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CD, DVD et livres: l’actualité de janvier
01/15/2013




Les chroniques du mois




 Sélectionnés par la rédaction


    Laurent Wagschal interprète Emmanuel


    Le Tour d’écrou à Glyndebourne


    Tempus Perfectum: Szymanowski et Elgar


    Les 50 ans de Musiques Nouvelles


    Hannu Lintu dirige Enesco




 Oui!

Le surnaturel sur la scène lyrique
Boris Giltburg interprète Prokofiev
Dimitri Tcherniakov met en scène Wozzeck au Bolchoï
Stanislaw Skrowaczewski dirige Brahms
Loïc Mallié improvise sur Wagner
Julie Boulianne et l’Ensemble Orford interprètent Mahler
Pierre Fournier interprète Lalo et Saint-Saëns
Racha Arodaky interprète Bach
Guide de la zarzuela par Pierre-René Serna
Jean-Efflam Bavouzet interprète Debussy
Juanjo Mena dirige Weber
Nicolas Couton dirige Rabaud
Adrian Adlam et Thomas Hell interprètent Bartók
Florian Uhlig interprète Schumann
Valery Gergiev dirige Don Quichotte
Nora Gubisch et Alain Altinoglu interprètent Ravel




 Pourquoi pas ?

«Nuit française» à la Waldbühne avec Georges Prêtre
Bo Holten dirige Rovsing Olsen
Sergiu Celibidache dirige Brahms
Klaus Tennstedt dirige Brahms
Récital de Romain Hervé
Récital de Valentina Lisitsa
Christoph Gedschold dirige G. Schumann
Joseph Rassam à l’orgue Cattiaux d’Amilly
Wagner sur un orgue à rouleaux Welte-Philharmonie
Les cornistes du festival de Bayreuth interprètent Wagner
Nathalie Manfrino chante Massenet
Musique française par le Duo Bard
Jean-Efflam Bavouzet interprète Beethoven
Récital de Georgy Tchaidze
Richard Kaufman dirige Tiomkin
Martin Helmchen interprète Schumann
Valery Gergiev dirige Elektra
Adám Fischer dirige Mozart
Musique anglaise par l’ensemble Musicall Humors




Pas la peine
Lohengrin à Bayreuth (2011)
Récital de Maxime Zecchini
Hyo Joo Lee interprète Beethoven et Schumann
«The Concerto Köln Christmas Album»
Le Duo Eckerle interprète Schumann




Hélas!
Le Quatuor Wieniawski interprète K. Meyer








Le match du mois


         
Symphonies de Brahms: Celibidache, Skrowaczewski ou Tennstedt?





En bref


Wagneriana
Gergiev de l’Atlantique (Elektra) à l’Oural (Don Quichotte)
Mahler en version de chambre
Beethoven-Debussy: Bavouzet, roi des intégrales
La zarzuela de Z à A
Les plaisirs ravéliens de Nora Gubisch et Alain Altinoglu
La sempiternelle déploration de Krzysztof Meyer
Bartók apollinien et virtuose
Les tableaux d’Hugues Dufourt
Première pour la Seconde Symphonie de Rabaud
Tiomkin, le Cyrano de Hollywood
Musique anglaise dans l’Oregon
L’orgue Cattiaux d’Amilly en majesté
L’éclairante et rassurante présence de Racha Arodaky
Piano romantique: les trentenaires au clavier
Adám Fischer: après Haydn, Mozart
Pianistes allemands dans Schumann
Schumann (mais pas Robert)
Pierre Fournier, légende du violoncelle français
Musicall Humors: «Infernum... In Paradise»
Weber symphoniste
Georgy Tchaidze, pianiste russe dans l’écurie Honens
«Pas de deux» pour un duo
Les «Méditations» de Nathalie Manfrino
Sacher: l’héritage d’un grand commanditaire
Noël à Cologne
Hyo Joo Lee: un essai à transformer





Wagneriana


                       

                 


Depuis Lavignac, on sait bien qu’«on va à Bayreuth comme on veut: à pied, à cheval, en voiture, à bicyclette, en chemin de fer, et le vrai pèlerin devrait y aller à genoux», mais le bicentenaire Wagner permettra sans nul doute d’en savoir davantage sur le retour du temple qu’il avait lui-même édifié, autant de Souvenirs de Bayreuth qu’évoquaient avec humour Fauré et Messager. Voici par exemple, dans un double album constituant le cinquième volume de la collection «The Britannic Organ» chez Oehms Classics et assorti d’une notice extrêmement détaillée, ce qu’ont ramené de la «Colline verte» les organistes du début du siècle passé, au travers d’originaux ou copies de rouleaux de la société Welte (Fribourg-en-Brisgau) confectionnés entre 1913 (à l’occasion du centenaire) et 1925 à destination de salles ou de riches mélomanes équipés d’un orgue mécanique et restitués ici sur un Welte-Philharmonie conservé en Suisse au musée des automates à musique de Seewen, dont les archives comprennent soixante-quatre enregistrements dédiés à Wagner. Seize d’entre eux permettent d’entendre des préludes (on pourra même comparer deux visions de celui du premier acte Lohengrin), ouvertures et scènes extraits de ses principaux opéras (dont un large extrait du second tableau du premier acte de Parsifal improprement présenté comme étant La Cène des apôtres) mais aussi un des Wesendonck-Lieder et la rare autant que superflue Marche d’hommage à Louis II. Outre six organistes dont l’art a été ainsi immortalisé (les Américains Samuel Atkinson Baldwin et Clarence Eddy, les Britanniques Harry Goss-Custard et Edwin H. Lemare ainsi que les Allemands Kurt Grosse et Thaddäus Hofmiller), la sélection comprend également l’Autrichien Emil Paur, à partir d’un enregistrement effectué au piano, et cinq rouleaux gravés directement par des techniciens particulièrement doués, dont Michael Welte et Franz Xaver Franz. Malgré des registrations carillonnantes parfois incongrues, les transcriptions sont remarquablement fidèles aux originaux et cette étrange résurgence du passé ne laisse pas de fasciner (OC 844). Plus près de nous, Loïc Mallié (né en 1947), titulaire du Cavaillé-Coll de la Trinité depuis 2011, offre sur celui de la Madeleine et sous le titre «Retour de Bayreuth», onze improvisations sur des thèmes de Wagner, enregistrées en 1998. Partant du choral chanté au début du premier acte des Maîtres chanteurs (qui constitue en même temps la seule intervention de l’orgue dans l’œuvre de Wagner), il a étendu son choix à des leitmotive tirés des autres opéras. Ce n’est évidemment pas ici le registre de la paraphrase, et encore moins celui de la transcription, car ces pièces de durée (2 à 14 minutes) et de caractère fortement contrastés (de l’Humoresque à la Marche funèbre), plutôt que de s’aventurer dans une périlleuse rivalité avec les sortilèges de l’orchestre wagnérien, expriment peut-être surtout le plaisir délicieusement pervers d’entendre les plus célèbres motifs d’un compositeur emblématique de la germanité récupérés et travestis sous les somptueux habits de la grande tradition française de l’orgue symphonique. S’ouvrant sur un texte de l’interprète («Improviser sur Richard Wagner»), la notice comprend en outre un passionnant article de Vincent Genvrin et Philippe d’Anchald sur Wagner, l’orgue et les organistes français (Hortus 917). Enfin, Acanta réédite un enregistrement quasi trentenaire des huit cornistes du festival de Bayreuth qui, emmenés par Gerd Seifert (né en 1931), membre de l’Orchestre du festival dès 1961 et soliste au Philharmonique de Berlin de 1964 à 1996, donnent quatre «fantaisies» sur des opéras de Wagner. Sur le même modèle (pot-pourri de scènes thèmes d’une durée d’environ un quart d’heure chacun), trois sont dues au corniste autrichien Karl Stiegler (1876–1932), soliste du Philharmonique de Vienne de 1906 à 1932 (sur Lohengrin, Tristan et Siegfried – de fait, davantage Le Crépuscule des dieux), la quatrième (sur L’Or du Rhin) au quatrième corniste de l’octuor, Manfred Klier (né en 1935), également issu des rangs berlinois. La perfection instrumentale est donc de mise, mais hormis sans doute pour les spécialistes de l’instrument, c’est plutôt d’une curiosité qu’il s’agit ici (233597). SC




Gergiev de l’Atlantique (Elektra)... à l’Oural (Don Quichotte)


        


Valery Gergiev est à l’honneur dans deux intégrales d’opéra captées en public. Enregistrée au Barbican en janvier 2010, l’Elektra de Strauss donnée avec le Symphonique de Londres vaut surtout pour l’Oreste sombre et ardent de Matthias Goerne, mais souffre de l’Electre étranglée et au vibrato presque insupportable de Jeanne-Michèle Charbonnet (qui s’époumone dans le grave, s’enlaidit dans le medium, hurle dans l’aigu). Si Angela Denoke fait illusion en Chrysothémis (loin d’avoir, malgré une technique précise et quelques aigus saisissants, la pureté requise), Felicity Palmer parvient à effrayer en Clytemnestre (dont elle possède les graves mais pas tous les aigus). La direction d’orchestre est très inégale, parfois sans âme et manquant de l’énergie du théâtre (... on sent la version de concert montée à partir de plusieurs prises), parfois fabuleuse de dynamisme et luxueuse dans les détails comme dans les inflexions rythmiques (la scène avec Oreste). Il faut dire que l’orchestre impressionne par son déchaînement virtuose, sachant rester souple et précis malgré une battue infernale (LSO Live LSO0701). A l’autre bout de l’Europe, Gergiev choisit en mai 2011 le Mariinsky pour graver Don Quichotte. En grand interprète de Massenet, il passe de la tendresse à l’emphase avec une égale réussite et un goût très sûr, jouant de la richesse des timbres et de l’ivresse des rythmes. Les ensembles choraux du Mariinsky épatent par leur idiomatisme et leur souplesse, alors qu’Anna Kiknadze et Andrei Serov se révèlent en Dulcinée et Sancho Pança (malgré l’exotisme de certaines interventions). Mais dans l’imposant rôle-titre, Ferruccio Furlanetto n’est malheureusement ni Chaliapine, ni van Dam... luttant avec une émission pâteuse et une diction brouillonne. Il parvient pourtant à émouvoir – par sa faiblesse même – «Quand apparaissent les étoiles» (Mariinsky MAR0523). GdH




Mahler en version de chambre





Si, en 2010 et 2011, les célébrations Mahler se sont montrées généreuses avec les grandes phalanges orchestrales, elles ne devraient pas pour autant occulter un autre aspect de l’héritage du compositeur, les transcriptions pour effectif réduit, tant il est vrai que son écriture relit d’originale manière les codes de la musique de chambre. L’enregistrement de l’Ensemble Orford paru chez ATMA vient opportunément le rappeler. Les Chants d’un compagnon errant arrangés par Schoenberg font entendre une extraordinaire économie expressive, comme si le disciple avait exhumé l’essence de ces pages de jeunesse qui semblent alors si proches de la maturité et de la retenue des dernières œuvres – on songe au Chant de la Terre et à la Neuvième Symphonie. La netteté de la battue de Jean-François Rivest comme celle de la diction de la mezzo québécoise Julie Boulianne (née en 1978) s’inscrivent remarquablement dans cet esprit. On pourra trouver le travail de Reinbert de Leeuw sur les Kindertotenlieder parfois un rien aseptisé, mais tout aussi admirable néanmoins. L’intérêt de cet enregistrement est également de nous rappeler les trop souvent oubliés talents de compositrice d’Alma, la femme de Mahler, avec cinq lieder, exemple raffiné d’esthétique chambriste (ACD2 2665). GC




Beethoven-Debussy: Jean-Efflam Bavouzet, roi des intégrales


        


Chandos reste fidèle à Jean-Efflam Bavouzet (né en 1962). Avec ces dix premières Sonates de Beethoven tout d’abord, début d’une intégrale placée sous le signe de la clarté digitale. Le toucher – finement ciselé (Opus 2 n° 3), alerte (Opus 10 n° 1) et surtout léger (Opus 2 n° 1) – du pianiste français sait se faire d’une grande délicatesse (Opus 10 n° 2) et aborder le texte beethovénien avec modestie et respect (Opus 14). Sa faiblesse réside, à certains moments, dans un discours qu’on peut estimer par trop timide et dans une frappe qui manque de densité, rendant le flux sonore – qui dégage parfois une grande puissance poétique (à l’image d’un sublime Largo e mesto dans l’Opus 10 n° 3 et d’un sculptural Adagio dans l’Opus 2 n° 3) – excessivement évanescent (Opus 7). Elle contribue à effacer trop vite l’empreinte laissée par cette interprétation pourtant exemplaire, à la fois pudique (Opus 13) et vive (Opus 2 n° 2). Un peu plus pudique que vive (3 CD CHAN10720). Ce mélange de vivacité et de finesse dans le toucher savait, en revanche, se faire à la fois rondeur anguleuse et délicatesse tranchante dans l’admirable intégrale Debussy (enregistrée entre 2006 et 2009 au Potton Hall de Suffolk), que Chandos réédite en un coffret au livret dense et passionnant – une élégante Collector’s Edition pour cette incontestable référence (5 CD CHAN10743). GdH




La zarzuela de Z à A





Pierre-René Serna, qui vient de publier aux PUF un Wagner pamphlétaire, nous avait invité voici quelques années à découvrir Berlioz de B à Z (Van de Velde). Chez bleu nuit éditeur, il nous propose cette fois-ci grâce à son Guide de la zarzuela une «expédition en territoire pour ainsi dire inconnu», du moins dans notre pays, pourtant voisin. Sous forme de dictionnaire inversé, de Z comme... «zarzuela» à A comme «Agua, azucarillos y aguardiente», plus d’une centaine d’articles permettront au mélomane francophone de se familiariser avec plus de cinquante compositeurs et vingt œuvres, avec en outre près de trente entrées «Esthétique et repères», où l’on trouvera bien sûr «toros» ou «livrets et librettistes» mais aussi Nietzsche («génial, impossible à classer» à propso de La Gran Vía) et Saint-Saëns («cette mine d’or qu’est la zarzuela»). Si, à la faveur de son dynamisme au tournant des XIXe et XXe, des noms comme ceux de Barbieri (Pan y toros), Bretón (La verbena de la Paloma), Giménez (La boda de Luís Alonso), Moreno Torroba (Luisa Fernanda) ou Vives (Dona Francesquita) ont franchi les Pyrénées à défaut de s’inscrire à l’affiche de nos théâtres, sait-on cependant que le genre est né en 1648 avec El jardín de Falerina et qu’il ne s’est éteint qu’en 1981 avec Fuenteoverjuna de Moreno-Buendía? Index des œuvres, des compositeurs et des librettistes, illustrations (en noir et blanc), discographie et bibliographie font de cet ouvrage de 336 pages un véritable usuel auquel une passion communicative évite toute sécheresse didactique. Exhaustif, puisque n’y manque même pas une (bonne) recette de zarzuela, «sorte de bouillabaisse qui se concocte du côté de Barcelone»... SC




Les plaisirs ravéliens de Nora Gubisch et Alain Altinoglu





A la suite de leur intégrale réussie des mélodies de Duparc, Nora Gubisch et Alain Altinoglu se réunissent autour des quatorze mélodies avec piano de Ravel écrites à partir de 1903: le délicieux cycle des Histoires naturelles, six mélodies sur des poèmes isolés, et, en point d’orgue, les troublantes Chansons madécasses avec piano, flûte (Magali Mosnier) et violoncelle (Jérôme Pernoo). A cet ensemble s’ajoutent des arrangements de style typé: Cinq Mélodies populaires grecques, Tripatos, grecque également, et les deux Chants hébraïques, dont les mélismes conviennent tout particulièrement au timbre ambré et chaleureux de la mezzo-soprano. C’est un beau programme. Poèmes en vers ou en prose, Ravel prête attention au sens et à la valeur syllabique des textes presque sur un rythme naturel de parole et le jeu d’actrice sans affects ainsi que l’excellente diction de Nora Gubisch préservent à chaque mélodie son caractère propre, notamment dans les cinq Histoires naturelles hauts en couleur. Si son vibrato est à l’occasion un peu lourd, la soprano file des aigus d’un satiné exquis. Sa voix est d’une riche sophistication qui convient à la distanciation d’un poème tel «Les Grands vents» (Régnier) mais elle sait retrouver aussi bien la légèreté riante du «Tout gai» grec que la violence en alerte de l’«Aoua» madécasse ou la douce volupté de «Nahandove». Bien plus qu’un simple accompagnement, les parties instrumentales, extrêmement variées, subtilement ravéliennes et souvent novatrices, mettent en lumière le sens profond des poèmes. Ecouter Alain Altinoglu est un plaisir en soi (Naïve V5304). CL




La sempiternelle déploration de Krzysztof Meyer





Biographe de Chostakovitch (Fayard, 1994), Krzysztof Meyer (né en 1943) n’est pas loin d’égaler, en matière de quatuors à cordes, l’objet de son étude, puisqu’il en est parvenu à son Treizième (2010), au programme, avec les Septième (1985) et Dixième (1994), du troisième volume que le Quatuor Wieniawski consacre à ce corpus chez Naxos. Toutefois, autant certains, comme Tichtchenko et Goubaïdoulina, ont su poursuivre l’œuvre de Chostakovitch tout en affirmant leur propre personnalité, autant Meyer, avec la componction académique de son compatriote Penderecki et bien loin de la profondeur ou de l’ironie grinçante du compositeur russe, déçoit et suscite l’ennui par une écriture conventionnelle et par une expression prenant sans cesse la pose de la désolation ou de la déploration (8.573001). SC




Bartók apollinien et virtuose





Le violoniste anglais Adrian Adlam (né en 1963) et le pianiste allemand Thomas Hell (né en 1970) forment depuis plusieurs années un remarquable duo et ont décidé de s’attaquer dans ce nouvel enregistrement coproduit par la Deutschlandradio Kultur au corpus de Bartók, réputé d’une grande difficulté d’exécution. Dès la Première Sonate, on est frappé par la clarté et la précision de Thomas Hell, plus français qu’expressionniste, plus raffiné que folklorique, et soutenu avec une ferme discrétion par Adrian Adlam. Cette élégance jamais énervée, comme en témoigne l’énergique Allegro final de ce premier opus, se retrouve dans un presque franckiste Andante écrit par un compositeur de vingt-et-un ans, charmante confession juvénile. Outre l’audacieuse Seconde Sonate – du début des années 1920 comme la première – le second disque fait entendre la Sonate pour violon seul écrite au soir de sa vie pour le jeune Yehudi Menuhin. Un bouleversant passage de génération sous le signe de Bach et ici décanté par l’histoire. L’urgence s’efface, l’art demeure. C’est l’enseignement des chefs-d’œuvre et nos deux musiciens les servent aussi humblement qu’admirablement. Une gravure iconoclaste envers les stéréotypes que l’on ne peut que retenir (EigenArt 10400). GC




Les tableaux d’Hugues Dufourt





Quelque peu en retrait, comme Roger Tessier, par rapport à certaines des autres figures historiques du courant spectral (Grisey, Levinas, Murail), Hugues Dufourt (né en 1943) n’en poursuit pas moins une œuvre remarquable, dont de précédents et importants jalons furent Erewhon et Saturne. Pour ce deuxième disque que Pierre-André Valade et l’Orchestre philharmonique du Luxembourg lui consacrent chez Timpani, on le retrouve dans son champ d’expérimentation favori, l’orchestre qui, selon lui, «reste encore notre meilleur synthétiseur », mais aussi pour reprendre les termes de la notice lumineuse de Martin Kaltenecker, offre une matière avec lequel sa musique entretient un «rapport intranquille», comme avec l’univers pictural, «intranquillité» qui comprend «une part de labeur, d’exténuations, de mélancolie, de pulsions destructrices». Ainsi de la «violence extrême» de Lucifer, d’après Pollock (2000), où la correspondance avec la toile (1947) du peintre américain s’exprime par 33 minutes d’éruptions intenses, somptueux chaos de paroxysmes, sans espoir d’issue ni même de rémission. C’est une peinture de Fan K’uan (Xe-XIe siècles) qui inspire Voyage par-delà les fleuves et les monts (2010), partition également d’un seul tenant et à peine moins développée (27 minutes), plus typiquement spectrale dans sa manière de travailler le son, de privilégier le timbre et de procéder par accords complexes soigneusement agencés se transformant avec lenteur (1C1195). SC




Première pour la Seconde Symphonie de Rabaud





«Envoi de Rome» créé par Edouard Colonne en 1899, la Seconde Symphonie en mi mineur (1896-1897) d’Henri Rabaud (1873-1949) n’avait jamais été enregistrée. Cet ouvrage au souffle épique et d’une grande noblesse repose sur un traitement cyclique des thèmes, ce qui lui confère sa logique formelle, sensible dans le premier mouvement. Cette musique mesurée dans ses effets, et dont certains passages s’imprègnent rapidement dans la mémoire, revêt des teintes qui rappellent Magnard. Influencé par Beethoven, le jeune compositeur veille à la structure (solide), peaufine l’orchestration (transparente) et, plus important encore, se montre inspiré – le troisième mouvement est toutefois un peu en retrait. Un chef-d’œuvre? Peut-être pas, mais une œuvre importante, sûrement. Egalement créés par Colonne, La Procession nocturne (1898) et Eglogue (1895) complètent le disque mais la version de Dervaux (EMI) reste préférable (quoique difficile à se procurer). Reste la question des interprètes: aucun orchestre français n’a-t-il accepté de se lancer dans ce projet? Bien dirigé par le peu illustre Nicolas Couton, l’Orchestre philharmonique de Sofia livre une prestation acceptable, mais il est permis de s’interroger sur ce qu’auraient réalisé un chef d’une toute autre envergure – Plasson par exemple – et un orchestre plus exceptionnel. Mais que Timpani continue à enregistrer des œuvres de ce compositeur, car même si l’on se réjouit de retrouver en mai prochain salle Favart Mârouf, savetier du Caire, l’état de sa discographie demeure lamentable (1C1197). SF




Tiomkin, le Cyrano de Hollywood





En publiant ce disque, l’Orchestre symphonique de Londres fait revivre les «Greatest film scores» de Dimitri Tiomkin (1894-1979). Immigré juif ukrainien aux Etats-Unis – après une première carrière d’interprète classique en Europe (dont il s’exila face à la montée du nazisme) –, il fit carrière à Hollywood en écrivant un nombre impressionnant de musiques de film, pour lesquelles il reçut plusieurs Oscars. Grâce au talent de l’orchestre (dirigé par Richard Kaufman lors d’un concert au Barbican fin 2011), l’habile adaptation de courts extraits (arrangés par Patrick Russ et Christopher Palmer) fait revivre les images associées aux films de John Wayne, Grace Kelly ou Sophia Loren... la notice – en anglais uniquement – étant opportunément agrémentée des affiches d’origine. Sans prétention ni monotonie, cette musique immédiatement abordable et à l’instrumentation opulente s’écoute avec le sourire. Tour à tour fièrement illustrative et haute en couleurs, d’un lyrisme généreux et d’une sensibilité chaleureuse... bref, d’une émotion toute hollywoodienne! Le style de Tiomkin s’adapte ainsi au western (Alamo, 1960) comme au péplum (La Chute de l’Empire romain, 1964), au thriller (Le Crime était presque parfait, 1954) comme à la comédie (Cyrano de Bergerac, 1950) et au drame (Le Plus grand cirque du monde, 1964), au film d’aventure (Le Vieil homme et la mer, 1958) comme de catastrophe (Ecrit dans le ciel, 1954)... (LSO Live LSO0720). GdH




Musique anglaise dans l’Oregon





Pour leur deuxième album chez PentaTone, l’Orchestre symphonique de l’Oregon et Carlos Kalmar, directeur musical depuis 2003, ont choisi le XXe siècle anglais. A Vaughan Williams (Cinquième Symphonie) et Britten (les Interludes marins et la Passacaille de Peter Grimes), déjà au programme de son premier disque, la formation de Portland ajoute Elgar, avec une robuste Ouverture Cockaigne. Une prise de son très proche et dépourvue de profondeur n’empêche pas d’apprécier la qualité et la subtilité instrumentales des musiciens ainsi que le sérieux et l’implication du chef uruguayen. Sans remettre en question une discographie assez fournie pour chacune de ces trois œuvres, l’interprétation, si elle n’est guère personnelle, demeure toujours d’excellent aloi et témoigne, malgré la crise qui a durement frappé certains orchestres, de la vitalité du tissu symphonique américain (PTC 5186 471). SC




L’orgue Cattiaux d’Amilly en majesté





On ne peut que saluer le regain d’intérêt apporté au répertoire de l’orgue, tant du point de vue patrimonial que musical. L’orgue d’Amilly, au cœur du Gâtinais en apporte un bel exemple. Dans le cadre de la rénovation de l’église Saint-Martin, il a été décidé de répondre à l’attention accordée au répertoire baroque et au très louable souhait de développer la vie musicale locale en commandant un orgue à Bertrand Cattiaux. S’inspirant des modèles d’Europe du Nord – et plus particulièrement de Frise orientale – au dix-septième siècle, le facteur français en a produit une relecture sur lequel le titulaire, Joseph Rassam, joue un programme de chorals d’Allemagne du Nord de l’époque de Buxtehude et de ses prédécesseurs (Scheidt et Praetorius, pour les plus connus). On peut ainsi apprécier des versets déclinés selon la pratique en vigueur, camaïeu d’une intériorité lumineuse par un instrument que l’on jurerait avoir été écrit pour ces pages. Marie-Claude Vallin accompagne l’organiste de son filet de voix diaphane, partenaire idoine à ce jeu clair et intelligible – nullement privilège de l’esprit français (Triton TRI3311172). GC




L’éclairante et rassurante présence de Racha Arodaky





Après un premier album consacré à Scarlatti, récemment réédité par Outhere, et un deuxième à Haendel, Racha Arodaky ne pouvait qu’en arriver, toujours chez son propre éditeur air note, au troisième des grands de 1685, Bach. Les trois premières Partitas sont ici précédées d’une «introduction» (la transcription du Largo du Concerto pour violon opus 7 n° 8 de Vivaldi) et, logiquement, suivies d’une conclusion (une transcription par la pianiste elle-même de «Suscepit Israel» du Magnificat), mais aussi séparées par des «intermèdes» (Sarabande de la Première Suite française, si proche de «Suscepit Israel», et Largo du Concerto pour clavier en fa mineur transcrit par Cortot). Il y a du Marcelle Meyer ou du Murray Perahia dans ce Bach tranquillement rhétorique mais pas pontifiant, mesuré mais parfois mutin, recueilli mais pas statufié: il est des ascendances moins prestigieuses et c’est dire que ce disque confirme l’éclairante et rassurante présence de Racha Arodaky dans ce répertoire du XVIIIe (AIR003-2011). SC




Piano romantique: les trentenaires au clavier


                      

            


Trois pianistes trentenaires explorent le répertoire romantique. Dans un programme intitulé «Génération Romantique» (un concert genevois d’avril 2007), Romain Hervé (né en 1977) affiche une sensibilité à fleur de peau. Trop peut-être pour les tenants d’un romantisme plus droit, qui jugeront excessive l’émotivité des Mazurkas opus 67 de Chopin ou du Frühlingsnacht de Schumann (transcrit par Liszt). Le pianiste français trouve pourtant la clef des Papillons (Schumann) comme celle des Variations sur «Weinen, Klagen, Sorgen, Zagen» (Liszt) – au lyrisme assuré. On regrette, en revanche, une déclamation sèche et trop heurtée et dans «La Chapelle de Guillaume Tell» de Liszt ou les Polonaises «Militaire» et «Héroïque» de Chopin (Saphir productions LVC 1179). Son compatriote Maxime Zecchini (né en 1979) s’attaque lui au répertoire pour la main gauche, avec ce premier disque d’une anthologie en trois volumes dont le plat de résistance est une «Transcription pour piano seul de Maxime Zecchini, incluant dans la main gauche la partie soliste et la partie d’orchestre du «Concerto pour la main gauche»» de Ravel... tour de force d’une vingtaine de minutes au cours duquel l’interprète expose un toucher précis mais un peu raide. Le reste du disque est d’un intérêt moindre: un Scriabine qui manque de poésie et d’opulence (pas aidé par la sécheresse de la prise de son), une Chaconne de Bach transcrite par Brahms claire mais timide, deux Etudes de Chopin transcrites par Godowski qui n’égalent pas la virtuosité d’un Ivan Ilic, trois Etudes de Saint-Saëns bien balancées mais moins rigoureuses qu’avec Geoffrey Burleson... (Ad Vitam Records AV 120915). Enfin, la médiatique pianiste d’origine ukrainienne Valentina Lisitsa (née en 1973) – révélée grâce à YouTube (et déjà signataire d’une intégrale des Sonates de Beethoven et des Concertos de Rachmaninov) – propose un récital enregistré en studio en mai 2008 (dans la Beethovensaal de Hanovre), qui vaut d’abord et avant tout pour une superbe version pour piano seul de la Totentanz de Liszt, d’une vivacité euphorique. Pour le reste, des moyens d’une puissance impressionnante sont mis au service d’un piano au legato sensible mais souvent incohérent. Beethoven est le premier à en faire les frais, avec une Appassionata trop brutale, s’emballant soudainement dans une hystérie adolescente ou outrageusement tapageuse. Si la (rare) Grande fantaisie sur des motifs du «Barbier de Séville» de Rossini de Sigismond Thalberg déploie une puissance alerte mais assez monocolore, les Scènes d’enfants de Schumann manquent de rondeur mais pas de rythme (Naxos 8.572491). GdH




Adám Fischer: après Haydn, Mozart





Après une belle intégrale Haydn (Nimbus), Adám Fischer s’attaque à Mozart, avec l’Orchestre de chambre national danois (et sous sa propre étiquette DRS), dont il est le chefdirigent depuis 1998. Mais son approche, à en juger par ce neuvième volume d’une édition qui suit la chronologie des œuvres, rappelle moins la sienne dans Haydn que celle adoptée par Thomas Fey dans son intégrale en cours d’enregistrement (Hänssler). Car l’interprétation, qui se situe bien dans l’air du temps avec ses Andante qui ne traînent pas, ses instruments «modernes» mais sans vibrato, son inlassable dynamisme et ses facéties (Menuet et Finale de la Trente-troisième Symphonie), prend parfois aussi le risque de la raideur et de la brutalité. A noter que la Trente-et-unième «Paris» est complétée par la première version de son Andante mais que la Trente-quatrième est donnée sans le Menuet K. 409 qu’il est parfois d’usage d’y intégrer (6.220544). SC




Pianistes allemands dans Schumann


                       

                


Quel que soit leur âge, les pianistes allemands continuent de jouer Schumann... Vainqueur du concours Clara Haskil en 2001, Martin Helmchen (né en 1982) dispense – dans un disque d’à peine une heure (enregistré en novembre 2011) – une frappe trop vide pour habiter avec suffisamment de substance les silences et les notes des Scènes de la forêt. Malgré la chaleur de la sonorité (notamment dans la caresse de l’«Adieu»), cette promenade purement pianistique oublie les arrières plans psychologiques. Ce style convient mieux aux Etudes symphoniques, dont Helmchen fait ressortir la richesse polyphonique par une articulation sobre et une conduite impeccable du discours (bien aidé par la prise de son du SACD). Manque là encore – ainsi que dans l’Arabesque – un brin de d’épaisseur, bref de personnalité (PentaTone Classics PTC 5186 452). Conduite avec sensibilité et pudeur, l’Arabesque de Florian Uhlig (né en 1974) révèle assurément davantage de sensibilité schumanienne – et d’expérience aussi. Quatrième volume d’une intégrale en cours, le disque du pianiste allemand (enregistré en avril 2012) se concentre sur les partitions liées à Vienne. La conduite de la ligne de chant – jamais précipitée – et de la respiration – parfois ample, parfois suffocante – se révèle partout admirable, dans le bref Blumenstück comme dans l’immense Humoresque . Une intégrale de premier choix (Hänssler Classics CD 98.650). Enfin, Naxos lance – avec un premier volume enregistré en novembre 2010 et avril 2011 par le germano-japonais Duo Eckerle – une série de sept disques consacrés aux transcriptions pianistiques de l’œuvre orchestral et chambriste de Schumann. Pas évident, pourtant, de faire vivre ces arrangements pour deux pianistes des Troisième Quatuor et Quintette avec piano, le premier (dont l’éditeur signale le tout premier enregistrement mondial) signé par Otto Dresel (et revu par le compositeur en 1852), le second par Clara Schumann en 1858. Le Quatuor se traîne et peine à trouver le lyrisme chaleureux et le romantisme fiévreux de la version originale – malgré la qualité du jeu de Mariko et Volker Eckerle. Un sentiment de vide qu’on retrouve moins dans le Quintette, même si le deuxième mouvement n’est qu’une allusion évocatrice du génie de la version avec cordes (8.572877). GdH




Schumann (mais pas Robert)





Georg Schumann (1866-1952), dont le frère Camillo (1872-1946), également compositeur, a déjà intéressé Naxos, fut directeur de la Sing-Akademie de Berlin (1900-1950) et nommé président de l’Académie prussienne des arts en 1934. Si une photo de la fin de ses jours évoque le vieux Richard Strauss, son quasi-contemporain, qui a également vécu 85 ans, sa musique reste typiquement postmendelssohnienne et se teinte volontiers de couleurs brahmsiennes, ce qui ne surprend pas de la part du successeur de Max Bruch à la classe de composition de l’Académie prussienne (1913-1945) et de l’élève de Reinecke au conservatoire de Leipzig. C’est là qu’il écrivit une Symphonie en si mineur (1887) qui, présentée l’année suivante à un concours organisé par le Konzerthaus de Berlin, triompha de cinquante-six (!) autres partitions. Publiée seulement en 2009, bien après sa Symphonie en fa mineur, pourtant plus tardive (1905), l’œuvre ne révolutionne ni la forme (quatre mouvements et une durée de près de trois quarts d’heure), ni l’écriture, d’une grande prudence, mais cette musique, si elle n’égale sans doute pas les trop méconnues Symphonies de Bruch, n’est pas exclusivement épigonale et fait valoir un charme, une subtilité et une sensibilité indéniables. cpo, qui avait déjà exhumé ses deux Trios avec piano, aura peut-être envie de faire découvrir également l’autre symphonie, curiosité que renforce l’écoute de la Sérénade (1902). En cinq mouvements assez développée (près d’une demi-heure), elle se déroule selon une sorte de programme qui se conforme à certaines figures imposées du romantisme germanique («Sur le chemin», «Apparition nocturne», «Sérénade») avant de conclure sur un Intermezzo puis un Finale. Christoph Gedschold, à la tête de l’Orchestre de la Radio de Munich, seconde formation de la Radio bavaroise dont Ulf Schirmer est le directeur artistique depuis 2006, défend de façon tout à fait convaincante la cause ce Schumann méconnu (777464-2). SC




Pierre Fournier, légende du violoncelle français





On ne présente plus Pierre Fournier (1906-1986), ce fragile titan du violoncelle qui un soir à Prades souleva une silencieuse ovation en guise d’applaudissement à la fin des Suites de Bach. L’enregistrement que publie Doron réunit le relativement méconnu Concerto de Lalo, aux puissantes fragrances exotiques voisinant avec une délicatesse chambriste (l’Intermezzo), et l’Opus 33 de Saint-Saëns, en un mouvement, mêlant de similaire manière une écriture soliste resserrée et un sens de la coloration qui transsubstantie l’héritage germanique – et pas seulement wagnérien. On reconnaîtra à l’Orchestre national de l’Opéra de Monte-Carlo une consistance animée par la baguette de Josif Conta. Mais l’originalité de la gravure tient à ses boni, transcriptions de pages célèbres, attendues – Le Cygne de Saint-Saëns ou l’Ave Maria de Gounod) – d’autres plus surprenantes pour l’instrument – un Nocturne de Chopin, où Fournier évite les facilités de la sentimentalité larmoyante (4017). GC




Musicall Humors: «Infernum... In Paradise»





Les riches heures de la Renaissance anglaise attirent de plus en plus de musiciens et de chercheurs. Julien Léonard et son ensemble Musicall Humors profitent d’une dédicace élogieuse de John Dowland (1563-1626) à Anthony Holborne (1545-1602), son aîné moins connu, pour les réunir dans un programme original d’«ayres, pavans, galliards & almains», tout en puisant aux sources anonymes. Neuf airs jalonnent un parcours équilibré de treize pièces instrumentales de la pavane Infernum de Holborne, relativement paradisiaque, à la profonde tristesse de l’air In Paradise, d’auteur inconnu. A l’origine, les airs des deux compositeurs étaient au luth et les pièces composées pour luth, pour cistre (Holborne) ou pour consort de violes mais à la publication, Dowland, pour son premier recueil de 1597, et Holborne en 1599 ont ouvert la voie à d’autres consorts instrumentaux et vocaux possibles hormis les claviers. Or, Musicall Humors est un broken consort de violes augmenté de luth et de cistre, le virginal, le clavecin ou l’orgue en continuo discret. La prestation est partout correcte et convaincue mais l’effet moins intimiste relève peut-être plutôt du baroque anglais post-Protectorat que du style élisabéthain, d’autant que le choix de partitions tout à fait légitime n’insiste pas indûment sur le trait dominant de l’époque. La mélancolie sied bien, cependant, à la voix claire d’ Eugénie Warnier, flûtée et parfois un rien pénétrante dans les airs plus vivement printaniers. Son interprétation du Farewell the bliss et In Paradise (anonymes) devient touchante et douce et If my complaints, le seul des trois airs de Dowland entre larmes et sourires, lui inspire une soyeuse délicatesse. Mis en valeur par son ornementation acrobatique des variations strophiques, le luth est encore avantagé par la prise de son (Muso mu-003). CL




Weber symphoniste





Hormis Le Freischütz, quelques ouvertures et œuvres pour clarinette, qu’entend-on régulièrement de Weber? Ses Sonates pour piano sont pourtant passionnantes et sa musique symphonique, à savoir les deux Symphonies en ut, apparues coup sur coup entre décembre 1806 et janvier 1807, mérite considération, ce que vient rappeler un bel enregistrement du BBC Philharmonic de Manchester, sous la direction de son chief conductor, Juanjo Mena (né en 1965), qui a succédé en septembre 2011 à Gianandrea Noseda. Le chef espagnol apporte tout le peps qu’appellent ces pages fraîches, simples et aimables, plus proches de Haydn, Mozart et Schubert que de Beethoven, mais auxquelles les premiers essais symphoniques de Wagner sont sans doute redevables. L’Invitation à la valse (1819) orchestrée par Berlioz (1841) et le Concerto pour basson, avec en soliste l’Ecossaise Karen Geoghegan (née en 1989), complètent avec bonheur ce disque fort plaisant (Chandos CHAN 10748). SC




Georgy Tchaidze, pianiste russe dans l’écurie Honens





Publié dans la série des disques des lauréats du concours international de piano Honens (organisé tous les trois ans à Calgary et dont ConcertoNet a déjà présenté les publications), cet album de Georgy Tchaidze (né en 1991) mérite le détour. Vainqueur de l’édition 2009, le pianiste russe expose un toucher alerte et un sens indéniable du rythme – faisant défiler en habile conteur les paysages magiques de Medtner (Quatre Skazki, opus 34), exaltant superbement le mystère et le magnétisme de l’Andante assai de la Quatrième Sonate de Prokofiev. Le disque confirme des qualités déjà repérées en concert comme au disque. Quel dommage, en revanche, que les Tableaux d’une exposition de Moussorgski manquent de puissance et surtout de grandeur – connaissant quelques chutes de tension, s’alanguissant à l’excès dans deux ou trois coquetteries hors de propos («Limoges. Le Marché»). Malgré ses efforts pour s’approprier le texte (tel ce «Cum mortuis in lingua mortua» d’un calme obsessionnel), Georgy Tchaidze livre une version de peu d’intérêt de cette partition surenregistrée. Un artiste à suivre néanmoins (201202CD). GdH




«Pas de deux» pour un duo





Voici deux sœurs qui s’intéressent au répertoire français à quatre mains ou à deux pianos: il ne s’agit cependant pas des sœurs Labèque, mais du duo formé par les Allemandes Mona et Rica Bard. Malgré son titre («Pas de deux»), leur programme n’est pas exclusivement ni même principalement consacré à la danse, mais associe l’incontournable Scaramouche de Milhaud à des raretés de Poulenc (Sonate pour deux pianos de 1953 et, plus encore, Elégie de 1959), entre lesquels s’intercale la version originale pour quatre mains de la Rapsodie espagnole et les douze petites pièces des Jeux d’enfants de Bizet. L’ensemble se tient parfaitement, mais, paraissant plus propre qu’inspiré, soulève davantage d’intérêt que d’enthousiasme (Audite 92.672). SC




Les «Méditations» de Nathalie Manfrino





Nathalie Manfrino (née en 1979) met à l’honneur Massenet à l’occasion de son centenaire. Si l’on peut discuter l’hétérogénéité apparente des pages retenues quant à leur tessiture, ce florilège présente l’intérêt de sortir des Manon et Thaïs rebattues – sans vouloir insulter leur beauté. D’aucuns jugeront la vocalité de l’interprète rétive au macroscope discographique, accentuée par la battue lente et extatique de Michel Plasson. Mais l’on ne saurait échapper à la générosité de la soprano française qui clôt son recueil avec le bouleversant finale d’Ariane, «C’était si beau, et ce n’est plus rien». On en reprendrait bien un peu avant le néant, mince consolation sans doute à la frilosité des programmateurs durant cette année commémorative, mais qui au moins restera gravée pour une concession d’éternité (Decca 476 4823). GC




Sacher: l’héritage d’un grand commanditaire





Paul Sacher (1906-1999), fondateur et chef de l’Orchestre de chambre de Bâle (1926) puis du Collegium musicum de Zurich (1941-1992), fut également un mécène et, plus particulièrement, passa des commandes à bon nombre d’éminents créateurs de son temps. Claves s’intéresse à cet aspect important de son héritage, avec deux de ses plus importantes contributions au répertoire du siècle dernier, le Divertimento, que Bartók écrivit en Suisse juste avant son exil américain, et Mystère de l’instant de Dutilleux, dont l’un des dix brefs mouvements consiste en des «Métamorphoses» sur le nom de Sacher. Ce disque de l’Orchestre de chambre de Lausanne, associé non pas à son directeur artistique, Christian Zacharias, mais à Heinz Holliger, est complété de façon fort intéressante par le Concerto pour piano (1952) de Sándor Veress (1907-1994) – le hautboïste et chef suisse, disciple du compositeur d’origine hongroise qui doit à Sacher d’avoir pu le rejoindre dans son pays en 1949, l’a d’ailleurs déjà enregistré voici quinze ans avec András Schiff en soliste (Teldec). Au-delà de leur commanditaire commun, les trois œuvres entretiennent d’autres correspondances, tenant notamment à l’influence de Bartók, tant par la combinaison des cordes et percussions que par la parenté stylistique, plus à la lettre pour Veress et davantage dans l’esprit pour Dutilleux. En dépit d’un son qui tend à devenir un peu confus dans les tutti, les interprètes donnent des versions tout à fait recommandables du Divertimento et de Mystère de l’instant, au demeurant déjà bien servis par la discographie, et, aux côtés de l’excellent Dénes Várjon (né en 1968), ont visiblement à cœur de défendre Veress. Dans la descendance de Bartók par certaines de ses tournures et un Andante central qui pourrait être tout aussi «religioso» que l’Adagio de son Troisième Concerto, son Concerto paraît néanmoins un peu bavard et impersonnel, jusqu’à un étonnant Allegro molto dont la vitalité dodécaphonique n’est pas sans évoquer Hartmann (50-1113). SC




Noël à Cologne





C’est une tradition à laquelle les éditeurs de disques ne sauraient se soustraire. Ainsi le Concerto Köln enregistre-t-il son propre album de Noël, visiblement destiné à un public anglo-saxon, à en croire son titre («The Concerto Köln Christmas Album») et les notices disponibles seulement en allemand et en anglais. Il y a bien entendu des incontournables, tels le Concerto grosso «Per la notte di Natale» de Corelli, qui sied mieux à des interprétations plus légères et ductiles – plus italiennes oserions-nous – ou encore la Sinfonia tirée de l’Oratorio de Noël de Bach. Mais tout l’intérêt de cette gravure tient sans doute à la Sinfonia pastorale de Stamitz, exemple de l’école de Mannheim, plus proche sans doute de la robustesse du Concerto Köln, ainsi qu’à la découverte d’une Sonate de Pavel Josef Vejvanovsky, compositeur de Bohème, éclatant témoignage de l’audience de la trompette dans les cours européennes au dix-septième siècle (Berlin Classics 0300276BC). GC




Hyo Joo Lee: un essai à transformer





Deuxième prix ex æquo et prix du public au concours de Genève en 2010, Hyo Joo Lee (née en 1985) se voit offrir par l’un des mécènes de la compétition la possibilité d’enregistrer un disque – pas le premier, puisqu’est déjà paru en 2005 un récital Chopin chez DiscAuvers – chez Nascor, collection qu’Ysaÿe Records dédie aux jeunes talents. Malheureusement, dans «L’Empereur» de Beethoven, la Coréenne a tout de la caricature d’une finaliste de concours, jouant certes fort bien du piano, mais dépourvue de personnalité, recherchant le consensus, rasant les murs du conformisme et, pour couronner le tout, accompagnée par un Musikkollegium de Winterthur en petite forme sous la baguette tour à tour indifférente et maniériste de Douglas Boyd, Chefdirigent depuis 2009. Rien d’étonnant, dès lors, dans les Danses des compagnons de David, à ce qu’elle demeure à la surface des jeux schumanniens d’ombres et de lumières. Bref, l’essai doit encore être transformé (NS08). SC



La rédaction de ConcertoNet

 

 

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