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10/09/2013
Wolfgang Rihm : Dionysos
Ich bin Dein Labyrinth

Mojca Erdmann (1. hoher Sopran, Ariadne), Elin Rombo (2. hoher Sopran), Virpi Räisänen (Mezzosopran), Julia Faylenbogen (Alt), Johannes Martin Kränzle (N.), Matthias Klink («Ein Gast», Apollon), Uli Kirsch («Die Haut»), Lothar Mattner (Wanderer in Sils Maria), Konzertvereinigung Wiener Staatsopernchor, Jörn H. Andresen (chef de chœur), Deutsches Symphonie-Orchester Berlin, Ingo Metzmacher (direction musicale), Pierre Audi (mise en scène), Jonathan Meese (décors), Jorge Jara (costumes), Jean Kalman (lumières), Martin Eidenberger (projections vidéo), Klaus Bertisch (conseiller dramatique), Bettina Ehrhardt (réalisation)
Enregistré en public à Salzbourg (25-27 juillet 2010) – 121’35 + 52’54
Album de deux DVD EuroArts 2072608 (ou un Blu-Ray 2072604) – Format 16:9/NTSC – PCM stereo, DD 5.0, DTS 5.0 – Region code: 0 – Sous-titres en anglais, allemand et français





En 2010, une phrase de l’écrivain autrichien Michael Köhlmeier tint lieu de fil rouge à la programmation du festival de Salzbourg: «Du conflit entre Dieu et l’homme naît la tragédie». Rien d’étonnant, dès lors, à ce que cette édition ait notamment vu la création, en coproduction avec l’Opéra des Pays-Bas et l’Opéra d’Etat de Berlin, d’une œuvre inspirée par l’auteur de La Naissance de la tragédie.


Le très prolifique Wolfgang Rihm (né en 1952), dont l’Œdipe avait déjà été pour partie inspiré par Nietzsche, songeait depuis une quinzaine d’années à ce Dionysos, mais l’a finalement écrit en moins de six mois – ne laissant ainsi qu’un délai d’à peine deux mois entre l’écriture de la dernière note et la première représentation. «Eine Opernphantasie»: le sous-titre n’est évidemment pas indifférent à la compréhension de ces «scènes et dithyrambes»: Ingo Metzmacher, dédicataire de la partition, n’est ainsi pas infondé à estimer que le projet est «non conceptuel». Tout est relatif, cependant, car si l’on sent bien que le compositeur ne s’est pas imposé de contraintes, dans sa musique comme dans le livret qu’il a intégralement tiré des ultimes Dithyrambes de Dionysos de Nietzsche, le spectacle n’en porte pas moins nettement la marque de ce que la pensée germanique peut avoir de pesamment didactique et systématique – la Gesamtkunstwerk de Wagner a encore frappé.


On le voit par exemple dans cette illusion que Nietzsche et son ami Peter Gast ne pourront être entièrement assimilés aux protagonistes de l’opéra au prétexte que ces derniers sont respectivement dénommés «N.» et «Un invité» («Ein Gast» en allemand). Même si la ressemblance physique suggère davantage ici Victor Lanoux, c’est pourtant bien évidemment de la figure de Nietzsche qu’il est question – figure au sens propre, la moustache, stylisée, étant omniprésente dans la scénographie. Et l’on retrouve dans cette évocation des derniers moments de lucidité du philosophe la fascination allemande pour les génies basculant dans la folie (Hölderlin, Schumann).


Une première scène («Un lac») prend place au lac des Quatre-Cantons, où N. ne sort de son mutisme face à colorature virtuose dénommée Ariane que pour lui déclarer «Je suis Ton labyrinthe». La deuxième scène («A la montagne») évoque Sils Maria, village des Grisons où il aimait à résider, et met en scène un échange avec «Un invité». Après un entracte où le brouhaha du public est délibérément intégré au spectacle, la troisième scène («Intérieur») décline trois salons successifs sur le thème du bordel, mais elle se conclut sur l’identification entre N. et deux personnages mythologiques, «Dionysos le crucifié» et le faune Marsyas: à l’instar de ce dernier, qui avait défié Apollon dans un concours de chant, il est littéralement dépecé par le dieu, qui se trouve être un avatar du «visiteur». Dans la dernière scène, sur la place de Turin où, le 3 janvier 1889, Nietzsche s’effondra après avoir réconforté un cheval violemment fouetté par son cocher, c’est la peau, incarnée par un acteur (muet), qui va à la rencontre de l’animal tandis que l’écorché vif finit par trouver un certain apaisement sur les mots «félicité» et, dans le suraigu de sa tessiture, «vérité».


Dramatique, poétique, onirique, ironique, voire humoristique, le propos est d’une diversité suffisamment baroque, rehaussée par les décors volontiers potaches de Jonathan Meese, pour que la musique puisse revendiquer son éclectisme. Elle assume également avec aplomb le lourd poids du passé – de Mozart à... Rihm lui-même (qui cite l’une de ses propres mélodies), on ressent une imprégnation par toute l’histoire de l’opéra allemand (Wagner, Strauss, Berg, Henze, Zimmermann) – mais de manière moins épigonale et référencée que chez un Boesmans, par exemple. Rihm, suggérant que l’une des dimensions de l’œuvre serait l’illustration de son propre processus créatif, parvient à faire coexister sous sa férule toujours aussi puissante postromantisme et postmodernisme, complexité et simplicité, avec aussi bien les grands gestes d’un sens dramatique redoutablement efficace que la subtilité de l’écriture orchestrale ou le lyrisme de la ligne de chant.


Les trois rôles principaux sont d’ailleurs tenus avec une intelligence vocale et scénique de premier ordre par le baryton Johannes Martin Kränzle (né en 1962), présent quasiment sans interruption pendant les deux heures que dure le spectacle, la soprano Mojca Erdmann (née en 1975) et le ténor Matthias Klink (né en 1969). Metzmacher, à la tête de l’Orchestre symphonique allemand de Berlin dont il fut le Chefdirigent et directeur artistique de 2007 à 2010, et Pierre Audi, remarquable directeur d’acteurs, sont eux aussi ovationnés, bien moins encore que Rihm lui-même: le public de Salzbourg en 2010 est plus réceptif à ce Dionysos foisonnant que celui de la Deutsche Oper en 1987 à un Œdipe plus hiératique.


Sur un second DVD, Bettina Ehrhardt, qui a excellemment réalisé la captation vidéo de l’opéra, propose un film intitulé Je suis Ton labyrinthe et sobrement sous-titré «Wolfgang Rihm. Nietzsche. Dionysos». Ces 52 minutes offrent une intéressante introduction à l’opéra, même si, sans grande surprise, elles alternent des extraits des répétitions ou des représentations, les déambulations à Sils Maria d’un acteur incarnant Nietzsche et récitant ses textes en voix off ainsi que de brefs entretiens avec les principaux protagonistes du spectacle – compositeur, chef, chanteurs, metteur en scène, scénographe, créateur des costumes, «conseiller dramatique», directeur artistique du festival.


Le site d’Ingo Metzmacher
Le site de Mojca Erdmann
Le site de Johannes Martin Kränzle
Le site de Matthias Klink
Le site de Jonathan Meese


Simon Corley

 

 

 

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