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11/03/2006
Airs extraits d’opéras de Mozart, Haendel, Verdi, Gounod…
Joan Sutherland (soprano) accompagnée par divers orchestres et chefs (la plupart des extraits sont dirigés par Richard Bonynge)
Enregistré de 1959 à 1985 78’16 + 74’49 + 78’57 + 80’39 + 72’27 + 77’05
Six disques Decca 475 6302


Pour fêter le quatre-vingtième anniversaire de l’une des plus grandes sopranos du XXème siècle, j’ai nommé Joan Sutherland, Decca a édité un somptueux coffret de six disques: ils contiennent les rôles et les airs les plus marquants de la carrière de la chanteuse australienne. L’écoute est musicalement thématique puisque chaque disque regroupe une époque, une esthétique.



Le premier disque est consacré à la musique “baroque” et principalement à Haendel que Joan Sutherland a fortement contribué à remettre au goût du jour. Certes l’interprétation peut paraître vieillie, passée mais quelles vocalises époustouflantes, quelle technique! Elle chante les deux airs d’Alcina de manière totalement différente en faisant évoluer son personnage avec intelligence. Autant dans “Tornami a vagheggiar” elle montre une voix fraîche et agile, autant elle sombre les notes du récitatif de la grande scène ”Ombre pallide”: le contraste est vraiment saisissant. Les vocalises sont impeccables comme toujours… Ce premier disque permet aussi de (re)découvrir des opéras malheureusement absents de nos scènes internationales comme le Rosina de Shield. A retenir aussi l’air charmant “Nel cor piu non mi sento” de L’Amor contrastato de Paisiello: la chanteuse dialogue avec la harpe et Joan Sutherland utilise les couleurs les plus douces de sa voix pour exécuter ce morceau. Un petit bijou!
Le deuxième disque, le plus décevant des six, regroupe des airs de Mozart. Joan Sutherland ne rend pas très bien l’univers du compositeur et sa voix n’adhère pas vraiment aux intervalles mozartiens. Il faut toutefois retenir l’air de Konstanze de L’Enlèvement au sérail “Martern aller Arten” où la chanteuse brosse le portrait d’une femme “à poigne”, avec des “nichts” puissants et autoritaires. Elle sort toutes ses griffes dans la dernière partie de l’air, aidée en cela par le tempo vif adopté par Francesco Molinari-Pradelli. Autant oublier la Reine de la nuit pour s’intéresser à sa Suzanne des Noces de Figaro: elle apporte la délicatesse nécessaire à cette partition et elle semble bien plus à l’aise dans le costume de la soubrette que dans ceux de Cherubino ou de la Comtesse. Donna Anna peut séduire dans “Non mi dir” où Joan Sutherland exprime une vive douleur retenue avec de beaux piani.
Le troisième disque comprend des grands airs de Verdi (mais point de Gilda ni de Violetta…) et de Wagner. Joan Sutherland est vraiment excellente dans Verdi. Elle aborde avec un aplomb impressionnant les premières notes de l’air d’Odabella d’Attila, avec une autorité dans les aigus et avec des notes piquées parfaites. C’est toutefois dans Ernani et le grand air d’Elvira qu’elle saura émouvoir par son phrasé élégant et éblouir par ses vocalises. Dès les premières notes “Surta è la notte”, l’émotion étreint l’auditeur et on ne peut résister au mezza-voce qui termine le “récitatif”. Le personnage évolue pendant tout l’air et Elvira finit par déborder de bonheur dans la dernière partie, riche de vocalises: la chanteuse use et abuse des notes piquées, comparables à des perles, et la facilité avec laquelle elle conduit cet air est confondante. Elle prouve ensuite tout son art dans une prière de Desdémone poignante notamment avec des “salce” remplis de douleur. Les amoureux de Joan Sutherland écouteront avec plaisir les plages de Wagner qui sont stylistiquement assez discutables.
Les disques quatre et cinq sont consacrés au répertoire français avec des raretés comme Le Tribut de Zamora et des “tubes” comme l’air d’Olympia ou celui de Marguerite. Joan Sutherland interprète quelques airs inconnus avec un charme et une distinction devant lesquels on ne peut que s’agenouiller. Sa voix-caméléon lui permet d’apporter toute la naïveté voulue à l’air de Jeannette “Cette nuit, sur ma croisée” des Noces de Jeannette de Massé: elle utilise des couleurs aiguës, etc… L’air de Louise “Depuis le jour” est bien rendu malgré un français plus qu’approximatif: les intervalles, avec des ports de voix, expriment bien le bonheur naissant et progressif de la jeune fille. Elle fait également preuve d’humour dans les extraits de la Grande-Duchesse de Gérolstein avec un “Dites-lui” susurré et mutin. Pour le plaisir, il faut écouter attentivement l’air de Manon “C’est l’histoire amoureuse” d'Auber où elle montre une virtuosité étourdissante: elle incarne une Manon vraiment frivole. L’air des bijoux dans Faust est également à retenir car la soprano se métamorphose en une jeune fille toute innocente, proie facile pour Méphisto, lorsqu’elle souligne les “belle”. Les ports de voix, les alanguissements mettent bien en valeur le rythme de valse. La voix est très agile et cela est parfait pour “Ombre légère” de Dinorah de Meyerbeer ou bien pour la valse de Juliette de Gounod. Decca a retrouvé dans ses cartons des mélodies accompagnées par Richard Bonynge. Le résultat est assez décevant car la tessiture est trop basse pour Joan Sutherland. En revanche elle est extraordinaire dans les roucoulades de Les Filles de Cadix de Leo Delibes et elle donne une humanité au Papillon et la fleur de Fauré.
Le dernier disque est plutôt un condensé de ses grands rôles avec un “Salut à la France” de la Fille du régiment très enlevé. Place ensuite à l’émotion avec deux scènes de folie, celle d’Ophélie et celle de Lucia. Joan Sutherland est très prenante dans ce répertoire et pour Ophélie elle traduit le début de folie du personnage avec des retards, des mezza-voce, notamment sur “et moi…et moi… je suis Ophélie”. Dommage que l’on ne comprenne pas un traître mot… Enfin s’il ne fallait retenir qu’un air de tout ce coffret ce serait peut-être la scène de la folie de Lucia. La folie s’installe progressivement jusqu’à la partie “spargi…” où Joan Sutherland distille les notes une à une, sans avoir l’air d’y toucher. La voix traduit la fragilité du personnage avec des vocalises presque automatiques, commencées sous l’impulsion de la peur.



Ce coffret permet de brosser le portrait d’une des plus merveilleuses musiciennes. Tout n’y est pas impérissable mais pour les airs relevés ici et pour l’ambiance générale, cette compilation est indispensable pour les amoureux de cette voix! Joan Sutherland a abordé des répertoires différentes, des tessitures différentes, elle a su mener une carrière exemplaire avec des prises de risques toujours contrôlées et cet hommage discographique est aujourd’hui la récompense de son incomparable travail. Très bon anniversaire!



Decca a édité un très joli coffret qui n’est pas sans rappeler les vinyles puisque les disques sont dans des pochettes. Le petit livret est intéressant avec une belle iconographie et une interview de Joan Sutherland, malheureusement en anglais seulement.


Manon Ardouin

 

 

 

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