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11/05/2006

Gaetano Donizetti : Anna Bolena

Joan Sutherland (Anna), Samuel Ramey (Enrico), Jerry Hadley (Percy), Suzanne Mentzer (Giovanna), Bernadette Manca di Nissa (Smeton), Giorgio Surian (Rochefort), Ernesto Gavazzi (Hervey), Orchestre et Chœurs du Welsh National Opera, Richard Bonynge (direction).
Enregistré à Walthamstow (février 1987) – 3h 32’57
Trois disques Decca 475 7910 (présentation trilingue, livret en italien et en anglais).


Au crépuscule de sa carrière, Joan Sutherland ne craint pas d’aborder de nouveaux rôles, comme Adrienne Lecouvreur (voir ici) ou Ann Boleyn. Pour l’héroïne de Donizetti, plus encore que pour celle de Cilea, il est évidemment bien tard et l’on ne peut s’empêcher de penser ce qu’elle eût fait dix ans plus tôt. Mais elle voulait attendre : lorsque Decca, sa maison, grava Anna Bolena en 1970, alors qu’elle se trouvait au zénith de sa carrière, avec Marilyn Horne, Nicolai Ghiaurov et John Alexander, tous trois souvent associés à la Stupenda, c’est à la pauvre et éphémère Elena Suliotis qu’on fit appel. En 1987, la voix de Dame Joan bouge, le timbre est tamisé, la vocalise a perdu de sa superbe. Pour faire face aux cabalettes des deux airs, elle transpose sagement d’un ton – comme elle le faisait à ce moment-là dans la scène de folie de Lucie de Lammermoor. Des variantes sont aménagées ici ou là lorsque l’écriture devient inconfortable. On ne le niera pas. Mais transposer et varier étaient dans les usages d’une époque où l’on s’adaptait, de gré ou de force, aux moyens et aux exigences des interprètes. Et puis la performance impose le respect : la technique, le style sont toujours là, avec un art du legato et une maîtrise du souffle remarquables dans « Al dolce guidami ». Et puis la prudence à laquelle elle est contrainte, entourée des soins vigilants de monsieur au pupitre, finit presque par se muer en atout : il y a quelque chose de pathétique chez cette reine résignée, mélancolique, condamnée à la nostalgie, dès le début victime désignée de la vindicte de l’ogre fallacieux.
Et quel ogre ! Un Samuel Ramey pour le coup à l’apogée de ses moyens, vraie basse belcantiste – ce que n’était pas Ghiaurov –, d’une aisance redoutable, dans les aigus, dans les graves, dans les vocalises, d’un machiavélisme à faire frémir jusqu’à la nouvelle élue. Le couple est à la fois défait – la maturité d’un côté, le déclin de l’autre – et assorti – des deux côtés, ce qui reste assez rare, le même art du bel canto. Autour d’eux, on assume très honorablement ce que l’on doit faire. Ne pas confier Giovanna à un mezzo verdien trop lourd et trop sombre est conforme à l’esprit de l’époque et à la partition. Suzanne Mentzer a la clarté et la fraîcheur du timbre requises, elle chante joliment son air, on aimerait seulement, au-delà d’une indéniable musicalité, un peu moins de discrétion, un peu plus d’éclat dans la vocalise, un peu plus de présence dans le célèbre duo entre les deux femmes. N’était une voix trop grave, on verrait bien Bernadette Manca di Nissa troquer son Smeton généreux et stylé pour Giovanna, tant on sent chez elle, au-delà du page royal, un vrai tempérament dramatique. Jerry Hadley se tire plutôt bien d’affaire, même s’il ne semble pas avoir de grandes affinités avec le bel canto et si ses aigus se coincent : les rôles créés par Rubini sont toujours redoutables. Egal à lui-même, Richard Bonynge est efficace, veille amoureusement sur les voix, mais se montre plutôt accompagnateur que maître d’œuvre. Du coup, le refus des coupures – à part quelques mesures ici ou là – donne parfois l’impression, dans les pages les moins connues, que l’opéra traîne un peu.
Ni Gavazzeni-Callas ni Sills-Rudel n’étant parfaits en tout point, ce retour de l’Anna Bolena de la Stupenda, même déclinante, à l’occasion de ses 80 ans, est loin d’être incongru, ne serait-ce que pour… Samuel Ramey.


Didier van Moere

 

 

 

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