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CD, DVD et livres: l’actualité de septembre
09/15/2012


Les chroniques du mois




 Must de ConcertoNet


    Philippe Bianconi interprète Debussy




 Oui!

Six films de et sur John Cage
Les Soirées de l’orchestre de Berlioz
Richard Hickox dirige Bridge
Darius Milhaud: documentaires et musique
John Eliot Gardiner dirige Un requiem allemand
HJ Lim interprète les Sonates pour piano de Beethoven
Œuvres d’Alexandre Tansman
Le Quatuor Ruggieri interprète Onslow
Virginie Reibel-Escoffier interprète Schulhoff et Smit
Gerard Schwarz dirige Mennin
Avi Avital interprète Bach
Les vents de l’Orchestre de Paris interprètent Schumann
Peter Maxwell Davies dirige ses Symphonies
Philippe Herreweghe dirige Victoria




 Pourquoi pas ?

Pierre-Laurent Aimard interprète Debussy
Paavo Järvi dirige Un requiem allemand
Peter Rösel interprète Moussorgski et Debussy
Murray McLachlan interprète A. Tchérepnine
Pepe Romero interprète des musiciens espagnols
José Serebrier dirige Schwarz-Schilling
Musique de chambre de Humperdinck




Pas la peine
Daniel Barenboim interprète Beethoven
Nikolaus Harnoncourt dirige Un requiem allemand
Jürgen Budday dirige Un requiem allemand
Gabriel Feltz dirige Mahler
Markus Stenz dirige Mahler
Sakari Oramo dirige Prokofiev
Dimitri Kitajenko poursuit son intégrale Tchaïkovski
Gerard Schwarz dirige Wagner




Hélas !
Antoni Wit dirige Brahms







L’entretien du mois


La pianiste HJ Lim







Les matchs du mois


    
Préludes de Debussy: P.-L. Aimard vs. P. Bianconi




    
    
Quatre versions récentes du Requiem allemand





En bref


La voix de Schulhoff et Smit sort de l’oubli
Réédition des Moussorgski et Debussy de Peter Rösel
Mennin, un symphoniste à découvrir
Victoria, chantre du Siècle d’or espagnol
Le bon pain d’épices de Humperdinck
Un Wagner orchestral chez Naxos
Il est libre «Max»
Les deux Alexandre de l’Ecole de Paris
Sakari Oramo survole Prokofiev
Les Allemands aiment Mahler
DG en pince pour la guitare et la mandoline
Schwarz-Schilling, un néoclassique sans complaisance
Onslow: deux quatuors inédits au disque
Brahms avec chœur mais sans cœur
Les instruments à vent de Schumann
Dimitri Kitajenko poursuit son intégrale Tchaïkovski





La voix de Schulhoff et Smit sort de l’oubli





La flûtiste Virginie Reibel-Escoffier (née en 1982), actuellement piccolo solo à Valence, l’a d’abord été à l’Orchestre de Paris puis au Philharmonique de Berlin. C’est de ce séjour en Allemagne qu’est né son intérêt pour les compositeurs assassinés sous le IIIe Reich: le régime qualifiait leur musique de «dégénérée», d’où l’idée, au travers de ce disque intitulé «Les Voix de l’oubli», de rendre hommage à deux d’entre eux, ce qui permet à Emmanuel Reibel de titrer son excellente notice «La flûte régénérée». Le Tchèque Erwin Schulhoff (1894-1942) a été l’un des bénéficiaires, à l’image de Haas, Klein, Krasa ou Ullmann, de la redécouverte récente de ce moment longtemps occulté de l’histoire de la musique européenne, mais cela n’ôte rien au plaisir de retrouver son Concertino (1925) pour flûte (et piccolo), alto et contrebasse, à la formation aussi originale que revigorante, ainsi que sa Sonate pour flûte et piano (1927), où l’influence de Hindemith recule au profit de celle de Debussy, et de découvrir la brève et légère «fox song» Susi, témoignage de ses activités «alimentaires» des années 1930. Bien moins connu, le Néerlandais Leo Smit (1900-1943) avait pourtant vu ses œuvres créées par Monteux et van Beinum à la tête de l’Orchestre du Concertgebouw. Sa musique porte davantage la marque de la France, dès le Trio pour flûte, alto et harpe (1926), pourtant antérieur à son séjour parisien (1927-1936): debussystes, ces trois mouvements enchaînés le sont davantage par la formation requise que par les innovations, le style se révélant proche de Cras, Milhaud ou Roussel. Plus développé, le Quintette pour flûte, trio à cordes et harpe (1928) rejoint les réussites de Ropartz, Roussel et Schmitt (entre autres), également destinées au quintette du harpiste Pierre Jamet. Dans la Sonate pour flûte et piano (1943), sa dernière œuvre, écrite en déportation à Sobibor et parvenue jusqu’à nous grâce à son élève Frits Zuiderweg, le langage est un peu moins «impressionniste», mais le ton demeure tour à tour enjoué et rêveur, vif et nostalgique. Grâces soient donc rendues à Virginie Reibel-Escoffier, qui, entourée d’excellents musiciens, à l’image du pianiste Romain Descharmes ou de la harpiste Valeria Kafelnikov, rend un bel hommage à ces deux compositeurs (Saphir LVC 1128). SC




Réédition des Moussorgski et Debussy de Peter Rösel





Du pianiste Peter Rösel (né en 1945) – dont la copieuse discographie chez Berlin Classics est d’une fiabilité et d’un bon goût constants –, la série «Eterna» nous rend ses Tableaux d’une exposition, enregistrés en 1972 et complétés par cinq petites pièces de Moussorgski. Une version d’airain, dont le geste tranchant n’oublie jamais de s’approprier le texte, offrant une lecture hautement recommandable et difficilement contestable (malgré quelques raideurs ici ou là et une tendance à glacer ce qui pourrait s’enflammer – mais rien de rédhibitoire... à côté de tant de ratés dans la discographie de cette partition!). L’assurance de toucher du pianiste allemand convient moins aux deux Sonates de Debussy, où le clavier (capté en 1980) se fait presque raide et surtout trop affirmatif face au geste plus hésitant du violoncelliste (un Joachim Bischof bien timide... voire râpeux); mais l’archet onirique et virtuose du violoniste Christian Funke offre, lui, bien des plaisirs (0300372BC). GdH




Mennin, un symphoniste à découvrir





Après Hanson puis Copland et Creston, Naxos poursuit la réédition des enregistrements effectués dans les années 1990 pour Delos par Gerard Schwarz et son Orchestre symphonique de Seattle: initiative opportune, particulièrement ce côté-ci de l’Atlantique, où, hormis Bernstein, Carter et Copland, la connaissance des grands symphonistes américains se limite, dans le meilleur des cas, à une liste de noms (Diamond, Harris, Hovhaness, Piston, Rorem, Schuman, Sessions, ...). Voici par exemple deux des neuf Symphonies de Peter Mennin (1923-1983), d’ascendance italienne, directeur du Conservatoire Peabody à Baltimore (1958-1962) puis successeur de Schuman à la tête de la Juilliard School de 1962 à sa mort. Sa biographie suggère un compositeur officiel et académique; de fait, sa musique ne révèle certes pas une personnalité d’une originalité ou d’un modernisme extravagants, ni même les grands espaces naturels ou urbains que certains de ses compatriotes évoquent de manière si caractéristique, et c’est tout au plus dans son caractère parfois brillant ou conquérant qu’on lui trouvera peut-être un caractère «américain». Mais les trois mouvements classiques de la Troisième (1946), la première qu’il ait décidé de maintenir à son catalogue, constituent un remarquable aboutissement pour un étudiant de 23 ans: vigoureuse, d’un bel élan, elle avait déjà été gravée par Mitropoulos (Columbia). La Septième (1963) fut créée par Szell à Cleveland et enregistrée par Martinon (RCA); sous-titrée «Variation-Symphony», elle se présente d’un seul tenant mais ne procède pas selon le principe du thème et variations: toute la partition, dans laquelle on peut déceler une traditionnelle structure en quatre mouvements, est imprégnée par un motif exposé d’emblée par les cordes graves; le langage ne s’est pas radicalisé, mais il est devenu plus sombre et tendu, rude et puissant, culminant dans une magnifique péroraison. Enfin, les onze minutes du Concertato (1952) offrent encore une belle page orchestrale: intitulé Moby Dick et bien qu’inspiré par un projet d’opéra fondé sur le roman de Melville, il ne s’emploie pas à en décrire des scènes mais simplement à en «dépeindre [l’]impact émotionnel comme un tout» (8.559718). SC




Victoria, chantre du Siècle d’or espagnol





Une lumineuse clarté apaisante empreinte de regrets douloureux mais porteuse d’espoir donne sans doute son plein sens à la prière essentielle de l’Officium Defunctorum: «Requiem aeternam dona eis, Domine: et lux perpetua luceat eis». C’est exactement cette rare luminosité expressive que produit la pureté peu vibrée des belles voix du Collegium Vocale de Gand, qui atteint la perfection sous la direction de son chef fondateur Philippe Herreweghe. Depuis 1970, ils ont bâti ensemble une discographie considérable de haute tenue et pour leur quatrième collaboration sous son propre label Phi, fondé en 2010, Herreweghe compose un programme entièrement consacré à Tomás Luis de Victoria (c.1548-1611). Une des caractéristiques marquantes de son Officium Defunctorum (1603) est l’absence du «Dies irae», la tradition espagnole de l’époque ne l’ayant pas encore admis, et c’est son absence qui justifie les choix interprétatifs du chef flamand, qui opte pour une austérité éthérée d’une intensité extrême là ou d’autres peuvent souligner une rigueur âpre et aride et le dolorisme expressif particulier à l’Espagne. En harmonie avec les usages, Herreweghe fait précéder la «Missa pro defunctis» d’un «Taedet animam meam», que Victoria ajouta en 1605, destinant à la conclusion le chagrin du motet Versa est in luctum et le dernier chant des absoutes. En complément de programme, quatre motets composés à Venise (1572, 1576) et à Rome (1583, 1585), où Victoria séjourna plus de vingt ans. Les voix déliées du Collegium Vocale en dévoilent toutes les beautés recélées (LPH 005). CL




Le bon pain d’épices de Humperdinck





Engelbert Humperdinck (1854-1921) est avant tout connu pour ses opéras (Hansel et Gretel, Les Enfants du roi), de telle sorte que le reste de son catalogue reste très largement à découvrir. Voilà par conséquent un champ d’exploration idéal pour cpo et pour le Quatuor Diogenes: constituée en 1998 à Munich autour d’un couple de violonistes (Stefan et Gundula Kirpal) par référence à l’éditeur zurichois, la formation s’est en effet déjà intéressée à Joseph Haas et Egon Kornauth (Cavalli) ainsi qu’à Friedrich Gernsheim (Brilliant). Un peu abusivement intitulé «String Quartets», le programme est équitablement réparti entre œuvres pour quatuor à cordes et pour quintette avec piano (avec Andreas Kirpal, frère de Stefan), auxquelles s’ajoute un bref Nocturne (1879) pour violon et quatuor (avec Lydia Dubrovskaya). Autant sa musique lyrique apparaît d’obédience wagnéro-straussienne – il fut assistant à Bayreuth pour la création de Parsifal – autant ce qui est donné ici à entendre de sa musique de chambre trahit le premier gagnant du prix de la Fondation Mendelssohn: quelque part entre Schubert et Brahms, une musique irréfragablement gemütlich, aussi bien dans les pages de jeunesse – Menuet pour quintette avec piano (1872), Mouvements de quatuor en mi mineur (1873) et en utmineur (1876), Quintette avec piano (1875) – que dans le tardif Quatuor (1920). Historiquement mineur mais à savourer sans réserve, comme la maison en pain d’épices que découvrent Hansel et Gretel (777 547-2). SC




Un Wagner orchestral chez Naxos


        


Chef tout-terrain et particulièrement actif chez Naxos, Gerard Schwarz (né en 1947) propose une assez complète introduction à l’orchestre wagnérien, avec ces extraits d’opéras bien choisis mais sans surprise – mise à part celle offerte par l’Ouverture de «Faust» (1840/1855), qui figure dans le «volume 2» et où l’auteur de Tannhaüser pointe son nez sans se révéler encore. Le reste permet de se (re)plonger dans les thèmes mélodiques des grands opéras, mais n’apprendra rien aux mélomanes aguerris. Lohengrin manque d’imagination (avec une Alessandra Marc à la voix trop large et noire pour le «Rêve d’Elsa»). Parsifal est spectaculaire et démonstratif, même si l’intensité y est sincère (8.572768). Le «volume 1» présente une fringante ouverture du Vaisseau fantôme – vive et plutôt lumineuse –, mais des extraits du Ring moins enthousiasmants. «L’Entrée au Walhalla» (L’Or du Rhin) est gâchée par une approche hédoniste et des tempos trop sages. Si les «Adieux de Wotan» respirent avec une belle amplitude (La Walkyrie), les «Murmures de la forêt» (Siegfried) sont ridiculement décoratifs, alors que les extraits du Crépuscule des dieux hésitent entre pesanteur («Voyage de Siegfried sur le Rhin») et tonitruance («Marche funèbre»), toutes deux hors de propos (8.572767). Initialement publiés par Delos, les enregistrements s’étalent de 1986 à 1992. Notons qu’un troisième volume réunit des passages de Tannhaüser, des Maîtres chanteurs et de Tristan (8.572769). GdH




Il est libre «Max»


        


Naxos continue à promouvoir l’œuvre de Peter Maxwell Davies (né en 1934). L’éditeur, pour lequel il a spécialement écrit, entre 2001 et 2007, un cycle comprenant pas moins de dix quatuors («comme un roman en dix chapitres»), a entrepris de publier les six premières de ses Symphonies (au nombre de neuf depuis juin dernier, une Sinfonia concertante non comprise), enregistrées par le compositeur lui-même dans les années 1990 chez Collins Classics – les trois premières à la tête du Philharmonique de la BBC (Manchester), qui lui commanda la Troisième et dont il fut, entre 1991 et 2000, le premier composer/conductor. Excellente occasion de découvrir l’univers de celui qui est tenu outre-Manche pour l’un des plus importants successeurs de Britten et Tippett et qui se déclare attiré vers l’écriture symphonique par la «nécessité de donner du sens à l’harmonie pendant une longue durée». De grande ampleur (55 minutes), la Première (1976) est, comme chez Brahms ou Martinů, de naissance relativement tardive, puisqu’il était alors âgé de 42 ans. Comme il l’indique lui-même dans la notice, ses quatre mouvements portent des influences aussi diverses que celles de Schumann, Sibelius et Boulez, dont il retient évidemment bien moins le style que certains gestes compositionnels, mais traduisent aussi son admiration pour Dante et Saint Thomas d’Aquin, en même temps qu’ils constituent l’une de ses premières évocations des paysages des Orcades, au nord de l’Ecosse, où il venait de s’installer. Dédiée à William Glock (longtemps Controller of music à la BBC), la partition ne se laisse sans doute pas appréhender facilement mais n’en frappe pas moins par son expression intense, à la fois véhémente et hautaine, et par son instrumentation raffinée – on remarque notamment les percussions (en particulier métalliques) à hauteur déterminée. Atteignant quasiment l’heure de durée et toujours en quatre mouvements, mais avec cette fois-ci deux (brefs) scherzos centraux (comme la Neuvième de Mahler), la Troisième (1984) poursuit, malgré une instrumentation plus sobre (percussion limitée aux timbales), dans la même veine poétique d’une austère grandeur. Elle est également marquée par la présence de la mer, mais ici, l’élément marin est moins le prétexte à une «peinture sonore» qu’une inspiration structurante – l’utilisation de suites de Fibonacci comme dans l’architecture Renaissance de Brunelleschi rappelle aussi bien la forme des coquillages posés sur son bureau que les spirales dessinées par les vagues s’écrasant au pied de sa maison. Comme l’obsession du nombre d’or chez Bartók, ces techniques combinatoires, auxquelles s’ajoute le recours aux carrés magiques et à des procédés transposant le principe des points de fuite, peuvent tout à fait rester ignorées de l’auditeur, de même que les références (plain-chant), tant elles sont intégrées au propos. De par ses fonctions de Master of the Queen’s Music auxquelles il accédé en 2004 de façon assez inattendue (sa Neuvième Symphonie a ainsi été créée pour le jubilé royal de diamant), «Max» le rebelle, le républicain et l’écologiste avant la lettre se doit de faire preuve d’un talent polymorphe, ce que montrent les brefs compléments respectifs de ces deux symphonies. Humour et pastiche dans Mavis à Las Vegas (1997), délicieuse description musicale de la visite d’une glamoureuse dans la cité vouée «au jeu, aux mariages rapides et au culte du kitsch», sous forme de thème et variations parfois dignes de Gershwin. Autre évocation colorée, celle de La Foire de Cross Lane (1994), truculent souvenir du Lancashire de son enfance, pour orchestre de chambre et deux solistes inhabituels, la nasillarde cornemuse de Northumbrie et le bodhran (tambour irlandais), qui ont chacun droit à leurs morceaux de bravoure (le second est même applaudi): neuf courtes sections enchaînées (dont une introduction et trois «transitions»), du «Train fantôme» au «Jongleur» en passant par «La Femme à barbe et le Mouton à cinq pattes» et «Le Manège». S’inscrivant ainsi dans la grande tradition de la British light music et désormais converti aux bienfaits de la royauté, Maxwell Davies est décidément et avant tout un créateur libre et indépendant (8.572348 et 8.572350). SC




Les deux Alexandre de l’Ecole de Paris


        


Nés à 18 mois d’intervalle, ils portaient le même prénom: l’un quitta la toute jeune Pologne, l’autre fuit la Révolution russe. Fêtés de leur vivant par les plus grands (Gieseking, Koussevitzky, Kubelík, Mengelberg, Monteux, Münch, Piatigorsky, Reiner, Segovia, Toscanini, le Quatuor de Budapest, ...), ils firent partie, comme Martinů, de la très informelle «Ecole de Paris», dans cette merveilleuse marmite intellectuelle et artistique qu’était, durant l’entre-deux-guerres, la capitale où, devenus respectivement citoyens français en 1920 et américain en 1948, après d’assez nombreuses tribulations (notamment aux Etats-Unis), ils finirent tous deux leurs jours. Et, en 1983, le premier était présent, avec Chailley, Jankélévitch et Mihalovici, lorsqu’une plaque fut apposée, au 2 de la rue de Furstemberg, à la mémoire du second. Pianistes – ils épousèrent d’ailleurs une pianiste (le premier Colette Cras, l’une des filles du compositeur breton, le second Lee Hsien Ming) – ils ont dédié à leur instrument de prédilection de nombreuses partitions concertantes qu’une nouveauté et une réédition permettent de découvrir.
Créateur particulièrement prolifique, Alexandre Tansman (1897-1986), après deux Concertos, a laissé quatre autres œuvres associant le piano et l’orchestre: outre une Fantaisie et une Partita n° 2, son catalogue comprend en effet un Concertino «avec accompagnement d’orchestre» (1931) et une Pièce concertante pour la main gauche (1943). Le Concertino, obéissant à l’habituel découpage en trois (brefs) mouvements, évolue entre Martinů, Poulenc, Prokofiev et Stravinski: il se caractérise par un néoclassicisme stimulant et sans complexe, franc et robuste, typique dès sa «Toccata» initiale, lancée par le soliste au travers d’une sorte de cadence introductive, et dans son Allegro risoluto final, mais laisse s’épanouir en son centre un Andante cantabile intitulé «Intermezzo Chopiniano». Inspirée, comme chez Ravel et tant d’autres, par Paul Wittgenstein, la Pièce concertante a été réalisée, révisée et éditée par un autre Français d’origine polonaise, Piotr Moss (né en 1949); également de structure tripartite mais d’obédience moins nettement néoclassique, sinon dans son finale, elle fut créée en 2009 par les interprètes du présent disque, l’Allemand Christian Seibert (né en 1975) avec l’Orchestre d’Etat brandebourgeois de Francfort (sur l’Oder) et l’Anglais Howard Griffiths, qui en est le Generalmusikdirektor depuis 2007. Les compléments, d’une durée presque aussi importante, sont des hommages à deux amis disparus: superbe triptyque, où une virulente «Studio ritmico» est encadrée par une lumineuse «Elegia» et un mystérieux «Lamento», Stèle in memoriam Igor Stravinsky (1972), commande du ministère des affaires culturelles, porte le deuil de celui dont il fut le biographe et auquel il avait dédié de nombreuses œuvres; un peu moins développée et d’un seul tenant, l’Elégie «à la mémoire de mon ami Darius Milhaud», dédicataire lui aussi de plusieurs des œuvres (dont son Concerto pour orchestre, que Tansman tenait lui-même pour l’une de ses plus grandes réussites), remplit son office lugubre, incluant de tristes citations du Bœuf sur le toit cpo 777 449-2).
Alexandre Tchérepnine (1899-1977), fils du directeur du Conservatoire russe de Paris (Nikolaï) et lui-même père de deux compositeurs (Ivan et Serge), avant même d’avoir publié le premier de ses six Concertos pour piano numérotés, en avait déjà cinq à son actif, écrits avant ses 19 ans. La réédition chez Forum d’un disque publié par Olympia au milieu des années 1990 permet d’entendre les trois concertos pairs, par l’infatigable découvreur écossais Murray McLachlan (né en 1965), accompagné par Julian Clayton à la tête d’un Orchestre symphonique de Chetham un peu fragile, auteurs d’une intégrale concurrente de celle de Norika Ogawa parue ensuite chez Bis. Vigoureux et lyrique, le Deuxième (1923/1950), en cinq sections enchaînées, n’est parfois pas éloigné de l’orbite de Prokofiev mais regarde aussi vers une Russie plus traditionnelle. On ne pourra reprocher au Quatrième (1947), sous-titré «Fantaisie», son caractère décousu et sa construction déséquilibrée – un premier mouvement très développé (plus de 16 minutes), suivi de deux mouvements durant chacun la moitié du précédent – car son propos est ouvertement narratif, inspiré par la Chine ancienne, ce que traduit le recours pittoresque à des échelles pentatoniques, qui se mêlent curieusement à des réminiscences des années 1920 et à des élans hollywoodiens. Plus rude et resserré (malgré une durée sensiblement égale), l’ultime Sixième (1965) se conforme à l’alternance vif/lent/vif et se situe davantage dans la lignée de Bartók (FRC9110). SC




Sakari Oramo survole Prokofiev





Sakari Oramo et l’ Orchestre symphonique de la Radio finlandaise, dont il est désormais le chef honoraire après en avoir été le chef principal depuis 2003, livrent un disque plus généreux par sa durée (80 minutes) que par sa prise de son, assez lointaine, manquant de corps et mal définie, et son propos, manquant d’ampleur. La Cinquième de Prokofiev est ainsi expédiée en moins de 42 minutes, certes sans emphase ni boursouflure, mais aussi sans grandeur ni tension, sans mordant ni ambiguïté. Dans la Sixième, la prestation instrumentale reste louable, mais le chef finlandais demeure trop souvent en retrait de l’ironie et de la fureur de cette œuvre déchirante d’un compositeur pourtant pas encore passé sous les fourches caudines du jdanovisme. Dans l’une comme dans l’autre de ces symphonies, les références, en intégrales (Martinon, Rojdestvenski, Gergiev) aussi bien qu’en versions isolées (notamment Khaïkine, Mravinski, Karajan, Svetlanov et Tennstedt), restent donc inchangées (Ondine ODE 1181-2). SC




Les Allemands aiment Mahler


        


Deux intégrales mahlériennes suivent leur cours outre-Rhin. A Stuttgart (un live de janvier 2011), Gabriel Feltz (né en 1971) et les Philharmoniker locaux livrent une Quatrième de fort bonne tenue, remplie de jeunesse et d’innocence, aux couleurs pastorales et claires, souple jusque dans le grinçant (même si le deuxième mouvement débute avec un excès de hargne... pour s’assoupir progressivement). L’orchestre est précis mais les finitions manquent de magie sinon de perfection. Surtout la voix un peu nasillarde et chevrotante de Jeannette Wernicke ternit l’impression générale (Dreyer Gaido 21072). Dans la «Titan» (enregistrée en juillet 2011), Markus Stenz (né en 1965) et le Gürzenich de Cologne confirment l’impression positive laissée par leur récente Troisième. Dans une prise de son toujours aussi lumineuse, le chef opte pour des tempos modérés, qui forcent l’attention... sans la capter nécessairement. Dommage, car cette version ne manque ni de subtilité (un troisième mouvement élégiaque et extraverti) ni de muscle. Mais on admire davantage la superbe de l’orchestre que la puissance de l’interprétation, lassante à force de perfection (Oehms Classics OC646). GdH




DG en pince pour la guitare et la mandoline


        


A 68 ans, Pepe Romero signe son premier album solo chez Deutsche Grammophon, «Spanish Nights». Ainsi qu’il l’indique dans la notice, intitulée «Rêves d’Espagne», le guitariste souhaite évoquer le souvenir idéalisé du pays de son enfance. Entre Madrid et Séville, le programme associe des compositeurs proches de la famille, émigrée aux Etats-Unis en 1957: Sonatine et Notturno de Federico Moreno Torreba (1891-1982), Sevillana de Turina et Trois Pièces espagnoles de Rodrigo, qui écrivit son Concerto andalou pour le quatuor formé par les trois frères Romero (Celin, Pepe et Angel) et leur père, Celedonio (1918-1996), représenté ici par sa Première Suite espagnole. Le plus souvent dépourvue de prétention, sinon peut-être chez Turina et Rodrigo, cette petite heure de musique est servie avec élégance, sans le moindre effet déplacé (479 0073). En cette rentrée, l’étiquette jaune s’intéresse décidément aux cordes pincées, puisqu’elle publie un album d’œuvres de Bach adaptées et interprétées à la mandoline par Avi Avital (né en 1978), qui fait ainsi ses débuts chez l’éditeur hambourgeois. Non seulement le Cantor de Leipzig, de l’accordéon au synthétiseur, en a vu bien d’autres, mais la proposition n’est pas aberrante: Vivaldi, à la même époque, écrivait des concertos pour mandoline et les partitions originales, qu’elles soient destinées au clavecin (Concertos BWV 1052 et BWV 1056), au violon (Concerto BWV 1041) ou à la flûte (Sonate BWV 1034, la partie de clavier étant ici dévolue au violoncelle d’Ira Givol et au théorbe d’Ophira Zakai), ne sont nullement malmenées par l’Israélien, dont la musicalité et la virtuosité s’imposent à chaque mesure. Avec un phrasé parfaitement abouti, le soliste fait ainsi oublier des tempi que les contraintes inhérentes à son instrument rendent plus rapides qu’à l’accoutumée, comme dans le Largo du Concerto BWV 1056. Malheureusement, l’accompagnement de l’Académie de chambre de Potsdam manque davantage de souplesse que de dynamisme (479 0092). SC




Schwarz-Schilling, un néoclassique sans complaisance





Poursuivant chez Naxos leur exploration de l’œuvre symphonique de Reinhard Schwarz-Schilling (1904-1985), José Serebrier et la Staatskapelle de Weimar parviendront-ils à faire en sorte que le nom du compositeur allemand soit désormais connu autant grâce à lui qu’à son fils, Christian, ministre des postes et télécommunications sous Helmut Kohl puis médiateur et haut représentant international en Bosnie? Elève de Heinrich Kaminski, il enseigna à son tour à l’Académie de musique de Berlin; inquiété par la Gestapo durant la guerre, il échappa cependant à un sort tragique grâce aux faux papiers dont put bénéficier son épouse juive polonaise, la pianiste Dusza von Hakrid. Après un premier volume principalement consacré à ses deux Symphonies, le deuxième débute par la Partita (1935), sa première œuvre orchestrale, défendue notamment par Jochum et Keilberth; assez composite, elle évoque néanmoins clairement l’ère baroque tant par son effectif relativement restreint (incluant un trio à cordes en concertino solo) que par le contrepoint puissant et solennel qui caractérise ses quatre mouvements, hormis toutefois une spirituelle «Danse». Elle aussi d’esprit plus léger, la brève Polonaise (1936), plaisamment poivrée, a été écrite pour l’un des plus anciens festivals allemands, celui de Bad Pyrmont (Basse-Saxe): elle n’avait pas été rejouée depuis sa création, Schwarz-Schilling n’en étant pas satisfait et se refusant à la publier. Assez peu au goût du jour dans l’Allemagne de Darmstadt et Donaueschingen, il n’en demeure pas moins interprété par les plus grands: son Concerto pour violon (1953/1966) est ainsi créé par Keilberth et la Philharmonie de Berlin avec Siegfried Borries, puis repris notamment par un autre Konzertmeister, Leon Spierer, qui établit la version définitive de la cadence du premier mouvement. C’est ici Kiril Troussov qui défend sans faillir une partie soliste intense et exigeante, face à un orchestre plus austère. Si le schéma en trois mouvements (mais à la structure interne sui generis) reste traditionnel, le langage s’est quelque peu assombri, fidèle à la tonalité mais, de l’aveu même du compositeur, pas nécessairement d’un abord facile pour autant: ce néoclassicisme profond et sans complaisance ne se refuse cependant pas à une émotion à la fois digne et poignante («Aria» centrale) et, ne serait-ce qu’à ce titre, mérite d’être redécouvert (8.572801). SC




Onslow: deux quatuors inédits au disque





Petit à petit, on découvre la véritable stature de George Onslow (1784-1853) et son vaste catalogue de musique de chambre attire de plus en plus l’attention des musiciens. Grâce au Quatuor Mandelring et au Quatuor Diotima, on peut apprécier la grande qualité du tiers de ses trente-six quatuors à cordes. A son tour, et avec le soutien de Viviane Niaux, le jeune Quatuor Ruggieri, formé en 2007 par quatre membres de l’ensemble baroque Les Talens Lyriques, propose le Quatuor en ré mineur (deuxième de l’Opus 10) et le Quatuor en mi bémol majeur (troisième de l’Opus 21), inédits au disque, et, à la suite du Quatuor Mandelring, le Quatuor en fa mineur (troisième de l’Opus 9), leurs cordes en boyau marquant peut-être une différence par une certaine souplesse élastique et chaleureuse. Leur interprétation, néanmoins nette, sculptée et d’une justesse sans faille, met bien en valeur l’élégance ciselée des quatuors d’Onslow et la qualité de leur facture. Les Quatuors de l’Opus 9 (1812) et de l’Opus 10 (1814) font partie d’un premier cycle de douze quatuors qui relève stylistiquement de l’Ecole de Vienne, non sans audace chromatique et avec une grâce toute française. Plus tardif (1822), le Quatuor en mi bémol dévoile par ses thèmes mélodiques et la manière de les travailler l’intérêt qu’Onslow portait alors à l’opéra, exception faite du Larghetto qui confirme les écrits de Berlioz évoquant «la beauté calme de plusieurs de ses adagios» et qui compte Onslow «parmi les plus grands harmonistes de l’époque» (agOgique AGO006). CL




Brahms avec chœur mais sans cœur





Après une Messe glagolitique assez décevante (voir ici), Antoni Wit et la Philharmonie nationale de Varsovie, dont il assure la direction depuis 2002, reviennent, toujours chez Naxos, cette fois-ci avec un large panorama de l’œuvre pour chœur et orchestre de Brahms, auquel il manque toutefois, hormis le Requiem allemand, Rinaldo et le Chant de triomphe. Pas de révélations dans cette section déjà bien explorée de son catalogue: un chef-d’œuvre, la Rhapsodie avec contralto, avec la voix plus efficace que raffinée d’Ewa Wolak, et diverses pages d’inspiration religieuse – Ave Maria, dans une version orchestrée de l’habituel accompagnement d’orgue, et Chant funèbre – ou séculaire – Chant du destin, Nänie et Chant des Parques. Le chef polonais donne malheureusement le plus souvent l’impression ne pas se passionner beaucoup pour cette musique, dirigeant de manière tour à tour distraite, lasse ou soporifique un orchestre et un chœur au demeurant assez convenables (8.572694). SC




Les instruments à vent de Schumann





indésens! poursuit sa série d’enregistrements avec les solistes de l’Orchestre de Paris à l’apogée de leur talent: après Saint-Saëns, Poulenc et Debussy, ils abordent, cette fois-ci en compagnie de leur camarade David Gaillard à l’alto et de la pianiste Hélène Tysman, les rivages germaniques avec le même bonheur instrumental et interprétatif. Le programme est centré sur cette année 1849 (que la notice qualifie fort maladroitement de «prolixe»), consacrée chez Schumann, comme 1840 l’avait été au lied et 1842 à la musique de chambre, aux instruments à vent. Le hautbois d’Alexandre Gattet dans les trois Romances opus 94, la clarinette de Philippe Berrod dans les trois Fantasiestücke opus 73 et dans les quatre Märchenerzählugen ainsi que le cor d’André Cazalet dans le diptyque Adagio et Allegro sont, une fois de plus, magnifiques. Le compositeur n’a hélas rien laissé pour la flûte et le basson, mais ce dernier s’approprie les Cinq Pièces dans le caractère populaire (originellement pour violoncelle), qui conviennent parfaitement au fagott de Marc Trénel, tour à tour spirituel, bonhomme, ironique, mélancolique ou pontifiant (INDE048). SC




Dimitri Kitajenko poursuit son intégrale Tchaïkovski





Après Chostakovitch (Capriccio) et Prokofiev (Phoenix Edition), Dimitri Kitajenko (né en 1940) et l’Orchestre du Gürzenich de Cologne, dont il est, comme Günter Wand, chef honoraire (depuis 2009) bien que n’en ayant jamais été, quant à lui, Kapellmeister, se sont lancés chez Oehms Classics dans une intégrale Tchaïkovski. Les Cinquième, Sixième et Manfred étant déjà parues, voici maintenant la Première «Rêves d’hiver», dont l’interprétation lisse et prosaïque, manquant d’allant et de passion, ne captive pas, bien que semble-t-il prise sur le vif. En revanche, comme sous la baguette de son Generalmusikdirektor dans Mahler (voir ici), l’orchestre, servi par une prise de son exemplaire, se présente sous son meilleur jour. Le complément de ce disque qui n’en demeure pas moins court consiste en des extraits de La Fille des neiges, desquels la notice (en allemand et en anglais), par ailleurs correcte, ne pipe mot. Contemporaine de la version définitive de la Première Symphonie, cette musique de scène pour la pièce d’Ostrovski mérite pourtant de sortir de l’oubli, à en juger du moins par ces trois numéros sur les dix-neuf que compte la partition complète, car on y retrouve tout le talent dont le compositeur a su faire preuve par ailleurs dans le domaine du ballet (OC 668). SC



La rédaction de ConcertoNet

 

 

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