About us / Contact

The Classical Music Network

CD

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

04/08/2002

Henri Rabaud (1873 ~ 1949) : Mârouf, savetier du Caire.



Michel Lecocq (Mârouf) ~ Anne-Marie Blanzat (la Princesse Saamcheddine) ~ Franz Pétri (Le Sultan) ~ François Loup (Le Vizir) ~ Étienne Arnaud (Ali)) ~ Dany Barraud (Fattoumah la Calamiteuse).

Chœurs de l’Opéra de Nantes ~ Orchestre Philharmonique des Pays de la Loire, direction : Jésus Etcheverry. Enregistré en 1976. 2 CD Accord n° 472 142 2.




Dès les premières mesures, l’oreille est subjuguée par ce scintillement : broderie musicale à l’éclat de rosée purpurine. Il était de ce fait urgent qu’un label daignât restituer cet opéra-comique d’un goût exquis. Brillantissime, cet élève de Massenet ! Encore un musicien français qui gît enfoui dans les abysses de l’oubli. Pour d’obscures raisons, cet enregistrement date de 1976 – et ne paraît qu’aujourd’hui. Pour des motifs fort étranges encore, ce grand compositeur, disparu la même année que Strauss et Pfitzner, est un des parents pauvres de nos salles de concert. Pourquoi n’entend-on jamais Églogue, ode pastorale, ou La Procession Nocturne, lumineux poème symphonique ? (Écouter le CD Naxos, collection « Patrimoine », consacré à Rabaud par le barde finnois Leif Segerstam !)


N’épiloguons pas. Lorsque l’on sait le sort réservé à Charles Tournemire, Sylvio Lazzari ou Benjamin Godard, il faut sans hésitation saluer, en ce Printemps qui commence, cette réédition. Et l’on décernera une Baguette d’Or à Jésus Etcheverry, qui défend avec flamme ce joyau – d’autant que la discographie relative à Rabaud est d’une maigreur stupéfiante. Cette onirique ballade orientale démontre l’engouement et l’attrait des compositeurs pour l’exploration des terres étrangères, l’atmosphère spécifique des somptueux Palais des Mille et Une Nuits, ou des Minarets : Rimsky-Korsakov et Ravel avec Shéhérazade, Szymanowski et ses Chants du Muezzin Passionné ; Roberto Gerhard, Georges Bizet (Djamileh, les Adieux de l’Hôtesse Arabe) – et tant d’autres… Ils sont pléthore !


Ici, dépaysement garanti, avec cette comédie légère qui narre les péripéties de l’humble Mârouf, fuyant les brames d’une épouse qui est tout sauf silencieuse ! Pour mieux tomber dans les rets de la belle Princesse Saamcheddine. Délicieuse créature, qui rappelle celle qu’incarna au cinéma Gina Lollobrigida dans Belles de Nuit de René Clair. Pour ce conte féérique à la Sinbad, Rabaud a créé une oraison élégiaque, aux volutes aladinesques inondées de couleurs bleutées – emplies de sinuosités languides à l’érotisme sous-jacent (le duo ambrosiaque de l’Acte IV, entre le Savetier et la Princesse)… Mârouf, ou les mille et un sortilèges d’une orchestration prégnante ! Chœurs, complainte, danse, micro-interludes ondoyants se succèdent, comme autant de séquences cinématographiques animées, avec des jeux sur les timbres (flûte, harpe, intervention fugitive du célesta) de la plus belle eau.


Un authentique parfum d’encens, de myrrhe et d’hysope parcourt la totalité d’une instrumentation capiteuse, qui déverse par trombes des thèmes suaves et irisés. L’orchestre est un modèle de raffinement, traité par Henri Rabaud comme un tulle transparent et voluptueux ; une voile safran. C’est un tapis opalescent sur lequel se posent délicatement les voix - sauf lorsque celles-ci tournoient, planent et s’enlacent au-dessus de lui. Aux commandes de la phalange nantaise, Jésus Etcheverry ; point d’exotisme de pacotille, de folklore en toc, ou encore de pastiche faussement arabisant. Le chef relie Mârouf (1914) à l’esthétique de Padmâvatî de Roussel (1923), refusant la moindre concession à la vogue orientalisante typique de cette période.


Eu égard à l’importance de l’événement, l’on n’aura aucun véritable reproche à formuler à l’encontre des solistes rassemblés ; aucune « vedette » de premier plan, d’ailleurs. Mârouf appelle un baryténor qui pourrait chanter Pelléas, ce que Michel Lecocq, un peu léger, n’est pas exactement (air splendide du premier acte « Il est des musulmanes », influencé par la chanson d’Hylas à l’Acte I des Troyens !). Pour la Princesse, il eût fallu un timbre aurifère convenant aux accents voluptueux et aériens de cette ensorceleuse ; idoine eût été Mireille Delunsch ! Ce qui n’empêche pas Anne-Marie Blanzat de se montrer convaincante, sachant cambrer ses courbes musicales avec une grâce et une poésie infinies.


En mot comme en cent : si le harem vous tente, enfermez-vous immédiatement dans ce caravansérail – et laissez-vous griser, dans ce séjour calme et tranquille, par la douce mélodie qui s’échappe des lèvres carminées de Saamcheddine.


Étienne Müller.

 

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com