About us / Contact

The Classical Music Network

Editorials

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

CD, DVD et livres: l’actualité de décembre
12/15/2019



Au sommaire :

Les chroniques du mois
En bref
ConcertoNet a également reçu





Les chroniques du mois





Must de ConcertoNet


  Clara Haskil (documentaire, enregistrements)


    Hector Berlioz (150 ans de passions)


    Le Trio Busch interprète Dvorák




 Sélectionné par la rédaction


    L’Ensemble Clematis





 Oui !

L’ensemble Scaramuccia
Le violoncelliste Gaetano Nasillo
Offenbach, mode d’emploi de J. Bilodeau
L’Ensemble Jupiter interprète Vivaldi
Cameron Crozman interprète Britten
Le Duo Berlinskaïa-Ancelle
Œuvres de La Tombelle
Œuvres de Burgan
Le Quatuor Arod
Revue Tempus Perfectum: «A table!»
La violoniste Fanny Robilliard
Conte Le Violon et l’Oiseau



Pourquoi pas ?

Alejandro Sandler dirige Debussy et Ginastera
Le Quatuor Varèse
Le violoniste Gabriel Tchalik
Bande dessinée J’veux faire Mozart
Le Duo Varnerin



Pas la peine

Musique romantique suédoise de Jean-Luc Caron
Philippe Jordan dirige Beethoven
Le violoniste Li-Kung Kuo
Layla Ramezan interprète Mashayekhi
Bastien Stil dirige Tchesnokov et Chostakovitch
Mélodies de Rigaux



En bref


Un beau portrait de Fernand de La Tombelle
Déception suédoise
Varèse 1893 et Arod 1908
Pas de Brexit pour le Duo Berlinskaïa-Ancelle
Beethoven à Vienne: Jordan après Nelsons
Pour les enfants
Passons à table en musique!
A la recherche de la Sonate de Vinteuil
Où l’on retrouve Patrick Burgan
Rêve français et terre argentine



Un beau portrait de Fernand de La Tombelle





Comme Gouvy, Dubois, Jaëll et David avant lui, Fernand de La Tombelle (1854-1928) a les honneurs de la collection «Portraits» du Palazzetto Bru Zane. Pour ce cinquième volume, toujours selon le principe d’un livre renfermant trois disques qui donnent un large aperçu des genres abordés par le compositeur (à l’exception sans doute de sa musique pour piano et pour orgue), on retrouve les fidèles de la fondation vénitienne que sont Hervé Niquet, le Chœur de la Radio flamande et le Philharmonique de Bruxelles, rejoints par d’excellents artistes qui seront évoqués au fur et à mesure de cette recension. Né exactement un mois après Janácek et décédé le lendemain de la mort du compositeur morave, La Tombelle apprit d’abord le piano avec sa mère, qui avait été élève de Liszt et Thalberg, puis l’orgue avec Guilmant et le contrepoint, la fugue et la composition avec Dubois. Avec de tels maîtres, on ne sera guère surpris de découvrir une musique sage et sérieuse, sans vulgarité ni facilité mais sans la moindre velléité novatrice et semblant, comme beaucoup d’autres en France à la même époque, vouloir échapper aux formes établies: au concerto pour piano, comme le feront Debussy et Fauré après lui, il préfère une Fantaisie (1887/1896)... néanmoins en trois mouvements, qui, sous les doigts de Hannes Minnaar, soutient la comparaison avec certains des concertos de Saint-Saëns, et à la symphonie, il préfère, comme Massenet avant lui, des «suites d’orchestre», semble-t-il au nombre de quatre, issues, en tout ou partie, d’orchestrations de pièces pour piano, orgue ou harmonium. La première, Impressions matinales (1892), offre d’agréables moments, parfois même poétiques, à l’image d’une «Aurore» empruntant furtivement à Grieg ou d’un «Echo» délicieusement pastoral, tandis que la deuxième, Livre d’images (vers 1895), a quelque chose de plus intimiste, avec un regard schumannien sur l’enfance. Parmi un catalogue choral très fourni, a cappella ou avec orgue, d’inspiration profane ou religieuse, cinq pages d’époques diverses attestent un très grand talent d’écriture et un charme certain. Pour la musique de chambre aussi, ce sont en très grande partie des inédits, à l’exception d’un Andante espressivo dont le tranquille lyrisme a eu l’heur de plaire aux violoncellistes (tout récemment encore Edgar Moreau): Emmanuelle Bertrand et Pascal Amoyel y joignent la chaleureuse Sonate pour violoncelle et piano (1902). L’ensemble I Giardini donne le Quatuor avec piano (1886/1895), porté par une inspiration et un souffle qui font davantage défaut ailleurs: une partition dans l’orbite franckiste (mais pas que), qui mérite de rejoindre au répertoire les meilleures pièces françaises du genre en cette fin de siècle (sinon Fauré, du moins Chausson et Lekeu). Dans des effectifs moins habituels, l’inattendue Suite pour trois violoncelles (vers 1914), écrite pour un père et ses deux fils, est ici confiée à François Salque, Hermine Horiot et Adrien Bellom, desservis par une prise de son inhabituellement cotonneuse alors que le néoclassicisme et la qualité expressive de ces cinq mouvements méritaient bien mieux. Nabila Chajai, dans la Fantaisie-ballade pour harpe, montre l’intérêt du Périgourdin pour le folklore. Enfin, le cycle Pages d’amour (1903), sur des poèmes du compositeur, et quatre mélodies isolées (Lamartine, Hugo, Boutelleau) ont le bon goût de ne pas doublonner avec les vingt-trois mélodies données il y a deux ans par Tassos Christoyannis et Jeff Cohen (Aparté): le pianiste accompagne cette fois-ci Yann Beuron, tous deux confirmant sans nul doute possible qu’il y aurait grand intérêt à se plonger dans la bonne centaine de mélodie restant encore à redécouvrir (Palazzetto Bru Zane BZ 1038). SC




Déception suédoise





Spécialiste de la musique scandinave, Jean-Luc Caron s’illustre depuis le début des années 1990 dans la défense de ce répertoire avec constance et sincérité. D’où vient pourtant que ce nouvel ouvrage consacré à la seule musique suédoise déçoit de bout en bout, à l’instar de celui sur Carl Nielsen édité par Bleu nuit en 2015? Si le nouvel ouvrage, Musique romantique suédoise. Abrégé historique, biographique et esthétique, a manifestement bénéficié d’une relecture plus attentive sur la forme, il souffre toujours d’une rédaction maladroite, alternant langage familier et soutenu, mais aussi d’insupportables répétitions, généralités et superlatifs. Plus grave, l’absence de vision d’ensemble pousse l’auteur à nous proposer une succession de biographies à peine améliorées par rapport à une notice Wikipédia, sans parler des chapitres historiques, trop généraux, qui s’insèrent mal dans l’analyse musicale. On aurait aussi aimé que l’auteur fouille davantage son sujet pour interroger la notion d’école nationale, systématiquement accolée aux musiques du XIXe siècle, Suède comprise. De même, il aurait été intéressant d’analyser les apports du folklore et ses spécificités par rapport aux autres pays européens, en un chapitre allant au-delà de la liste des auteurs influents en ce domaine. On notera enfin que, contrairement à ce que laisse entendre un titre trompeur, Jean-Luc Caron dépasse largement le XIXe siècle pour embrasser un champ d’étude plus large, consacré, de Johan Helmich Roman (1694-1758) à Ingvar Lidholm (1921-2017), à l’ensemble des compositeurs qui ont compté pour le pays (L’Harmattan, 234 pages, 24 euros). FC




Varèse 1893 et Arod 1908


          


Comme il ne saurait désormais y avoir d’album sans un minimum de concept, deux jeunes quatuors français ont eu la même idée: construire leur programme autour d’une année.
Avec «1893», l’idée du Quatuor Varèse, où Julie Gehan Rodriguez a remplacé en 2016 Jean-Louis Constant au second violon, est on ne peut plus simple: associer trois œuvres composées (à peu près) cette année-là. Par rapport à leur premier album salué voici trois ans dans nos colonnes, la qualité instrumentale demeure splendide et la sonorité d’ensemble se caractérise toujours par sa clarté et sa finesse. On sent cependant cette fois-ci moins d’urgence et de niaque, avec un Douzième Quatuor «Américain» de Dvorák plus aérien que terrien, tout particulièrement dans le Vivace ma non troppo final. Un peu tendre, à tous les sens du terme, le Quatuor Varèse est donc plus à son aise dans les Chrysanthèmes (1890, réutilisés en 1893 dans Manon Lescaut) fin de siècle de Puccini ou pour ancrer le Quatuor (1892, créé en 1893) de Debussy dans son époque davantage que dans la modernité (NoMadMusic NMM068).
Dans «The Mathilde album» (en anglais dans le texte), l’année choisie par le Quatuor Arod n’apparaît qu’en filigrane: il s’agit de 1908, lorsque Schönberg acheva son Deuxième Quatuor. Il le dédia à sa (première) femme, Mathilde (sœur cadette de Zemlinsky), au moment même où il découvrait la liaison qu’elle entretenait avec le peintre Richard Gerstl (1883-1908), qui se suicida quelques semaines plus tard. Et dans la notice, Laurent Muraro suggère que Zemlinsky, dans son Deuxième Quatuor (1915), dédié « à mon ami Arnold Schönberg», avait «peut-être dans l’idée de retranscrire en musique les événements tragiques de l’année 1908», même si la forme (d’un seul tenant), la tonalité, ou ce qu’il en reste () voire les citations évoquent davantage le Premier Quatuor ou même La Nuit transfigurée. Comme dans l’album des Varèse, ces deux grandes partitions sont accompagnées d’une plus petite, placée ici en premier: le Mouvement lent de Webern, antérieur (1905), choisi parce que «particulièrement marqué par l’héritage de Brahms» (que Schönberg admirait). Ou bien parce que Webern convainquit Mathilde de retourner au domicile conjugal? Qu’importe, tant il est évident que même encore jeune, il n’a pas à justifier sa place dans les rangs de cette Seconde Ecole de Vienne, et tant les archets français y diffusent une belle chaleur. Intervention de la voix humaine, atonalité, Schönberg innove sans cesse dans son Deuxième Quatuor, mais les Arod restent quelque peu en retrait, de même que le chant droit et posé d’Elsa Dreisig. Ils se libèrent en revanche dans le quatuor de Zemlinsky, où l’on entend déjà l’après-guerre – la rage de Hindemith ou Schulhoff, comme la passion dévorante de Janácek: 40 minutes remarquablement menées, sans temps mort, d’un seul élan (Erato 0190295425524). SC




Pas de Brexit pour le Duo Berlinskaïa-Ancelle





Le Duo Berlinskaïa-Ancelle ne connaît décidément pas de frontières: après la Belle Epoque et les romantiques russes, le troisième volume de leur «2-pianos originals project» se tourne, en ces temps de Brexit, vers le Royaume-Uni. Sous le titre «"B" like Britain», ce sont, bien sûr, quatre compositeurs britanniques, mais pour pimenter l’exercice, dont le nom commence par la lettre B. Facile avec Britten, pourra-t-on se dire, mais les deux pièces («Introduction et Rondo alla burlesca», «Mazurka elegiaca») de l’Opus 23 (1941) ne sont pas les plus connues. Déjà un peu moins facile avec Bax, assez versatile entre un bref et facétieux Hardanger (1927) et des pages très debussystes – Moy Mell (1916) et plus encore La Fontaine empoisonnée (1928). Encore plus fort avec York Bowen (1884-1961) et son Thème et Variations (1951), où l’on ne sait plus toujours si Brahms (et Reger) sont des modèles ou des objets de pastiche. Toujours plus fort avec les quatre pièces («Samba triste», «Country Blues», «Ragtime Waltz», «Tempo di hard rock») du Divertimento (1974) de Richard Rodney Bennett (1936-2013). Ajoutant un merveilleux sens de l’understatement à leurs qualités techniques et artistiques coutumières, les deux pianistes magnifient ces musiques rarement essentielles mais souvent délicieuses et parfois intéressantes (Melodiya MEL CD 10 02565). SC




Beethoven à Vienne: Jordan après Nelsons





Vienne salue les deux cinquante ans de la naissance de Beethoven: quoi de plus normal? Le Philharmonique et Andris Nelsons ayant loupé le coche (voir ici), qu’en est-il du Symphonique, dont Philippe Jordan (né en 1974), appelé à la rentrée 2020 à prendre la tête de l’Opéra d’Etat (où officient les Philharmoniker), est le Chefdirigent depuis 2014? Pour l’orchestre, et à la différence du Philharmonique, il s’agit de la première intégrale (qu’il édite d’ailleurs sous sa propre étiquette), mais pas pour le chef suisse, qui en déjà publié une (en DVD) en 2016 avec l’Orchestre national de l’Opéra de Paris (Arthaus Musik). L’aperçu déjà donné par les Première et Troisième «Héroïque» (voir ici) est assez largement confirmé par l’écoute des sept autres, captées en public au Musikverein: on apprécie la finesse, l’élégance, la clarté, la légèreté, la propreté et la netteté, un souci méticuleux de mise en valeur des détails de la polyphonie, qui bénéficient particulièrement aux premières symphonies, et un réel effort de relecture du texte, mais on regrette quelques tics d’interprétation, notamment dans le choix des nuances dynamiques (comme cette façon de partir très bas pour mieux faire ressortir le crescendo qui mène à l’aboutissement d’une phrase) et on ne parvient pas à trouver de vision qui porterait cette réalisation agréable mais lisse et trop aimable, respectueuse jusqu’à la moindre reprise. Que penser en effet d’une intégrale dont les éléments les plus réussis paraissent être une pimpante Première, une vigoureuse Deuxième et une réjouissante Huitième, et où il faut attendre la Neuvième pour entendre enfin des partis pris originaux (et certainement contestables)? Inattendue, péremptoire, mordante, théâtrale mais sans pathos romantique, cursive et très enlevée – l’Adagio, rendu à un lyrisme d’une grande simplicité, dure moins longtemps que le scherzo (certes avec toutes ses reprises) et que le premier mouvement – cette étrange Neuvième bénéficie du splendide Chœur du Singverein mais le «meilleur quatuor soliste de sa carrière» (dixit Jordan) semble trop souvent à la peine (cinq disques Wiener Symphoniker WS018). SC




Pour les enfants


          


A quelques jours de Noël, deux parutions visent à familiariser en douceur les plus jeunes avec l’univers de la musique «classique» en capitalisant sur leur goût pour les belles histoires.
C’est d’abord Le Violon et l’Oiseau, où un oiseau en cage fait connaissance avec ses congénères et se révèle à lui-même après avoir rencontré un arbre violoniste. Au fil du conte d’Armelle Bossière, narré par Emeline Bayart (la récente Bécassine de Bruno Podalydès au cinéma), de brèves et nombreuses incarnations ornithophiles de la musique baroque (Biber, Couperin, Dornel, Giamberti, Graupner, Hotteterre, Lully, Orme, Purcell, Rebel, Schwartzkopff, Williams), avec un zeste de Saint-Saëns (poule, cygne) et de Moussorgski (poussins), sont interprétées avec raffinement par les quatre musiciens (flûtes, violon, viole de gambe, théorbe) de l’Ensemble Artifices. Joliment illustré par Victoria Morel, le livre-disque, destiné aux plus de 4 ans, comprend une petite annexe pédagogique, à la fois écrite et sonore, présentant notamment les instruments et les oiseaux du conte, et un plaidoyer pour... la Ligue de protection des oiseaux (Seulétoile SEA 02).
Après plusieurs beaux contes sonores (Julie et les Sortilèges, The Cats, Chouchou voyage encore...), Isabelle Lecerf-Dutilloy, dans J’veux faire Mozart, passe de l’illustration musicale à la bande dessinée. L’histoire d’Oscar, 6 ans, accompagné d’un renard espiègle et avisé prénommé Bernard, est un conte initiatique, au sens propre, celui de l’apprentissage de la musique, qui permet d’évoquer l’exemple du jeune Mozart et fait un éloge vibrant des vertus collectives de la pratique musicale. La fraîcheur des illustrations attirera l’œil des plus jeunes, les plus âgés en sauront davantage sur les claviers, la méthode Suzuki ou la vie de «Wolfie» tout en enrichissant leur vocabulaire («polyphonie», «sautereaux»...), tandis que les parents apprécieront le second degré et l’humour du goupil (Editions Anacrouse, 44 pages, 21 euros). SC




Passons à table en musique!





Sous ce titre «A table!», le dix-septième numéro de la revue Tempus Perfectum (éditée par Symétrie) examine le rapport entre la musique et l’art de la table. Sophie Comet reprend la matière de conférences qu’elle a tenues sur ce sujet original et amusant, l’humour n’excluant pas la rigueur musicologique. Du marché («Voulez ouyr les cris de Paris» de Janequin) au dessert (la pêche Melba, la poire Belle-Hélène), en passant par les boissons, comme le café, peu d’aspects importants semblent avoir été oubliés. Si l’étude évoque des pièces attendues dans ce contexte, comme la Cantate du café de Bach et La Revue de cuisine de Martinů, et si elle rappelle évidemment le penchant bien connu de Rossini pour la bonne chère, le lecteur appréciera très probablement le travail de la musicologue, qui commente un choix d’œuvres intéressant et diversifié. Certaines sont célèbres, telles que La Traviata ou La Damnation de Faust, d’autres nettement moins, comme La Muse ménagère de Milhaud, La Bonne Cuisine de Bernstein ou Croquembouches de Delvincourt. Et comment désormais écouter la fin des Variations Goldberg sans se rappeler sa source d’inspiration? Un programme d’écoute suggère un enregistrement discographique pour les œuvres les plus longuement évoquées, ajout utile mais pas vraiment indispensable. Bien que cette publication de soixante-quatre pages se présente en tant que revue de musique, la seconde moitié de ce numéro, un peu moins longue, contient étrangement une succession de commentaires de peintures sur ce thème. L’auteur, en universitaire qui se respecte, complète son étude rigoureuse et précise de notes de bas de page et de nombreuses suggestions de lecture. Ce numéro procure un plaisir gourmand! SF




A la recherche de la Sonate de Vinteuil


                    


          


Franck, Fauré, Saint-Saëns, Lekeu, Magnard, Hahn, Debussy...: qui se cache derrière la «sonate de Vinteuil» qui produit une si forte impression sur Swann, si l’on en croit le narrateur de La Recherche du temps perdu? Après le compositeur Claude Pascal, après Virginie et Bruno Robilliard, trois duos suggèrent encore des réponses à cette énigme dont il est plus que probable qu’elle n’ait pas de solution.
Franck est la réponse la plus souvent donnée, et Gabriel Tchalik (né en 1989), accompagné de son frère Dania Tchalik (né en 1983) commencent donc leur album «Le Violon de Proust» par sa Sonate, dans une version d’esprit très «français» avec ce violon sensible, presque fragile, davantage dans l’expression, si retenue soit-elle, que dans la sonorité. Ces qualités trouvent mieux à s’employer dans une vibrante Première Sonate de Saint-Saëns, bien placée parmi les prétendantes à la qualité de «sonate de Vinteuil», et, plus encore, dans le néoclassicisme lumineux de la Sonate de Hahn, qui, même si le choix est ici évident, n’en fait pas moins figure de rareté (Evidence ECVD036).
Dans leur récital, Fanny Robilliard (née en 1987) et Paloma Kouider (née en 1987), qui forment le Trio Karénine avec le violoncelliste Louis Rodde, ne font pas expressément référence à Proust, mais n’en demeurent pas moins proches, avec la Sonate de Debussy et le Nocturne de Hahn, la pianiste relevant dans la notice que cette dernière pièce «finit par trotter dans la tête comme "la petite musique" de la sonate de Vinteuil...» Mis en valeur par une prise de son très spacieuse, on trouvera beaucoup de charme et de caractère, de belles sonorités de violon et de piano, tant dans Debussy et Hahn que dans les deux autres œuvres substantielles au programme de ce disque, les Mythes de Szymanowski, virtuoses et sensuels, et la Seconde Sonate de Ravel, souple et séductrice (Evidence ECVD039).
En intitulant leur album «Le Temps retrouvé», Li-Kung Kuo (né en 1981) et Cédric Lorel (né en 1978) s’inscrivent explicitement dans une thématique proustienne. Leur approche se révèle différente, ne serait-ce que par le recours à un moelleux Bechstein de 1898 en lieu et place du Steinway moderne de Paloma Kouider: les sonorités paraissent plus ténues et subtiles, l’approche moins exubérante et spectaculaire, non moins pertinente dans la Sonate de Debussy mais moins séduisante et techniquement moins aboutie dans le Nocturne de Hahn. S’il place en exergue une phrase de Proust («Les vrais paradis sont les paradis qu’on a perdus»), le programme, évocation des salons parisiens de la IIIe République, constitue également un hommage à Ysaÿe, créateur du Poème de Chausson, grand interprète de la Première Sonate de Saint-Saëns et auteur du périlleux Caprice d’après l’Etude en forme de valse de Saint-Saëns, restitués ici avec les mêmes qualités artistiques et les même limites instrumentales (Cadence brillante ACB002). SC




Où l’on retrouve Patrick Burgan





Des nouvelles de Patrick Burgan (né en 1960)? Pas vraiment, car les trois œuvres réunies ici sont déjà anciennes, de même que les enregistrements, mais pouvoir les (ré)entendre et constater qu’un album tout récemment paru leur est ainsi consacré a tout lieu de réjouir. Car le compositeur fait partie de ceux qui parviennent à conjuguer modernité du langage, sans concession ni facilité, d’une part, impact expressif et jubilation sonore, de l’autre. C’est déjà audible dans Vagues (1990), au-delà du jeu de mots d’un hommage à Wag...ner et de réminiscences très diffuses de ses principaux opéras, sous la baguette de Jean-Sébastien Béreau avec l’Orchestre des lauréats du Conservatoire. C’est encore plus frappant dix ans plus tard dans Le Lac, créé en mai 2001 par Maryline Fallot, en lieu et place de Véronique Gens, puis révisé en 2014, et capté en concert l’année suivante avec Valérie Condoluci et l’Orchestre Colonne dirigé par Laurent Petitgirard: une véritable réussite vocale et orchestrale vu l’ampleur du défi – mettre en musique l’une des icônes de la poésie française. Enfin, la maîtrise de l’orchestre éclate dans les cinq Sphères (2003), bluffantes et spectaculaires à l’égal des cinq Totems de Schoeller, qui, deux ans plus tôt, avaient également été confiés à l’Orchestre national et Pascal Rophé (Klarthe K052). SC




Rêve français et terre argentine





Avec un album intitulé «Le rêve et la terre», on découvre l’Orchestre de Lutetia, «composé de jeunes et talentueux musiciens diplômés des grands conservatoires européens», ainsi que directeur-fondateur, Alejandro Sandler. L’Argentin a en effet choisi d’associer au travers de ce programme son pays d’adoption et sa patrie d’origine. Debussy rêve, effectivement, de manière confortable et un peu indolente dans les trois premiers mouvements de la Petite Suite (orchestrée par Büsser) et le Prélude à l’après-midi d’un faune, mais se réveille dans le final de la Petite Suite et les Deux Danses (avec la harpiste Caroline Lieby). Quant à la terre, la Suite du ballet Estancia de Ginastera ne manque pas de saveurs rustiques. Cette jeune formation (créée en 2011) met au service de ces musiques on ne peut plus différentes une qualité instrumentale de bon aloi et un bel engagement, le tout dans une prise de son très valorisante (Klarthe K072). SC




ConcertoNet a également reçu




Alireza Mashayekhi: Shéhérazade
Le compositeur iranien (né en 1940) a conçu une vaste suite (1992) en neuf parties interprétée par la pianiste Layla Ramezan et comprenant une narration de Djamchid Chemirani augmentée d’improvisations de Keyvan Chemirani au zarb (percussion) et au santûr (sorte de cymbalum). Le projet suscite la curiosité, le persan est bien beau à entendre, les percussions apportent une couleur locale séduisante mais la musique, si elle ne verse certes pas dans l’exotisme facile, voit ses incantations rester bloquées quelque part entre Bartók et Hindemith (Paraty 519240). SC


Duo Varnerin: «Renouveau»
La sœur, Stéphanie, est soprano, le frère, Mathieu, guitariste: ce duo inattendu parcourt de façon rafraîchissante et... renouvelée le répertoire plus (Debussy, Fauré) ou moins (Hahn, Satie, Séverac) attendu de la mélodie française, avec, en ponctuation, deux pièces pour guitare solo de Vierne et Falla (Muso mu-033). SC


«Modernisme»
Sous ce titre un peu fourre-tout, Bastien Stil présente avec l’Orchestre symphonique national d’Ukraine une orchestration luxuriante de la Ballade pour piano (1929) de l’Ukrainien Boris Lyatoshynsky (1894-1968) par son compatriote Dimitri Tchesnokov (né en 1982). Le chef français lui a commandé un distrayant Concerto pour violon (2016), qui, malgré les fusées et la séduction de Sarah Nemtanu, peine à convaincre, rappelant trop de références bien connues – Weinberg, Schnittke et, bien sûr, Chostakovitch, dont la Première Symphonie (1925), sans doute la plus «moderniste» des trois œuvres, conclut l’album avec une réelle motivation mais sans en faire spécialement apparaître le caractère novateur (Klarthe K087). SC


Gabriel Rigaux: «Sylves»
Né en 1982, le compositeur se consacre principalement au piano, à la musique de chambre et à la mélodie. La présente anthologie rend compte de ce dernier aspect de son catalogue: grande et noble ambition que celle de s’investir dans ce genre, surtout quand il s’agit de mettre en musique, en cycles ou pages isolées, rien de moins qu’Apollinaire, Aragon, Artaud et Jaccottet. Trop grande ambition, sans doute, malgré une riche écriture pianistique (parfois renforcée d’une flûte et d’un hautbois/cor anglais), tant la musique paraît trop disparate à force de tout embrasser, de Ravel à Adams en passant par Messiaen, et tant les (jeunes) chanteurs ici réunis, certes sollicités dans des tessitures très étendues, déçoivent trop souvent (Hortus 179). SC




La rédaction de ConcertoNet

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com