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01/07/2008
Ferrucio Busoni : Doktor Faust
Thomas Hampson (Doktor Faust), Günther Groissböck (Wagner), Gregory Kunde (Mephistopheles), Reinaldo Macias (le Duc de Parme, le Frère de la jeune fille), Sandra Trattnig (la Duchesse de Parme), Martin Zysset (Un lieutenant), Chœur et Orchestre de l’Opéra de Zurich, Philippe Jordan (direction)
Klaus Michael Grüber (mise en scène), Felix Breisach (réalisation)
Enregistré en 2006 – 172’ (+ 43’ bonus)
Arthaus 101 283 (2 DVD). Format : 16:9. Region code : 0 (worldwide) (distribués par Intégral)


Laissé inachevé par Busoni, l’inclassable Doktor Faust est sans doute un des opéras les plus forts des années vingt. Achevé par son élève Philipp Jarnach, il fut créé en 1925, comme Wozzeck de Berg. L’œuvre s’inspire des Puppenspiele, qui avaient marqué Goethe, mais ont permis à Busoni, également auteur du livret, de s’affranchir de son ombre pesante. Il ne prend pas pour autant systématiquement son contre-pied : à la fin, si Faust ne monte pas au ciel, plus fort que Méphisto, il transmet, avant d’assumer sa mort et donc son humanité, ses pouvoirs à l’enfant mort qu’il a eu de la duchesse de Parme, qui se transforme en adolescent incarnant l’avenir. Sans déserter les grandes scènes internationales, ce « poème en musique » ne les a pas encombrées et, depuis les années 90, semble se faire une place dans le paysage lyrique : les productions présentées à Lyon (1997) (reprise trois ans plus tard à Paris), à Salzbourg (1999), à San Francisco (2004) en attestent.


En 2006, Doktor Faust est donné à Zurich, la ville où Busoni, né de mère allemande et de père italien, se retira. Klaus Michael Grûber opte pour une lecture assez statique, ce qui correspond assez bien à l’œuvre, faite d’une succession de tableaux – « suite associative libre de stations », disait Peter Mussbach, metteur en scène de l’œuvre à Salzbourg. Il privilégie avant tout les gestes, les expressions, bien mis en valeur par la caméra, chaque note, chaque mot trouvant leur équivalent dans le jeu des chanteurs. Le décor d’Eduardo Arroyo, très clean, aux couleurs glacées, plonge dans un univers hors du temps, où les références au passé – cotte de mailes du frère de Marguerite - côtoient la science-fiction – laboratoire de Faust -, avec une utilisation bienvenue d’effets spéciaux. Le tableau de la cour de Parme ressemble à un ballet de cour, contaminé par des effets futuristes au moment des apparitions magiques. La scène de la taverne, en revanche, avec la dispute entre catholiques et protestants, rappelle presque certains tableaux de Grosz.


Philippe Jordan s’en tient à la version Jarnach, donnant à ses yeux « une autre dimension » à l’œuvre, de préférence à la mouture réalisée par Antony Beaumont à partir des esquisses de Busoni découvertes en 1974. Il réussit à maintenir l’équilibre entre la puissance, notamment dans les grandes scènes d’ensemble, et la clarté, évitant le piège de la lourdeur d’un post-wagnérisme mal compris, débrouillant l’écheveau complexe – sinon compliqué – de la polyphonie busonienne. Il en oublie parfois de se montrer plus incisif, comme dans la scène de la taverne, ou de se laisser aller davantage, comme s’il craignait de lâcher prise.


Une fois admises l’émission particulière et une certaine usure de la voix, la composition de Thomas Hampson est saisissante, de subtilité et d’intensité : vocalement, il assume sans difficulté un rôle écrasant, sachant phraser le texte en Liedersänger ; scéniquement, il fascine par le travail accompli sur le moindre plissement des lèvres, le moindre mouvement du visage, donnant à ce Faust aux cheveux longs, hirsute à la fin, l’allure d’un fou visionnaire, digne du cinéma expressionniste ou futuriste. Gregory Kunde, qui est passé de l’Idreno dans Sémiramis à Enée dans Les Troyens, aborde, avec Méphisto, un rôle de composition. Il est aussi fascinant que Hampson, insinuant et sulfureux, sarcastique et duplice, entretenant un rapport finalement assez ambigu avec sa victime – le renversement des tessitures rend peut-être plus complexe encore la relation entre le savant et le démon. Ira-t-il, est-il déjà allé jusqu’à Hérode dans Salomé, jusqu’au Capitaine dans Wozzeck ? Le reste de la distribution, excellent, contribue à la qualité de la production.


En bonus, deux entretiens, avec Thomas Hampson et Philippe Jordan, excellent complément pour ce passionnant et remarquable DVD.


Didier van Moere

 

 

 

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