About us / Contact

The Classical Music Network

Editorials

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

CD, DVD et livres: l’actualité de mars
03/15/2015



Les chroniques du mois




Must de ConcertoNet


   Edition Jirí Kylián


   Franco Fagioli chante Porpora




 Sélectionnés par la rédaction


   Michel Piquemal dirige Caillebotte


   János Starker interprète trois concertos


   Simone Young dirige Bruckner


   Antony Hermus dirige Wagenaar


   Pierre Boulez dirige Bruckner




 Oui !

Dickens et la musique à Londres de James Lyon
Hans Knappertsbusch dirige le Ring (1958)
«Rococo» avec Pieter Wispelwey
Richard Hickox dirige Les Apôtres d’Elgar
Evgueni Svetlanov dirige Le Rêve de Géronte d’Elgar
Le Quatuor Talich interprète Dvorák
Le Quatuor Vogler interprète Dvorák
Pascal Rophé dirige Fourgon
Jean-Pierre Haeck dirige Jongen
Paavo Berglund dirige à Berlin (2001)
Vasily Petrenko dirige Chostakovitch
Boris Bloch interprète Scarlatti
Janne Rättyä interprète Scarlatti
Le Quatuor Ying interprète Schumann
Yevgeny Sudbin interprète Mozart et Beethoven
Andreas Frölich interprète Mozart
Le Quatuor Del Sol interprète Sculthorpe
Le Duo Goldstone-Clemmow interprète Rimski-Korsakov
Friedemann Eichhorn interprète Rode



Pourquoi pas?

Andris Nelsons dirige Le Vaisseau fantôme
Ivor Bolton dirige Bruckner
Piotr Beczala chante des airs d’opéras français
Le Chevalier à la rose à Salzbourg (2014)
Lev Vinocour interprète Schumann
David Grimal interprète Mozart
Vladimir Jurowski dirige Chostakovitch
Orion Weiss interprète Scarlatti
Anne Queffélec interprète Scarlatti
Irakly Avaliani interprète Scarlatti
Le Quatuor Hermès interprète Schumann
Les Bacchantes de Wellesz
Rudolf Buchbinder interprète Mozart
François Dumont interprète Mozart




Pas la peine

Le Vaisseau fantôme à Zurich (2013)
Gerd Schaller dirige Bruckner
Paul Hindemith dirige Bruckner
Rémy Ballot dirige Bruckner
Dora Deliyska interprète Schumann
Frank Beermann dirige Rudorff
Agostino Ruscillo dirige Mercadante
Thomas Gropper dirige Graun
Sebastian Göring dirige Rolle
Le Quatuor Chiaroscuro interprète Mozart et Mendelssohn
Andrey Boreyko dirige Chostakovitch
Arrangements de pages symphoniques de Chostakovitch
Christoph Ullrich interprète Scarlatti
David Greilsammer interprète Scarlatti et Cage
Andreas Domjanic interprète Mozart et Grieg
Matea Leko interprète Mozart
Kariné Poghosyan interprète Khatchatourian
Wolfgang Sawallisch dirige Tannhäuser




Hélas !

Boris Giltburg interprète Schumann
Igor Kamenz interprète Scarlatti
Ekaterina Litvintseva interprète Mozart
La pianiste Margarita Höhenrieder
Documentaire Evgeny Kissin. Le Don de la musique




L’entretien du mois




Douglas Boyd





Le match du mois


           

Huitième de Bruckner en vidéo: Boulez vs. Barenboim





En bref


Pierre Rode entre Mozart et Paganini
Entre Liégeois (1): Joseph Jongen
Entre Liégeois (2): Michel Fourgon
Shéhérazade bat Spartacus à plate couture (pianistique)
Compositeurs «verts» (1): Ernst Rudorff
Compositeurs «verts» (2): Peter Sculthorpe
Mercadante attendra
Actualité des Symphonies de Chostakovitch
Un Graun soporifique
Dvorák avant et après le Quatuor «Américain»
Quatuors de Schumann: opposition de styles
Le Quatuor Chiaroscuro encore trop tendre
Actualité des Concertos pour piano de Mozart
Le Mozart chambriste de David Grimal
Eté 1961 à Bayreuth: Sawallisch et sa Vénus noire
Les Bacchantes de Wellesz
Christopher Nupen ne dévoile pas Kissin
Rolle: des motets minimalistes
Actualité des Sonates de Scarlatti




Pierre Rode entre Mozart et Paganini





On doit à Naxos la redécouverte du violoniste virtuose Pierre Rode (1774-1830), qui a consacré l’essentiel de ses compositions pour son instrument de prédilection. Outre deux disques consacrés aux 24 Caprices et à des Duos pour violon du compositeur bordelais, l’éditeur basé à Hong Kong poursuit l’édition de l’intégrale des treize Concertos pour violon, tous enregistrés en première mondiale. Un quatrième disque devrait achever la série des concertos encore manquants – les Deuxième, Huitième, Onzième et Douzième. Rode, ancien élève de Giovanni Battista Viotti, annonce clairement Paganini, ce que démontrent aisément les différentes œuvres gravées sur ce nouveau disque. Les trois concertos appartiennent pourtant à trois périodes distinctes, affichant tout d’abord dans le Premier une paternité de Viotti en 1794, puis une virtuosité non exempte d’un certain charme mélodique dans le Cinquième (1800). Le Neuvième est issu de la période russe (1804-1808), lorsque Rode est consacré violoniste à la Cour du tsar Alexandre Ier. Magnifiquement capté, l’enregistrement bénéficie grandement du violon agile et aérien de l’Allemand Friedemann Eichhorn, ainsi que de la direction enlevée du chef uruguayen Nicolás Pasquet, à la tête de la Philharmonie d’Iéna. Un beau disque, principalement recommandé aux amateurs de violon (8.572755). FC




Entre Liégeois (1): Joseph Jongen





Liège, grâce à son Orchestre philharmonique royal, défend l’œuvre d’un de ses enfants, Joseph Jongen (1873-1953). Remarquablement illustré, ce disque publié par Musique en Wallonie regroupe quatre œuvres écrites durant l’exil du compositeur en Angleterre lors de la Première Guerre mondiale. Hormis la Sarabande triste (1918), pièce dépouillée et plutôt grave, les trois autres ne témoignent pas de l’horreur du conflit. Dans les Tableaux pittoresques (1917), quatre morceaux décontractés, idylliques et par moments euphoriques, la Suite pour alto, à l’origine conçue pour Lionel Tertis, mais finalement dédiée à Maurice Vieux, qui la crée après l’Armistice, et les Pages intimes (1917-1919), que Jongen a dédiées à sa progéniture, la guerre ne semble être qu’un très lointain écho. Il s’agit d’une musique peu audacieuse mais noble, sincère, impeccablement conçue, que l’orchestre, placé sous la direction de Jean-Pierre Haeck, interprète avec tout le savoir-faire dont il est coutumier. Nathan Braude se charge de la partie d’alto dans la Suite qu’il a déjà enregistrée pour Fuga Libera (voir ici), mais dans la version pour piano. Une contribution importante à la connaissance de cette figure majeure de la musique belge (MEW1575). SF




Entre Liégeois (2): Michel Fourgon





C’est l’œuvre d’un autre Liégeois qui intéresse également l’Orchestre philharmonique royal de Liège, associé depuis longtemps à la défense de la musique contemporaine. Ce premier disque entièrement consacré à Michel Fourgon (né en 1968) regroupe quatre œuvres de belle envergure que l’orchestre lui a commandées. Cori spezzati (2001), Le Brin de Roseau (2004), pour clarinette et orchestre, Filigranes (2006) et Le tracé s’envole (2010), pour chœur et orchestre, témoignent d’une pensée libre mais rigoureuse. Moderne et ouvert aux influences, le langage privilégie la sensibilité à la technique, le compositeur parsemant sa musique d’allusions et d’emprunts, sans que celle-ci ne ressemble à un patchwork. Flatteuses pour l’orchestre, ces compositions plutôt personnelles reposent sur un substrat littéraire (Lautréamont, Proust, Corinne Hoex), musical (Clara Schumann, Mahler, Gabrieli, musique arabe), pictural (de Staël, Mondrian) ou cinématographique (Fellini). Les enregistrements proviennent de concerts donnés à Liège et à Paris entre 2005 et 2011 avec Pascal Rophé, directeur musical de 2006 à 2009: précis et expressif, l’orchestre se montre digne de sa réputation, comme le Chœur de chambre de Namur et le clarinettiste Jean-Pierre Peuvion (Cyprès CYP4641). SF




Shéhérazade bat Spartacus à plate couture (pianistique)


         


Certes, on mélange un peu les choux et les carottes en rapprochant ces deux disques de piano, réunis par le caractère exotique et fantasmatique des œuvres choisies. Mais la tentation était forte de mettre en évidence le fossé qui sépare l’investissement technique et interprétatif des pianistes du premier de la passivité coupable de l’exécutante du second.
Rimski-Korsakov a réduit pour quatre mains sa suite symphonique Shéhérazade. Comme dans la Chanson napolitaine d’après Denza qui complète l’album, le duo Goldstone et Clemmow s’y investit avec un sens impeccable de la rythmique et de l’architecture. La réédition de cet enregistrement de 1990 permet de suivre –sans trop regretter l’absence du grand orchestre – les pérégrinations de Sinbad, de Kalender ou de la jeune princesse. Le disque présente également une version réjouissante du tout premier enregistrement d’une transcription pour piano à quatre mains d’Antar (la Deuxième Symphonie de Rimski-Korsakov), mise au point par Nadezhda Purgold (1848-1919), l’épouse du compositeur, et gravée par Anthony Goldstone (né en 1944) et Caroline Clemmow en 2013. Si le toucher pourrait être plus grisant et le geste plus conquérant, le résultat est digne d’éloges (Divine Arts DDA25118).
Il y avait, en revanche, tellement mieux à faire avec la musique de Khatchatourian que d’interpréter ces pièces originales et adaptations pianistiques de manière aussi plate que dénervée. Le toucher mou et la sonorité ordinaire de Kariné Poghosyan (née en 1980) paraissent procéder d’une conception scolaire. On ne demandait pas à la pianiste arménienne de se faire l’égale d’un Gilels dans la Sonate, mais l’on déplore que les compositions originales tombent toutes à plat: Poème,Valse-Caprice, Danse. Si elle sait animer la pulsation de la Toccata d’une technique vive et alerte et trouver la fleur émotive de Spartacus (arrangement de Matthew Cameron), aucun souffle ne soulève Mascarade (arrangement d’Alexander Dolukhanian), qui déçoit sinon consterne. Un disque (enregistré en août 2013 à New York) frustrant et décevant (Grand Piano GP673).GdH




Compositeurs «verts» (1): Ernst Rudorff





Le stock de symphonistes romantiques germaniques oubliés que cpo s’attache à remettre en valeur semble inépuisable. Voici maintenant Ernst Rudorff (1840-1916), né au sein de l’élite culturelle berlinoise: sa famille fréquentait Schinkel et les frères Grimm, sa mère, petite-nièce de Tieck, était une amie d’enfance de la fratrie Mendelssohn, et sa marraine, qui lui donna ses premières leçons de piano, elle était elle-même la filleule de Weber. Ami de Clara Schumann, Rudorff est un pur produit du Conservatoire de Leipzig, mais après un passage à Cologne, il revint dans sa ville natale, notamment pour y enseigner et y contribuer aux premiers pas du Philharmonique, dont il dirigea le concert inaugural. Il fut également, en 1904, le fondateur d’une des plus anciennes associations allemandes de protection de la nature, la Fédération de protection de l’environnement, toujours active. Sans surprise, l’influence de Schumann apparaît encore forte dans la Troisième (1910) et dernière de ses symphonies, même s’il n’est pas non plus interdit d’y entendre des échos de ses contemporains Bruch et Brahms. De ce dernier, Rudorff admirait les Variations sur un thème de Haydn, qui l’incitèrent indéniablement à écrire ses (vingt) Variations sur un thème original (1875); composée avec beaucoup de métier, la partition évoque parfois aussi Reger, au demeurant l’un des plus importants illustrateurs du genre. Orchestrée avec soin, cette musique confortable et savamment appliquée réserve toutefois peu de surprises et peine à susciter davantage qu’un intérêt poli. Cela étant, les interprètes ne sont nullement en cause: fidèle à l’éditeur allemand, Frank Beermann (né en 1965), cette fois-ci à la tête de l’Orchestre symphonique de Bochum, défend le compositeur avec une belle énergie (777 458-2). SC


Compositeurs «verts» (2): Peter Sculthorpe





La nouvelle de la disparition, le 8 août dernier à Sydney, de Peter Sculthorpe (1929-2014) est passée complètement inaperçue sous nos latitudes. Il était pourtant incontestablement le compositeur australien le plus important de sa génération, ayant ouvert la voie, dans une vie culturelle alors encore sous forte influence britannique, à une musique à la fois moderne et nationale, enracinée dans la géographie de ce pays-continent au voisinage de l’Asie, dans sa nature à la fois immense et fragile et dans la culture de sa population précoloniale. De fait, bien que formé en partie en Angleterre (par Rubbra et Wellesz), Sculthorpe, très tôt, a placé au cœur de son œuvre les musiques de l’Asie et du Pacifique (gagaku et kabuki japonais, gamelan balinais, rythmes indonésiens, rites aztèques), un regard critique sur l’histoire coloniale, l’exaltation de la nature (jusqu’à l’imitation de chants d’oiseaux) – celle de sa Tasmanie natale comme celle des parcs naturels subtropicaux des Territoires du Nord – et les instruments traditionnels, à commencer par le didgeridoo, sans doute l’un des plus anciens inventés par l’homme. Pratiqué par les Aborigènes, il consiste en une longue colonne de bois dans laquelle le souffle produit une note de base (bourdon) que le joueur peut enrichir de légères variations de hauteur, d’harmoniques, de chants et de bruitages divers, notamment des cris d’animaux. Parmi le corpus de dix-huit Quatuors à cordes que Sculthorpe a commencé à édifier dès l’âge de seize ans, quatre incluent un didgeridoo ad libitum. Pour deux d’entre eux – le Douzième «From Ubirr» (1994/2001), fondé sur la pièce pour orchestre L’Appel de la Terre (1986), et le Quatorzième «Quamby» (2000/2004) –, la partie a été ajoutée après coup, tandis que les deux autres – le Seizième (2005/2006), inspiré par des lettres de demandeurs d’asile placés dans des centres de rétention australiens, et l’ultime Dix-huitième (2010), réflexion sur le changement climatique et l’avenir de la planète –, ont été d’emblée été conçus à cette fin. Le Quatuor Del Sol (San Francisco), avec Stephen Kent au didgeridoo, les réunit en un double album (pour moitié au format audio Blu-ray) qui a le mérite de compléter l’intégrale des Goldner (Tall Poppies) et les contributions des Brodsky ou des Kronos. Mais il offre aussi et surtout des versions tout à fait fidèles et inspirées de ces pages à la fois éminemment poétiques et tout à fait typiques des thématiques et du style du compositeur, qui, par ses préoccupations écologiques comme par son goût pour la répétition de petites cellules rythmiques alternant avec de longues phrases lyriques, a quelque chose d’un Janácek (Sono Luminus DSL-92181). SC




Mercadante attendra





Contemporain respecté de Rossini, Saverio Mercadante (1795-1870) reste aujourd’hui encore très négligé au regard de ses contemporains plus célèbres. Connu pour ses nombreux opéras composés tout au long de sa longue carrière, l’ancien directeur du prestigieux Conservatoire de Naples s’est également illustré dans la musique religieuse, comme le montre le présent disque – malheureusement desservi par un médiocre chœur de la Cappella Musicale Iconavetere della Cattedrale di Foggia (originaire de la région des Pouilles). Techniquement dépassé dans le Kyrie eleison initial, il est un peu plus à l’aise ensuite. L’orchestre est conduit par Agostino Ruscillo, trop prudent, sans doute pour ne pas mettre plus encore en difficulté chœur et solistes, dans cette œuvre qui doit beaucoup à Mozart. Une vraie curiosité que ce premier enregistrement d’une Messe pour grand orchestre probablement composée en 1828, dont l’attribution à Mercadante est cependant incertaine. Un livret peu convainquant à ce sujet, qui fait par ailleurs l’impasse sur la description de l’autre œuvre gravée sur ce disque, un Requiem pour voix seules (Bongiovanni 24712). FC




Actualité des Symphonies de Chostakovitch


                     


         


         


Les Symphonies de Chostakovitch continuent de susciter l’intérêt des musiciens et des éditeurs, comme le montrent – avec des fortunes diverses – cinq parutions récentes.
Testament édite un concert donné en mai 2001 sous la direction de Paavo Berglund (1929-2012), marquant la quatrième des cinq rencontres de sa carrière avec le Philharmonique de Berlin. En première partie de cette soirée, Olli Mustonen avait été le soliste (sur)vitaminé du Concerto pour piano et instruments à vent, où le néoclassicisme de Stravinski à son acmé peut se satisfaire de ce jeu sarcastique et distancié. Estimé pour ses intégrales Brahms, Nielsen et, surtout, Sibelius, le chef finlandais, fidèle son style, se révèle également comme un interprète tout à fait inspiré de Chostakovitch, faisant rayonner de sa poigne de fer la puissance expressive de cette musique. Toujours très tenue, cette vision implacable et sans concession rend tout particulièrement justice à la terrible Huitième, où l’orchestre, pleinement à la hauteur de sa réputation, en deviendrait presque trop somptueux. Quatre ans plus tard chez Pentatone, Berglund revint à cette symphonie en studio avec l’Orchestre national de Russie (album de deux disques SBT2-1500).
Sous sa propre étiquette, l’Orchestre philharmonique de Londres publie deux symphonies données en concert sous la direction de Vladimir Jurowski (né en 1972), principal conductor depuis 2007. Captée en mai 2013, la Sixième, de bonne tenue, est parfois plus nerveuse qu’engagée, tandis que la Quatorzième, enregistrée sept ans plus tôt (février 2006), pâtit des limites des cordes et de solistes, Tatiana Monogarova (née en 1967) et Sergei Leiferkus (né en 1946), plus portés sur le vibrato et les effets opératiques que sur la précision (LPO 0080).
Quatrième disque pour la série entamée par l’Orchestre radio-symphonique de la SWR (Stuttgart) et son premier chef invité de 2004 à 2012, Andrey Boreyko (né en 1957). Enregistrée en public fin juin et début juillet 2011, la Cinquième ne se situe pas au même niveau que le précédent volume (Première et Sixième): bien court (50 minutes), il déçoit par son manque de conviction et de mordant, tout particulièrement dans les mouvements extrêmes (Hänssler Classic CD93.326).
Chez Naxos, l’Orchestre philharmonique royal de Liverpool et Vasily Petrenko (né en 1976), son principal conductor depuis 2006, mettent un point final à leur entreprise, avec ce onzième disque, enregistré en septembre 2013. Tout au long de la Treizième «Babi Yar», le chef russe confirme les qualités qu’il a démontrées dans les précédents volumes de cette intégrale, fermement tenue et ne relâchant jamais la tension. Il peut en outre compter ici sur les forces chorales, très engagées (Chœur du Philharmonique de Liverpool et Société chorale de Huddersfield), et sur la basse russe Alexander Vinogradov (né en 1976), tout aussi convaincant que dans la Quatorzième parue l’an dernier (8.573218).
Enfin, l’éditeur berlinois Phil.harmonie permet de retrouver un arrangement pour un bien curieux ensemble de six musiciens – trio avec piano (célesta) et treize instruments à percussion – de la Quinzième réalisé (avec l’approbation du compositeur) par le pianiste Viktor Derevianko et déjà enregistrée il y a vingt ans à Lockenhaus par Gidon Kremer et ses amis (Deutsche Grammophon). Cette fois-ci, s’adjoignent à deux anciens solistes des orchestres de la capitale – le violoniste Kolja Blacher (Philharmoniker) et le violoncelliste Jens Peter Maintz (DSO) – le pianiste catalan Oriol Cruixent ainsi que trois percussionnistes, les Néerlandais Raymond Curfs et Mark Haeldermans et le Chilien Claudio Estay. Compte tenu du défi, le résultat est loin d’être calamiteux, et il est vrai que la partition originale, dans laquelle la percussion, avant même le cliquetis cosmique de la conclusion, tient une place très significative, ménage en outre de longs solos de violon et violoncelle. Mais le piano peine décidément, par exemple, à remplacer les cuivres, dont les lents chorals tombent à plat. Pour compléter le disque, Oriol Cruixent (né en 1976), qui est par ailleurs compositeur, a lui-même arrangé pour le même improbable ensemble la célèbre mais moins essentielle Seconde Suite pour orchestre de jazz popularisée par Riccardo Chailly... et André Rieu – et là, ça fonctionne parfaitement (Phil 6030). SC




Un Graun soporifique





Maître de chapelle du roi de Prusse Frédéric le Grand, Carl Heinrich Graun (1704-1759) a longtemps gardé une certaine notoriété dans les pays germaniques grâce à sa Passion La Mort de Jésus, composée en 1755. C’est la redécouverte des passions de Bach qui fera disparaître Graun du répertoire à la fin du XIXe siècle. Une musique sans emphase et sans effets gratuits, très pieuse. Malheureusement, le disque est plombé par la direction soporifique de Thomas Gropper, incapable de s’affirmer et de donner une réelle voix à l’orchestre (L’Arpa festante). Pourtant le chœur (Les solistes vocaux Arcis de Munich) et les solistes (Monika Mauch, Georg Poplutz et Andreas Burkhart) sont de qualité, mais peinent à déployer une expressivité constamment bridée par cette langueur. On se reportera sur la version gravée par Sigiswald Kuijken (Hyperion, autrement plus exaltante (deux disques Oehms Classics OC 1809). FC




Dvorák avant et après le Quatuor «Américain»


         


Des quatorze Quatuors de Dvorák, on ne connaît guère que le Douzième «Américain»: deux publications récentes prouvent, s’il en était besoin, que les autres méritent de sortir de l’ombre, notamment les quatre qui l’entourent. Ainsi, le Quatuor Talich, dont les aînés avaient évidemment eux-mêmes enregistré le Douzième (reparu depuis en version remastérisée grâce à La Dolce Volta), s’intéressent, chez ce même éditeur, aux Dixième et Onzième (LDV 18). Quant au Quatuor Vogler, pour son deuxième volume consacré au compositeur tchèque chez cpo, il a choisi les deux derniers (Treizième et Quatorzième), complétés par le surprenant Quatrième, d’une inventivité passionnante, dans la descendance de Beethoven et Liszt, et par les cinq des douze pièces des Cyprès qui ne figuraient pas dans le premier volume – drôle de parti pris (777 625-2). La confrontation est instructive, car si les Tchèques partent favoris pour rendre les honneurs à leur compatriote et, de fait, ne déçoivent pas, les Allemands ne convainquent pas moins, alors même que la dimension nationale est sans doute plus prégnante dans leur programme. Entre la chaleur et la délicatesse des Talich, et le caractère plus âpre et contrasté, voire symphonique, des Vogler, impossible de trancher – mais pourquoi le faudrait-il? SC




Quatuors de Schumann: opposition de styles


         


Moins célèbres que l’unique Quintette avec piano mais plus favorisés que les trois Trios avec piano, les trois Quatuors de Schumann sont nés d’un seul élan durant l’année 1842 et sont regroupés en un opus (41), en écho au triptyque (opus 44) composé quatre ans plus tôt par son ami Mendelssohn. Qui plus est, leur durée correspond idéalement à celle d’un disque (bien rempli). Les frères et sœur américains du Quatuor Ying convainquent moins par leur performance instrumentale, parfois sujette à caution en justesse comme en sonorité, que par leur interprétation, fervente, mordante et chaleureuse (Sono Luminus DSL-92184). Exactement à l’opposé, le jeune Quatuor Hermès, premier prix aux concours de Lyon (2009) puis (ex æquo) de Genève (2011), après un premier disque il y a trois ans chez Nascor, rejoint ici La Dolce Volta: la réalisation est certes soucieuse d’exactitude, avec des textures dont la finesse confine à la ténuité, mais la flamme et l’urgence font trop souvent défaut (LDV 17). SC




Le Quatuor Chiaroscuro encore trop tendre





Troisième disque pour le Quatuor Chiaroscuro, jeune ensemble formé en 2005 autour de la volonté de faire vivre le répertoire classique sur instruments d’époque. Fil conducteur de ces trois disques, les Quatuors dédiés à Haydn de Mozart, dont l’un d’eux est chaque fois enregistré en miroir avec une œuvre postérieure, de Schubert, Beethoven ou Mendelssohn (Quatuor en la mineur – pour le présent disque. Œuvres fondatrices du prodige autrichien, ces quatuors partagent – avec l’Opus 33 de son ami Haydn – la volonté d’équilibrer les quatre voix pour ne plus privilégier les seuls premier violon et violoncelle. Las, en ce répertoire très couru, les Chiaroscuro n’apportent pas grand-chose de neuf, si ce n’est une langueur trop rébarbative pour convaincre dans la durée. Fondée sur une absence de vibrato, cette vision déçoit aussi bien dans Mozart que dans le jeune Mendelssohn, qui aurait bénéficié plus encore d’un chant radieux et d’une vaillance dans les oppositions entre les instruments. Une vision malheureusement trop prudente, trop tendre pour nous emporter (Aparté AP92). FC




Actualité des Concertos pour piano de Mozart


         


            


         


         


De nouveautés en rééditions, d’intégrale en versions isolées, de parutions monographiques en couplages, ainsi va l’actualité discographique des Concertos pour piano de Mozart.
Profil réédite l’intégrale (déjà reprise de l’éditeur Calig voici dix ans) réalisée en concert entre novembre 1997 et juin 1998 par Rudolf Buchbinder (né en 1946). Omettant, comme c’est souvent le cas, les quatre premiers concertos (qui ne sont en réalité que des pastiches) ainsi que les concertos pour deux et trois pianos, il ajoute en revanche à ces vingt-et-un concertos le Rondo en ré (mais pas le Rondo en la). A l’image d’un Brendel, le pianiste autrichien s’est fait une spécialité du répertoire viennois, ayant même enregistré des versions isolées de certains des concertos sous la direction d’Harnoncourt (Sony) ou de Marriner (EMI), ou bien, en vidéo, seul à la tête du Philharmonique de Vienne (EuroArts). Ici, il dirige du piano l’Orchestre symphonique de Vienne, plus probe qu’étincelant, à l’unisson d’une approche un peu trop sage. Non pas que les musiciens restent précautionneusement et respectueusement en retrait de la partition, qu’ils abordent avec franchise, pas du tout du bout des doigts, et que le soliste enrichit d’ornements futés et de cadences originales. Mais le résultat traduit davantage un métier irréprochable que l’inspiration, le naturel et la poésie, parfois même jusqu’à une certaine sécheresse dans les mouvements lents. Un peu courte pour rendre pleinement justice à la bonne quinzaine de très grands concertos de ce corpus, cette conception est néanmoins défendue de bout en bout avec une parfaite cohérence (coffret de neuf disques PH14003).
Bonne idée que d’avoir permis à François Dumont (né en 1985), qui s’est notamment fait connaître par une intégrale des Sonates de Mozart (Anima Records), de publier deux concertos, le Neuvième «Jeunehomme» et le Vingtième, ce dernier avec des cadences de Bruno Pietri, intéressantes mais stylistiquement décalées (notamment celle de l’Allegro initial). Ne surjouant pas le pathos dans ces pages abordant souvent les tonalités mineures, le pianiste français, visiblement soucieux d’équilibre, concilie volontarisme et réflexion, mettant également à profit un jeu très varié. Le polissage instrumental de l’Orchestre symphonique de Bretagne, pour son premier disque sous sa propre étiquette, n’est pas tout à fait abouti, mais la direction sans vains artifices de Julien Masmondet (né en 1977) offre au soliste un soutien aussi solide qu’attentif (OSB Productions 10001).
Abordant eux aussi ces deux mêmes concertos, deux autres pianistes réussissent nettement moins bien. Dans le Neuvième «Jeunehomme», la Russe Ekaterina Litvintseva (née en 1986), enregistrée en public, minaude et tricote méticuleusement les traits: ce piano maigrelet et sans grâce est hélas à l’unisson de l’orchestre – acidité des cordes, laideur des hautbois –, la Philharmonie classique de Bonn, fondée en 1986 (mais dès 1968 sous un autre nom) par Heribert Beissel (né en 1933), dont la direction est, au demeurant, raide et nerveuse. Les défauts ressortent encore plus dans le Douzième, où l’accompagnement est réduit aux seules cordes (Profil Hänssler PH14047). Dans le Vingtième, le Liechtensteinois Andreas Domjanic (né en 1995) est plus neutre et ne parvient pas à captiver l’attention, avec à ses côtés une Philharmonie wurtembergeoise de Reutlingen aux timbres pas très bien dégrossis et aux couleurs un peu ternes, sous la direction de Johannes Klumpp (né en 1980), par ailleurs Chefdirigent et directeur artistique de l’Orchestre de chambre Folkwang d’Essen. Le couplage est plus étonnant dans son choix – le Concerto de Grieg – que marquant dans sa réalisation – un premier degré sans extravagance, mais qu’un engagement sincère sauve de la routine (SACD hybride Ars Produktion ARS 38 160).
L’Allemande Margarita Höhenrieder (née en 1956) a également opté pour un couplage inhabituel, en l’occurrence l’autre grand Concerto en la mineur du répertoire romantique, cela de Schumann, dans un programme bien pensé, puisqu’il associe Mozart à Chopin, grâce à ses Variations sur «Là ci darem la mano», et à Schumann, qui livra à propos de cet opus 2 du compositeur polonais un célèbre dithyrambe qui s’achevait sur ces mots: «Chapeau bas, messieurs, un génie». Le résultat est malheureusement très éloigné de ces promesses, et il faut ainsi attendre le Finale du Vingt-troisième de Mozart pour échapper aux effets soporifiques de l’interprétation. Les choses empirent dans Schumann, toujours aussi lourd, la pianiste désarticulant en outre la partition par son phrasé erratique. Déjà associée à Fabio Luisi (né en 1959) en DVD pour le Premier de Beethoven (EuroArts), elle ne renoue pas cette fois-ci avec la Staatskapelle de Dresde, dont il était alors le directeur musical, mais avec le Symphonique de Vienne, dont il fut le Chefdirigent de 2005 à 2013 et dont les bois se révèlent d’une laideur confondante. Les Variations de Chopin apparaissent comme les seules rescapées de ce disque, qui, nonobstant l’absence de précisions de la notice sur ce point, donne l’impression d’avoir été capté en public (Solo Musica SM 189).
Autre couplage opportun, celui du Vingt-quatrième avec le Troisième de Beethoven, qui, au-delà même de sa tonalité d’ut mineur, entretient une filiation quasi explicite avec l’œuvre de son aîné. Dans Mozart, Yevgeny Sudbin (né en 1980) déploie, avec ses propres cadences (très personnelles, à la Rachmaninov), une belle autorité, une richesse de climats, une sonorité magnifique et un style volontiers romantique, inventif, fantasque et risqué. Il retrouve des partenaires imaginatifs et motivés, tout aussi attachés à renouveler l’approche de l’œuvre, Osmo Vänskä (né en 1953) et son Orchestre du Minnesota, avec lesquels il avait déjà publié les deux derniers concertos de Beethoven chez le même éditeur: une créativité qui, si elle est partagée, ne s’en révèle pas moins parfois déroutante, comme cet accord de quarte et sixte de l’orchestre tenu, diminuendo, durant toute la cadence du Finale (SACD hybride Bis BIS-1978).
Déjà rencontrés au fil de cet itinéraire mozartien, les Douzième et Vingt-troisième ne bénéficient pas d’un apport décisif sous les doigts de la Croate Matea Leko (née en 1972), au jeu très propre mais assez scolaire. L’oreille est davantage attirée par l’accompagnement, vif et clair, de format réduit à la manière «baroque» (quatorze cordes), celui de l’Orchestre de chambre de la cour palatine, avec son Chefdirigent depuis 2013, le Suisse Johannes Schlaefli (né en 1957). La formation est l’héritière des musiciens de Mannheim, dont l’un des compositeurs attitrés fut Ignaz Holzbauer (1711-1783), Kapellmeister à partir de 1735: en complément, le programme comprend l’une de ses plus de deux cents Symphonies, l’Opus 4 n° 3 (1769), pleine de dynamisme et de surprises, avant même les effets spéciaux de son finale La tempesta di mare (SACD hybride Ars Produktion ARS 38 167).
Enfin, le pianiste allemand Andreas Frölich (né en 1963) a choisi deux concertos relativement négligés, le Sixième et le Treizième, mais bien que desservi par un instrument un peu clinquant et se laissant parfois aller au maniérisme d’un jeu détaché ou perlé, il maintient constamment l’intérêt et l’animation. Il est entouré de partenaires particulièrement affûtés, l’Orchestre philharmonique national d’Arménie, avec son chef principal et directeur artistique depuis 2000, Eduard Topchyan (né en 1971). Sa direction sans chichis ni arrière-pensées caractérise parfaitement les deux ouvertures (Les Noces de Figaro et Don Giovanni) qui complètent ce disque réjouissant de conviction et de dynamisme (Oehms Classics OC 1806). SC




Le Mozart chambriste de David Grimal





Enregistrés par David Grimal et son ensemble Les Dissonances à l’occasion du cycle «Mozart enfant» donné à la Cité de la musique l’an passé, les cinq Concertos pour violon sont édités sous la forme d’un livre luxueux, comprenant également un DVD du concert du 1er mars 2014. L’intérêt de cette nouvelle intégrale est de revenir sur la rigidité des interprétations dites «authentiques» pour offrir une liberté propre à l’époque de Mozart. Instruments anciens et modernes mélangés, nouvelles cadences dues à Brice Pauset, le ton est donné autour d’un effectif réduit à seulement quinze cordes. L’optique très vive dans les mouvements rapides est particulièrement réussie dans les rondos, attaqués sans ménagement, en un élan généreux. Mais ce sont surtout les mouvements lents qui étonnent par leur respiration en contraste, finement ouvragés, même si l’on aurait aimé davantage de couleurs dans l’orchestre. Le violon de David Grimal compense cette relative faiblesse par un bel engagement, ainsi qu’une constante volonté de variété dans les phrasés. Une intégrale qui ne vient cependant pas bouleverser la discographie pléthorique de ces œuvres, et ce d’autant que la prise de son déçoit par sa sécheresse, en une réverbération quasi nulle (Dissonances Records LD006). FC




Eté 1961 à Bayreuth: Sawallisch et sa Vénus noire





Revoici le fameux Tannhäuser de l’édition 1961 à Bayreuth, et sa distribution hors du commun – jusque dans les seconds rôles: le Hermann de Josef Greindl, le Walther de Gerhard Stolze, le Biterolf de Franz Crass, le Reinmar de Theo Adam... Une production demeurée célèbre pour sa Bacchanale (chorégraphiée par Maurice Béjart) et la couleur de sa Vénus – ce que le disque ne donne pas à voir! Reste le plaisir de réentendre le Tannhäuser de Wolfgang Windgassen (épuisé mais héroïque– débordant d’énergie, celle du désespoir) et le Wolfram de Dietrich Fischer-Dieskau (presque hautain, mais d’une précieuse musicalité), voire l’Elisabeth de Victoria de Los Angeles (à la droiture tranchante et sèche) et la Vénus de Grace Bumbry (auguste et plutôt bien chantante). Wolfgang Sawallisch (1923-2013) est à la manœuvre, mettant le feu à la partition de Wagner sans jamais en désorganiser les lignes – par une battue habile quoique de moins en moins captivante au fil des actes... Un document précieux mais pas indispensable –notamment en raison d’une captation sonore médiocre (coffret de trois disques Myto Historical Line 00291). GdH




Les Bacchantes de Wellesz





A Vienne dans les années 1930, Egon Wellesz (1885-1974) était l’un des compositeurs les plus en vue et la création de ce qui allait être son dernier opéra, Les Bacchantes en juin 1931 fut un événement important pour les mélomanes. Malheureusement, advinrent l’Anschluss, l’exil, la guerre, le bouleversement du monde musical et un oubli relatif. Son opéra n’a été enregistré que deux fois, la seconde en 1999 sous la baguette de Gerd Albrecht (Orfeo). La présente version est une réédition d’une réalisation viennoise qui eut lieu en juin 1960. Miltiades Caridis dirige le Chœur et l’Orchestre symphoniques de la Radio de Vienne. Le livret établi par le compositeur se fonde sur la pièce d’Euripide et relate en deux actes le retour de Dionysos à Thèbes et sa vengeance du roi Penthée, qui avait interdit son culte, dans le but philosophique de condamner les comportements excessifs de tout bord et de prôner la juste mesure. Huit solistes sont réunis, dont le ténor Fritz Uhl et le baryton Paul Schöffler, qui interprètent respectivement Penthée et Dionysos. Le style de Wellesz devait beaucoup évoluer après la guerre mais pour cet opéra, il se situe encore dans la lignée des œuvres tonales ou chromatiques de R. Strauss ou de Schönberg (auprès de qui il étudia) et l’opéra déferle avec une énergie noire, éloquent et expressionniste jusqu’à la furie, avec quelques rares instants lumineux. La prise de son manque de clarté et de profondeur mais la prestation est un véritable témoignage historique. L’éditeur propose en prime deux arias avec orchestre de Wagner et cinq lieder avec piano – trois de Schubert, un de Loewe et un de Schumann – chaleureusement interprétés par Schöffler (double album Myto Historical Line 00331). CL




Christopher Nupen ne dévoile pas Kissin





Disons les choses clairement: ce DVD, déjà paru il y a quinze ans chez RCA, est une occasion ratée de lever le voile sur la vie, la psychologie et l’art singulier d’Evgeny Kissin (né en 1971). Intitulé Le Don de la musique, le documentaire de Christopher Nupen se contente d’un portrait convenu du virtuose russe, principalement filmé en train de conter des souvenirs ou d’illustrer au piano ses centres d’intérêt musicaux. Presque aucun regard extérieur ou aucune analyse critique ne vient approfondir, contredire ou décrypter l’autoportrait que l’interprète – avec sa pudeur et sa rigueur naturelles – dessine de lui-même. Le tout est enrobé d’un texte lu et écrit par le réalisateur qui, ce faisant, partage davantage son amour pour le natif de Moscou qu’il ne contribue à éclairer les ressorts de son approche musicale. Le DVD est complété par des extraits d’un concert marathon – plus spectaculaire qu’inoubliable à dire vrai (...là où le producteur cherche à nous vendre «un événement historique») – donné par Kissin au Royal Albert Hall en août 1997 et au cours duquel les bis plurent: Haydn, Liszt, Chopin, Beethoven... La musique est belle. Les images sont riches et parfois rares. Mais le portrait reste trop lisse (The Christopher Nupen Films A 18 CND). GdH




Rolle: des motets minimalistes





CPO poursuit l’exploration de l’œuvre d’un compositeur encore largement inconnu, Johann Heinrich Rolle (1716-1785), déjà enregistré chez le même éditeur en 1997 avec son Oratorio de Noël, puis par deux fois en 2008 chez Capriccio avec l’excellent Hermann Max à la baguette. On retrouve cette fois un double disque consacré à trente-et-un motets du compositeur allemand. On ne sait ce qui a conduit à l’édition de deux sessions d’enregistrement qui datent de 2004 et 2006, mais force est de constater que le Chœur de chambre de Michaelstein (Saxe-Anhalt), sous la direction de Sebastian Göring, n’est pas le meilleur d’Allemagne. D’une vingtaine de chanteurs pour les motets gravés sur le premier disque, l’interprétation est réduite à dix chanteurs pour le second. L’un des principaux problèmes de cette gravure est la captation de l’orchestre, réduit à cinq musiciens, presque inaudible en arrière-plan. Ainsi mis à nu, les chanteurs laissent entrevoir certaines approximations au niveau de la justesse, principalement parmi les sopranos. On note aussi des graves par trop discrets, conduisant à un déséquilibre certain dans l’interprétation. Dommage, car ces œuvres charmantes se laissent écouter sans déplaisir (777 778-2). FC




Actualité des Sonates de Scarlatti


         


       


         


         


Certains y viennent, au piano ou même à l’accordéon, d’autres y reviennent: voici huit nouveautés montrant que les Sonates de Scarlatti, seules ou assorties de couplages parfois inattendus, continuent d’offrir un vaste champ d’exploration aux méthodiques lancés dans une intégrale comme aux butineurs choisissant parmi ces 555 petits bijoux.
A tout seigneur, tout honneur: il convient donc de commencer par les intégrales. Celle en cours chez Tacet est l’entreprise d’un seul homme, Christoph Ullrich (né en 1959), qui, après une première parution consacrée aux quarante-deux premiers Essercizi, en vient directement au... onzième volume (Sonates K. 358 à K. 387): le projet vise à «coller» aux recueils publiés du vivant du compositeur, par groupes de trente sonates, ce qui suscite d’emblée la frustration du simple point de vue de la durée (environ 100 minutes seulement pour ce double album). En outre, et surtout, le caractère systématique de l’entreprise semble hélas rejaillir sur l’interprétation, mue par une mécanique aussi solide qu’imperturbable, très homogène mais prudente et guère stimulante, dans cette musique qui appelle bien davantage de fantaisie, d’autant que ce groupe de sonates ne comprend guère de «tubes» (hormis la fameuse K. 380 en mi) ni de révélations (Tacet 212). Chez Naxos, l’interprète ne risque pas la lassitude, dans la mesure où l’intégrale, dont les volumes successifs font complètement fi de l’ordre des sonates, et même simplement de l’assemblage par couples ou par triplettes que fait apparaître le catalogue de Kirkpatrick: parvenue à son quinzième tome, elle est en effet à son... quinzième pianiste. Orion Weiss (né en 1981) donne un aperçu plutôt encourageant de ce travail collectif: le pianiste américain ne tire pas la couverture à lui, tant s’en faut – et ce n’est sans doute pas ce qui lui est demandé ici. Mais si la personnalité s’efface, le propos n’est nullement éteint et, dans un choix de dix-neuf sonates complètement éparpillées et dans le désordre, n’omet pas de faire scintiller quelques perles méconnues, comme la K. 365 en fa mineur (8.573222).
La plupart des artistes préfèrent cependant opérer une sélection: s’ils s’accordent ainsi une carte blanche, force est de constater qu’ils entretiennent des affinités inégales avec cet univers si particulier. Il est vrai que certains d’entre eux semblent chercher à se démarquer à tout prix et, là, ça passe ou ça casse. Ca passe pour Boris Bloch (né en 1951), qui a enregistré en public à Dortmund dix-sept sonates (parfois assemblées par paires ou tonalités), sur l’un des Steinway joués par Horowitz lors de ses dernier récitals européens. Non content de cet écrasant patronage, le pianiste russo-ukrainien (émigré en Allemagne depuis plus de quarante ans) se revendique aussi de Mario Tipo. S’il se rapproche peut-être plus de la seconde que du premier, voici enfin un Scarlatti personnel, risqué, décoiffant et rudoyé, acéré voire acide et décapant. Guère consensuel, avec une frappe parfois trop dure, l’ensemble est diablement tonique et inventif, et même la réécriture de la K. 20 se situe tellement dans l’esprit qu’elle ne choque nullement, bien au contraire (Ars Produktion ARS 38 506). Ca casse en revanche son compatriote Igor Kamenz (né en 1968): il aurait sans doute fallu prendre comme un avertissement la photo de couverture de l’album, où le pianiste (et chef d’orchestre) fait mine d’être plongé dans un sommeil bienheureux, car la lenteur qu’il impose dans la plupart des dix-huit sonates de son programme risquerait de plonger l’auditeur dans un profond sommeil s’il n’était en même temps soumis à un maniérisme insupportable, à un romantisme déplacé et à une surcharge d’affects, que ne compensent pas quelques sonates de tempo plus vif, mieux venues, capricieuses et fantasques (Naïve V 5399).
Et maintenant, «les poètes parlent», pour paraphraser Schumann. Car c’est bien dans cette catégorie que se rangent les deux pianistes suivants, à commencer par Anne Queffélec (née en 1948). Aînée de cette confrontation, elle revient à Scarlatti, auquel elle avait consacré, chez Erato, son tout premier disque, voici près de cinquante ans. Elle n’en conserve qu’une sonate (K. 27) et en propose donc dix-sept nouvelles, au demeurant pas parmi les plus jouées: ceux qui détiendraient le premier album seront d’autant moins dissuadés d’acquérir le nouveau qu’il émane de celui-ci, judicieusement intitulé «Ombre et lumière», une subtile mélancolie qui était déjà celle, dans un tout autre répertoire, de son précédent récital «Satie et compagnie». Nulle complaisance dans cette attitude, pour autant, avec un toucher net qui sait aussi s’attendrir, une fantaisie plus versatile qu’arbitraire et un ton quelquefois franchement affirmatif (Mirare MIR 265). Chez Irakly Avaliani (né en 1950), le poète, d’un calme souverain mais pas alangui, atteint à une spiritualité et une profondeur rares. Dans ces seize sonates (regroupées par tonalités), le pianiste géorgien laisse aussi s’exprimer la tendresse et la créativité, avec un grand sens de la mesure. Dommage que le Fazioli paraisse enrhumé, peut-être en raison d’une prise de son mate et confinée (Sonogramme SNG-13-IA-07).
Place aux originaux, pour conclure. David Greilsammer (né en 1977), fidèle à ses concepts polychroniques (voir ici), a choisi cette fois-ci d’associer – et même de faire alterner sans solution de continuité – huit très célèbres sonates de Scarlatti et huit des pages homonymes extraites des Sonates et Interludes de Cage. Pourquoi pas, car la forme (AABB) et la durée en sont comparables, de même, sans doute, qu’un certain plaisir digital et une manière de faire surgir la poésie au détour des notes. C’est cependant pour Cage bien davantage que pour Scarlatti qu’on acquerra ce disque, car le maniérisme du pianiste israélien s’y révèle bien trop agaçant et présomptueux, à force de narcissisme, d’ornements et même de détournements de la partition (Sony 8888376402). Sur le papier, Janne Rättyä (né en 1974) est plus iconoclaste, puisqu’il a transcrit pour accordéon seize sonates, rassemblées par tonalité. Le Finlandais, qui, chez le même éditeur, possédait déjà Bach à son actif (Variations Goldberg, Inventions), travaille certes lui aussi beaucoup le texte, mais à la différence de Greilsammer, la motivation ne semble pas en être seulement de se faire plaisir: il s’efforce ainsi d’adapter le phrasé à l’instrument, sans tenter d’en dissimuler le caractère, voire les faiblesses au regard de la partition originale pour clavier. Le résultat est splendide d’intelligence musicale, et comment rester insensible à des tours de force tels que la restitution de l’écriture contrapuntique de la fugue (dite «du chat») de la K. 30? (Ondine ODE 1232-2). SC




La rédaction de ConcertoNet

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com