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07/01/2002

Benjamin Britten : Sacred and Profane, opus 91, Hymn to St.Cecilia opus 27.

Edward Elgar : Three Part-Songs.

Ralph Vaughan Williams : Three Shakespeare Songs.

Frederick Delius : Two unaccompanied Part Songs.

Charles Villiers Stanford : The Blue Bird.



RIAS Kammerchor, Marcus Creed (direction).

1 CD Harmonia Mundi, 2002. n° 7 94881 67002 4, durée totale : 55'39''. Notice satisfaisante.





Harmonia Mundi vient d'ajouter une pièce de choix au trésor que l'éditeur arlésien conserve jalousement en la crypte qu'est son catalogue. Une crypte voûtée, où le disque vieillit comme du bon vin ; mais fort heureusement, il est beaucoup plus abordable. Voici un CD de musique anglaise appelé à faire date ! Outre qu'il ordonne autour de Benjamin Britten des compositeurs aussi fondamentaux que Delius et Elgar, il se consacre entièrement à la musique chorale a capella , d'origine madrigalesque, commise par la (si peu) « perfide Albion ». De surcroît, c'est un document maître à ajouter au parcours sans faute du chef de choeurs Marcus Creed, à qui l'on doit entre autres un diptyque Brahms sacré-profane anthologique (même éditeur).



Sacré et profane : c'est le titre de l'album, et aussi celui de l'opus 91 de Benjamin Britten qui ouvre la compilation. Écrira-t-on « the swan song », tant le musicien jeta ses dernières forces (il mourut l'année suivante), après ses soucis cardiaques, dans ce baptistère vocal dont le dernier titre est... « A death » (« Une mort »). Des poèmes médiévaux originaux, tant profanes que sacrés d'où le titre, ont été utilisés par l'auteur du Tour d'Écrou pour un choeur à cinq voix, originellement celui de son compagnon Peter Pears. L'ensemble est d'autant plus captivant que rien ne relie a priori ces beaux textes entre eux, et que Britten ne les a absolument pas unifiés musicalement. Ils sont au contraite très contrastés ! Et pourtant, après des pics tels que St Godric Hymn ou Carol, et l'ultime Death donc, rien ne nous apparaît plus organiquement solidaire que ces huit madrigaux, retournant à la source de la polyphonie en un audacieux langage tonal et modal. Ainsi sont-ils solidement inscrits dans la magnifique tradition chorale britannique.



Du même, le monumental Hymn to St. Cecilia occupe le coeur (c'est bien le mot) du programme. Là, ce sont les mânes de Purcell et Haendel qui sont d'une certaine manière convoquées. Le Saxon adopté par l'Angleterre surtout, qui dans sa féconde et ultime période "oratorienne" a atteint des cimes encore insurpassées dans l'écriture chorale. Ici, et sans accompagnement, le propos de Britten n'est pas de faire aussi grandiose. Très humble, au contraire, très mariale aussi, cette longue antienne eût pu être écrite par le Poulenc des Litanies à la Vierge noire. Avec cette « english touch » indéfinissable et bouleversante : sans pathos, si proche de « When I am laid in earth », la déploration finale de Didon ; dans le chef d'oeuvre éponyme de Purcell.



Le disque, qui partage avec bien d'autres un grand défaut : la brièveté, nous offre encore trois triptyques, qui permettent avec l'ultime Britten de couvrir presque tout le XX° siècle en somme ! D'une part - et c'est un sommet absolu - The Part-Songs d'Edward Elgar ; en miroir total, une cathédrale engloutie dans la simplicité, celle de Frederick Delius et Charles Villiers Stanford (Two unaccompanied Part Songs & The Blue Bird). Pour terminer, l'austère mais attachant recueil Three Shakespeare Songs du grand Ralph Vaughan-Williams. On ne dira que quelques mots de ce dernier ; non qu'il dépare ou déchoie ! Mais ses origines circonstancielles et scolastiques (une épreuve de concours commandée par Gibbs en 1951) n'entravent pas une très grande beauté, que là encore n'aurait pas renié le génie de Poulenc. C'est donc un réel tour de force, qu'on préfère ne pas commenter en laissant le mélomane à la joie de la méditation...



Jetons plus qu'une oreille à l'incroyable prouesse d'Elgar. Sortes de pièces « chorales symphoniques » (au sens où il existe de « l'orgue symphonique »), ces trois morceaux nous viennent pour deux d'entre eux d'Italie, lieu de leur composition. Le troisième, Love's tempest de 1914, s'inspire de la poésie russe (Maikov). Quel que soit le texte d'origine - italien, anglais, russe donc - Elgar signe ici des pages parmi les plus belles de la littérature anglaise pour le choeur. Chaque vers est mis en valeur par une déclamation intense, attentive au verbe ; ce qui nous rapproche de l'univers du Choral de Bach. Les voix féminines sont travaillées de la plus troublante des façons ; et l'on se plaît à découvrir des traitements harmoniques déroutants, au moment même où Debussy travaillait sur son Après-midi d'un Faune. Du symbolisme au hiératisme, il n'y a qu'un pas. On ressort tétanisé de cette grandeur sans emphase, toujours profondément touchante ; recueillie et intériorisée à la manière « parsifalienne ».



N'en ressortent qu'avec davantage de mérite le doublé de Frederick Delius, et le solitaire (au sens de la joaillerie) de Charles Villiers Stanford. Bizarrement, la notice - pourtant pertinente - est totalement muette sur Delius. Ce musicien n'a vraiment pas de chance ! L'un des plus grands de son époque, amoureux de la France qui l'a totalement méprisé ; le voilà omis jusque dans un disque de musique britannique réalisé dans l'Hexagone. Pourtant, et à l'opposé de la solennité d'Elgar, l'auteur de Sea Drift nous livre en un peu plus de quatre minutes deux purs joyaux d'esprit et de joie chorale. Il faut être très attentif au sous-titre : « to be sung on a summer night on the water ». Ce serait si beau d'entendre ces courtes merveilles avant A Song before Sunrise !!! Derrière la douceur et la gaîté (Gaily, but not quick...), l'élément liquide reste un risque : est-ce déjà l'eau libératrice mais mortifère des amants, dans A village Romeo and Juliet ; ou simplement Ophélie, dans Hamlet ?



Stanford fut le maître de Vaughan-Williams. Son inclassable et incomparable « Oiseau Bleu » (Bluebird) clôt ce fascinant parcours. Moins de quatre minutes, là encore, et une céleste apnée qui n'est pas sans évoquer l'Ave verum corpus de Mozart. Comme pour son élève, on ne fera aucun commentaire, qui ne serait que déplacé ; à l'auditeur de se laisser prendre par la main de Marcus Creed, lequel suffit bien à nouer le sortilège. Avec son RIAS Kammerchor, le maître de choeur signe là une réussite totale ; homogène et diversifiée pourtant, elle constitue l'un des plus grands services rendus récemment par le disque à l'inépuisable veine musicale et vocale anglaise. A placer sur le premier rayon, évidemment.




Jacques Duffourg

 

 

 

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