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Entretien avec le Trio Wanderer
11/15/2012

Vincent Coq, le pianiste du Trio Wanderer, répond aux questions de ConcertoNet à l’occasion des vingt-cinq ans de la formation qu’il a fondée avec le violoncelliste Raphaël Pidoux et le violoniste Guillaume Sutre, remplacé en 1995 par Jean-Marc Phillips-Varjabédian, anniversaire notamment marqué par la parution chez Harmonia mundi d’une intégrale des Trios de Beethoven (voir ici).



Le Trio Wanderer (© Marco Borggreve)


Le Concert Spirituel fête lui aussi cette année son quart de siècle. Répondant le mois dernier à nos questions, Hervé Niquet, fondateur de l’ensemble, s’exclamait: «Vingt-cinq ans, pétard!». Quel est votre état d’esprit lorsque vous jetez le même regard en arrière?
Nous sommes très sereins et nous n’avons pas vu le temps s’écouler. Je dois dire, même si c’est un peu un cliché, que nous préférons regarder vers l’avenir que de nous pencher sur le passé.


Comment la formation s’est-elle constituée? Comment l’idée du nom est-elle venue?
Le trio s’est formé lors d’un stage organisé à Villecroze en avril 1987dans le sud de la France, avec Roland Pidoux et Olivier Gardon comme professeurs. Nous étions déjà élèves au Conservatoire national supérieur de musique à Paris. C’est Roland Pidoux qui nous a poussé à continuer dans cette voix. Le nom du trio est venu à la suite de discussions entre étudiants au café de l’Europe, rendez-vous obligatoire des élèves du CNSM à cette époque; c’est la fille de Jean-Claude Pennetier, Lucie, que nous devons l’idée du nom du trio. Le Wanderer c’est bien sûr en hommage à Schubert mais c’est aussi l’idée d’une quête sans fin, sans but établi – un idéal artistique?


Vous souvenez-vous de votre premier concert? Où a-t-il eu lieu?
C’était le concert du stage de Villecroze en 1987, et ce devait être le Trio opus 67 de Chostakovitch.


Quels sont les enseignants qui ont collectivement marqué votre formation?
Pour la musique de chambre, c’est d’abord Jean-Claude Pennetier, un pianiste et artiste merveilleux, qui nous a accueillis dans sa classe en cycle de perfectionnement pendant deux ans. C’est avec lui que nous avons bâti notre répertoire. Nous avons ensuite travaillé en France, aux Pays-Bas et au Canada avec Menahem Pressler. C’est bien sûr une référence historique pour le répertoire du trio. Il est très directif en cours mais son énergie et sa musicalité sont tellement communicatives qu’on avait souvent l’impression de savoir enfin jouer la pièce que nous venions de travailler avec lui.
Pour les Amadeus, nous avons travaillé près de deux ans avec eux à la Hochschule de Cologne mais aussi à Londres chez Norbert Brainin, le premier violon. Là encore, les Amadeus sont un mythe de l’histoire de la musique de chambre. Le travail avec Norbert Brainin était très différent de celui avec Menahem Pressler. Imprévisibles, ces cours étaient toujours un bonheur. Je me souviens d’une leçon sur le Trio opus 8 de Brahms où il était parti dans une longue digression sur les rapports de l’individu avec la société à travers les différences entre orthodoxie et catholicisme; ou encore pour illustrer un trio de Schubert, il s’était juste mis à chanter Rosamonde pendant dix minutes. C’était un poète qui nous faisait toucher l’âme de la musique.
Il y a un point commun à ces trois personnalités, auxquelles j’ajouterai Jean Hubeau, rencontré aux master-classes de La Roque d’Anthéron, c’est le respect des œuvres, l’honnêteté artistique, ne pas se servir de la musique mais la servir.


Quels sont les musiciens ou ensembles qui ont été ou qui demeurent des modèles pour vous?
Vous l’aurez compris les personnes citées ci-dessus mais beaucoup d’autres aussi, par exemple lors de rencontres dont celle avec le baryton Wolfgang Holzmair, un artiste exceptionnel.


Avez-vous des souvenirs marquants de certaines tournées ou concerts – drôles, émouvants, inattendus?
Il y a bien sûr des grandes salles ou des festivals prestigieux. Quand nous avons joué pour la première fois au festival de Salzbourg au Mozarteum, ça a été un moment magique pour nous. Mais quelquefois il y a aussi des «petits» concerts qui peuvent vous marquer à jamais: nous avons joué il y a environ vingt ans à Addis-Abeba en Ethiopie pour un concert organisé par l’Alliance française. Dans cette ville chaotique sortant de la guerre, il existait encore un conservatoire et la salle était pleine d’étudiants et de musiciens que nous avons ensuite rencontrés. Ils nous ont parlé de leur musique traditionnelle si particulière et raffinée et ils ont joué pour le public présent. C’était émouvant de voir que malgré la misère et les destructions des musiciens continuaient à faire vivre et à codifier leur patrimoine musical.


De par le monde, diriez-vous que vous entretenez une relation privilégiée avec certaines salles, certains lieux?
Là encore c’est difficile de choisir. Je citerai Wigmore Hall à Londres car nous y avons joué trois fois cette année. Cette salle extraordinaire nous est fidèle depuis vingt ans. C’est un temple de la musique et c’est toujours fascinant de se retrouver dans la loge, la fameuse «green room», où sont exposées des dizaines de photos dédicacées d’artistes du XXe siècle qui ont joué là: Ysaÿe, Chaminade, Rubinstein, Heifetz, les Amadeus...


Entre carrières solistes, enseignement et vie privée, quel est le temps dédié au trio? Combien de concerts donnez-vous chaque saison? Est-ce pour vous le bon rythme, ou bien souhaiteriez-vous l’intensifier ou, au contraire, le ralentir?
Nous donnons environ 80 à 90 concerts par an. C’est parfait ainsi. L’intensifier je ne suis pas sûr car les voyages prennent aussi beaucoup de temps et c’est la partie la moins agréable de ce métier. Nous ne cherchons pas à le réduire mais par contre, nous sommes peut-être plus sélectifs dans le choix des concerts.


L’enseignement tient-il une place importante dans vos activités, à la fois à titre individuel et au titre du trio? Parmi la jeune génération, française ou non, certains vous paraissent-ils prêts à prendre votre suite?
Nous enseignons maintenant tous les trois. C’est en fait très récent. Raphaël est professeur de violoncelle au CRR de Paris, Jean-Marc professeur de violon au CNSM de Lyon et moi-même professeur de musique de chambre à la Haute Ecole de musique de Lausanne. Transmettre notre expérience est une chose passionnante.
Bien sûr, il y a d’excellents jeunes musiciens qui constituent de nouveaux ensembles. Le problème est la pérennité des ensembles. C’est une chose difficile de commencer une carrière particulièrement en musique de chambre, de nombreux écueils économiques et humains brisent souvent l’enthousiasme artistique de départ et peut conduire à l’éclatement du groupe.
Je voudrais en profiter pour parler des master-classes du festival de La Roque d’Anthéron où nous étions élèves il y a vingt ans et où nous enseignons maintenant. Le directeur du festival, René Martin, a créé ces master-classes pour permettre à de jeunes artistes de rencontrer et de travailler avec des artistes jouant dans le festival. Elles furent dirigées par Jean Hubeau, puis Christian Ivaldi et maintenant Claire Désert. Chaque année cinq à six jeunes ensembles professionnels sont invités à y participer. C’est une véritable pépinière de jeunes talents: le Trio Wanderer, Claire Désert, Nicholas Angelich ou plus récemment Jean-Frédéric Neuburger, Adam Laloum, le Trio Chausson... sont passés par là. Outre les cours de nombreux concerts sont organisés pour eux. C’est vraiment une expérience exceptionnelle pour mettre le pied dans une carrière d’interprète.



V. Coq (© Marco Borggreve)


Revenons en 1987: les Wanderer pensaient-ils qu’ils fêteraient leurs vingt-cinq ans? Une rare longévité – peu ont fait aussi bien, même en élargissant au-delà du seul cercle des trios avec piano – et une composition inchangée depuis 1995: comment expliquez-vous une telle stabilité?
Non, bien sûr, on ne peut jamais présager de l’avenir. D’autres ensembles ont eu une carrière d’une longévité exceptionnelle, comme le Quatuor Amadeus. Pour nous une des clés de la pérennité d’un ensemble est de ne pas tomber dans la routine, que chacun puisse avoir des activités propres et totalement indépendantes du trio. Tout enrichissement personnel est bénéfique à l’ensemble, que ce soit des concerts en soliste, avec d’autres musiciens, dans d’autres style de musique et aussi bien sûr l’enseignement.


Autre rare élément de stabilité, ce sont vos treize ans de fidélité à Harmonia mundi – sur une «carrière» discographique de dix-sept ans, Quelles sont les clefs de cette fidélité?
C’est vrai que nous avons une relation privilégiée avec Harmonia mundi. La fidélité est le résultat d’une confiance réciproque. C’est une chance au vu de l’état du monde de la production discographique de pourvoir travailler dans des conditions aussi parfaites. Harmonia mundi ne transige pas sur la qualité de production des enregistrements, pianos, salles, producteurs sont toujours idéaux. Nous enregistrons maintenant au studio Teldex à Berlin avec Martin Sauer comme directeur artistique, une référence dans le monde du disque.
En outre HM fait un vrai travail d’éditeur, en suivant des artistes et des répertoires sur la durée plutôt que de faire des «coups», en multipliant les cross-over où le contenant a souvent plus d’importance que le contenu. C’est ce qui explique je crois non seulement la fidélité des artistes mais celle aussi du public.


Vous venez de publier une intégrale des Trios de Beethoven. Quelle place Beethoven occupe-t-il dans le panthéon d’un trio dont le nom fait référence à Schubert? Selon vous, bien que le genre du trio avec piano ne l’ait occupé que durant moins de vingt ans, en quoi l’a-t-il fait irrémédiablement évoluer?
Beethoven est la pierre angulaire du trio avec piano. Il fait avec ses premiers opus la liaison avec Haydn, le violoncelle prenant peu à peu son indépendance avec les basses du piano. Avec l’Opus 70 n° 1, le célèbre Trio des «Esprits», Beethoven atteint l’équilibre parfait entre les trois instruments, la forme idéale reprise par ses successeurs. Il n’a pas poursuivi après L’Archiduc son évolution musicale à travers le trio comme il l’a fait avec quatuor. Beethoven a beaucoup joué ses trios en concert. L’Archiduc est une des œuvres que qu’il a le plus jouées en concert, même quand sa surdité l’a frappé. Peut-être cette surdité et le fait qu’elle impliqua la fin de sa carrière d’interprète l’ont découragé à continuer l’écriture de trio avec piano, comme d’ailleurs celle des concertos pour piano et orchestre.


Votre intégrale ne vole pas son nom puisque, au-delà des sept trios traditionnellement numérotés, vous y incluez les deux séries de variations ainsi que deux trios dépourvus de numéro d’opus. S’agit-il d’un simple souci d’exhaustivité, ces quatre partitions supplémentaires constituant ainsi des jalons intéressants pour qui veut approfondir sa connaissance du corpus beethovénien, ou bien vous paraissent-elles mériter autant de considération que Les Esprits et L’Archiduc?
Les œuvres dont vous parlez sont bien sûr moins importantes que Les Esprits ou L’Archiduc mais il est intéressant dans une intégrale de montrer l’évolution de la pensée d’un compositeur. Le Trio WoO 38 est une œuvre de jeunesse, et il faut le dire assez faible. C’est d’autant plus surprenant qu’un an plus tard il écrivit une œuvre magnifique avec l’Opus 1 n° 1. Les deux recueils de variations sont des pièces vraiment réussies où Beethoven montre son génie si particulier à développer un thème simple, presque bête, pour en faire un chef-d’œuvre. Enfin, le WoO 39 est une piécette tardive, sans prétention, pleine de charme et écrite pour une élève. Elle a cette particularité d’avoir été doigtée entièrement par le compositeur, ce qui peut intéresser les pianistes...


Vous revenez de sessions à Berlin où vous avez enregistré le Premier Trio d’Arensky, écrit à la mémoire du violoncelliste Charles Davidoff, ainsi que l’archétype de ces «trios élégiaques» russes, celui de Tchaïkovski, «à la mémoire d’un grand artiste» (le pianiste Nicolas Rubinstein). Face à une œuvre aussi chargée d’émotion et aussi exigeante pour les musiciens (à commencer par le pianiste), ne serait-ce que par ses dimensions – pratiquez-vous d’ailleurs la coupure en usage dans le Finale? – parvenez-vous à retrouver en studio la tension et la motivation du concert? Ou bien considérez-vous que les interprètes peuvent offrir deux visions différentes d’une même œuvre au concert puis au disque?
Pour commencer, nous faisons bien la coupure du finale. On peut débattre longtemps à ce sujet. Nous avons joué dans les deux configurations. C’est une coupure bien sûr proposée par le compositeur. Si on ne fait la coupure, la dimension démesurée de l’œuvre peut éventuellement mieux ressortir. Mais d’un autre côté, la composition de ce développement est très scolaire et conventionnelle et nous pensons que cela affaiblit la tension dramatique. On peut par ailleurs couper aussi la fugue des variations. Mais nous avons choisi de la garder car même si ce n’est pas le moment le plus inspiré du trio, cette fugue a un sens dans l’évolution du discours et le regard que le compositeur pose sur son passé.
Pour ce qui est du disque, le travail est bien sûr très différent du concert. L’importance de l’oreille du directeur artistique est pour nous essentielle. En l’occurrence nous faisons entièrement confiance à Martin Sauer. Nous enregistrons toujours beaucoup de versions différentes. Je ne pense pas que nous ayons une vision éloignée de celle du concert. Il faut essayer de garder cette énergie propre au concert qui fait vibrer la musique tout en visant une forme de perfection que demande le disque, même si les micros et les conditions acoustiques de la salle peuvent modifier certains équilibres.


Le répertoire pour trio avec piano recèle de nombreux joyaux, mais est cependant moins étendu que celui du quatuor à cordes. Si vous avez légitimement eu à cœur de défendre les œuvres les plus célèbres, vous avez également montré votre souci de sortir des sentiers battus, comme récemment avec Vitebsk de Copland, Círculo... de Turina ou même Tristia de Liszt. Comment le choix de vos programmes s’opère-t-il? Avez-vous le projet de vous tourner vers des compositeurs oubliés?
Pas particulièrement. Mais chaque année, nous découvrons de nouvelles œuvres avec plus ou moins de bonheur, comme par exemple cet été au festival de Montpellier où nous avons joué le très beau Trio de Robert Volkmann, un contemporain de Brahms.


Grâce notamment à l’intense activité déployée par le Palazzetto Bru Zane, la musique française du XIXe revient sur le devant de la scène. Il y a cinq ans, vous avez vous-mêmes déjà enregistré les deux Trios de Saint-Saëns, mais comptez-vous vous inscrire dans ce récent mouvement de redécouverte en regardant par exemple du côté de Farrenc, Castillon, Chaminade, Onslow, Alkan, Franck, Félicien David, Lalo, Gouvy, ...? Plus près de nous, seront célébrés, au cours des deux années à venir, les cent cinquante ans de Pierné puis de Ropartz, mais aussi, en 2014, le centième anniversaire de la mort de Magnard. Connaissez-vous leurs trios respectifs et songez-vous à vous y intéresser à cette occasion?
Nous allons participer au projet de la fondation Bru Zane avec en particulier le Trio de Fernand de la Tombelle. Nous avons essayé le Trio d’Alkan mais je dois avouer que je suis allergique à sa musique. Nous avons joué aussi trois des Trios de Franck. A part quelques passages du premier, c’est globalement de la mauvaise musique. Par contre, une œuvre comme le Troisième Trio de Lalo vaut vraiment le détour.
Je ne savais pas que l’année prochaine serait le cent cinquième anniversaire de la naissance Pierné. C’est amusant car nous avons proposé de jouer son Trio aux prochaines «Folles journées» de Nantes. Pierné a écrit comme Jean Cras des pièces superbes et totalement méconnues. Pour Ropartz, nous avons déjà joué son Trio, mais comme beaucoup de successeurs de Franck, il ne sait pas faire court et son Trio s’enlise dans des développements épais et indigestes.


Quelle place la musique contemporaine tient-elle dans la vie du trio? Avez-vous un contact étroit avec les compositeurs que vous interprétez ou qui ont écrit pour vous? Quels sont les apports d’une telle collaboration?
Nous avons crée et enregistré le Trio de Thierry Escaich et plus récemment celui de Bruno Mantovani pour un disque consacré à sa musique de chambre qui paraîtra dans quelques mois. Nous faisons assez peu de musique contemporaine mais en contrepartie, nous jouons souvent les œuvres que nous avons décidé de mettre au répertoire. Ainsi, sur les deux dernières années, nous avons joué les Huit Moments musicaux de Mantovani plus de vingt-cinq fois en France, en Autriche, en Allemagne... Pour nous, il est important d’intégrer les œuvres contemporaines au programme de nos concerts et non pas de faire juste un «coup» autour d’une création pour passer à la suivante. C’est important de collaborer avec les compositeurs actuels particulièrement pour le trio qui a surtout un répertoire du XIXe siècle. A part Ravel, Chostakovitch, Martinů et Fauré peu de compositeurs ont abordé cette forme au XXe siècle. Heureusement depuis quelques années, une nouvelle génération renouvelle le langage du trio avec piano.


Le trio avec piano a la chance de pouvoir s’adjoindre à d’autres partenaires, à commencer par l’alto, pour se transformer en quatuor avec piano, mais aussi la clarinette (Quatuor pour la fin du Temps), la voix (Beethoven, Chostakovitch), ... Ces partenariats sont-ils importants pour vous? Quel enrichissement y trouvez-vous?
Nous avons fait de nombreuses rencontres artistiques formidables qui, à chaque fois, amènent un regard différent sur la musique. Comme pour l’enseignement, c’est un moment de partage d’une expérience humaine et artistique. Et puis, ça nous permet de mettre toujours de nouvelles pièces à notre répertoire.


Aimez-vous jouer en concerto – Beethoven, bien sûr, mais aussi Ghedini, Casella et les deux de Martinů? L’association est malgré tout inhabituelle: l’équilibre est-il facile à trouver, tant pour vous que pour le chef et l’orchestre?
Nous aimons beaucoup jouer ces concertos. C’est une chance pour notre formation d’avoir un répertoire avec orchestre. Nous avons joué le Ghedini et le Casella. Ce sont de très belles œuvres. Plus récemment, nous avons créé en France le Triple Concerto de Matteo Franceschini. Les Martinů, que nous avons même enregistrés, sont une grande réussite du compositeur et mériteraient d’être beaucoup plus souvent donnés en concert. Mais c’est bien sûr le Beethoven, que nous avons joué plus de soixante fois qui est la pièce la plus célèbre, un Beethoven heureux. Il n’y a pas de problème particulier d’équilibre avec l’orchestre. Le fait d’être en trio constitué résout beaucoup les difficultés de cohésion entre les solistes.


Le Wanderer, c’est Schubert, avant tout, mais c’est aussi, dans Siegfried, le personnage errant de Wotan. 2013, c’est justement l’année Wagner (et Verdi): à la différence des «anniversaires» récents (Mendelssohn, Schumann, Chopin et même Liszt ou Debussy), ces géants n’ont rien écrit pour vous mais, en admettant que poser la question à titre collectif ait un sens, vous intéressez-vous à l’opéra? Y trouvez-vous un simple plaisir personnel ou bien un lien avec votre «profession» chambriste?
Bien sûr. Comment un musicien pourrait ne pas s’intéresser à la voix humaine? On parle toujours de faire «chanter» son instrument. Le phrasé vocal d’une Maria Callas par exemple est un miracle et une source d’inspiration évidente pour le bel canto chez Chopin. Plus généralement, et je parle au nom de mes collègues, toutes les formes de la musique sont passionnantes quand elles sont servies par des génies.


Pensez-vous que votre style a évolué tout au long de ces vingt-cinq ans, notamment à l’aune de certaines de vos œuvres fétiches, à commencer bien sûr par Schubert et Beethoven? Si oui dans quel sens se fait cette évolution et comment la voyez-vous dans les années à venir?
C’est très difficile à dire. Evidemment, nous évoluons car nous vieillissons et donc notre expérience s’enrichit. Il y a toujours des découvertes à faire dans les chefs-d’œuvre, mais ce ne sont pas de grandes révolutions, qui pourraient être factices, mais de petites évolutions néanmoins très importantes. Rien ne doit être fixé à jamais. Il n’y heureusement pas de vérité absolue et définitive.
Comme je disais précédemment, nous mettons toujours en premier l’idée de servir le texte et le compositeur que nous interprétons. C’est notre credo et à partir de cela ce sont les expériences de la vie qui vont orienter notre regard sur la musique.


Les Wanderer dans les (vingt-cinq) prochaines années: des ambitions, des envies à assouvir? Des lieux, des répertoires à explorer? Des publics à conquérir?
Plutôt garder l’attitude du Wanderer, explorer le monde et l’avenir sans plan et sans chemin établis: c’est beaucoup plus passionnant.


Le site du Trio Wanderer


[Propos recueillis par Simon Corley]

 

 

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