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Madrid: toute une journée avec Tchaïkovski
06/23/2015


J. Mena et l’Orchestre symphonique de la RTVE (© Rafa Martin)


Deux ans après la folle journée beethovénienne (voir ici), le Centre national de diffusion musicale (CNDM) du ministère de la culture nous offre un cadeau semblable avec une journée, presque aussi folle que l’autre, autour de Piotr Ilitch Tchaïkovski: les six Symphonies, un peu de musique de chambre (Souvenir de Florence, Trio avec piano, etc.), de la musique de ses collègues (Rimski-Korsakov, Arenski), des improvisations de jazz sur des thèmes du compositeur. La fanfare initiale (de la Marche slave), avec les vents du Jeune orchestre national d’Espagne (JONDE), a inauguré cette journée, de même que l’Ouverture 1812, également en plein air, avec la Fanfare de la ville de Madrid, l’a conclue, avec une coda: des feux d’artifice avec de la musique de Haendel (enregistrée). Le troisième concert symphonique (le dernier) était retransmis simultanément sur un grand écran à l’extérieur d’une salle comble. Le public est en partie différent de celui des concerts habituels: le CDNM, justement, a notamment pour mission d’attirer un public plus jeune, de renouveler le public – nous autres mélomanes avons en effet une moyenne d’âge alarmante.


Et l’Auditorium national est resté ouvert toute la journée, avec des apéritifs, des pâtisseries, des gourmandises dans le hall pendant la matinée. Bien sûr, on sait qu’à Madrid, midi, cela veut dire le matin: midi, pour nous, commence vers 14 heures. Hélas, le matin on se lève à la même heure que partout en Europe. Enfin, les jours où l’Auditorium national était un château interdit, le palais clos de la sorcière empêchant l’entrée même des musiciens, sont définitivement révolus et on se demande comment une telle situation a pu durer aussi longtemps, à la différence de n’importe quelle autre salle de concert.


On a entendu trois symphonies qui ne sont pas très souvent interprétées, les trois premières, spécialement la Troisième, pas tout à fait inouïe, mais inédite au concert pour une bonne partie du public. Juanjo Mena, avec trois orchestres différents, a abordé l’intégrale des Symphonies dans un effort aussi méritoire qu’inspiré, un véritable aboutissement artistique. Chacune des trois grandes symphonies (les trois dernières) était associée, en première partie de concert, à une de symphonies considérées comme relativement mineures. A midi (c’est-à-dire le matin), Mena dirigeait le JONDE, dont la couleur, la qualité et la limpidité du son ont été étonnantes. Il ne faut pas oublier que le JONDE, en tant qu’orchestre de jeunes, est un ensemble d’enseignement supérieur, un ensemble pour la formation de musiciens d’orchestre. Mais ces jeunes sonnaient comme un orchestre symphonique tout à fait assuré, établi, mais sans les petits vices et routines des formations trop installées. Dès le début, avec les Première et Quatrième, Mena découvrait clairement son jeu: pas d’excès de pathos, équilibre entre émotion, vigueur et une sorte d’objectivité; maintien des deux symphonies (solides toutes les deux, bien sûr) dans la tradition orthodoxe dont leur esprit se réclame nettement, à savoir le legs de Beethoven (jusqu’à la Huitième, bien sûr), même si Tchaïkovski pensait «image» ou «théâtre» quand il composait une symphonie tout à fait orthodoxe dans sa forme même s’il a écrit par ailleurs des poèmes symphoniques, des ouvertures à programme, etc.


Le très bon moment offert par l’Orchestre national d’Espagne n’a pas constitué une surprise: cet orchestre a ressuscité pendant la dernière décennie – grâce au mandat de Josep Pons, le précédent directeur titulaire, puis aujourd’hui à l’Allemand David Afkham – après des années de verrouillage accepté par des autorités dépourvues d’objectif culturel et une peur considérable devant certains syndicats et des journalistes à la couleur jaune (tous les deux). Dans les Deuxième et Cinquième, sous la baguette de Mena, l’orchestre a réussi un concert d’un excellent niveau.


Enfin, Troisième et Sixième ont été l’atout de l’Orchestre de Radio-télévision espagnole (RTVE), peut-être le moins aimé par «ses maîtres», dans la mesure où les rumeurs reviennent régulièrement autour de l’idée – ils ont de ces idées! – consistant à supprimer cet orchestre, conçue par quelques barbares qui passent éphémèrement par les bureaux et regardent les redoutables livres de comptabilité de la RTVE. C’était le bouquet final, excellent, pour un public face à une symphonie rare au concert et, finalement, à la reine du symphonisme tchaïkovskien.


Les trois orchestres et le maestro Juanjo Mena peuvent être contents, voire heureux. Ce fut leur triomphe, mais aussi une manifestation de remerciement du public aux artistes et au CNDM.


On a pu entendre le Quintette pour piano et vents de Rimski-Korsakov par un ensemble d’étudiants de niveau supérieur de l’Ecole Reine Sophie, l’Ensemble Danzi, avec Marta Femenía (flûte), Saulo Guerra (clarinette), Javier Biosca (basson), Carles Pérez (cor) et Javier Rameix (piano). Une œuvre relativement secondaire, pas tout à fait de jeunesse, mais on pourrait la considérer comme telle chez un musicien de maturité créative pas trop précoce. Qu’importe, les musiciens l’ont jouée comme si cela était le meilleur Beethoven. Et aussi les Variations et le Finale du Trio avec piano – ils ont été obligés de supprimer le Pezzo elegiaco, car le temps filait et ils auraient fini après l’heure du début du concert présentant les Deuxième et Cinquième Symphonies). Dommage, parce que les trois musiciens, également étudiants supérieurs à l’Ecole Reine Sophie, étaient de véritables virtuoses: Raúl Suárez au violon, Marion Platero au violoncelle et Lucas Jussen au piano.


Hélas, on a raté – on ne peut pas être partout – le sextuor à cordes Souvenir de Florence, œuvre de grande maturité de Tchaïkovski, par des solistes du JONDE, Elsa Sánchez et Angel Oter (violon), Nina Sunyer et Sergio Montero (altos), Carlos Leal et Amanda Britos (violoncelle).


Par souci de fair play, il importe de mentionner la collaboration des autorités de la ville, au moment où elle vit un changement politique, et d’autres institutions publiques. Encore une fois: misión cumplida.


Santiago Martín Bermúdez

 

 

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