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Le XVIIe concours Chopin de Varsovie
10/27/2015




Les meilleurs jeunes pianistes?


Le prestige du concours international Frédéric Chopin de Varsovie est le fruit des années, dans un pays où niveau éducatif et «envie d’apprendre» vont de pair. Tous les cinq ans, les jeunes pianistes du monde ont rendez-vous dans la capitale polonaise pour un concours auquel il n’est pas du tout facile d’être sélectionné. La dix-septième édition s’est achevée il y a quelques jours mais il faut peut-être d’abord rappeler les trois derniers vainqueurs: Yulianna Avdeeva (Russie, 2010), Rafal Blechacz (2005, Pologne), Yundi (2000, Chine – Yundi, ou Li Yundi, n’avait alors que dix-huit ans!). Ce dernier faisait partie du jury cette année, un jeune de 33 ans dans une assemblée de grands noms.


Chacun sait qu’aujourd’hui, la concurrence est énorme dans le domaine pianistique. Il y a de bons, voire d’excellents pianistes partout, comme s’il était plus facile de devenir un professionnel de la baguette que du clavier. Tous les deux disciplines requièrent une bonne dose d’athlétisme, mais peut-être la direction d’orchestre a-t-elle besoin d’un athlétisme supérieur et d’une capacité de dompteur de bêtes fauves garantissant l’ordre et le travail collectif, mais pas nécessairement le talent ou la beauté des interprétations. Voilà une approche qui pourrait nous mener très loin, alors que ce n’est pas le lieu ici. On peut admettre que la carrière d’un pianiste est un travail monstrueux et qu’il faut être un athlète, mais pas de ceux qui ramassent des médailles aux Jeux olympiques. Et il faut le répéter: il y a beaucoup de bons pianistes dans le monde. Ainsi, ces derniers temps, certains ont fait remarquer que le concours Chopin n’a pas donné les grands noms d’antan, comme Martha Argerich, Nelson Goerner, Ewa Poblocka ou Adam Harasiewicz, qui étaient aussi, parmi d’autres noms importants, membres du jury de cette édition. Il y a eu des éditions où le premier prix n’a pas été attribué (mais seulement les autres prix). Mais il ne faut pas non plus exagérer, ni être mesquin: ces trois noms de 2000-2010 ont une importance certaine, mais les temps ont changé, et la concurrence en est un des symptômes.


Il y avait donc à Varsovie des pianistes du monde entier aspirant à être parmi les élus, ou peut-être même à gagner un des premiers prix. La sélection commence au printemps, et 81 participants sont admis à concourir. Une proportion considérable de ces jeunes pianistes venait de Chine, de Corée du Sud, du Japon et d’autres pays d’Extrême-Orient. Même des pianistes américains et canadiens étaient, de filiation voire de naissance, originaires de ces pays. Par exemple, le troisième prix a été attribué à l’excellente Kati Liu (Etats-Unis), née à Singapour. Par exemple, un des plus remarquables, Eric Lu, etc, etc. Il y avait beaucoup de «visages orientaux» à la Philharmonie nationale. Voilà qui est très positif, n’est-ce pas? Le premier prix, le prix Chopin de cette année, a finalement été attribué à un pianiste sud-coréen, Seong-Jin Cho.


Le suspense s’est accru tout au long du mois d’octobre. Nous n’étions certes pas là – qui peut rester un moins entier à Varsovie? – car nous avions d’autres obligations. Mais l’affaire était déjà passionnante le vendredi 16, quand l’organisation a communiqué les noms des dix «élus» pour la finale. Finalement, arrivé à Varsovie le samedi 17, j’ai reçu, comme le public, un prix avant les prix, en l’église de la Sainte-Croix, qui abrite le cœur de Chopin: on a entendu le Requiem de Mozart, presque pas vu, tant l’église était comble, et pour cause. Emouvant, une belle expérience. 17 octobre, anniversaire de la mort de Chopin, avec la Philharmonie nationale, sous la direction de Jacek Kaspszyk – qui a eu beaucoup de travail pendant ces journées, comme on va le voir – avec les voix du quatuor formé par Lenneke Ruiten, Ingeborg Danz, Robert Getchell et Matthew Brook.


La tension a atteint son paroxysme le dimanche 18, le lundi 19 et le mardi 20. Le mercredi 21 était consacré à l’excessivement longue cérémonie de remise des prix: beaucoup de paroles, tout le monde y parlait, y compris le très récent Président de la République, mais cela valait le coup, parce que, finalement, tout était une fête, la fête du talent, mais aussi la fête d’une formidable organisation. Mais il ne faut pas être en avance d’une mesure ou deux et il convient donc d’abord de parler des «trois jours».


Les pianistes avaient le choix entre deux possibilités pour la finale: l’un des deux Concertos de Chopin. Neuf des dix ont choisi le Premier mais heureusement, le Canadien Charles Richard-Hamelin a choisi le Second. Le Québécois a d’ailleurs reçu le deuxième prix – et il en était pour dire qu’il méritait le premier. Neuf fois le Concerto en mi mineur... après tout, ce n’est pas du tout fâcheux quand il y a des approches si diverses, des talents comme ceux-là, déjà dans leur première maturité malgré l’âge. «La prévision est très difficile, surtout si c’est au sujet du futur», disait Oscar Wilde, mais on pouvait entendre dans ces interprétations des suggestions, des nuances quant à leur avenir. Une approche, avec des pianistes comme eux, est un projet, voire une promesse. L’avenir n’est pas garanti, mais on voit qu’ils ont déjà une technique et un début incontestable de maturité, sans laquelle la technique n’a rien à faire.


On a eu une illusion, peut-être infondée: l’accompagnement de Kaspszyk avec le Philharmonique s’adaptait à l’approche de chaque pianiste, de chaque sensibilité, de chaque vision, au moins à partir d’un moment donné du discours du concerto. Soliste et ensemble devaient éviter les grand dangers du répertoire concertant du XIXe siècle – le danger de l’emphase, le danger du forte, le danger de l’accelerando du virtuose; mais aussi ses opposés – trop délicat, un excès dans le diminuendo, un manque de nuances dans les dynamiques, spécialement dans le pianissimo. Et il y a le danger de la pédale: trop de résonance; ou pas assez. Un virtuose dominant la technique sera un grand pianiste s’il domine aussi l’équilibre entre ces «ennemis de l’âme» des sons. L’équilibre, la nuance, la suggestion plus que l’affirmation... C’est facile à énoncer, mais ce n’est pas facile à atteindre, même si on l’a trouvé chez la plupart de ces dix «élus».


Mais il faut laisser la critique de côté: ce n’est ici qu’une chronique et nous ne voulons donner ni détails ni préférences, ce ne serait pas juste. Ne serait-ce parce qu’il n’a pas été possible de suivre les épreuves précédant les «trois jours», des dix «élus». Et il faudrait beaucoup détailler pour chaque candidat: ce serait certainement excessif – et avec bon nombre d’occasions de se tromper.


Il faut faire attention à ces dix noms. On connaît les notes accordées par le jury et le «fair play» a été de mise. On est loin de la polémique de l’affaire Pogorelich, dont l’élimination en demi-finale en 1980 avait conduit Martha Argerich à protester et à démissionner du jury. On peut ou non être d’accord avec le jury sur quelques points, dans la mesure où les jurés et les critiques peuvent se tromper. Mais il faut insister sur le fait qu’il semble clair que le concours fut «fair play». Parmi ces dix grands pianistes, les six premiers ont obtenu des prix et les quatre autres ont mérité une mention d’honneur (cf. infra le palmarès).


Au cours de la séance finale du mercredi 21, après la cérémonie de remise des prix, cinq des «six» (en l’absence de Dmitry Shishkin) ont encore pu montrer leurs qualités en solo dans des pièces de Chopin et Seong-Jin Cho, le vainqueur, a joué encore une fois le Premier Concerto, avec la Philharmonie et Kaspszyk.


Premier prix: Seong-Jin Cho (Corée du Sud)
Deuxième prix: Charles Richard-Hamelin (Canada)
Troisième prix: Kate Liu (Etats-Unis)
Quatrième prix: Eric Lu (Etats-Unis)
Cinquième prix: Yike (Tony) Yang (Canada)
Sixième prix: Dmitry Shishkin (Russie)
Mentions d’honneur: Aljosa Jurinic (Croatie), Aimi Kobayashi (Japon), Szymon Nehring (Pologne), Georgijs Osokins (Lettonie)


Le site du concours Chopin
Le palmarès complet


Santiago Martín Bermúdez

 

 

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