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La saison 2017-2018 à Genève
08/22/2017


Il y aura de nombreux changements dans le paysage musical genevois. Si tous ne seront pas visibles lors de la saison prochaine, ils seront présents à l’esprit de tous les acteurs. L’Orchestre de la Suisse Romande (OSR) a élu un nouveau président en la personne d’Olivier Hari, avocat et ancien président de la commission de formation permanente de l’Ordre des avocats de Genève. Par ailleurs, c’est Aviel Cahn, l’actuel directeur de l’Opéra des Flandres, qui remplacera Tobias Richter à la tête du Grand Théâtre à partir de la saison 2019. A tout cela s’ajoute la perspective de la future Cité de la musique, qui devrait voir le jour en 2022.


A l’OSR, Jonathan Nott sera présent dès la rentrée pour sa première saison complète et en particulier au Théâtre des Nations pour diriger Le Barbier de Séville. Rappelons que depuis au moins dix ans, le directeur musical de l’OSR n’avait pas dirigé d’œuvre lyrique alors que l’orchestre y consacre la moitié de son temps. L’OSR devrait enfin accueillir en la personne de Svetlin Roussev un nouveau Konzertmeister aux côtés de Bogdan Zvoristeanu. Il faut espérer que le renouvellement entamé de jeunes musiciens continue et stabilise la formation.


Le programme de cette saison fait attention à continuer les chantiers entamés depuis l’arrivée de Jonathan Nott, avec en particulier la poursuite de l’exploration de la musique française au travers de nombreuses pages de Ravel, dans lequel l’OSR peut revendiquer une place de premier plan: Daphnis et Chloé, les deux Concertos pour piano avec Alexandre Tharaud et Nelson Goerner. Nott continuera à faire travailler son orchestre dans des œuvres du répertoire allemand dans lesquelles il ne sonne pas toujours avec tant de naturel: Troisième Symphonie de Brahms et de Mahler (avec Mihoko Fujimura en soliste, Une vie de héros de Strauss (qui n’avait pas été programmée depuis 2006), la Sixième Symphonie de Schubert et surtout les Variations opus 31 de Schoenberg.


L’OSR prend également soin de renforcer des relations établies avec des musiciens de renom avec qui il a récemment joué et avec qui le courant passe. On pourra ainsi retrouver Rafael Payare dans la Symphonie fantastique, Lahav Shani dans la Deuxième Symphonie de Brahms et Sir Mark Elder dans Ainsi parla Zarathoustra de Strauss. De même, ce sera avec plaisir que Renaud Capuçon sera accueilli comme soliste de la Symphonie espagnole de Lalo, Radu Lupu du Deuxième Concerto pour piano de Beethoven et, enfin, Xavier Philipps du Second Concerto pour violoncelle de Dvorák.


L’OSR sera enfin sous la baguette de quelques nouveaux chefs: Peter Schneider dirigera les très belles mais trop rares Scènes de Faust de Schumann avec une belle distribution vocale, Peter Eötvös un programme Debussy-Stravinsky-Bartók et créera en Suisse une de ses compositions, Multiversum (in memoriam Pierre Boulez), pour orgue, orgue Hammond et orchestre. Enfin, Leonid Kavakos sera chef et soliste dans un programme Stravinsky/Mozart/Moussorgski-Ravel – et je ne résiste pas au plaisir de mentionner que j’avais rencontré le violoniste grec après son exécution du Concerto de Sibelius en présence de Florence Notter, l’ancienne présidente de l’OSR, à qui j’avais mentionné l’avoir entendu dans une superbe Deuxième Symphonie de Schumann à Boston auparavant. Peut-être cet échange a-t-il eu un impact sur le fait qu’il soit invité comme chef par la suite...


A côté de ces projets ambitieux, il y a quelques regrets à formuler sur le reste de la saison. L’OSR a accompagné Le Seigneur des anneaux, la trilogie des films de Peter Jackson, et le fera pour le dernier opus. Même si ces spectacles ont été des succès populaires, ils n’ont pas amené de nouveaux publics au classique. Ce n’est qu’une activité commerciale qui est probablement une perte de temps et de ressources. Cet orchestre doit quand même partager son temps entre le symphonique et l’opéra et n’a donc au Victoria Hall qu’une demi-saison. Dans de telles conditions, chaque soirée compte. Il aurait bien mieux valu inviter Charles Dutoit, qui sera absent de cette saison alors qu’il a donné les meilleures soirées de cet orchestre ces dernières saisons.


Un autre reproche que l’on pourrait faire à l’OSR est de reprendre trop souvent les mêmes œuvres: Frank Peter Zimmermann est un soliste d’exception mais fallait-il le refaire revenir jouer ce même Concerto pour violon de Beethoven qu’il a déjà joué, certes en février 2009, avec l’OSR? Pétrouchka que dirigera Jonathan Nott vient d’être magistralement dirigé la saison précédente par Pascal Rophé. Nott dirigera les Variations sur un thème de Paganini de Rachmaninov. Certes, son soliste, Sergey Babayan, a un sens dans une telle œuvre mais celle-ci reste une pièce «facile» et fait surtout suite aux exécutions données en 2017 par Simon Trpceski, en 2015 en tournée par Nikolaï Lugansky, en 2013 par Alexander Gavrylyuk et en 2012 par Anna Vinnitskaya... Enfin, puisque l’on parle de pièces faciles (pourrait-on parler de programmes démagogiques?), il faut se féliciter de la venue pour la première fois de Marin Alsop et Jérémie Rhorer mais pourquoi dirigent-ils respectivement la Symphonie «Du nouveau monde» de Dvorák (donnée il n’y a pas si longtemps par Lahav Shani) et la Symphonie «Pathétique» de Tchaïkovski (elle-même dirigée il n’y pas non plus si longtemps par Neeme Järvi)? Ces deux artistes ont des répertoires vastes. Genève reste une ville modeste en taille, mais son public est plus curieux et exigeant que de tels programmes ne le laissent entendre.


Je voudrais également émettre un regret sur la saison précédente, sur une occasion manquée: avoir réussi à faire venir en début de saison John Adams pour qu’il dirige ses propres œuvres est un grand succès (voir ici). Les musiciens ont superbement joué pour lui. Il y avait sur la scène et dans la salle un sentiment profond que l’on vivait un moment exceptionnel. La salle était pleine à craquer d’un public varié et bien plus jeune que lorsque l’OSR joue... Tchaïkovski et Rachmaninov. John Adams, que j’ai pu interviewer (voir ici), était ravi et il a donné le lendemain une conférence au salon de lecture où, à nouveau, de nombreux auditeurs étaient présents. Mais sa venue aura-t-elle une suite? Il y a eu un concours de circonstances malheureux mais aucun membre de la direction de l’OSR n’était présent pour cette soirée: la directrice générale n’avait pas encore pris ses fonctions, la présidente de l’OSR était prise par d’autres activités et, à ma connaissance, personne du Grand Théâtre n’était là. Lorsque l’on a une telle possibilité de faire venir une telle personnalité, il faut au moins essayer de voir comment développer une telle relation sur la durée. Sans doute cette anecdote reflète un peu la situation de l’OSR et de la vie musicale à Genève: il y a beaucoup d’atouts, de bonnes initiatives mais il manque une vision forte et de l’ambition.


Le Geneva Camerata de David Greilsammer ne manque pas de vision et abordera sa quatrième saison. Ce jeune ensemble, dont il faut rappeler qu’il veut mélanger les genres et briser les barrières (voir ici), s’est bâti un public fidèle depuis ses quatre ans d’existence. Il a maintenant la capacité de faire venir des solistes de renom et invitera cette année Gauthier Capuçon, Sara Mingardo, Patricia Kopatchinskaja ou, excusez du peu, Thomas Hampson dans Mahler. Un lien fort a été créé avec le pianiste de jazz Yaron Herman, qui l’accompagnera dans une grande tournée en France, en Suisse et au Luxembourg – on ne peut que recommander aux mélomanes curieux d’assister à cette rencontre.


La saison du Grand Théâtre est assez intéressante. Tobias Richter fera d’abord venir de nombreux invités. La Clémence de Titus salzbourgeoise sous la direction de Teodor Currentzis fera des prolongations fin aoît. Nina Stemme a peut-être dû annuler certaines Lady Macbeth dans ce même Salzbourg mais devrait être présente début septembre pour un programme où elle chantera Wagner et Kurt Weill. Elle sera suivie par plusieurs récitals dont ceux de Dorothea Röschmann, Sonya Yoncheva et Mikhail Petrenko. Enfin, Riccardo Muti sera de retour à Genève avec son Orchestre des jeunes Luigi Cherubini.


La saison proprement dite du Grand Théâtre démarrera avec une trilogie originale de Figaro. Dans le même décor et avec la même formation orchestrale seront présentés Le Barbier de Séville de Rossini, Les Noces de Figaro de Mozart et Figaro Gets a Divorce d’Elena Langer. Voici une initiative originale et intelligente qui sera partagée avec l’Opéra national gallois. Les ressources pour cette trilogie sont de qualité. Jonathan Nott fera donc ses débuts au Grand Théâtre dans le Rossini. Marko Letonja, qui avait fait l’ouverture de la précédente saison avec Manon, sera de retour dans le Mozart, dont la mise en scène sera assurée par le directeur du Grand Théâtre, Tobias Richter. Le Comte et la Comtesse seront Ildebrando D’Arcangelo et Nicole Cabell, qui avait été une superbe Alcina en février 2016. La mise en scène de Figaro Gets a Divorce sera assurée par David Pountney.


La saison se poursuivra avec la rareté qu’est le Fantasio d’Offenbach et les fêtes de fin d’année permettront d’apprécier Le Baron tzigane de J. Strauss. Faust de Gounod sera présent en février et les amateurs de bel canto pourront entendre le «Cav-Pag» en coproduction avec le Théâtre communal de Bologne. La saison se conclura avec Don Giovanni et le retour du metteur en scène David Bösch dont le Così fan tutte avait fait l’unanimité la saison précédente.


L’agence Caecilia et les Concerts Migros feront venir des visiteurs de prestige. Charles Dutoit et son Royal Phiharmonic Orchestra accompagneront Martha Argerich; suivront une pléiade de grands pianistes: Evgeny Kissin, David Fray, Sir András Schiff... L’Orchestre de chambre Mahler, sous la direction de Daniele Gatti, donnera la Symphonie «Rhénane» de Schumann, que de nombreux ensembles ont jouée à Genève (voir ici). Valery Gergiev et le Mariinsky célébreront Tchaïkovski et Philippe Jordan sera présent dans du R. Strauss avec les Wiener Symphoniker tandis que Zubin Mehta célébrera Bernstein et Mahler avec leurs voisins Philharmoniker.


Voici un rapide résumé de la saison à venir – sans oublier l’ensemble Contrechamps, dont les programmes Reich, Mahler, Ligeti, Donatoni... sont passionnants, et les Orchestres de chambre de Genève et de Lausanne, que mon emploi du temps ne me permet pas de suivre régulièrement. Genève reste Genève, la ville principale d’un canton de 500 000 habitants. Il n’y a pas comme à Munich, Londres ou Paris deux ou trois concerts immanquables par semaine, mais il y a un équilibre entre un public varié, curieux et de bonne qualité et une offre équilibrée qui devrait en satisfaire plus d’un.


Le site de l’Orchestre de la Suisse Romande
Le site du Grand Théâtre de Genève
Le site du Geneva Camerata
Le site des Grands Interprètes
Les concerts du 100% culturel Migros
Le site de l’ensemble Contrechamps
Le site de l’Orchestre de chambre de Genève
Le site de l’Orchestre de chambre de Lausanne


Antoine Lévy-Leboyer

 

 

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