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CD, DVD et livres: l’actualité d’août
08/15/2012


Les chroniques du mois




 Must de ConcertoNet


    Sergiu Celibidache dirige Bruckner


    Claudio Abbado dirige Bruckner




 Sélectionnés par la rédaction


    Chostakovitch par le Quatuor Meta4


    Cantates nuptiales par Clematis


     L’Affaire Makropoulos à Salzbourg


     José van Dam chante Don Quichotte




 Oui!

Roderick Williams chante Britten
Marek Janowski dirige Lohengrin
Vie de famille de Jean-Pierre Drouet
Jérémie Rhorer dirige le Requiem de Cimarosa
Klaus Tennstedt dirige Bruckner
JoAnn Falletta dirige Holst
Günter Wand dirige Carmina burana
La Métamorphose de M. Levinas
Musique instrumentale et de chambre de Nielsen
Le pianiste Evgeni Bozhanov
L’Octuor de France interprète Françaix
Le Holst-Sinfonietta interprète Martinů
Christophe Coin interprète F. David
Yury Martynov interprète Beethoven transcrit par Liszt
Joris Verdin interprète Franck
Nicholas McGegan dirige Haydn
Günter Wand dirige Braunfels, Mozart et Baird




 Pourquoi pas ?

Werther avec Rolando Villazón
Les Symphonies de Hérold
William Steinberg dirige Bruckner
Michel Lethiec interprète Golijov et Bloch
Daniel Barenboim interprète huit concertos de Mozart
Jamie Walton dans Britten, Chostakovitch et Prokofiev
Mathieu Dupouy interprète Haydn
David Porcelijn dirige Röntgen
Klaus Tennstedt dirige Mozart et Mahler




Pas la peine
Christian Leotta interprète Beethoven
Alexandre Dossin interprète Liszt
Daniele Gatti dirige Debussy
Eiji Oue dirige Carmina burana
Marko Letonja dirige Ross Harris
Karl-Friedrich Beringer dirige Stravinski
David Porcelijn dirige van Gilse




Hélas !
Jasmina Kulaglich interprète Bozic







Le match du mois


    
Carmina burana: Günter Wand vs. Eiji Oue





En bref


Jean Françaix: un centenaire à ne pas oublier
Carl Nielsen: l’intégrale se poursuit
Une bonne introduction à Martinů
Tennstedt en couleurs dans Mahler et Mozart
César Franck posthume et inédit
La dernière incarnation de José van Dam à la Monnaie
Symphonistes néerlandais chez cpo
Félicien David chambriste
Un pianiste engagé: Evgeni Bozhanov en concert
Beethoven transcrit mais Liszt authentique
Le Mozart de Barenboim en DVD
Une mosaïque byzantine
Esprit de Kafka
Haydn «authentique» au clavier: Mathieu Dupouy
Haydn «authentique» à l’orchestre: Nicholas McGegan
Violoncelle et piano au XXe siècle
Un Harris peut en cacher un autre
La belle Affaire
Les Apparitions de Günter Wand
Stravinski sans voix de femmes





Jean Françaix: un centenaire à ne pas oublier





Cette année fournit l’occasion de célébrer Debussy et Massenet, bien sûr, mais pour s’en tenir à la France, il serait dommage d’oublier, outre Ibert, disparu voici cinquante ans, Jean Françaix (1912-1997). Pour marquer ce centenaire un peu trop discret, quoique inscrit cette année, comme les trois susnommés, au nombre des commémorations nationales de 2012, Indésens!, avec l’aide de l’Association des amis de Jean Françaix, publie un coffret consacré à sa musique de chambre et comprenant, à défaut d’une présentation détaillée des œuvres, une intéressante notice biographique de Georges Boyer. Les trois disques tirent parti des capacités de «géométrie variable» inhérentes à l’Octuor de France, commanditaire du Nonetto (1995), adaptation du Quintette pour piano et vents de Mozart où le piano est remplacé par un quintette à cordes. Les deux premiers disques rééditent opportunément des enregistrements réalisés en 1996 pour Erol avec, le cas échéant, la participation du compositeur lui-même, au piano ou même à la direction – sans doute, faute d’autre précision, pour son Dixtuor (1987). Gravé en février dernier, le troisième, plus généreux, permet de retrouver les musiciens de l’Octuor notamment dans... l’Octuor (1972) et dans la première parution mondiale de L’Heure du berger (1947) dans sa version originale pour quintette avec piano. Moins audacieux que Ravel, Jolivet, Messiaen, Varèse, Boulez ou même Poulenc, et faisant un clin d’œil tout sauf webernien dans ses huit Bagatelles pour quintette avec piano (1980), Françaix, au-delà des querelles esthétiques, apparaît ici à tout le moins comme un artisan accompli: ainsi, à l’écoute de Thème et variations (1974) et du Quintette avec clarinette (1977), comment ne pas se dire que peu nombreux sont ceux qui, au siècle dernier, ont écrit aussi bien que lui pour cet instrument? Gouaille, humour, tendresse avec un zeste de nostalgie, on ne s’ennuie pas un instant, comme dans ce Divertissement pour piano et trio à cordes (1933) qui pourrait illustrer un film muet. Pour le reste, c’est une succession de petits bijoux de finesse et de concision: Sonatine pour violon et piano (1934), Quatuor (1937), Divertissement pour basson et quintette à cordes (1942) – et ce n’est pourtant ici qu’une partie relativement restreinte de son catalogue (INDE043). SC




Carl Nielsen: l’intégrale se poursuit





Après un premier volume consacré à l’œuvre orchestral de Carl Nielsen (1865-1931), Dacapo édite un deuxième comprenant six disques consacrés à l’intégrale de la musique instrumentale et de chambre. Il s’agit d’enregistrements datant de 2006 et de 2007 mais la captation des œuvres pour piano interprétées par le grand pianiste danois Herman D. Koppel remonte à 1981. Les interprètes sont pour la plupart de jeunes instrumentistes danois de renom: le Quatuor Danois, le Trio Ondine, le DiamantEnsemblet, Tue Lautrup, le violoniste Jon Gjesme et le pianiste Jens Elvekjær. La compréhension intime de l’esprit et de la musique de leur compatriote permet une interprétation toujours d’un bon niveau et souvent inspirée. Près de la moitié des œuvres date d’avant 1900, mais l’ensemble reste assez révélateur de l’évolution du compositeur qui passe d’aspirations assez classiques en réaction au postromantisme environnant à une écriture d’une tonalité évolutive qui ouvre sur une création de conception organique, originale et foncièrement humaine. Si l’on ne peut rester insensible au charme puissamment architecturé des pièces d’un Nielsen plus jeune, tel le Troisième Quatuor, on retiendra plus particulièrement des pages plus tardives: la Seconde Sonate pour violon et piano (1912), harmoniquement instable, l’audacieuse Suite luciférienne pour piano de 1919-1920, le Prélude et Thème avec variations (1923) pour violon seul, beau mais d’une virtuosité périlleuse, et le célèbre Quintette à vent de 1922, visionnaire dans le genre (8.206003). CL




Une bonne introduction à Martinů





En un seul disque bien rempli, les membres du Holst-Sinfonietta de Fribourg-en-Brisgau sous la direction de leur fondateur Klaus Simon, également au piano en tant que de besoin, offrent un panorama de plusieurs périodes de la très féconde vie créatrice de Martinů: les années 1920 parisiennes avec la délicieuse Revue de cuisine (1927), non pas la Suite habituellement donnée mais le ballet intégral, dans une version reconstituée par Christopher Hogwood en collaboration avec l’Institut Bohuslav Martinů; l’apparition d’une influence folklorique au début des années 1930, avec les assez rares Rondes (1930), recueil de six pièces destinées à un septuor pour le moins original (hautbois, clarinette, basson, trompette, deux violons et piano); la fidélité au genre concertant, avec le Concerto pour clavecin (1935), dont l’Américain Robert Hill tient la partie soliste et où l’orchestre réduit (flûte, basson, piano, trois violons, alto, violoncelle et contrebasse) fait ici inhabituellement penser à la verve rugueuse du Concerto de Falla; enfin, l’ultime phase des années 1950, avec la tardive Musique de chambre n° 1 (1959) – aucun «n° 2» ne devait suivre – originellement intitulée Les Fêtes nocturnes, écrite pour un effectif de nouveau inattendu (clarinette, trio à cordes, harpe et piano) et jouant, comme le Concerto pour clavecin, sur l’association de cordes pincées (harpe) et du piano. Une introduction d’autant plus recommandable à l’univers du compositeur tchèque que les musiciens badois s’y révèlent à la fois justes et enthousiastes (Naxos 8.572485). SC




Tennstedt en couleurs dans Mahler et Mozart





ICA Classics propose de retrouver la battue passionnée de Klaus Tennstedt (1926-1998), filmé – en couleurs – à la tête du Symphonique de Boston lors d’un concert donné le 15 janvier 1977 au Symphony Hall de la capitale du Massachusetts. La réalisation est un peu datée (voir ici) mais assurément attentive et soignée (malgré de brutales coupures entre les mouvements). La Quatrième Symphonie de Mahler pâtit d’une prise de son claire quoique sèche (renforçant l’impression sinon d’étouffement, du moins d’étroitesse du spectre sonore) et d’une battue amoureuse mais qui se traîne parfois. Bien qu’elle n’égale pas la lumineuse version studio avec Lucia Popp (EMI) – dont le souvenir empêche de s’attacher au chant appliqué de Phyllis Bryn-Julson –, cette interprétation demeure remarquable de concentration et de cohérence, culminant dans un Ruhevoll inéluctable et d’une infinie souplesse. Le DVD est complété par une Haffner dont Michael McManus résume, dans la notice, les qualités et les faiblesses: «Mozart de première classe, leste, avec un grand orchestre, un peu vieille école, mais jamais lourd» (ICAD 5072). GdH




César Franck posthume et inédit





Déjà signataire d’une intégrale de son œuvre pour orgue et pour harmonium, Joris Verdin revient, toujours chez Ricercar, à Franck, pour regrouper cette fois-ci en un album de deux disques ses œuvres posthumes et inédites, dont l’audition est éclairée par une notice exhaustive et experte de Joël-Marie Fauquet. Sur le Cavaillé-Coll (1855) de la cathédrale de Saint-Omer, l’organiste belge interprète quarante-deux pièces (dont trente-sept posthumes) généralement brèves – les plus courtes durent moins de 20 secondes, la plus longue ne dépasse pas 9 minutes – écrite entre 1846 et 1863. Restées dans l’ombre des sublimes et ultimes Trois Chorals, ces pages sont explicitement destinées au culte (Offertoires, Elévations, Grands chœurs, Amen, ...) et doivent en respecter les contraintes de durée et de forme. Toutefois, prenant acte de la culture musicale des fidèles, adeptes d’opéra ou de «musique de salon», elles témoignent d’un certain degré d’hybridation entre le sacré et le profane et, surtout, d’une qualité soutenue d’inspiration et de facture, faisant de cette parution un incontournable jalon dans la connaissance du «Pater seraphicus» (RIC 324). SC




La dernière incarnation de José van Dam à la Monnaie





En mai 2010, José van Dam a salué le public de la Monnaie pour la dernière fois à l’issue de cette production de Don Quichotte de Massenet dirigée par Marc Minkowski. Ce DVD permet de retrouver l’incarnation emplie d’humanité, de grandeur et d’émotion du chanteur belge, la mise en scène tout à fait au point de Laurent Pelly et la belle scénographie de Barbara de Limburg. Un making of captivant permet d’en savoir plus au sujet de ce spectacle mémorable, du casting des quatre jeunes chanteurs qui interprètent Pedro, Garcias, Juan et Rodriguez au réglage des éclairages en passant par la conception du décor – une incroyable montagne de papier – et les répétitions. A noter également que la notice (en français et anglais), richement illustrée, se présente de façon inhabituelle, c’est-à-dire dans le sens de la longueur, et qu’elle prend la peine de citer les membres des chœurs et de l’orchestre. Voilà une excellente initiative en ce centenaire de la mort du compositeur mais qu’est-il prévu pour immortaliser les formidables Huguenots représentés l’année passée? Pour une chronique en anglais, voir ici (Naïve DR2147). SF




Symphonistes néerlandais chez cpo


        


Chez l’inlassable découvreur qu’est cpo, David Porcelijn et l’Orchestre symphonique des Pays-Bas (nom adopté depuis octobre 2011 par l’ancien Orchestre de l’Est, sis à Enschede dans la province d’Overijssel) apportent deux nouvelles pierres à la connaissance de l’œuvre symphonique de deux de leurs compatriotes: autant de découvertes, qui si elles ne constituent pas des révélations comme la musique de leurs cadets Vermeulen, Pijper et Badings, n’en sont pas moins intéressantes à connaître. Après les Première et Deuxième, et alors que la Quatrième est déjà annoncée, l’intégrale des cinq Symphonies de Jan van Gilse (1881-1944) est désormais en bonne voie. Formé à Cologne puis à Berlin et en Italie, il fut directeur du conservatoire d’Utrecht et cofondateur de la société des compositeurs néerlandais. Critiqué par Pijper pour son conservatisme esthétique, il se signala à la fin de sa vie par ses activités de résistance à l’occupation allemande, durant laquelle ses deux fils furent tués. Très développée, la Troisième (1903) porte extérieurement la marque de Mahler, tant par sa structure en cinq mouvements que par ses proportions (63 minutes), par l’adjonction d’une voix (une soprano, en l’occurrence Aile Asszonyi, au vibrato excessif) et par son propos – elle est sous-titrée, en allemand, «Elévation» («Erhebung»). Mais elle évoque davantage Reger ou R. Strauss et, surtout, ne tient pas la durée, révélant chez ce créateur âgé de 22 ans plus de métier que d’inspiration (7550354). Avec Julius Röntgen (1855-1932), auteur d’une vingtaine de symphonies (pas toutes numérotées, écrites pour la plupart en quelques années au tournant des années 1920 et 1930), c’est un travail de plus longue haleine, mais une nouvelle parution vient en ajouter trois aux cinq précédemment enregistrées (Troisième, Huitième, Dixième, Quinzième et Dix-huitième). Né à Leipzig, fils d’un Konzertmeister germano-néerlandais du Gewandhaus, il ne fut naturalisé qu’en 1919, à la fin d’une vie riche en contrastes – accompagnateur de Flesch et Casals mais aussi pianiste de cinéma, nourri de tradition allemande mais aussi auteur d’une symphonie bitonale. Ces origines germaniques se retrouvent tant dans les trois mouvements de la Cinquième (1926), qui porte le sous-titre d’un vieux chant populaire allemand, La Faucheuse et fait appel, dans le finale, à un ténor solo (angélique Marcel Beekman) et à un chœur, que dans la Dix-neuvième, dont les quatre brefs mouvements sont tous fondés sur les notes du nom de Bach, énoncées d’emblée par les cordes. En un seul mouvement, la Sixième (1928), avec chœur, est sous-titrée quant à elle Grand Dieu, que je dois me plaindre, un ancien chant néerlandais. Si la facture, se référant davantage aux écoles issues de Mendelssohn, Schumann et Brahms, apparaît plus traditionnelle voire archaïsante que chez van Gilse, la carrure, la puissance, la franchise et l’originalité du propos convainquent davantage, dans un esprit, sinon un style, au fond pas très éloigné de celui de Hindemith à partir des années 1930 (6945097). SC




Félicien David chambriste





Christophe Coin, après douze des vingt-quatre quintettes des Quatre Saisons de Félicien David (1810-1876), continue de s’intéresser à la musique du compositeur saint-simonien, toujours chez Laborie, au travers d’un album au minutage généreux, mêlant œuvres originales et transcriptions, assorti d’une notice richement illustrée et soutenu par l’omniprésent Palazzetto Bru Zane. Avec son Quatuor Mosaïques, le violoncelliste français a opportunément choisi le seul de ses quatre Quatuors que le Quatuor Cambini-Paris n’a pas enregistré pour Ambroisie. Le doit-on aux interprètes? Toujours est-il que ce Troisième (1869) convainc bien davantage que les trois autres et prend ainsi sa place dans l’histoire du genre en France, notamment grâce à son profond Adagio. Associé à deux de ses partenaires de l’Ensemble baroque de Limoges, le violoniste Andrés Gabetta et Jean-Jacques Dünki, sur un piano Pleyel (1850) ou un pianino Kunz (ca 1845), Coin donne par ailleurs le Premier de ses trois Trios (1857), d’un charmant romantisme Biedermeier, ainsi que quatre pièces de genre. Celles pour violoncelle et piano – choisies parmi six «livraisons» de douze Mélodies au total – Le Caprice (volontiers hispanisant) et Le Souvenir (qui donne son titre à l’album) – apportent davantage à la gloire de David que celles pour piano seul – La Pensée («mélodie-valse») et L’Absence (romance sans paroles). Enfin, trois pages évoquent ses plus grandes œuvres dans le domaine lyrique et symphonique: un arrangement pour violoncelle et piano par Vieuxtemps et Carl Schuberth de «La Nuit» (qui débute la deuxième partie de la fameuse «ode-symphonie» Le Désert) ainsi que deux pots-pourris, Valse de «Lalla-Roukh» par Philippe Musard (arrangée pour piano par Emile Desgranges) et Souvenir d’«Herculanum», «morceau de salon» pour violoncelle et piano de Sebastian Lee (LC12). SC




Un pianiste engagé: Evgeni Bozhanov en concert





Ce récital du pianiste Evgeni Bozhanov (né en 1984) – écho d’un concert donné à Varsovie en août 2011 – reprend en partie un programme dont on avait souligné l’intérêt (lire ici) tout comme le caractère anticonformiste. On n’est d’ailleurs pas étonné de découvrir, dans la notice, la fascination qu’exerce Glenn Gould pour cet interprète, qui pourra sembler prétentieux à beaucoup... mais qui a bien des choses à dire! Le jeu de Bozhanov est assurément «sophistiqué» dans Chopin (une Vingt-sixième Mazurka à peine reconnaissable tant le texte est malmené, une Grande valse brillante passablement ampoulée...). Pourtant, le legato très personnel du pianiste – déjà repéré l’an passé lors de la publication d’un étonnant album consacré au compositeur polonais (Fuga Libera) – sonne souvent juste (à l’image d’une Barcarolle rafraîchissante et riche en contrastes ou de Valses qui respirent l’intelligence et s’emballent sans mesure). S’il intéresse moins dans les Danses allemandes de Schubert, il démontre d’évidentes affinités avec les univers de Scriabine (séduisante Valse opus 38) et, dans une moindre mesure, de Debussy (impeccable Isle joyeuse, contorsionniste Plus que lente). Son Liszt divisera davantage – à commencer par cette vaporeuse Méphisto-Valse où il prend son monde à contre-pied en simulant l’exécution littérale à rythme modéré... pour mieux plonger dans les eaux troubles de la lagune du tout dernier Liszt. Un disque passionnant parce que contestable (Profil Hänssler/Vermont Classics PH12015). GdH




Beethoven transcrit mais Liszt authentique





Les Symphonies de Beethoven dans leur transcription lisztienne sont assez largement servies au disque depuis l’intégrale confiée à divers pianistes (principalement français) chez Harmonia mundi il y un quart de siècle jusqu’à Idil Biret, Konstantin Scherbakov (Naxos) et Leslie Howard (Hyperion) en passant par Cyprien Katsaris (Teldec) et sans oublier les deux versions isolées de Glenn Gould (Sony). Malgré cette relative abondance, Yury Martynov (né en 1969) fera sans doute date avec cet enregistrement des Deuxième et Sixième «Pastorale». Pas tant parce qu’il présente la particularité d’être réalisé sur l’un de ces Erard, en l’occurrence de 1837, qu’affectionnait Liszt, mais parce qu’il témoigne d’une virtuosité, d’un sens de la couleur et d’une intelligence musicale rares, qui font d’autant plus regretter quelques afféteries inutiles mais qui n’empêcheront pas, s’il devait s’agir du début d’une intégrale, d’en attendre la suite avec impatience (Zig-Zag Territoires ZZT301). SC




Le Mozart de Barenboim en DVD





Comme pianiste ou comme chef, Daniel Barenboim interprète Mozart depuis longtemps – avec un succès inégal. Des Concertos pour piano, il a laissé une exceptionnelle intégrale avec l’Orchestre de chambre anglais au tournant des années 1970 (EMI). Proposant les huit derniers concertos, ces deux DVD ne se situent pas exactement au même niveau mais restent du grand Barenboim. Dirigeant du piano un Philharmonique de Berlin filmé à la villa Siemens (de 1986 à 1989), le musicien tutoie par instants le génie – offrant un toucher jamais paresseux, dévorant les traits avec espièglerie et passion, exploitant chaque opportunité rythmique avec culot et enthousiasme. Les arêtes sont vives et tranchantes... à l’excès parfois pour ce Mozart sous influence klempérerienne, bien épais et trop sérieux avec ses accents beethovéniens (la patte des Philharmoniker n’y est pas pour rien). Un Mozart tonitruant et sonore, qui privilégie l’éloquence sur l’évanescence, le dynamisme sur la contemplation… même si Daniel Barenboim n’oublie ni de respirer ni de sourire (dans des Vingt-deuxième, Vingt-troisième et Vingt-sixième d’une merveilleuse délicatesse). Dommage que le montage ne permette pas à l’image d’être toujours raccord sur le son... (EuroArts 2066098). GdH




Une mosaïque byzantine





Jasmina Kulaglich, musicienne serbe établie en France, fait découvrir chez Naxos trois œuvres de son compatriote Svetislav Bozic (né en 1954), un compositeur dont la principale source d’inspiration est d’ordre spirituel, pour ne pas dire religieux. Mosaïque byzantine (2001), qui donne son titre à ce disque, est un cycle de neuf pièces rendant «hommage aux vénérables monastères orthodoxes de Serbie, de Macédoine et de Grèce ainsi qu’à leurs fidèles communautés monastiques». Chacune s’attache à évoquer un site différent, mais ce «parcours initiatique, où le musicien interpelle non seulement le croyant mais aussi le mélomane, curieux et méditatif, qui voudrait comprendre ces émotions si profondes qu’on les dit sacrées» laisse pour le moins sceptique, tant cette musique n’a rien à dire de nouveau, s’enferrant avec une coupable naïveté dans des mélismes modaux et dans un langage dont les audaces ne vont pas au-delà de celles d’un Debussy ou d’un Janácek. Après une guerre avec un peu d’espoir à travers la pluie (1999), qui rappelle les récentes heures sombres de l’histoire de la Serbie, et Souvenirs des ancêtres (2004), brève «berceuse, nostalgique et miséricordieuse, qui à la lumière du soir apaise l’humanité», témoignent de nouveau d’une esthétique désespérément creuse et anachronique qui regarde moins vers Messiaen que vers le Nyman de La Leçon de piano. Naxos, jamais pris en défaut de curiosité, ferait donc bien mieux de s’intéresser aux grands créateurs serbes de la seconde moitié du siècle dernier que furent Milan Ristic, Ljubica Maric, Stanojlo Rajicic, Rudolf Bruci ou Aleksandar Obradovic. La pianiste n’est toutefois nullement en cause, ce qu’un prochain récital salle Gaveau, le 17 octobre, permettra sans doute de confirmer (9.70162). SC




Esprit de Kafka





La création du plus récent opéra de Michaël Levinas, La Métamorphose d’après Kafka, eut lieu à l’Opéra de Lille en mars 2011. Capté lors des représentations des 11 et 13 mars, donc à distribution identique, l’opéra enregistré garde une grande force hors de l’espace scénique, force qui prend toute sa dimension par une connaissance de l’argument ou par la lecture simultanée du texte intégralement fourni. En cela, l’enregistrement rejoint l’esprit de Kafka, qui aimait à lire ses textes à haute voix et n’en voulait aucune représentation visuelle. Levinas met l’accent sur les thèmes de l’incommunicabilité et de l’aliénation. Pour cela, il a effectué un travail remarquable sur la voix, celle de Gregor, contre-ténor, électroniquement multipliée vers le grave, signe sonore d’une métamorphose d’avance achevée. Les autres voix pures, seules ou habilement superposées pour le plus heureux effet expressif, filent les sons sans artifice (elles peuvent émouvoir) ou dans une semi-Sprechstimme mélodique ou dramatique toujours stylisée. Le trait récurrent des lignes vocales étirées est un long glissando descendant, assez expressionniste. L’écoute seule met en relief la richesse du substrat orchestral, les associations instrumentales aux rehauts électroniques créant des timbres très variés et le caractère des choix instrumentaux transformant le petit orchestre en commentateur illustratif, au besoin, tel un chœur antique. L’opéra est précédé de Je, tu, il, un prologue sur un livret de Valère Novarina dont le traitement relève peut-être davantage du théâtre musical (æon AECD 1220). CL




Haydn «authentique» au clavier: Mathieu Dupouy





Le huitième album de Label-Hérisson est le troisième où Mathieu Dupouy (né en 1977) se présente en solo, cette fois-ci dans les trois dernières sonates et deux importants cycles de variations (Variations en fa mineur, Variations sur «Dieu protège l’empereur François») de Haydn. A la différence de son disque Scarlatti, point de tiorbino ni même de clavecin ici, mais un pianoforte pragois Jakob Weimes (vers 1807). Sur cet instrument à la sonorité assez sourde et mate, le jeu de Dupouy, signataire d’une très intéressante notice de présentation, ne possède pas le charme d’un Badura-Skoda ou l’inventivité d’un Staier. Les promesses du sous-titre de ce programme, «Witz und Humor» (très approximativement «Esprit et humour»), ne sont donc pas toutes tenues mais l’interprétation, très travaillée, ne manque ni d’intelligence ni de poésie (LH08). SC




Haydn «authentique» à l’orchestre: Nicholas McGegan





Comme bon nombre de formations, le Philharmonia Baroque Orchestra, fondé en 1981 à San Francisco et jouant sur instruments d’époque (ou copies), édite lui-même ses disques sous sa propre étiquette, après avoir été publié notamment chez Harmonia mundi. D’un généreux minutage, la deuxième autoproduction est consacrée à trois symphonies de Haydn, les Quatre-vingt-huitième, Cent unième «L’Horloge» et Cent quatrième «Londres». La sécheresse de la sonorité et la maigreur du son – les musiciens sont visiblement peu nombreux – sont compensées par une acoustique assez réverbérée, celle de l’église de Berkeley où l’enregistrement a été effectué (en public) entre 2007 et 2009, et par la direction suffisamment souple du chef anglais Nicholas McGegan, directeur musical depuis 1985. L’ensemble conjugue une qualité instrumentale de haut niveau – le clarinettiste solo, par exemple, n’est autre qu’Eric Hoeprich – et une approche pleine de verve, mais jamais débraillée ou incontrôlée, même si le tempo va parfois vraiment très vite dans les mouvements lents et les menuets des deux premières symphonies (Philharmonia Baroque Productions PBP-02). SC




Violoncelle et piano au XXe siècle





Après celles de Grieg et de Rachmaninov, de Chopin et de Saint-Saëns, le violoncelliste Jamie Walton et le pianiste Daniel Grimwood se tournent vers le XXe siècle et les Sonates de Chostakovitch, Britten et Prokofiev. Rostropovitch, un proche des trois compositeurs, les relie, les Sonates des deux derniers écrites à son intention. Chostakovitch, Britten ou Richter l’accompagnaient et d’autres grands noms s’associent aux trois sonates. Malgré ce lourd héritage, les deux musiciens anglais en gardent leur propre vision. Leur atout est la cohérence de leur parfaite entente et leur interprétation apporte un éclairage différent, intéressant par ce fait même. L’Opus 40 (1934) de Chostakovitch en est moins mordant, moins contrasté, le finale moins caustique, mais ils captent parfaitement le caractère ensoleillé du thème mélodique, les traits d’humeur déjantée, et le lyrisme méditatif de l’Andante. Dans l’Opus 65 (1961) de Britten, ils proposent un climat moins frondeur moins corrosif mais l’archet leste et expressif de Walton et la fermeté colorée du piano permettent une Elegia finement contrastée et un Moto perpetuo éblouissant. Le lyrisme et le beau timbre velouté du violoncelle, la précision transparente d’un piano sensible mettent pleinement en valeur l’Opus 119 de Prokofiev, la plus «sage» des trois sonates, calmée peut-être par le jdanovisme de rigueur en 1949. L’humeur est au charme et à l’envoûtement et à une certaine insouciance mais ils l’animent avec une puissance d’intensité qui suggère un non-dit espéré (Signum Classics SIGCD274). CL




Un Harris peut en cacher un autre





Voici deux des trois symphonies inspirées à Ross Harris (né en 1945) – à ne pas confondre avec l’Américain Roy Harris (1898-1979) – par sa résidence auprès du Philharmonia d’Auckland (le Néo-Zélandais en a ensuite composé une quatrième). La Deuxième (2006), sur des textes de Vincent O’Sullivan (né en 1937), est inspirée par le sort des soldats exécutés pour désertion durant la Première Guerre mondiale et tient davantage de la cantate que de la symphonie. La soprano Madeleine Pierard est très investie, de même que la direction du Slovène Marko Letonja (futur patron du Philharmonique de Strasbourg), mais la musique cultive au premier degré une esthétique très datée, qui n’est pas sans évoquer le Barber de Knoxville, plus lointainement Vaughan Williams (Troisième Symphonie) ou Britten. Elle aussi d’un seul tenant mais plus longue de 10 minutes (pour atteindre près de trois quarts d’heure), la Troisième (2008), captée en concert, donne l’impression de ne pas être née de la plume du même auteur et s’apparente quant à elle à un poème symphonique. Sans se révéler d’une grande originalité, elle est cependant plus âpre et corrosive, bien davantage ancrée dans son époque, et fait preuve d’une richesse sonore bien plus convaincante, inspirée de l’œuvre de Chagall et de la musique klezmer. Pas de quoi cependant détrôner le grand symphoniste de ce pays, Douglas Lilburn (1915-2001), également enregistré chez Naxos (8.572574). SC




La belle Affaire





Cette Affaire Makropoulos de Janácek a fait forte impression à Salzbourg l’année dernière. Dépourvu de bonus, le DVD s’impose avant tout grâce à l’Emilia Marty d’Angela Denoke (entre deux âges, belle, cynique, intrigante) et à la scénographie du tandem Christophe Marthaler-Anna Viebrock. Le premier règle une mise en scène pertinente et d’une précision clinique tandis que la seconde reste fidèle à son esthétique – couleurs mates et décors peu amènes qui évoquent cette Europe de l’Est si souvent représentée de nos jours. Le reste du plateau n’appelle pratiquement que des éloges (formidable Prus de Johan Reuter, savoureux Hauk-Sendorf de Ryland Davies) tandis qu’Esa-Pekka Salonen dirige avec sa précision coutumière un Philharmonique de Vienne tendu et âpre sans atteindre totalement la somptuosité que Mackerras obtenait à la tête de la même phalange (Decca, un must). Pour ceux qui ne peuvent pas se passer de l’image, il s’agit sans aucun doute de la meilleure porte d’entrée pour aborder cet ouvrage décidément fascinant. Et pour les happy few qui ont eut la chance d’assister à ce spectacle, probablement la seule façon de le revoir puisque Alexander Pereira, intendant du festival, a déclaré qu’il souhaite limiter les reprises à Salzbourg (C Major DVD 709508/Blu-ray 709604). SF




Les Apparitions de Günter Wand





Le volume 17 de l’édition que Profil consacre à Günter Wand est composite, dominé par une œuvre de plus de trois quarts d’heure, les Apparitions fantastiques d’un thème d’Hector Berlioz (1917) de Walter Braunfels (1882-1954). Le chef allemand, qui a par ailleurs dirigé son Te Deum (volume 15 de la présente édition), n’a pas attendu l’heureux retour à la mode de la «musique dégénérée» chez Decca pour s’intéresser au compositeur des Oiseaux: le présent témoignage date ainsi du 23 décembre 1953 (dans une prise de son qui ne fait guère ses presque soixante ans) avec l’Orchestre symphonique de la Radio de Cologne, ville dont Braunfels dirigea le conservatoire entre 1925 et 1950 (hormis, bien sûr, durant le IIIe Reich). Au fil d’une introduction, de dix variations et d’un final, le thème de la «Chanson de la puce» de Méphisto dans La Damnation de Faust lui inspire une fête orchestrale, colorée et séduisante, tenant à la fois des grands cycles de variations à la Reger, de la science instrumentale de R. Strauss et de la diversité de climats de Mahler. Les compléments permettent de se souvenir de Dennis Brain, en 1951 dans le Troisième Concerto de Mozart, un répertoire qui l’a fait entrer dans la légende, et, cette fois-ci avec l’Orchestre symphonique de la Radio bavaroise, d’un musicien désormais bien oublié, Tadeusz Baird (1928-1981): Lothar Faber est le hautboïste soliste de ses quatre brefs Dialogues (1964), une partition où le lyrisme le dispute au raffinement sonore (PH06004). SC




Stravinski sans voix de femmes





Sopranos et altos remplacées par une maîtrise de garçons: ce n’est pas de cantates ou de passions de Bach qu’il s’agit ici mais de musique sacrée de Stravinski. Pourquoi pas, car l’aspect vocal n’est pas le plus décevant, dans ce disque du Chœur de garçons de Windsbach, même si ceux-ci apparaissent parfois en difficulté. En revanche, la direction de Karl-Friedrich Beringer, chef de la maîtrise franconienne depuis 1978, déçoit par son manque de tension, d’engagement et d’émotion dans l’essentiel de la Symphonie de Psaumes, accompagnée par l’Orchestre symphonique allemand de Berlin (ancien RIAS). Le choix consistant à (res)sortir aujourd’hui cet enregistrement réalisé en 1999 et (en public) 2001, au début du mandat de Nagano auprès de l’orchestre berlinois (devenu entre-temps celui de Metzmacher et bientôt celui de Sokhiev), ne laisse donc pas d’étonner. Son intérêt demeure la rareté des compléments proposés: deux brefs motets à quatre voix a cappellaPater noster (1926/1949) et Ave Maria (1934/1949) – remarquablement chantés et la Cantate pour soprano (Claudia Barainsky), ténor (Markus Schäfer), chœur de femmes à quatre voix et petit ensemble instrumental (1952), œuvre méconnue qui se situe entre la veine néoclassique et élégiaque du Rake’s Progress et le dépouillement de la dernière période du compositeur (Rondeau Production ROP2015). SC




La rédaction de ConcertoNet

 

 

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