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06/04/2006
Réaltor B (Chronique d’un musicien entre deux siècles)
Jacques Borsarello
Editions Symétrie – 206 pages, 25 €
Altiste et enseignant, Jacques Borsarello abandonne parfois l’archet pour la plume et a ainsi rédigé entre 1995 et 2003 quinze nouvelles regroupées ici sous le titre énigmatique de la première d’entre elles. D’emblée, on est tenté de privilégier dans ces textes l’hypothèse autobiographique: un enfant décrit avec ses propres mots sa première leçon de violon (Réaltor B), un musicien se souvient de son premier stage d’été (La plage des Dames), un altiste évoque le travail avec ses frères violoniste et violoncelliste (Cormoran), un observateur à la fois aigu et désabusé, depuis l’intérieur, de ces formations qui jouent Vivaldi à longueur de saison dans les églises du Quartier latin (L’Orchestre de chambre René Barbeaux).
Mais bien malin qui pourra démêler dans ces pages la part de réalité, de souvenirs et d’imagination, car l’auteur s’efforce soigneusement de brouiller les pistes. Ainsi l’alto ne tient-il pas seul la vedette, et tous les instruments, qu’ils appartiennent aux cordes ou aux cuivres, ont droit de cité – sans oublier le fidèle étui où ils sont rangés – de même que toutes les professions, compositeur, luthier, archetier ou souffleur d’orgues. Les époques se bousculent également, du début du XXe siècle (Le souffleur de Saint-Germain) au milieu du XXIe siècle (L’archetière de Bourg), le récit procédant souvent par flash-back. Quant à l’âge des protagonistes et des narrateurs, il s’étend de la prime jeunesse (Réaltor B) aux compositeurs défunts qui engrangent des “points” leur donnant droit de revenir sur terre entendre leurs œuvres (La Dixième symphonie). Enfin, la diversité des styles est de mise: enfantin (Réaltor B), fleur bleue (La plage des Dames, La violoncelliste), épistolaire (Lettre à mon luthier), science-fiction (L’holographe), journal intime (Cormoran), énigme policière (A chacun sa drogue)...
Il faut donc se résoudre à prendre ce recueil dans sa globalité, enrichi et imprégné avec humour et tendresse d’une pratique et d’une réflexion sur les grandeurs et servitudes du musicien – à l’image de son sous-titre – «entre deux siècles», alternant routine et rêves (Le Bistro d’Antoine), mais aussi cauchemar (L’holographe). Si le ton adopte souvent une teinte nostalgique et même nuée d’inquiétude, il est compensé par une passion communicative pour les divers métiers de la musique et par une foi inébranlable en l’art, qui trouve sa plus parfaite expression dans Cormoran, décrivant, avec la pureté et l’efficacité d’un conte philosophique du XVIIIe, le triomphe de l’humanisme sur la barbarie.
Le site du Trio Borsarello
Simon Corley
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