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CD, DVD et livres: l’actualité d’août
08/15/2016



Les chroniques du mois



Must de ConcertoNet


    Ralph Vaughan Williams de Marc Vignal


    Le Trio Busch interprète Dvorák




 Sélectionnés par la rédaction


    David Reiland dirige Godard


    Frank Beermann dirige Goldmark


    Geoffroy Jourdain dirige Vivaldi


    Giuditta de Lehár à Mörbisch (2003)


  François-Frédéric Guy interprète Brahms




 Oui !

L’Ensemble Kuijken interprète Debussy
Leonard Bernstein dirige Sibelius (1986-1990)
Fierrabras de Schubert à Salzbourg (2014)
L’ensemble La Rêveuse interprète Telemann
L’ensemble Les Ombres interprète Telemann
Hervé Niquet dirige Vivaldi
La Petite Symphonie interprète Mozart
Chants traditionnels par Cathy Berberian
Fabrice Bollon dirige La Reine de Saba de Goldmark
Natasa Veljkovic interprète Pejacevic
Jonathan Morton dirige Debussy et Takemitsu
Tannhäuser à Berlin (2014)



Pourquoi pas ?

La Monte Young de J. Donguy
Une soirée au Royal Ballet (2015)
Kurt Masur dirige Beethoven (1991)
Michael Gielen dirige Bruckner
Regards sur Michel Corrette
Simon Rattle dirige L’Or du Rhin
Jaap van Zweden dirige L’Or du Rhin
Ulf Schirmer dirige Giuditta de Lehár
Les Pêcheurs de perles à Naples (2012)
Pas de Dieux et Soir de fête à Nice (2014)
Le Trio Karénine interprète Schumann
Michael Alexander Willens dirige Rolle
Les Cygnes sauvages de Reinecke
Karl-Heinz Steffens dirige Fuchs



Pas la peine

Inédits de Christian Ferras
Sunwook Kim interprète Brahms
Anna Vinnitskaya interprète Brahms
Cameron Carpenter interprète Bach
Œuvres de Marcel Tyberg



Hélas !

Lubomyr Melnyk interprète ses compositions





Les matchs du mois


      

Gloria et Magnificat de Vivaldi: Geoffroy Jourdain ou Hervé Niquet?




      

L’Or du Rhin: Simon Rattle ou Jaap van Zweden?




En bref


Fuchs: à la mémoire de Schumann
Tannhäuser au Staatsoper: surtout pour la musique
Reinecke: le conte y est
Debussy et Takemitsu à l’heure des cordes écossaises
Goldmark: le retour en grâce?
Les anachronismes de Marcel Tyberg
Premier disque pour un jeune trio français
CPO achève son intégrale Dora Pejacevic
Pâle rivale pour la Saint Matthieu
Faux prophète de l’orgue
Faux prophète du piano




Fuchs: à la mémoire de Schumann





Impossible de ne pas penser à Schumann à l’écoute de la superbe Première Symphonie de Robert Fuchs (1847-1927), un compositeur autrichien dont on se souvient surtout en tant que professeur de Mahler, Korngold, Schreker, Sibelius, Strauss ou Zemlinsky... excusez du peu! On pourra évidemment regretter qu’une symphonie composée en 1884 regarde par trop vers le passé, là où Bruckner embrasse à la même époque les cathédrales sonores wagnériennes, mais force est de constater que cette œuvre possède un souffle et un lyrisme irrésistibles, tout en faisant étalage d’admirables qualités d’orchestration – ses dialogues savoureux entre les bois surtout. Si la Deuxième Symphonie, composée trois ans plus tard, apparaît plus inégale, elle regarde davantage vers Brahms et Dvorák, montrant ici ou là davantage de dureté que dans l’élégiaque Première. Karl-Heinz Steffens et l’excellent Orchestre de la WDR de Cologne démontrent un bel investissement, privilégiant le raffinement et l’élégance en un fondu soyeux, au détriment de l’expressivité. Assurément, un tel parti pris convient mieux à la Première Symphonie. On espère pouvoir découvrir bientôt la dernière symphonie, composée en 1907, tandis que les plus curieux pourront déjà écouter le Concerto pour piano (1880) couplé avec la cinquième et dernière sérénade (1895) en un disque édité par CPO en 2004 (CPO 777 830-2). FC




Tannhäuser au Staatsoper: surtout pour la musique





C’est Sasha Waltz qui met en scène ce Tannhäuser. Rien de surprenant: la chorégraphe a déjà abordé le genre (voir ici, ici, ici et ici) et l’ouvrage se prête plutôt bien à son approche. La danse occupe l’espace aux moments opportuns, essentiellement au Venusberg, bien sûr, d’un érotisme chic mais dilué, malgré la sensualité des motifs. La direction d’acteur présente moins d’intérêt dans les passages non chorégraphiés, dans lesquels la tension dramatique décroît, mais le spectacle tient debout par la cohérence de la conception, la justesse de la caractérisation des personnages et la fluidité des mouvements. Sous des lumières très étudiées, les décors de cette production de 2014 à l’Opéra d’Etat de Berlin se révèlent très épurés, voire frustes. L’intérêt réside donc ailleurs. D’abord, dans la direction sobre et transparente de Daniel Barenboim, face à un orchestre svelte, aux cordes scintillantes et aux bois splendides. Ensuite, dans la distribution, au fait des canons du chant wagnérien. Aucun chanteur ne la domine, mais Peter Seiffert, dans le rôle-titre, évite de peu de la déséquilibrer: après un début en demi-teinte, la voix paraissant dépourvue de puissance et d’ampleur, le ténor gagne en conviction et en beauté vocale jusqu’à un formidable récit de Rome. En revanche, Marina Prudenskaya s’affirme d’emblée en Vénus, attractive et capiteuse tandis qu’en Elisabeth, Ann Petersen compense une composition sommaire par une ligne de chant ferme et raffinée; phrasé souverain, déclamation subtile, sincérité de l’engagement, Peter Mattei incarne en poète un Wolfram aux vives séductions et Peter Sonn impose un Walter élégant; excellent Hermann de René Pape, enfin, et choristes irréprochables (DVD BelAir Classiques BAC422). SF




Reinecke: le conte y est





Parmi la multitude de compositeurs oubliés par l’histoire, figurent en bonne place les professeurs du Conservatoire de Leipzig au XIXe, ardents défenseurs d’une vision conservatrice dans la lignée de Beethoven et Mendelssohn. En tant qu’inamovible directeur de ce conservatoire pendant trente-cinq ans, Carl Reinecke (1824-1910), pourtant exact contemporain de Bruckner, fut ainsi indifférent aux séductions wagnériennes et resta arrimé à une musique certes agréable mais par trop confortable. C’est l’impression qui ressort à l’écoute de cette charmante adaptation du conte d’Andersen, Les Cygnes sauvages (1881), en forme d’opéra en miniature pour solistes, chœur féminin et récitant. L’accompagnement chambriste – deux cors, violoncelle, harpe et piano – fait la part belle à ce dernier, omniprésent, renforçant le côté dépouillé de l’ouvrage. Les interventions du chœur comme des instrumentistes privilégient la seule ligne mélodique principale, apportant peu de surprises à cette œuvre lisse et propre. Mais il n’en reste pas moins que certains passages se détachent par une admirable fraîcheur, lumineuse et simple. Les solistes s’en sortent fort correctement, au premier rang desquels le soprano généreux de Kirsten Labonte, à la ligne de chant légèrement instable ici ou là cependant. Une bonne version d’attente qui laisse entrevoir la redécouverte probable des autres ouvrages de Reinecke inspirés par des contes, La Belle au bois dormant (1874) et Cendrillon (1878) (CPO 777 940-2). FC




Debussy et Takemitsu à l’heure des cordes écossaises





Jonathan Morton, directeur artistique et premier violon solo du Scottish Ensemble (fondé en 1969), propose un programme avec en alternance des pièces de Debussy et Takemitsu, les premières arrangées et les secondes directement écrites pour orchestre à cordes. Le Japonais, maître du son et de la couleur et en partie autodidacte, voyait en Debussy son premier mentor, ce qui explique la présence des deux compositeurs au même programme. Le Scottish Ensemble emporte avec beaucoup de conviction et de ferveur le Quatuor à cordes de Debussy dans l’excellente transcription de Morton, qui met à l’esprit celle de La Nuit transfigurée de Schönberg. Bien que rien ne puisse remplacer la beauté absolue de l’original, ce quatuor étendu est sans doute le meilleur moment du programme. Mordante et énergique, la transcription maintient toute la transparence des textures dans les mouvements vifs, la dynamique constante, et l’Andantino, nimbé de mystère, garde sa douce expressivité. Les arrangements des deux pièces à l’origine pour piano n’atteignent pas la même hauteur. Trop nostalgiquement impressionniste, «La Fille aux cheveux de lin» (Préludes) de Colin Matthews (pour lequel l’Ensemble s’adjoint deux harpes) perd la fraîcheur de sa poésie délicate et «Jimbo’s Lullaby» (Children’s Corner) de James Manson privilégie la berceuse sur la saveur que Debussy octroie à son «interprète». Viennent en alternance les deux brèves pièces pour cordes de la suite Three Film Scores (1994) que Takemitsu, tira de ses très nombreuses musiques de film. L’effectif augmenté, l’Ensemble interprète avec beaucoup de sensibilité la tragique «Funereal Music», extrait du film Pluie noire situé à Hiroshima (1989, Imamura), réservant un vif allant à la «Music of Training and Rest», aux rythmes musclés et élastiques, extrait de José Torres (1959, Teshigahara). Dédiée à Yehudi Menuhin, soliste à la création à Edimbourg par l’ensemble écossais en 1987, le thrène Nostalghia, écrit à la mémoire d’Andrei Tarkovski, procède par triades superposées, souvent en crescendo, traversées ou dominées par la ligne expressive du violon plus harmoniquement et techniquement aventureuse. Les musiciens, toujours dynamiques, évitent l’écueil des nébulosités sentimentales, présentes lors de certaines autres interprétations sans faire partie des intentions du compositeur. (Linn Records CKD 512). CL




Goldmark: le retour en grâce?





Si les œuvres de Károly Goldmark (1830-1915) – hongrois d’origine au prénom germanisé (Karl) au fil de son éminente carrière menée aux côtés de Brahms, Joachim et Hanslick – fait aujourd’hui office de raretés absolues dans les programmes de concert, il n’en a pas toujours été ainsi. Jusqu’au milieu du XXe siècle, des chefs aussi illustres que Toscanini, Beecham, Abravanel ou Bernstein défendirent sa superbe Première Symphonie «Noces villageoises» (1876), tandis que Nathan Milstein s’attachait à promouvoir le non moins réussi Premier Concerto pour violon (1877). On retrouve aujourd’hui au disque l’autre grand succès de la carrière de Goldmark, son tout premier opéra, La Reine de Saba (1875). On disposait jusqu’alors du seul enregistrement studio réalisé en 1980 par Adám Fischer pour Hungaroton, ainsi que d’un décevant live de 1970 (Gala, réédition 2013). Il s’agit ici de la captation de la production donnée à Fribourg en 2015 avec succès, portée par la direction contemplative de Fabrice Bollon, qui tisse des ambiances diaphanes en un sens de la respiration admirable. Il donne à la musique de Goldmark des trésors de transparence et d’élégance, là où la prépondérance des cordes face aux cuivres effacés menace de basculer dans le doucereux. L’ensemble est soutenu par un beau plateau vocal homogène, du Grand Prêtre de Jin Seok Lee (à qui l’on pourra juste reprocher un manque de grave) à la Sulamith d’Irma Mihelic (belle ligne souple et aérienne). Déjà applaudi à Lyon dans Rusalka, Károly Szemerédy convainc à nouveau dans son rôle du Roi Salomon. Seule déception, on regrettera la diction peu compréhensible du Chœur de Fribourg. Un détail tant ces disques sauront vous faire découvrir tous les délices de l’imagination mélodique de Goldmark, si prolixe en la matière (coffret de trois disques CPO 555 013-2). FC




Les anachronismes de Marcel Tyberg





Les «oubliés» de la musique que les nazis qualifiaient de «dégénérée», tels Haas, Klein, Krása, Schulhoff et Ullmann, ont retrouvé depuis une vingtaine d’années une juste reconnaissance de leur talent, anéanti dans la pleine force de l’âge. Il reste toutefois encore à découvrir certaines des victimes de cette barbarie, à l’image de Marcel Tyberg (1893-1944). Né à Vienne, fils d’un couple de musiciens amis du violoniste Jan Kubelík, il s’établit en 1927 en Croatie, à Opatija (ville alors italienne, sous le nom d’Abbazia), où il compose dans tous les genres, enseigne et dirige. Ce catholique pratiquant, organiste et auteur de deux Messes, est arrêté parce que son arrière-arrière-grand-père maternel était juif et est assassiné à Auschwitz le 31 décembre 1944. Heureusement, peu de temps avant son arrestation, il avait eu la prudence de confier ses manuscrits à un ami, dont le fils, médecin à Buffalo, s’est attaché, depuis le début des années 1990, à faire connaître ce destin tragique: Rafael Kubelík disparut trop tôt pour pouvoir aller au-delà de le seule émotion de retrouver, près d’un demi-siècle plus tard, la personnalité et la musique de son ami et aîné, mais la chef d’orchestre JoAnn Falletta (née en 1954), convaincue par la lecture des partitions, a enregistré la Troisième et ultime symphonie (couplée avec le Trio avec piano) chez Naxos. Elle consacre maintenant un deuxième disque à Tyberg, toujours avec son Orchestre philharmonique de Buffalo, cette fois-ci centré sur la Deuxième Symphonie (1931), créée par le tout jeune Kubelík et la Philharmonie tchèque. Sans aucun lien avec les audaces de cette génération de compositeurs juifs pourchassés par le IIIe Reich, la musique exprime une indéfectible fidélité à la tradition de la symphonie autrichienne du XIXe: le traitement de l’orchestre est tout à fait traditionnel et, à maintes reprises, l’oreille surprend des climats, des caractères voire des citations de Bruckner ou, plus encore, de Schubert – à l’occasion du centenaire de sa mort, il a d’ailleurs composé un scherzo et un finale destinés compléter l’Inachevée. En complément, Fabio Bidini (né en 1968) donne la Seconde Sonate pour piano (1934): le poids du passé y apparaît tout aussi écrasant, sinon qu’on entend ici davantage le jeune Brahms – celui de la Deuxième Sonate, par exemple, également en fa dièse mineur – que Schubert (8.572822). SC




Premier disque pour un jeune trio français





Fondé en 2009, le Trio Karénine sort aujourd’hui son tout premier disque grâce à l’éditeur Mirare. Composé de trois jeunes interprètes français diplômé du CNSM ou de l’Ecole normale Alfred Cortot, ce trio nous offre un programme entièrement consacré à Schumann, avec deux œuvres bien différentes. Ecrit quelques mois avant la mort de Mendelssohn fin 1847, le Premier Trio s’inspire du Trio opus 49 de son ami et rival par la virtuosité et la fougue des voix entrecroisées. Une pleine maturité que ne saisissent pas au mieux les interprètes ici réunis, dans une vision manquant de couleurs, de saillies et de traits de caractère. De cette absence de relief découle une certaine monotonie, tandis que le tempo mesuré et la respiration harmonieuse penchent vers la dernière version du Beaux-Arts Trio, les couleurs en moins. Les jeunes français se montrent bien plus à leur aise dans le Deuxième Trio de 1847 (Schumann en composera un dernier en 1851, non gravé ici), à l’écriture plus concertante et moins déstructurée par rapport au tout premier trio. Le beau mouvement lent prend ici des allures tour à tour nonchalantes et nostalgiques, renforcées par le tempo lent et dénervé du Trio Karénine. Un disque inégal mais qui comporte de belles promesses (MIR311). FC




CPO achève son intégrale Dora Pejacevic




A la suite d’albums consacrés à Haydn, Mozart, les deux Schumann et Liszt, Natasa Veljkovic (née en 1968) propose, dans une même lignée, une intégrale de la musique pour piano de Dora Pejacevic (1885-1923) à l’invitation de CPO qui, avec ce septième volume, met fin à son intégrale de la musique de la compositrice croate, lancée en 2011 (voir ici et ici). Autrefois élève de Badura-Skoda et de Firkusný, la pianiste serbe semble en phase avec les œuvres de Pejacevic, toutes de solide facture, et, la prise de son mettant bien en valeur la fermeté et la gracieuse clarté de son jeu, son récital ne peut qu’enchanter quand bien même ces belles pages aérées et intimes n’ouvrent pas de nouvelles voies. Le programme panache les trois périodes de la courte carrière de Pejacevic, mêlant les brefs petits joyaux innocents et pleins de promesse écrits dès son tout jeune âge entre 1896 et 1900, les miniatures colorées, souvent organisées en cycle, composées entre 1903 et 1912, et les pièces, pour la plupart de plus grande envergure harmonique et purement musicale, conçues entre 1914 et 1921. Encore postromantique, la voluptueuse Sonate en la bémol majeur en un seul mouvement fut sa pénultième composition avant sa disparition prématurée en 1923. L’originalité de la partition vient des humeurs changeant sans cesse comme la lumière du soleil dans un ciel chaotique. La Sonate en si mineur de 1914, d’esprit plus brahmsien peut-être, suit un schéma plus classique en trois mouvements brillants et enlevés. En plus de pièces de genres traditionnels – Albumblätter, berceuses, caprices, humoresques, impromptus, intermezzos, menuets, nocturnes, valses (dansantes et délicieuses) – Pejacevic développe avec beaucoup d’à-propos le mouvement d’éléments naturels (papillons et libellules virevoltant comme le Blütenwirbel) et les parallèles entre nature et sentiments comme les huit fleurs délicates de Blumenlieben (1904-1905). Malgré une apparente économie de moyens, la profondeur des sentiments intervient directement dans les Deux Esquisses (1918) et du drame intime des Six Phantasiestücke (1903), de «Sehnsucht» à «Wahn». Il existe une autre intégrale interprétée par Yoko Nishii (Herb Classics) mais sa disponibilité capricieuse favorise la diffusion de celle de Natasa Veljkovic, dont l’adresse et la musicalité ne pourront décevoir (album de deux disques CPO 777 420-2). CL




Pâle rivale pour la Saint Matthieu




Avec la Passion selon saint Matthieu (1748), retour à l’exploration de l’œuvre de Johann Heinrich Rolle (1716-1785) pour CPO, un an après un décevant enregistrement consacré à ses motets, dû au méconnu Chœur de chambre de Michaelstein. Place cette fois au chef américain Michael Alexander Willens à la tête de l’Académie de Cologne, une formation certes plus aguerrie mais qui ne se hisse pas encore au niveau des meilleures, et ce en raison de vents acceptables, sans plus. C’est particulièrement audible dans l’accompagnement du chœur introductif, qui manque de majesté et de ferveur, faute d’un engagement plus virtuose. C’est dommage car le tout est fort joliment chanté grâce à la qualité globale homogène du plateau vocal, et ce même si cette Passion, plaisante tout en restant dans des bords sages et peu aventureux, a bien du mal à se hisser au niveau des œuvres contemporaines de C.P.E. Bach par exemple. Un enregistrement à réserver aux plus curieux, avides de découvrir ce rival de Bach à Hambourg (coffret de deux disques CPO 555 046-2). FC




Faux prophète de l’orgue




Le projet séduit: attirer vers un instrument et un répertoire relativement confidentiels un large public, auquel le titre de l’album, «All You Need is Bach» (dernière piste iconoclaste et ludique fondée sur la Huitième des Inventions à deux voix), lance un clin d’œil. Au moment où l’on apprend la disparition d’André Isoir (1935-2016), Cameron Carpenter (né en 1981) s’affranchit en effet de toute une tradition interprétative: au-delà de l’aspect superficiel mais très voyant – des choix vestimentaires très travaillés, comme un (Nigel) Kennedy en son temps ou un Nemanja Radulovic aujourd’hui –, l’Américain se distingue sans doute avant tout par le choix son instrument, support de prestations de véritable showman (voir le compte rendu en anglais d’un récent récital à Ottawa par notre regretté chroniqueur Charles Pope jr.): un International Touring Organ (enregistré à la Jesus-Christus-Kirche de Berlin) qu’il a commandé en 2013 aux facteurs Marshall & Ogletree. Est-ce le vecteur idéal de l’écriture de Bach (pièces originales comme transcriptions, notamment de la Cinquième Suite française), certes l’une des plus résistantes aux (mauvais) traitements les plus divers? A vrai dire, on attend davantage cette sonorité factice et cette puissance somptueuse dans le répertoire «symphonique» des XIXe et XXe: autrement dit, de façon tout à fait assumée, Carpenter s’inscrit dans la lignée de ce qu’un Stokowski réalisait à l’orchestre. A cela s’ajoute un jeu assez maniéré, entre swing virevoltant et raideur mécanique, que la notice (en anglais et en allemand), invoquant Gould et Jarrett aussi bien que Loussier et Wendy Carlos, tente vaillamment de justifier (Sony 88975178262). SC





Faux prophète du piano




Jusqu’alors publié par divers éditeurs confidentiels, Lubomyr Melnyk (né en 1948) entre par la grande porte chez Sony, avec un album portant le titre d’une de ses pièces, Illirion. La page d’accueil de ce Zlatan du clavier est catégorique: «first there [sic] came Franz Lizst [sic]..... then came LUBOMYR». A l’écoute, il apparaît pourtant que le pianiste et compositeur ukrainien, enregistré à Winnipeg (Manitoba) et à Tilbourg (Pays-Bas), n’a rien d’autre à livrer qu’un look de prophète, de barde ou de druide, barbe et cheveux à l’avenant, car la musique demeure désespérément ronflante et sucrée, enfilant inlassablement les arpèges. Mais comme c’est fait avec moins de talent que Glass ou même Nyman, il faut envelopper tout cela d’un substrat théorique et esthétique: le concept complètement fumeux de «musique continue». Rien à voir avec la «mélodie continue» de Wagner: il s’agit simplement ici d’une «musique transcendante qui va vous emmener pour un voyage immaculé... où les protons et électrons de l’esprit vont étinceler et s’animer!... Cela ne ressemble à rien d’autre!» Effectivement, cela ne ressemble à rien – tout court. Il n’est certes pas interdit de rechercher des succédanés de Richard Clayderman, surtout si le produit de leurs ventes permet d’assurer la viabilité d’autres projets, d’une moindre rentabilité commerciale mais d’une plus haute qualité artistique. Il n’est pas pour autant nécessaire de berner le client et tenter de lui faire prendre des vessies pour des lanternes. Pour parachever la crise de fou rire, le site de l’artiste précise que sa «stupéfiante technique physique et mentale» lui a permis «d’établir deux records du monde de prouesses pianistiques: le pianiste LE PLUS RAPIDE du monde – atteignant des vitesses de plus de 19,5 notes par seconde à chaque main, simultanément –, et le PLUS GRAND NOMBRE de NOTES en UNE HEURE – en exactement 60 minutes, Melnyk a atteint une vitesse moyenne de plus de 13 notes par seconde à chaque main, produisant un remarquable total de 93650 notes INDIVIDUELLES». Nul doute qu’il subirait un contrôle antidopage s’il devait concourir aux olympiades du piano (88985315582). SC



La rédaction de ConcertoNet

 

 

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