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05/20/2007
Richard Strauss : La Femme sans ombre
Peter Seiffert (l’Empereur), Luana DeVol (l’Impératrice), Marjana Lipovšek (la Nourrice), Jan-Hendrik Rootering (le Messager des esprits), Annegeer Stumphius (Un gardien du seuil du temple), Herbert Lippert (la voix du Jeune Homme), Caroline Maria Petrig (la voix du Faucon), Anne Salvan (Une voix d’en haut), Alan Titus (Barak), Janis Martin (sa Femme), Chœur et Orchestre Symphonique de l’Opéra de Bavière, Wolfgang Sawallisch (direction), Ennosuke Ichikawa (mise en scène), Setsu Asakura (décors), Tomio Mohri (costumes), Sumio Yoshii (lumières), Kanshino Fujima (chorégraphies)
Enregistré à Nagoya les 8 & 11 novembre 1992 – 183’
TDK DVWW-OPFROS. Format : 4:3. Region code : 0 (worldwide) (distribué par Intégral)


Pour beaucoup, La Femme sans ombre, c’est Karl Böhm, dont c’était l’opéra fétiche. Ses trois versions discographiques (Vienne 1955 live et studio, Vienne 1974 live) restent des références et ceux qui ont eu le privilège de voir les représentations parisiennes de 1972 avec Leonie Rysanek, Christa Ludwig, James King et Walter Berry ne sont pas près de les oublier. Wolfgang Sawallisch s’est toujours situé du côté de Böhm, plus que de celui de Karajan : même souci de transparence polyphonique, même rigueur dans la direction, même respect des œuvres, même humanité sous une apparence de Kapellmeister austère, même refus de la démonstration. Mais Böhm, plus que lui, pouvait s’embraser, mettre littéralement le feu à la musique, surtout dans la fosse. Sawallisch reste davantage sur son quant-à-soi, peu prompt à l’abandon, à la fulgurance de l’inspiration de l’instant où la baguette s’oublie. En un mot, il reste apollinien, comme dans cette Femme sans ombre, magnifique d’équilibre et d’homogénéité – quel bel orchestre aussi -, qui laisse toute sa place au rêve, à la féerie mystérieuse du conte oriental, avec des atmosphères parfois quasi impressionnistes. Peut-être plus symphonique que théâtral, à la différence de Böhm, qui tendait à le rompre l’arc du drame.
Conte oriental : autant dire que la direction s’accorde avec la mise en scène de l’acteur japonais Ennosuke Ichikawa, qui inscrit la luxuriance straussienne dans l’économie minimaliste du nô, optant pour un certain statisme, sinon un certain hiératisme, surtout pour le couple impérial, magnifiquement vêtu par Tomio Mohri, alors que les teinturiers ont des costumes rappelant un Orient – ou plutôt un Moyen Orient - plus quotidien. C’est à la fois épuré et somptueux, réaliste et symboliste, avec une direction d’acteurs très juste dans sa sobriété. On regrette malheureusement une scène trop souvent plongée dans la pénombre, voire dans l’obscurité, sans doute à cause d’une mauvaise captation des équipes de la télévision japonaise, le spectacle ayant été exporté dans l’Empire du milieu au cours d’une tournée de l’opéra de Munich – c’était la dernière saison de Sawallisch.
Homogénéité enfin de la distribution. Luana DeVol se meut avec aisance dans la redoutable tessiture de l’Impératrice, avec des registres parfaitement soudés, certes moins incandescente qu’une Rysanek, mais claire, légère, aérienne, sûre et souple de ligne – les années passant, elle chantera plus tard la Teinturière, notamment à l’Opéra Bastille. Un peu limitée dans l’aigu, Janis Martin chante toutes les notes de son rôle, ce qui est assez exceptionnel et la contraint peut-être à une certaine prudence, tant la ligne est souvent heurtée, à l’image du personnage. La Teinturière, avec elle, perd de sa violence agressive, en particulier au deuxième acte, pour devenir surtout une femme frustrée en quête d’amour. Marjana Lipovšek chante également toutes ses notes, ce qui est tout aussi exceptionnel, moins mégère que tentatrice, à la fois sarcastique et sensuelle, phrasant sa Nourrice avec un sens de la déclamation digne du Lied. S’il a moins à chanter, l’Empereur doit affronter deux redoutables solos exigeant autant de douceur que de puissance, ce qui met les ténors en péril, parce qu’ils sont trop légers ou trop héroïques : Peter Seiffert était à l’époque un des rares à pouvoir résoudre l’équation, avec une souplesse quasi mozartienne, n’ayant pas été, comme un René Kollo – l’Empereur de la version gravée par Sawallisch pour EMI en 1987 -, éprouvé par des Siegfied ou des Tristan imprudents. Alan Titus, enfin, incarne l’humanité de Barak, désemparé et aimant, faisant valoir une timbre chaud et une belle ligne, moins irradiant néanmoins qu’un Berry, qui a si profondément marqué le rôle.
On a beau ne pas oublier les légendaires distributions des décennies précédentes, on conviendra qu’il était difficile, à l’époque, de se situer plus haut.


Didier van Moere

 

 

 

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