétiques) de Mathieu Nuss (né en 1980), Gerard Manley Hopkins (1844-1889) et Elena Andreyev (née en 1964), par ailleurs violoncelliste (notamment au sein des Arts Florissants). Ainsi que l’explique Pesson, à force de «lectures passionnées», le texte «devient la préfiguration exacte du temps de la musique. Alors, musique et poème font territoire. Ils sont l’un à l’autre le pays.» On pourrait s’arrêter à certaines aspérités qui attirent l’oreille et font parfois sourire: ironie de l’anachronisme d’une cantate à récitatifs, airs, chorals et toccatas, élans dérisoires à la Beckett, effets spéciaux, virtuosité de la mise en place, chanteurs complétés par les voix préenregistrées de comédiens et instrumentarium déglingué auquel se joint l’électronique. Mais ce serait faire fi de la concision de l’expression (moins de 2 minutes par numéro en moyenne), de la subtilité des effets sonores et d’un véritable pouvoir expressif, notamment dans la cantate centrale (album de deux disques NoMadMusic NMM052). SC




Le piccolo sort de sa réserve





Soliste à l’Opéra de Zurich, Pamela Stahel met à l’honneur le petit frère de la flûte – petit, mais capable de dominer l’orchestre par ses puissants suraigus – qu’on a peu souvent l’occasion d’entendre en musique de chambre. Dans l’esprit de son titre («Piccolo Encounters»), l’album associe la flûtiste à onze musiciens en diverses formations allant du duo au quintette. Chiaroscuro (avec flûte et piano) et Three Moods (avec piano) d’Alessandro Cavicchi (né en 1957) font plaisir avec leur ambiance jazzy mais aussi parfois leur parfum à la Poulenc. Short Shrift (avec clarinette) de Meyer Kupfermann (1926-2003) et Flamerolle (avec piano) de Sophie Dufeutrelle (née en 1955) ont quelque chose de Janácek. El Jardín de Amilamia (avec alto et harpe) de Francesco Santucci (né en 1963) ne déçoit pas ses promesses de (délicate) couleur locale tandis que The Gift of Life (avec quatre saxophones) de Jeff Scott (né en 1967) alterne esprit ludique et tragique. Adagio et Toccata (avec second piccolo et piano) de Christopher Caliendo (né en 1960), pièce la plus développée de ce programme, apporte un démenti à la fameuse blague: «Qu’est-ce qui joue plus faux qu’un piccolo? Deux piccolos». Dans ce paysage tout à fait consensuel, le babil incessant de Rucke di Guck (avec hautbois) de Scelsi (1905-1988), dont le titre reprend l’onomatopée du roucoulement des colombes dans Cendrillon de Grimm, détonne quelque peu (Solo Musica SM 329). SC




Quatre pianistes pour la Sixième Sonate de Prokofiev


          
          


Le défi technique et la richesse expressive de la première des trois «sonates de guerre» de Prokofiev, la Sixième (1940), continuent d’attirer les pianistes, comme en témoignent ces quatre enregistrements réalisés à quelques mois d’intervalle en 2019.
Dmytro Choni (né en 1993), vainqueur de l’édition 2018 du concours Paloma O’Shea de Santander, déploie un registre assez restreint, tendant à accréditer le cliché d’un Prokofiev brutal et spectaculaire, mais non dépourvu. Dans la Première Série (1905) des Images de Debussy, l’Ukrainien a la main un peu lourde, mais la rugosité, l’énergie et la sauvagerie de la Première Sonate (1952) de Ginastera lui conviennent nettement mieux, tout en confirmant la solidité de sa technique, qui n’est pas davantage mise en danger par l’étude Arc-en-ciel (1985) de Ligeti (Naxos 8.574136).
Plutôt qu’un récital, les trois autres pianistes présentent des albums monographiques. Florian Noack (né en 1990), par-delà la violence de la Sixième Sonate, s’efforce de conserver une subtilité de frappe, ce qui n’empêche pas vivacité et fulgurances – le tempo est généralement rapide. Le pianiste belge s’impose peut-être davantage dans les autres pages, dévorant avec une gourmandise raffinée les Quatre Etudes (1909), conférant subtilité et couleur aux vingt Visions fugitives (1917) et feuilletant avec nostalgie les Contes de la vieille grand-mère (1918) (la dolce volta LDV 74).
Pour le quatorzième volume d’une «Russian Piano Music Series» que l’éditeur confie à différents interprètes, Stefania Argentieri (née en 1990) se lance dans la sonate avec beaucoup de détermination, au risque de verser dans un excès de brutalité. Mais ce Prokofiev implacable, glaçant et cauchemardesque, guère plus chaleureux dans les passages lyriques, s’impose par sa cohérence, fermement tenue de la première à la dernière note par une forte personnalité. Le style de la pianiste italienne sied également très bien aux quelque pages de jeunesse – Première Sonate (1909), Quatre Etudes et «Suggestion diabolique», dernière des Quatre Pièces opus 4 (1912) – mais beaucoup moins aux Six Pièces de «Cendrillon» (1944), dernière des trois suites d’extraits de son ballet arrangés par le compositeur, trop souvent raides et inexpressives (divine art dda25156).
Comme Noack, Vadym Kholodenko (né en 1986) ne cogne pas dans la Sixième Sonate et tire de son Fazioli des sonorités moins recherchées, désavantagé par une prise de son de moins bonne qualité. Pour autant, son jeu apparaît plus varié, plus félin, plus expressif. L’Ukrainien a lui aussi choisi les Visions fugitives, plus acerbes, avec déjà quelque chose de Chostakovitch. En revanche, beaucoup découvriront sans doute les Quatre Pièces de danse (1918), dont la «Valse» conclusive à l’onirisme surprenant, et les encore plus rares Choses en soi (1928), deux pièces aussi étonnantes que leur titre kantien, assez développées, parfois d’une froideur et d’une objectivité qui rappelleraient une «musique d’ameublement» à la Satie ou une Gebrauchsmusik à la Hindemith (Harmonia mundi HMM 902659). SC




Bach à l’épaule





A l’intention de quel(s) instrument(s) Bach a-t-il conçu ses six Suites pour violoncelle? La question est ouverte, et l’une des hypothèses est celle du violoncello da spalla, petit violoncelle à cinq cordes un peu plus large qu’un alto mais muni d’une sangle, destiné à être joué sur l’épaule (spalla) et la poitrine. A l’exemple de Sigiswald Kuijken et sur un instrument du luthier Dmitry Badiarov, Sergey Malov (né en 1983), violoniste et altiste, s’est mis au violoncello da spalla et a réalisé un enregistrement des six Suites. Il en défend une vision très vivante et personnelle, résolument expressive et virtuose, flattée par la prise de son, mais on ne peut que fortement regretter le déséquilibre quasi rédhibitoire résultant de son choix d’«omettre délibérément les reprises afin de préserver la transparence de la forme dans l’intention d’appréhender l’intégralité du cycle comme une grande histoire» (Solo Musica SM 343). SC




Zeisl et Milhaud, une amitié de Paris à la Californie





«Paris <> Los Angeles»: le titre de cet album est celui d’un itinéraire, qu’Erich Zeisl (1905-1959), ayant fui Vienne en 1938, comme tant d’autres, pour se réfugier d’abord à Paris, emprunta en 1939, avant d’être rejoint l’année suivante en Californie par Milhaud, avec qui il s’était lié dans la capitale. Autour des tragédies de l’histoire – la famille de Zeisl restée en Autriche fut victime de la barbarie nazie – et de cette amitié, le violoniste Ambroise Aubrun (né en 1988), qui s’est investi de longue date dans l’étude du compositeur austro-américain, et le pianiste Steven Vanhauwaert proposent un programme non seulement original et interprété avec soin mais bien conçu, puisqu’il s’ouvre sur une «Chanson de Menuchim», dédiée à Milhaud, extraite de Job (1939) de Zeisl, opéra inachevé d’après un roman de Joseph Roth. Erich étant devenu Eric Zeisl aux Etats-Unis, il y fit carrière dans le cinéma mais aussi dans l’enseignement, comme en témoigne sa Sonate Brandeis (1947), du nom de l’institut californien Brandeis-Bardin. Expressive et fortement teintée de consonances hébraïques, l’œuvre, dédiée à Tansman, fait parfois penser à celle d’un autre naturalisé américain de la côte Ouest, Ernest Bloch. En première mondiale au disque, on découvrira aussi un touchant «Zigeunerweise», premier mouvement d’une Suite (1919) datant de l’époque où l’adolescent de 14 ans commençait ses études avec Joseph Marx. Dans l’immense catalogue de Milhaud, la Deuxième Sonate (1917) du jeune Milhaud, dédiée à Gide, est une perle de plus, plus proche de Ravel que du futur «groupe des Six». Quant à la présence de la Sonate K. 304 de Mozart, elle se justifie par le fait que Zeisl exprimait une prédilection particulière pour ces pages si étranges et romantiques (Hortus 189). SC




L’Octuor de Schubert entre satisfaction et déception


                    
          


Enregistrées coup sur coup, respectivement en avril, septembre et octobre 2018, trois nouvelles versions de l’immense Octuor (1824) de Schubert ont récemment été publiées: l’une d’entre elles se détache assez nettement.
Les violonistes Pierre Fouchenneret et Shuichi Okada, le violoncelliste Yan Levionnois et le corniste David Guerrier se sont associés à quatre chefs de pupitre du Philharmonique de Radio France (Nicolas Baldeyrou, Julien Hardy, Marc Desmons et Yann Dubost). La qualité instrumentale est donc assurée, malgré un premier violon parfois aigre et imprécis, mais l’interprétation, séduisante dans le détail, manque moins d’élan que de conduite, comme s’il ne s’agissait que d’une paisible réunion amicale. C’est assurément l’une des dimensions importantes de l’œuvre, mais par trop réductrice. En ouverture de programme, Raphaël Merlin (né en 1982), violoncelliste du Quatuor Ebène, a composé Passage éclair pour le même effectif (et avec le même unisson introductif), une page de 12 minutes (en trois parties) que Pierre Fouchenneret, dans la notice, décrit comme «une réflexion générale sur l’idée d’augmentation exponentielle», où l’on entendra notamment du jazz et une «Pavane pour les parents» se référant explicitement à Ravel (Alpha 623).
Le Quatuor Modigliani a des amis prestigieux dans de nombreux pays: l’Allemande Sabine Meyer, le Suisse Bruno Schneider et les Norvégiens Dag Jensen et Knut Erik Sundquist. Rien de composite pour autant dans cet assemblage, bien au contraire: de ces trois versions, c’est celle dont la cohésion d’ensemble et le caractère symphonique sont les plus affirmés. Est-ce parce qu’un quatuor à cordes constitué de longue date lui donnerait une ossature plus solide? Toujours est-il que l’interprétation, s’inscrivant dans la grande tradition, offre beaucoup de ce qu’on est droit d’attendre de cet Octuor: plénitude sonore, richesse de la couleur instrumentale, variété des climats expressifs, propos qui va toujours de l’avant tout en n’oubliant pas de prendre son temps (Mirare MIR438).
En revanche, les musiciens de l’orchestre Anima Eterna de Jos van Immerseel agacent par leurs portamenti, même si l’on peut goûter la verdeur des instruments d’époque, la vivacité et l’esprit de divertissement qui les animent. Cet état d’esprit convient idéalement au Grand Septuor en si bémol (1828) de Berwald, d’un an l’aîné de Schubert, œuvre fraîche, joyeuse et légère, quoique nullement insignifiante (Alpha 461). SC




Lieder et mélodies... sans voix


          


Mendelssohn avait ses Romances sans paroles: dans cette veine purement instrumentale, deux albums récemment parus privent lieder et mélodies de leur dimension vocale.
Le Voyage d’hiver de Schubert ne cesse d’inspirer les adaptations: «interprétation composée» de Zender, octuor avec mise en scène, baryton et quatuor à cordes. Fondé en 2014, le Quatuor Voyager a choisi un nom approprié pour donner corps au concept de son altiste, Andreas Höricht: un arrangement de douze des vingt-quatre lieder du cycle, présentés dans l’ordre de la partition avec un court prélude et onze intermezzi (transitions) de sa composition. Le style en est (très raisonnablement) contemporain, entre expressionnisme et réminiscences de Chostakovitch (Intermezzo XI), et les musiciens allemands montrent que l’arrangement pour quatuor fonctionne correctement, mais on ne cesse de se demander pourquoi ce Voyage brûle la moitié des étapes (Solo Musica SM 335).
Malgré un titre ambigu («Transcriptions lyriques»), l’album d’Alissa Zoubritski (née en 1982) ne propose pas d’adaptations d’extraits d’opéras, car c’est bien de lieder et mélodies qu’il s’agit ici aussi. Elle a choisi quelques arrangements très connus («Widmung» de Schumann et Le Rossignol d’Alabiev par Liszt), voire des pièces originales («Sonnet CIV de Pétrarque» de Liszt, «Quejas o la Maja y el Ruisenor» de Granados), mais l’essentiel sort des sentiers battus: deux lieder de Strauss/Reger, des pages arrangées par Rachmaninov (deux de ses propres mélodies ainsi que «Wohin» de Schubert et «Berceuse» de Tchaïkovski) et «Kaddish» de Ravel/Siloti. Enfin, elle a demandé à Jean-Baptiste Robin d’arranger son Tic-Tac. Du très beau piano, tant par la richesse de la sonorité que par l’attention portée au phrasé et à la manière dont le chant s’exprime – il suffit d’écouter «Kaddish» pour s’en convaincre. Si la pianiste impressionne, l’arrangeuse n’est pas en reste, avec des versions très séduisantes du «Rêve» de Rachmaninov ainsi que des Chemins de l’amour de Poulenc. Bref, une véritable réussite, tempérée par deux frustrations: une durée beaucoup trop brève (moins de 50 minutes)... et l’impatience d’entendre la pianiste franco-moldave dans son prochain album (Paraty 229188). SC




Les Myrthen opératiques de Sophie Koch





Cascavelle réédite un enregistrement de Myrthen de Schumann réalisé en septembre 2004. Si l’on ne peut reprocher à Sophie Koch sa diction allemande à l’opéra (elle a été une grande interprète d’Oktavian du Chevalier à la rose ou du Compositeur d’Ariane à Naxos, notamment à Vienne), force est de constater que cela ne convient pas à la mezza voce du lied, qu’elle ne maîtrise pas. Les consonnes sont très molles et la phrase souvent sans forme. La voix s’échappe constamment de ce qui devrait être contrôlé en termes de volume, surtout dans le grave où les mots disparaissent parfois complètement. On est plus dans des scènes d’opéra que dans l’intimité du lied schumannien. L’accompagnement de Nelson Goerner manque de corps derrière un tel engagement vocal. La prise de son très pâteuse n’arrange rien à l’affaire (VEL 617). SC




Exotisme ravélien





Après «Chausson. Le Littéraire», «Ravel. L’Exotique». Le titre de l’album de l’Ensemble Musica Nigella tient presque du pléonasme, car tout, ou presque, chez Ravel évoque l’exotisme, le plus souvent avec la distance amusée, ironique ou attendrie du second degré par rapport à cette mode du tournant du siècle. Ainsi, l’exotisme est le sujet de Shéhérazade, Tzigane et la Rapsodie espagnole, dans des transcriptions très réussies du directeur artistique de l’ensemble, Takénori Némoto, mais il pourrait également former le substrat d’Introduction et Allegro et des Trois Poèmes de Stéphane Mallarmé – peut-être, ans ce dernier cas, les lointains rivages de l’atonalité... L’ensemble pas-de-calaisien réjouit par son enthousiasme et ses sonorités chaleureuses, tour à tour sensuelles (Shéhérazade) et savoureuses (la clarinette dans Tzigane!). Les mélodies sont chantées avec beaucoup de justesse et d’expression par la mezzo Marie Lenormand et les solistes instrumentaux – le violoniste Pablo Schatzman et la harpiste Iris Torossian – sont à l’avenant: voilà décidément un bel hommage à Ravel (Klarthe K083). SC




Benoît Menut, l’insulaire





Dans cet album monographique, Benoît Menut (né en 1977) exprime sa passion pour les îles – rien de surprenant, après tout, pour un Finistérien. Celles de sa région, bien sûr, avec Iroise, «deux traversées pour violoncelle» (seul) confiées à Emmanuelle Bertrand, et le Duo «Les Iles» («Belle-Ile» et «Ouessant») pour violon et violoncelle, qui donne son titre à l’album, mais aussi les Caraïbes, titre d’une pièce fort rythmée pour deux violoncelles, avec également deux mélodies sur des poèmes d’Aimé Césaire (1913-2008), Qui donc, qui donc... et Paroles d’îles. Il faut aller au-delà de L’Oiseau Didariel, sculpture de Nicolas Dariel, alias Nito (né en 1940) qui inspire la pièce pour piano éponyme, cinquième des Etudes-Statues: ouvrant le programme, elle se présente comme une invitation à un voyage qu’on n’a pas forcément envie d’entamer face à la peur du vide suscitée par ces accords planants dont d’autres compositeurs se sont hélas fait une spécialité. La suite est toutefois plus engageante, construite autour des seize brefs Quanta, excellemment dits – heureusement, car les textes ne sont pas reproduits dans la notice – et chantés, comme les poèmes de Césaire, par la soprano Maya Villanueva, en compagnie de trois membres du Quintette Syntonia: la violoniste Stéphanie Moraly, le violoncelliste Patrick Langot et le pianiste Romain David. Même si les poèmes de Dominique Lambert sont «inspirés par les éléments», le lien avec la thématique est plus ténu, et il n’est plus évident du tout pour le court Canto per Matteo pour violon seul. Cela dit, davantage que les effets percussifs plaisants mais faciles de Caraïbes, le Duo «Les Iles», âpre et sans concession, au-delà de la description d’un lieu, constitue une véritable réussite dans un genre pourtant difficile (Harmonia mundi HMM 902667). SC




ConcertoNet a également reçu




Maïté Louis: «Dans les jardins d’Espagne»
Nonobstant le titre de l’album, il ne s’agit pas ici de piano, mais du récital d’une violoniste française (née en 1984) qui a choisi des miniatures inspirées par une Espagne plus fantasmée ou fantaisiste qu’authentique: cinq arrangées et illustrées en son temps par Kreisler et quatre de Sarasate, auxquelles s’ajoutent, pour faire bonne mesure (même si le disque dure moins d’une heure), trois autres pages du violoniste virtuose sans rapport avec les jardins ou avec l’Espagne. Très réverbérée, la prise de son ne gâte pas le piano de Nicolas Martin Vizcaino, trop en retrait et cliquetant dans l’aigu. Dommage, car l’interprétation déploie la technique requise et ne manque pas de tempérament (Calliope CAL2081). SC


Ute Weyand: «1892 Reflections»
Si le Quatuor Varèse s’était intéressé à 1893, la pianiste allemande (née en 1971) remonte d’une année, celle du Steinway B ayant appartenu au landgrave de Hesse sur lequel elle joue, et propose un panorama assez varié de la musique européenne de ce temps: Nocturne de Debussy, trois des cinq Chants d’Espagne d’Albéniz – on reconnaît là celle qui a remporté le concours José Iturbi en 1996 –, les Pièces lyriques opus 57 de Grieg et les Fantaisies opus 116 de Brahms. L’instrument, magnifiquement restauré, n’a pas ce qui agace parfois dans les réalisations ultérieures de ce facteur mais est pris d’un peu loin, comme si l’on assistait au récital depuis le fond de la salle. L’interprétation, en outre, si elle ne manque ni de soin ni d’application, aurait mérité davantage d’affirmation et de caractère (SACD Ars Produktion ARS 38 308). SC


Christophe Vautier: Debussy
Après un intéressant album Wagner-Liszt, le «dernier élève» de Cziffra, à ne pas confondre avec son quasi-homonyme Geoffroy Vauthier, se lance «Sur les pas de Claude Debussy». Mais il a hélas apparemment perdu le compositeur en chemin: car où est passé Debussy s’il y manque aussi souvent non seulement l’inspiration mais aussi la poésie, la couleur, la sensualité? La Suite bergamasque et Children’s Corner consternent, donnant le sentiment que l’instrument, la prise de son et le jeu de l’artiste font cause commune pour produire une sonorité d’une sécheresse et d’une dureté rédhibitoires. Le mérite en est l’absence totale de flou «impressionniste», dont la tentation menace tout interprète de Debussy, mais c’est au prix d’un style scolaire, fait de phrasés raides et lents – quand le tempo ne fluctue pas de manière subjective, pour ne pas dire hasardeuse –, qui finit par en paraître hésitant. Dans les Estampes, si l’aridité sonore continue à dominer, l’investissement expressif est plus marqué, quoiqu’avec des bonheurs divers. Seule La plainte, au loin, du faune..., contribution de Dukas au Tombeau de Claude Debussy, qui conclut cette heure de musique, apporte enfin quelque réconfort (Calliope CAL2080). SC



La rédaction de ConcertoNet

 

 

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